[BOUQUINS] Jonas Jonasson – Dernier Gueuleton Avant La Fin Du Monde

Suède, été 2011. Petra, astrophysicienne autodidacte, a calculé que l’apocalypse surviendrait le 7 septembre, peu après 21h20.

Un drôle de hasard met la prophétesse de malheur sur la route de Johan – un homme certes un peu long à la détente, mais qui n’a pas son pareil pour régaler ses hôtes – et d’Agnes, une septuagénaire qui a fait fortune sur les réseaux sociaux en tant que « jeune influenceuse ».

Bien décidés à profiter du temps qu’il leur reste et à régler ce qui doit l’être, les trois compères entament ensemble un road trip en camping-car, au cours duquel ils croiseront les grands de ce monde…

Je considère Gilles Legardinier comme un auteur incontournable de la littérature feel good française – sans non plus vouloir le réduire à cet unique univers littéraire. Pour moi, Jonas Jonasson n’est ni plus ni moins que son équivalent dans la littérature nordique.

Découvert avec Le Vieux Qui Ne Voulait Pas Fêter Son Anniversaire (2012), le coup de foudre a été immédiat. J’ai retrouvé le même grain de folie dans les quatre romans suivants… pas question de rater ce nouveau rendez-vous.

Il serait presque réducteur de qualifier les romans de Jonas Jonasson de littérature feel good, certes ils font du bien au moral et aux zygomatiques, mais l’auteur suédois n’hésite pas à aller au-delà du raisonnable (vraisemblable ?) pour nous entraîner dans un voyage en absurdie (que je fais lorsque je m’ennuie… Ta gueule, Michel !). Et ce trublion nordique sait y faire pour nous embarquer dans ses délires et nous faire oublier notre bon sens et notre rationalité.

Avec ce nouveau roman, Jonas Jonasson va encore plus loin que précédemment, même la morale (parle pour eux… La ferme, Francis !) en prend pour son grade. Pas grave, du moment que l’on se régale et que l’on se marre.

Nous allons donc faire connaissance avec Johan, un personnage « gentil, serviable et d’une intelligence inégale ». Autant appeler un chat un chat, le gars n’a pas la lumière à tous les étages… en revanche il excelle dans le ménage et la cuisine (j’y reviendrai plus tard).

Notre brave Johan va donc rencontrer par hasard – et aussi un peu par accident (à sa décharge conduire un camping-car XXL n’est pas toujours facile… surtout quand on n’a pas de permis et que l’on est incapable de différencier le frein et l’accélérateur) – Petra, astrophysicienne autoproclamée convaincue que le monde n’a plus que quelques jours à vivre. Comme l’Académie des Sciences n’a même pas daigné la recevoir, la scientifique décide d’abréger son attente de l’Apocalypse et de se pendre ! Jusqu’à ce qu’un camping-car percute sa caravane et l’envoie dans le décor.

Plus tard, quand notre chère prophétesse aura renoncé à ses idées suicidaires et après un règlement de compte personnel, notre improbable duo va croiser le chemin (et le hangar à bateaux) de Agnes., une sympathique septuagénaire qui gagne – confortablement – en tant qu’influenceuse d’une vingtaine d’années qui fait le tour du monde – merci Internet, merci Photoshop.

Et voilà notre encore plus improbable trio parti dans un road trip (mais pas que), qui les conduira de la Suède vers l’Allemagne, puis vers la Suisse et l’Italie avant qu’ils ne s’envolent vers l’archipel des Condors (cherchez pas, il n’existe pas).

Un périple qui les amènera à rencontrer de nombreux personnages, dont certains tout aussi improbables qu’eux-mêmes. Johan pourra même se targuer, au cours d’un bref passage à l’ambassade de Suède de Rome, d’avoir échangé avec Barack Obama et Ban Ki-moon… même s’il n’a alors aucune idée de qui sont ces sympathiques gaillards.

Le personnage d’Alexandre Kovaltchuk m’a quant à lui beaucoup intrigué. Proche du pouvoir soviétique puis russe, Jonas Jonasson le présente comme futur président. Sachant que l’intrigue se déroule en 2011, le président russe était alors Dmitri Medvedev (sur le papier, dans les faits c’était bel et bien Vladimir Poutine qui tirait les ficelles du pouvoir) ; de quelle présidence allait donc hériter ce mystérieux Alexander ?

Avec ce roman, non seulement Jonas Jonasson émoustille vos zygomatiques, mais il va aussi titiller vos papilles. Je vous ai dit plus haut que Johan était un excellent cuisinier, je suis en fait loin du compte c’est un véritable chef cuisinier. Au fil de son périple, il va concocter pour ses amis quelques plats qui ne manqueront pas de vous mettre l’eau à la bouche. Pour mitonner ces alléchantes recettes, l’auteur s’est fait aider par Ludwig Tjörnemo (élu Chef de l’année en 2020).

Une fois de plus la sauce a parfaitement pris avec moi. Je referme ce bouquin avec un sourire niais aux lèvres et les yeux pétillants (sans oublier le filet de bave).

[BOUQUINS] Jonas Jonasson – Douce, Douce Vengeance

AU MENU DU JOUR


Titre : Douce, Douce Vengeance
Auteur : Jonas Jonasson
Éditeur : Presses de la Cité
Parution : 2021
Origine : Suède
456 pages

De quoi ça cause ?

Kevin et Jenny ont tous les deux d’excellentes raisons d’en vouloir à Victor Alderheim. Quand ils se rencontrent par hasard c’est le coup de foudre ; aussi quand ils tombent, toujours par hasard, sur la société La Vengeance est douce, fondée et dirigée par Hugo Hamlin, ils sont sûrs d’être à la bonne adresse pour se venger d’Alderheim.

De son côté Hugo est loin d’imaginer qu’en acceptant d’aider Kevin et Jenny il s’engage dans une aventure riche en rebondissements. Quand Ole Mbatian, le père adoptif de Kevin, homme-médecine Masaï de son état, débarque en Suède, les choses vont encore davantage se compliquer…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Jonas Jonasson et que j’ai adoré ses quatre précédents romans. Du 100% feel good totalement assumé qui fait du bien par où ça passe.

Ma Chronique

Avec Gilles Legardinier, Jonas Jonasson fait partie des incontournables de la littérature feel good ; des bouquins qui, avant même que vous ne les ouvriez, sont l’assurance de passer un agréable moment, de se vider la tête tout en se musclant les zygomatiques.

Quand vous ouvrez un roman de Jonas Jonasson vous pouvez vous attendre à une galerie de personnages hors du commun. Et le moins que l’on puisse dire c’est que son dernier opus ne déroge pas à la règle.

Direction le Kenya pour commencer, plus précisément la vallée du Masai Mara, où vous apprendrez comment Ole Mbatian le Jeune succédera à son père et deviendra un homme médecine respecté bien au-delà de son village.

Retour en Suède pour faire connaissance avec Victor Svensson, un arriviste et un égoïste aux idées bien arrêtées (et un tantinet arriérées). Il a de grands projets pour lui – et pour la Suède – mais pour ça il va devoir se faire un nom. Se faire embaucher par Alderheim, un marchand d’art jouissant déjà d’une certaine réputation sur la place est une première marche qu’il gravira sans peine. L’étape suivante consiste à séduire et épouser la fille – un peu cruche – du marchand d’art afin de pouvoir légitimement se targuer d’un patronyme plus honorable que le quelconque Svensson.

Le plan de carrière et de vie tout tracé de Victor va être perturbé par un premier obstacle en la personne de Kevin, son fils illégitime et de surcroît noir ! Action, réaction. Problème réglé peu après les 18 ans du garçon… par un abandon pur et simple du rejeton basané au cœur de la savane du Kenya.

De retour en Suède, Victor peut enfin convoler en justes noces avec Jenny Alderheim. La chance lui sourit enfin, peu après les noces beau-papa est emporté par un cancer. inutile dès lors de s’encombrer d’une épouse dont il ne sait que faire. Le divorce est réglé en deux temps et trois mouvements en contrepartie d’une pension alimentaire ridiculement basse.

La voie royale s’ouvre enfin devant Victor Alderheim, plus rien ne saurait arrêter son inéluctable ascension. Bin oui, mais non… Kevin a eu la mauvaise idée de ne pas se faire bouffer par les lions, il a été et élevé dans la pure tradition masaï par Ole Mbatian. Sauf que l’ultime rituel de passage à l’âge adulte exige une circoncision… Kevin, tenant à l’intégrité de son appendice, s’enfuit et rentre en Suède. Où il va rencontrer – le monde est petit – Jenny, le coup de foudre est immédiat.

Et c’est ainsi que nos deux tourtereaux vont croiser le chemin de Hugo Hamlin, un brillant homme d’affaire à la tête d’une société spécialisée dans la vengeance. Heureuse coïncidence car Kevin et Jenny ont un vieux compte à régler avec Victor Alderheim. Hugo est loin de se douter qu’en acceptant ce contrat, il met le doigt dans un engrenage aussi infernal que burlesque… plus encore quand Ole Mbatian s’invite dans leur petite sauterie vengeresse !

N’allez pas croire que j’ai fondu une durite et que je vous raconte tout le bouquin… Ce n’est que le début d’une aventure aussi improbable que ses acteurs et il fallait bien que je fasse un topo du casting avant d’entrer dans le vif du sujet.

Casting qui serait incomplet si je faisais l’impasse sur Christian Calander, un inspecteur de police qui, à quelques jours de sa retraite, n’aspire qu’à se la couler douce. Jusqu’à ce qu’il croise le chemin d’un certain Ole Mbatian.

Vous l’aurez compris, comme à son habitude Jonas Jonasson excelle dans l’absurde, son intrigue est totalement improbable et déjantée mais on se laisse entraîner sans se poser de question ; on sourit et l’on rit volontiers d’un humour potache totalement assumé.

Mais sous cette apparente légèreté se cache aussi une ode à l’art en général, et tout particulièrement à la peinture. À travers le personnage d’Irma Stern, une artiste sud-africaine bien réelle qui va se retrouver, bien malgré elle, mêlée à l’intrigue du roman de Jonas Jonasson.

L’auteur invite aussi le lecteur à réfléchir à la montée des extrêmes (qu’ils soient politiques ou religieux), à la différence et à la tolérance. Il le fait sans militantisme mais avec beaucoup d’humanité, et c’est, selon moi, la meilleure façon de faire passer ce genre de message.

Drôle et intelligent, ce roman tiendra toutes ses promesses… et plus encore !

MON VERDICT

[BOUQUINS] David Lagercrantz – La Fille Qui Devait Mourir

AU MENU DU JOUR

D. Lagercrantz - La fille qui devait mourir
Titre : La Fille Qui Devait Mourir
Série : Millénium – Livre 6
Auteur : David Lagercrantz
Éditeur : Actes Sud
Parution : 2019
Origine : Suède
320 pages

De quoi ça cause ?

Lisbeth Salander poursuit sa quête de vengeance contre sa sœur, Camilla, mais cette dernière bénéficie de puissants soutiens dans le milieu du crime organisé russe.

Mikael Blomkvist va être emmené à se pencher sur le cas d’un SDF retrouvé mort, la victime avait en effet le numéro de téléphone de Mikael dans une de ses poches ; mais aucun autre indice permettant de l’identifier, sinon un corps profondément marqué par les épreuves.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce qu’il s’agit de l’ultime volet de la trilogie Millénium reprise par David Lagercrantz ; et donc sans doute des ultimes aventures de Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander.

Ma Chronique

Reprendre le flambeau de la saga Millénium après Stieg Larsson était un pari plutôt osé, voire même franchement casse-gueule. Au final David Lagercrantz tire plutôt bien son épingle du jeu en s’appropriant les personnages et en imposant d’entrée de jeu sa griffe plutôt que de chercher à faire un copier-coller du style de Stieg Larsson.

Incontestablement le style de David Lagercrantz est beaucoup plus direct que celui de Stieg Larsson, de fait l’écriture perd une partie de son charme, en contrepartie le lecteur pourra se consoler par un rythme plus soutenu.

Comme depuis les débuts de la saga, les thèmes abordés collent à l’actualité du moment (avec notamment les fameuses usines à trolls russes), force est toutefois de reconnaître qu’ils sont traités de façons plus superficielles qu’à l’accoutumée ; à croire que l’auteur a voulu tout miser sur son intrigue pour clore sa trilogie.

Une intrigue qui se jouera sur deux tableaux, avec d’un côté Lisbeth qui prépare son ultime confrontation avec sa sœur et ses sbires, et de l’autre Mikael qui cherche à percer les secrets d’un SDF retrouvé mort. Deux arcs narratifs distincts qui n’empêcheront pas Lisbeth et Mikael de se croiser… pas toujours dans les meilleures conditions !

Si la partie de l’intrigue autour de Lisbeth est de loin la plus mouvementée, ce n’est pas pour autant la plus captivante. J’ai trouvé l’enquête et l’intrigue autour du SDF décédé était travaillée beaucoup plus en profondeur ; d’autant que ses implications s’avéreront bien plus complexes que Mikael pouvait le supposer.

À vrai dire j’ai parfois eu l’impression que Lisbeth tenait plus du Terminator indestructible que de l’être humain (surtout dans la phase finale de l’affrontement avec sa sœur). Ce côté un tantinet too much m’a davantage amusé que réellement dérangé.

Outre Lisbeth et Mikael, les habitués de la saga retrouveront avec plaisir un bon nombre de personnages déjà croisés dans les précédents romans, qu’il s’agisse de la trilogie de Stieg Larsson ou de celle de David Lagercrantz. Bien entendu le présent roman nous offre aussi son lot de nouveaux personnages, plus ou moins impliqués dans le déroulé des événements.

Si cet ultime opus est incontestablement efficace, un peu plus d’éclat eut été le bienvenu afin de nous offrir un bouquet final en apothéose. Ce qui ne m’a nullement empêché de le dévorer en deux petites journées.

Je conçois volontiers que les inconditionnels de Stieg Larsson puissent voir d’un mauvais œil le fait que David Lagercrantz ait repris le flambeau Millénium, pour ma part, et loin de toute polémique stérile autour des droits des uns et des autres, je pense que cette trilogie a le mérite de boucler la boucle.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Niklas Natt och Dag – 1793

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N. Natt och Dag - 1793
Titre : 1793
Auteur : Niklas Natt och Dag
Éditeur : Sonatine
Parution : 2019
Origine : Suède (2017)
448 pages

De quoi ça cause ?

Automne 1793. Mickel Cardell, vétéran de guerre revenu du front avec un bras en moins, extrait des eaux boueuses d’un lac de Stockholm un cadavre atrocement mutilé.

L’enquête est confiée à Cecil Winge, un homme de loi réputé pour sa droiture atteint d’une tuberculose au stade terminal. Pour espérer mener à bien son enquête, il va devoir convaincre Mickel Cardell de lui prêter main-forte…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Est-ce encore besoin de poser cette question quand l’éditeur est Sonatine ? Tout simplement parce qu’il le vaut bien comme dirait l’autre…

Parce que ce roman illustre parfaitement la richesse et la diversité du catalogue de l’éditeur. Certes c’est un polar, genre de prédilection de Sonatine, mais un polar qui vous invite à découvrir la Suède en cette fin de XVIIIe siècle…

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Sonatine et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Si vous me dites « littérature nordique », je pense instinctivement littérature policière (incluant les romans noirs et les thrillers) ; je sais que c’est plutôt réducteur, d’autant que j’ai lu des auteurs scandinaves qui ne font dans le polar (je pense notamment à Jonas Jonasson et Fredrik Backman, qui sont plus habitués à jouer avec nos zygomatiques qu’avec nos nerfs)… mais c’est comme ça, on va dire que c’est l’effet Millénium (loin de moi l’idée de prétendre que Stieg Larson a été un précurseur du polar nordique).

Je ne sais pas vous, mais personnellement j’aurai été bien incapable de vous faire un topo, même sommaire, sur le contexte historique de la Suède en 1793. Un choix qui ne doit pourtant rien au hasard comme nous l’explique Niklas Natt och Dag dans sa postface (et comme nous le constaterons à la lecture du roman).

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je ne peux que m’incliner devant le monumental travail de documentation que doit demander la rédaction d’un roman historique, il faut à la fois rester fidèle à l’Histoire et accepter de prendre quelques libertés avec la réalité afin de coller aux besoins de la fiction. A ce titre l’auteur tire formidablement son épingle du jeu, en combinant des personnages et des faits ayant existé et d’autres, issus de son imagination ; dès les premières pages, on est en totale immersion dans le Stockholm au crépuscule du XVIIIe siècle.

Malgré la présence d’une carte (très belle, soit dit en passant) de Stockholm au début du roman, il faut un peu de temps pour prendre ses marques (il faut dire que les différents quartiers de la ville portent des noms à coucher dehors pour le lecteur non scandinave). Cela ne nuit en rien au plaisir de la lecture, il n’est d’ailleurs pas indispensable de chercher à se repérer pour apprécier pleinement ce bouquin.

Une intrigue portée par deux enquêteurs que tout oppose, mais qui s’avéreront complémentaires (une recette qui a maintes fois prouvé son efficacité) ; Mickel Cardell se laisse guider par la force et l’instinct alors que chez Cecil Winge est plutôt commandé par l’esprit et la réflexion. Deux fortes personnalités qui se dévoileront et s’affirmeront au fil des chapitres.

D’autres personnages sont appelés à jouer un rôle essentiel dans la résolution de l’énigme à laquelle sont confrontés Winge et Cardell ; toutefois je préfère ne pas approfondir ce sujet. Le plaisir de la découverte n’en sera que plus grand (même si parfois éprouvant).

L’intrigue est parfaitement maîtrisée par l’auteur, il mène le lecteur là où il veut le mener et au rythme qu’il a choisi de lui imposer. Le roman s’articule en quatre parties, la dernière étant la suite directe de la première ; les deux autres étant des flashbacks dont le rapport avec l’enquête ne saute pas tout de suite aux yeux… Laissez vous guider par Niklas Natt och Dag, la traversée sera parfois houleuse, mais rien n’est laissé au hasard.

Un voyage dans le temps et dans l’espace fortement teinté de noir (pour l’ambiance générale du récit) et de rouge (pour le sang versé). Forcément on n’en sort pas totalement indemne, ça secoue un peu, mais il faut bien se l’avouer, c’est ce que nous recherchons avec ce genre de roman.

Pour l’auteur le challenge (loin d’être gagné d’avance pour un lecteur un tantinet hermétique à l’Histoire comme moi) est remporté haut la main. Immersion totale dans l’intrigue, j’ai rarement autant regretté de ne pas avoir plus de temps libre à consacrer à une lecture.

Un coup double (coup de cœur et coup de poing) amplement mérité !

MON VERDICT
Coup double

[BOUQUINS] Anders Roslund & Börge Hellström – 3 Secondes

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Roslund & Hellström - 3 Secondes
Titre : 3 Secondes
Auteurs : Ander Roslund & Börge Hellström
Éditeur : Mazarine / Fayard
Parution : 2019
Origine : Suède (2009)
592 pages

De quoi ça cause ?

Piet Hoffmann mène une double vie. Le bon mari et bon père de famille est aussi un infiltré au sein d’une puissante organisation criminelle polonaise qui souhaite étendre son activité en Suède en prenant le contrôle du trafic de drogue en milieu pénitentiaire.

Lorsqu’une opération de routine se solde par une exécution dans un appartement au cœur de Stocklom, le détective Ewert Grens est bien déterminé à résoudre cette affaire. Au risque de faire voler en éclat la couverture de Piet Hoffmann alors qu’il prépare une ultime opération potentiellement décisive dans la lutte contre le crime organisé…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que le duo Roslung et Hellström est souvent présenté comme la relève de Stieg Larsson, l’auteur de la trilogie Millénium. Qui plus est il semblerait que cette trilogie, 3 Secondes, 3 Minutes , 3 Heures ait connu un énorme succès en Scandinavie et au-delà.

Les éditions Fayard et Net Galley ayant donné une suite favorable à ma demande, je vais pouvoir me faire ma propre idée sur la chose…

Ma Chronique

Je remercie les éditions Fayard et la plate-forme Net Galley qui ont répondu favorablement à ma sollicitation.

Et on va commencer par crever l’abcès en pointant tout de suite le plus gros défaut de ce roman, à savoir sa quatrième de couverture qui est beaucoup trop bavarde. En quelques lignes on nous dévoile plus de la moitié du bouquin ! Un tel amateurisme (sans parler du manque de respect pour les lecteurs) est indigne d’un éditeur comme Fayard.

C’est d’autant plus regrettable que, à l’instar de Stieg Larsson avec son premier tome de la trilogie Millénium, les auteurs prennent leur temps pour mettre en place le contexte et ses enjeux. Et vlan, tout l’effet recherché est balayé en l’espace de quelques lignes mal pensées (pour rester poli).

Anders Roslund et Börge Hellström apportent effectivement beaucoup de soin à la mise en place de leur intrigue, une lenteur assumée qui aurait pu nuire au plaisir du lecteur, mais il n’en est rien ; au fil des chapitres on a pleinement conscience de l’importance des enjeux et donc de la nécessité de déplacer ses pions avec prudence, sans précipitation.

La montée en puissance se fait progressivement jusqu’au changement radical de rythme à partir du moment où Piet Hoffmann est incarcéré (incarcération qui donne le coup d’envoi de l’opération qu’il a monté avec son agent de liaison) ; il faut dire que la mécanique, d’apparence parfaitement huilée, va rapidement s’enrayer et échapper à tout contrôle. Et Piet Hoffmann se retrouver seul contre tous…

Le lecteur, qui jusqu’alors parcourait tranquillement ce roman, page après page, se retrouve totalement happé par ce changement de rythme, partagé entre l’envie de tourner frénétiquement les pages afin de savoir comment tout ça va se terminer, et celle de profiter pleinement de chaque passage, faisant fi, tant bien que mal, des brusques montées d’adrénaline qui ne manqueront pas de l’assaillir !

Il leur était déjà arrivé de griller des informateurs. Nous ne savons pas qui il est. De laisser tomber des infiltrés, lorsque les questions commençaient à pleuvoir. On ne travaille pas avec des criminels. De regarder ailleurs quand la chasse était lancée et que l’organisation criminelle infiltrée réglait les choses à sa manière.
Mais jamais dans une prison, jamais dans un lieu clos et sans issue.

Ce premier opus a été publié en 2009 en Suède, et, fort de son succès, traduit en plusieurs langues. Il aura quand même fallu attendre 10 ans pour que le public francophone puisse enfin bénéficier d’une traduction. C’est long, mais franchement ça valait le coup d’attendre !

D’un autre côté cette attente ne présente pas que des inconvénients, les deux prochains opus, 3 Minutes et 3 Heures sont en effet respectivement annoncés pour mars et mai 2019. Le public suédois aura dû attendre 2016 (Tre Minuter), puis 2018 (Tre Timmar écrit sans Börge Hellström, décédé en 2017), pour avoir le fin mot de l’histoire…

J’ai découvert le duo Roslund & Hellström avec ce roman, mais ils sont loin d’être des novices du genre ; ils ont notamment à leur actif quatre romans faisant intervenir Ewert Grens et son équipe. Si leur enquêteur fétiche n’est pas le personnage central de 3 Secondes, il n’en reste pas moins un intervenant majeur (parfois presque à l’insu de son plein gré) dans le déroulé de l’intrigue.

Quel étrange spécimen ce Ewert Grens… Certes il doit composer avec les fantômes de son passé, mais c’est un peu facile de se planquer derrière eux pour justifier ses brusques poussées de colère et un comportement qui flirte parfois avec l’irrationnel. Le gars n’a pas que des défauts, c’est notamment un enquêteur tenace qui ne lâche pas le morceau avant d’être certain de n’avoir négligé aucune piste (et dans la présente enquête, il a largement de quoi se triturer les neurones). Il n’en reste pas moins que je n’ai pas du tout accroché au personnage (sauf peut-être en ce qui concerne son côté asocial, allez savoir pourquoi).

Ce n’est toutefois le plus méprisable des individus que vous croiserez dans ce roman. Que les criminels soient des ordures n’étonnera personne, après tout ils sont payés pour ça, difficile de leur reprocher de faire leur job dans ces conditions. Les pires spécimens en l’occurrence sont plutôt les ronds de cuir qui retournent leur veste selon le sens du vent, n’hésitant pas à sacrifier les autres du moment que cela serve ou protège leurs intérêts.

Heureusement en face de tout ce beau monde Piet Hoffmann ne manque pas de ressources quand il s’agit d’assurer ses arrières ou d’évoluer en terrain hostile. Et Dieu sait que les auteurs ne manqueront pas de lui en faire voir de toutes les couleurs.

Malgré un démarrage un peu poussif, j’ai été plus que convaincu par ce bouquin. Un thriller aussi haletant que captivant, mené de mains de maître. Une mise en bouche plus que prometteuse, il me tarde découvrir la suite…

Fort du succès du roman, une adaptation pour le cinéma devrait voir le jour en août 2019 ; la chose s’appellera The Informer et sera réalisée par Andrea Di Stefano. C’est Joel Kinnaman qui interprétera le rôle de Piet Hoffmann… rebaptisé pour l’occasion Pete Koslow, américanisation du scénario oblige. Pas sûr que ce soit du meilleur augure quand on voit ce que Hollywood a fait de Millénium.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Jonas Jonasson – Le Vieux Qui Voulait Sauver Le Monde

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J. Jonasson - Le Vieux Qui Voulait Sauver Le Monde

Titre : Le Vieux Qui Voulait Sauver Le Monde
Auteur : Jonas Jonasson
Éditeur : Presses de la Cité
Parution : 2018
Origine : Suède
504 pages

De quoi ça cause ?

Allan et Julius coulent des jours heureux, mais un peu trop tranquilles à leur goût, sur l’île de Bali.

À l’occasion du cent-unième anniversaire de son ami, Julius décide de lui offrir un vol en montgolfière. Les deux amis embarquent et, par un malheureux concours de circonstances, s’envolent à bord du ballon en oubliant d’embarquer le pilote (et accessoirement de régler la note de leur hôtel de luxe).

Ainsi débute une nouvelle odyssée qui mènera nos deux compères à la rencontre des grands de ce monde…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que les romans de Jonas Jonasson font partie de ces rendez-vous feel good qui font du bien par où ils passent.

C’est aussi l’occasion de retrouver Allan Karlsson, Le Vieux Qui Ne Voulait Pas Fêter Son Anniversaire, pour un nouveau périple international qui s’annonce haut en couleur…

Ma chronique

Comme l’explique Jonas Jonasson dans sa préface, il n’avait pas prévu de lancer son Vieux dans de nouvelles aventures, mais avec des individus comme Donald Trump, Vladimir Poutine ou encore Kim Jong-un aux commandes de notre pauvre monde, un retour en force d’Allan Karlsson s’est imposé comme une évidence.

Du haut de ses 101 ans, Allan Karlsson a le don de se fourrer dans les pires pétrins et d’y entraîner ses complices du moment, tout comme il a le don pour foutre les deux pieds dans le plat dans les pires moments… Bref notre Monsieur Catastrophe suédois reste égal à lui même et ne perd pas une occasion de dire tout haut ce qu’il pense (surtout quand il s’agit de s’adresser aux grands de ce monde).

Un périple qui mènera notre vieux préféré de l’Indonésie à la Tanzanie, en passant notamment par la Corée du Nord et les États-Unis, pour le plus grand déplaisir de Kim Jong-un et de Donald Trump. L’occasion pour l’auteur de dézinguer ces deux fanfarons de la scène internationale, mais aussi de pointer du doigt le rôle d’agitateur de l’ombre de Vladimir Poutine.

Tous les grands de ce monde n’auront pas le droit à un portrait à charge (même si c’est là que c’est le plus marrant), ainsi Angela Merkel, apparaît comme une personne posée avec qui il est possible de discuter aimablement.

Si ça peut vous rassurer il n’y a pas que les grands de ce monde que Allan Karlsson parvient à horripiler au plus haut point, il s’attirera notamment les foudres d’un nazillon pas très futé, mais bien déterminé à lui faire la peau.

Heureusement (enfin, ça dépend pour qui) il fera aussi des rencontres plus amicales… Je serai tenté de dire que sa rencontre la plus marquante est aussi celle qui sera le moins à même de se plaindre : son iPad ! Cette tablette qui lui permet de suivre quasiment en temps réel les déboires de notre triste monde.

Jonas Jonasson reprend plus ou moins les mêmes ficelles qu’il avait précédemment éprouvées avec Le Vieux Qui Ne Voulait Pas Fêter Son Anniversaire ; si l’effet de surprise est moindre, le résultat est toujours agréable à lire. Vous allez rire et sourire en suivant le périple complètement loufoque de ce brave Allan Karlsson et de ses amis. Ça fait du bien aux zygomatiques, idéal pour se détendre et oublier, le temps d’une lecture, tous les petits (et gros) tracas du quotidien.

En refermant ce bouquin, la culture de l’asperge n’aura plus aucun secret pour vous… quoique, j’ai comme un léger doute sur la question.

Je serai tenté de dire rendez-vous pour le cent-deuxième anniversaire d’Allan, mais je suppose que son auteur préférera lui accorder un repos bien mérité afin de passer à autre chose…

MON VERDICT

[BOUQUINS] David Lagercrantz – La Fille Qui Rendait Coup Pour Coup

AU MENU DU JOUR

D. Lagercrantz - Millénium 5

Titre : Millénium 5 – La Fille Qui Rendait Coup Pour Coup
Auteur : David Lagercrantz
Editeur : Actes Sud
Parution : 2017
Origine : Suéde
448 pages

De quoi ça cause ?

En prison Lisbeth Salander est une détenue modèle qui s’occupe en résolvant des équations de mécanique quantique. Une visite de son ancien tuteur et ami, Holger Palgrem, va relancer sa curiosité à propos de son enfance. Dans le même temps, elle décide de protéger Faria Kazi, une détenue devenue le souffre-douleur d’une chef de gang aussi sadique que perverse…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Millénium tout simplement, et que quoi qu’on en dise, même si David Lagercrantz n’est pas Stieg Larsson, il a brillamment repris le flambeau en s’appropriant des personnages pourtant complexes.

Ma chronique

Je vais commencer cette chronique en poussant une gueulante contre la politique marketing des éditions Actes Sud (maison dont j’apprécie la richesse et la variété de son catalogue) : qu’est-ce que c’est cette couv’ de merde ? Ce n’est plus du racolage à ce point, on frôle l’outrage ! En plus d’être ignominieusement racoleuse, elle n’a strictement rien à voir avec l’intrigue du roman. Carton rouge pour cette bassesse qui schlingue le choix marketing douteux !

Voilà ça c’est fait… Passons aux choses sérieuses et entrons dans le vif du sujet.

De nouveau c’est Lisbeth Salander qui est au centre de l’intrigue, il faut dire que c’est le personnage le plus complexe de la saga et qu’il reste encore bien des zones d’ombres autour de son passé. Ceci dit elle pourra toujours compter sur le soutien et l’aide de Mikael Blomkvist.

D’autres personnages déjà croisés auront un rôle plus ou moins important à jouer dans l’évolution de l’intrigue. Et bien entendu le roman vous réserve son lot de nouveaux venus, des individus plus ou moins sympathiques, voire franchement antipathiques (j’ai pour ma part pris beaucoup de plaisir à détester Rakel Greitz).

David Lagercrantz n’essaye pas de faire du Steig Larsson, son style reste direct et sans fioriture. Un style parfaitement adapté à la lecture d’un thriller, mais qui ôte à Millénium la griffe stylistique imposée par son créateur.

Le même grief pourrait s’appliquer au traitement de l’intrigue, globalement ça reste relativement classique, pas tant dans l’histoire en elle même, mais plutôt dans son déroulé. Faute de brouiller les pistes, on arrive souvent à deviner l’issue de telle ou telle composante de l’intrigue avant Lisbeth et Mikael.

Malgré ces bémols, qui touchent davantage la forme que le fond, j’ai passé un très agréable moment en lisant ce cinquième opus de la saga Millénium. Il va sans dire que je serai fidèle au poste pour la sortie du sixième et dernier (?) tome de la série.

A travers l’histoire de Faria Kazi l’auteur aborde la question de la radicalisation de certains musulmans et notamment de ses conséquences, non seulement sur nos sociétés occidentales, mais aussi et surtout au sein des familles qui subissent cette situation. Plus largement se pose aussi la question de la place de la femme de ces milieux intégristes.

L’enquête de Lisbeth et Mikael, de même que l’histoire de Léo et Dan, soulèvent quant à elles la problématique de l’éthique en matière de recherches scientifiques. Jusqu’où peut-on aller au nom du progrès scientifique ?

Si Stieg Larsson jouait sur ses ambiances, David Lagercrantz mise davantage sur le rythme. Outre une écriture plus directe, il sait aussi imposer une intrigue nerveuse et tendue. Si parfois l’ensemble paraît décélérer, ce n’est que pour mieux redémarrer et aller encore plus loin. A cette fin, il se fait moins didactique que dans le précédent opus, et ce n’est pas moi qui irai m’en plaindre !

MON VERDICT

[BOUQUINS] Mats Strandberg – Le Ferry

AU MENU DU JOUR

M.. Strandberg - Le Ferry

Titre : Le Ferry
Auteur : Mats Strandberg
Editeur : Bragelonne
Parution : 2017
Origine : Suède (2015)

De quoi ça cause ?

Le Baltic Charisma est un ferry qui assure régulièrement la liaison entre la Suède et la Finlande, une traversée de 24 heures, dont une nuit au cours de laquelle de nombreux passagers se permettent quasiment tous les excès. Mais cette nuit-là, la croisière va se transformer en cauchemar pour les mille deux cent passagers du ferry…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

La couv’ : ce couloir ensanglanté m’est instantanément apparu prometteur.

L’accroche : « La vague de terreur qui a balayé la Suède »
Je sais que parfois (souvent) c’est un piège à con ce truc, mais il n’empêche que ça fait encore son effet (ça doit être truc subliminal).

La quatrième de couv’ : une fois n’est pas coutume, elle est d’une remarquable sobriété.
Le mystère reste entier quant à la menace qui plane sur le ferry et ses passagers.

Ma chronique

Au vu de la couv’ sanguinolente et de la sobriété (bienvenue) de la quatrième, il me tardait de découvrir ce qui allait transformer une croisière plutôt routinière en un véritable bain de sang. Toutes les options restaient envisageables : tueur en série, terroristes, virus, bestiole(s) pas sympa(s) et affamée(s) ou tout autre genre de monstruosité. Pour ma part j’ai compris ce à quoi l’on aurait à faire dès la première rencontre avec ces « deux passagers comme il n’en est encore jamais monté à bord sont présents« .

Chroniquer ce bouquin a quelque chose de frustrant, il ne faut surtout pas se montrer trop loquace, au risque de lever le voile sur ce mystère. Et du coup ça va m’obliger à faire court…

Le roman se décline sous la forme de chapitres POV (Poinf of View). Chaque chapitre nous fait vivre l’intrigue du point de vue d’un personnage. Une forme narrative popularisée par la saga Le Trône De Fer de George R.R. Martin.

Les personnages sont nombreux, il faut le temps de se familiariser avec chacun histoire de les recadrer aisément. Mats Strandberg prend justement le soin de faire monter la pression lentement, de fait le lecteur n’est jamais embrouillé à se demander qui est qui ou qui fait quoi.

Je ne vais pas m’appesantir sur chacun, disons simplement qu’il y en a des sympathiques, des moins sympathiques et des franchement méprisables. Mais le plus souvent nul n’est tout blanc ou tout noir, un peu comme dans la vraie vie en fait.
J’ai un un faible pour Albin et Lo (même si au départ elle est un peu tête à claques, une ado quoi !), deux enfants confrontés à un monde d’adultes qui se délitait déjà avant même que les choses ne virent au cauchemar.

Comme indiqué plus haut, l’auteur opte pour un rythme de diesel. Il prend le temps de poser son cadre et ses personnages avant de répandre çà et là quelques gouttes d’hémoglobine. Loin d’être ennuyeuse, cette relative lenteur tendrait plutôt à faire monter l’angoisse, on attend avec une certaine appréhension le moment où la machine va s’emballer et où tout va aller de mal en pis. Parce qu’inévitablement, la situation ne peut que dégénérer et empirer.
Et effectivement quand la situation devient ingérable l’auteur change radicalement de rythme. Le bouquin devient hautement addictif, plus moyen de le lâcher avant de connaître le fin mot de l’histoire.

Un roman à réserver aux lecteurs qui ont le coeur bien accroché, l’hémoglobine coule à flots et l’auteur ne lésine pas sur certaines descriptions ; tout ce qu’il faut pour faire un bon récit horrifique à huis clos, les amateurs du genre apprécieront… les autres passeront leur chemin… ou vomiront leur quatre-heures et leur minuit aussi (merci à Renaud, à qui j’emprunte sans vergogne cette expression).

Un petit bémol pour finir, sur la forme davantage que sur le fond. J’ai parfois rencontré quelques lourdeurs dans le style et une typographie un peu anarchique. Je ne sais pas si la faute en incombe à l’auteur ou à la traductrice. Rien de franchement rédhibitoire, mais suffisant pour faire tiquer le maniaque que je suis.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Jonas Jonasson – L’Assassin Qui Rêvait D’Une Place Au Paradis

J. Jonasson - L'assassin qui rêvait d'une place au paradisUne lecture façon Feel Good pour changer un peu de mes mondes de brutes sanguinaires. Une escapade en compagnie de Jonas Jonasson, un habitué de genre, et son dernier opus L’Assassin Qui Rêvait D’Une Place Au Paradis.
Dédè le Meurtrier, un assassin qui vient de purger 30 ans de prison, s’associe avec Per Persson, un standardiste fauché et plein de rancoeur, et Johanna Kjellander, une pasteure athée et défroquée, dans un entreprise de punitions corporelles. Tout se passe pour le mieux jusqu’à ce que le Dédé découvre la Bible et les vertus de la non violence…
Après un vieux râleur fugueur et une analphabète pour qui les chiffres n’ont aucun secret, Jonas Jonasson nous offre un assassin repenti pas vraiment futé et très porté sur le sang du Christ. Si vous avez lu les deux précédents roman de l’auteur vous savez d’ores et déjà que vous embarquez pour un voyage en absurdie où tout est possible… même (surtout serait un terme plus approprié) le plus improbable et le plus invraisemblable.
Le trio composé de Dédé, Per et Johanna fonctionne plutôt bien. D’une part du fait de l’incommensurable bêtise de l’assassin (mais ne le lui répétez pas, il pourrait mal le prendre), mais aussi et surtout grâce à l’absence totale de morale et de scrupules du réceptionniste et de la pasteure ! Ils ne connaissent aucune limite quand il s’agit de trouver des idées tordues pour se faire un max de fric en un minimum de temps et avec le moins d’efforts possibles… quitte à abuser de la niaiserie de leur complice.
Une lecture agréable mais sans plus d’enthousiasme que ça, je n’ai pas retrouvé le même plaisir que j’avais eu en lisant les deux précédents romans. Les sourires sont bien au rendez-vous mais ils sont discrets, ne vous attendez pas à rire aux larmes vous seriez déçus. Le récit est burlesque mais moins déjanté que les précédents, à force de vouloir en faire trop dans la redondance ça finit par lasser.
Un roman de 480 pages qui gagnerait à n’en faire que 400, par moments on a l’impression que l’auteur tire sur ses ficelles jusqu’à l’extrême limite du point de rupture. Point de rupture pour ma part mais quelques soupirs désabusés. Peut être que j’attendais trop de ce bouquin…

MON VERDICT
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[BOUQUINS] Fredrik Backman – Ma Grand-Mère Vous Passe Le Bonjour

F. Backman - Ma grand-mère vous passe le bonjourUn peu de légèreté pour reposer les neurones et apaiser les tensions. C’est exactement ce qu’il me faut en ce moment et je compte bien sur Fredrik Backman pour se faire, avec son dernier roman, Ma Grand-Mère Vous Passe Le Bonjour.
Elsa, 7 ans, presque 8, est une enfant solitaire qui partage une grande complicité avec sa grand-mère, prête à toutes les excentricités pour rendre sa petite fille heureuse. Juste avant que la vieille dame ne décède, vaincue par le cancer, elle propose à Elsa de participer à une chasse au trésor de son cru. A la recherche des indices éparpillés ça et là par sa grand-mère, Elsa va faire son deuil et en apprendre plus sur mamie… et ses voisins.
Avec ce second roman, Fredrik Backman ne fait que me conforter dans l’opinion que j’avais de lui : il est à la littérature suédoise ce que Gilles Legardinier est à la littérature française, un champion toute catégorie de la littérature feel good. Ses romans nous mettent du baume au coeur et jouent avec toute la gamme des émotions ; on passe du rire aux larmes. Heureusement on rit plus souvent qu’on ne verse une larmiche émue !
Bien qu’écrit à la troisième personne l’auteur nous fait vivre le récit à travers les mots et les émotions d’Elsa, je tiens à saluer le travail de Laurence Mennerich, la traductrice, l’effet est bluffant, une totale réussite !
Nul doute que cette petite Elsa restera longtemps dans votre tête, même après avoir refermé (à regrets) le bouquin. Une gamine de 7 ans, presque 8, d’une intelligence et d’une maturité remarquables pour son âge, solitaire car les enfants de son âge ne la comprennent pas (au contraire ils la prennent comme souffre douleur). Elle n’en finira pas de vous surprendre.
Puis il y a la fameuse mamie, comme on aurait aimé la connaître plus longtemps. Pour sa petite fille elle a inventé tout un univers de contes de fées… Une univers pourtant pas si fictionnel que cela comme le découvrira Elsa au cours de sa chasse au trésor ! Encore une brillante idée de l’auteur mais je n’en dirai pas plus afin de ne pas gâcher la surprise.
Les autres personnages sont les habitants de l’immeuble. Ulrica la maman d’Elsa, enceinte d’un futur petit frère ou d’une future petite soeur, la Moitié. George le beau-père que tout le monde apprécie sauf Elsa, sans être méchante avec lui elle joue la carte de l’indifférence. Chacun des voisins mériterait que j’en dise quelques mots mais là encore je préfère laisser intact le plaisir de la découverte pour les futurs lecteurs.
Un bouquin qu’il fait bon lire, qui vous redonne même foi en l’humanité. Un récit qui aborde des thèmes sérieux avec légèreté mais intelligence, sans une once de mièvrerie. Vivement que le roman suivant de l’auteur soit traduit en français ! D’autant que, au vu du titre, il n’est pas impossible que l’on retrouve un personnage déjà croisé dans ces pages.

MON VERDICT
jd5Coup de Coeur

Une citation qui s’applique particulièrement bien à la sombre actualité du moment : « C’est comme ça qu’on tient tête aux salauds qui nous disent ce qu’on a le foutu droit de faire ou pas. En foutant ce qu’on veut. »
Vous nous avez fait tanguer mais nous ne sombrerons pas. Vous mordrez la poussière avant nous ! Vous disparaîtrez avant nous !