[BOUQUINS] Aidan Truhen – Sept Démons

AU MENU DU JOUR


Titre : Sept Démons
Série : Jack Price – Livre 2
Auteur : Aidan Truhen
Éditeur : Sonatine
Parution : 2023
Origine : Angleterre (2021)
352 pages

De quoi ça cause ?

Jack Price est désormais à la tête des Sept Démons, une redoutable organisation criminelle internationale. Les temps sont durs et les Démons s’ennuient, Jack va alors accepter un contrat totalement inédit pour eux : braquer une banque suisse réputée inviolable.

Dès leur arrivée en Suisse les choses ne vont pas se dérouler exactement comme prévu, mais il faut plus que ça pour déstabiliser Jack et ses Démons…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que j’avais été totalement emballé par le précédent roman de l’auteur, Allez Tous Vous Faire Foutre, un titre et une couverture qui ne pouvaient qu’attiser ma curiosité. Je n’allais donc pas passer à côté du grand retour de Jack Price.

Ma Chronique

Depuis la sortie du roman Allez Tous Vous Faire Foutre, le voile s’est levé sur la véritable identité de son auteur, Aidan Truhen. Il s’agit en fait de Nicholas Cornwell, fils de John Le Carré, un des grands maîtres de la littérature d’espionnage. Le petit Nicholas est surtout connu sous le nom de plume de Nick Harkaway, auteur de science-fiction et de fantasy.

On ne change pas une recette gagnante, de fait d’entrée de jeu vous retrouvez le ton du précèdent roman. Un récit à la première personne et au présent avec un style et une ponctuation plutôt minimaliste. Pas gênant outre mesure sauf quand Jack Price se lance dans de longues tirades, on perd souvent le fil d’autant que sa logorrhée verbale n’a bien souvent ni queue ni tête.

Je serai tenté de dire que la surenchère semble être le crédo de ce second opus. L’intrigue est plus invraisemblable que jamais, à tel point que parfois on bascule carrément dans le burlesque… déjanté et barré sont des concepts qui font mouche chez moi, mais trop c’est trop.

Avoir lu Allez Tous Vous Faire Foutre avant de se lancer dans cette « suite » n’est pas franchement impératif, mais ça aide toutefois à mieux cerner les personnages et certaines situations.

Dans l’ensemble les lecteurs du précédent roman ne seront pas totalement dépaysés, ça reste délicieusement politiquement incorrect, complétement barré, totalement amoral avec un soupçon de cynisme, le tout largement dopé à l’humour noir. C’est triste à dire mais j’en serai presque réduit à affirmer que la forme sauve le fond.

Dire que je me suis fait chier à lire ce bouquin serait un mensonge, j’ai passé un moment de lecture sympathique mais j’en attendais tellement plus que je ne peux m’empêcher de rester sur un sentiment mitigé (malgré quelques trouvailles des plus originales).

Ne souhaitant pas dézinguer le bouquin, parce qu’il ne le mérite pas, mais ne pouvant m’épancher dessus pour la même raison, j’opte donc pour la concision.

MON VERDICT

[BOUQUINS] R.J. Ellory – Une Saison Pour Les Ombres

AU MENU DU JOUR


Titre : Une Saison pour Les Ombres
Auteur : R.J. Ellory
Éditeur : Sonatine
Parution : 2023
Origine : Angleterre (2022)
408 pages

De quoi ça cause ?

Jack Devereaux, installé à Montréal depuis des années, espérait avoir définitivement tiré un trait sur son passé et Jasperville, la ville où il a grandi. Un trou paumé au fin fond du grand nord québécois qui ne lui rappelle pas que des bons souvenirs.

Son frère cadet, qu’il n’a pas revu depuis vingt-six ans, est emprisonné une violente agression. Sa victime est entre la vie et la mort. L’officier en poste à Jasperville aimerait que Jack l’aide à comprendre ce qui a pu se passer. Impossible de refuser, Jack va devoir retourner à Jasperville… et affronter son passé.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que le duo Sonatine et R.J. Ellory est l’assurance de passer un bon – voire un très bon – moment de lecture.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

C’est pour relever un challenge lancé par ses éditeurs anglais (Orion Books) et français (Sonatine) que R.J. Ellory situe l’intrigue de son nouveau roman au Canada, et plus exactement dans la belle province de Québec.

Oubliez les décors de cartes postales, Jasperville est une ville minière située dans le Grand Nord québécois. Accessible uniquement en train (quand les rails ne sont pas gelés), l’hiver dure huit mois, huit mois de températures glaciales que les rares et timides rayons de soleil ne parviennent à réchauffer. Oubliez aussi vos smartphones et l’idée de vous connecter à Internet, seul le téléphone filaire fonctionne… parfois. Le genre de bled où à peine arrivé tu as déjà envie de prendre les jambes à ton cou et de filer… en revanche évitez la forêt, vous pourriez y croiser une meute de loups ou un ours.

Outre le cadre particulièrement inhospitalier, voire franchement hostile, l’auteur va aussi devoir se confronter à la spécificité biculturelle (francophone et anglophone) du Québec.

En 1969, Jacques Devereaux va y suivre ses parents alors qu’il était âgé de 3 ans, il y restera jusqu’à ses 19 ans. Il quittera la ville, laissant derrière lui la fille qu’il aime et son frère cadet et des promesses qu’il ne tiendra pas.

C’est à Montréal qu’il posera ses valises, deviendra Jack Devereaux et se construira une vie sans attaches ni engagements. Bien décidé à oublier définitivement Jasperville, et tant pis pour la culpabilité qui vient parfois – souvent – se rappeler à son bon souvenir.

Et pourtant quand le Sergent Nadeaux, en poste à Jasperville, le contacte pour l’informer que son frère est en prison pour avoir violemment agressé un homme, le laissant quasiment pour mort, Jack ne va pas hésiter une seconde et retourner dans la ville qui l’a vu grandir.

Au fil des chapitres – et du voyage de Jack – on va découvrir le parcours de la famille Devereaux, et tout particulièrement les jeunes années de Jacques, l’aîné des trois enfants. Une jeunesse pas franchement épanouie mais pas non plus des plus malheureuses, exception faite des nombreux drames qui jalonneront ces années. Notamment le décès de trois adolescentes dans des circonstances particulièrement brutales mais jamais clairement définies (comme le dit fort justement le proverbe : « Il n’est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. »).

Pour essayer de comprendre pourquoi son frère a manqué de tuer un homme, Jack va devoir essayer de penser comme lui et démêler un faisceau d’indices et de soupçons autour de ces trois victimes et d’autres morts violentes d’adolescentes survenues à Jasperville ou dans ses environs.

Avec ce roman R.J. Ellory confirme – si quelqu’un en doutait encore – qu’il est une grande plume du roman noir. Un talent qu’il met au service d’une intrigue qui s’articule autour de l’histoire de la famille Devereaux. Une intrigue qui va confronter Jack à une double quête, d’abord celle de la vérité autour de cette série de meurtres, mais aussi et surtout celle de la rédemption personnelle et du pardon pour ceux qu’il a fait souffrir en fuyant Jasperville.

Une intrigue dans laquelle l’obsession de Calvis, le frère de Jack, pour cette série de crimes jamais élucidés et l’amalgame autour d’une vieille légende indienne va inexorablement faire dériver son esprit vers la folie… jusqu’à commettre l’irréparable.

Comme souvent avec l’auteur, le capital humain tient une place de premier choix dans ce roman. À commencer bien sûr par le personnage de Jack / Jacques, archétype de l’anti-héros qui cache, tant bien que mal, ses faiblesses derrière une façade d’indifférence. Un solitaire qui fuit les sentiments parce que c’est plus facile que de courir le risque de souffrir.

Les personnages secondaires ne sont pas uniquement des faire-valoir, chacun apporte sa pierre à l’édifice. Mention spéciale bien entendu à Carine, le premier – et sans doute le seul – véritable amour de Jacques.

Petit clin d’œil à un enquêteur de Labrador City nommé Yvan Fauth, un nom qui n’est pas inconnu à la blogosphère bouquinesque puisqu’il s’agit de l’ami Gruz du blog EmOtionS.

Le côté strictement policier de l’intrigue (l’enquête de Jack) passerait presque au second plan mais R.J. Ellory accorde aussi un traitement en profondeur de cet aspect du roman. Je reconnais humblement que je ne m’attendais pas du tout à cet ultime revirement.

Incontestablement cette année 2023 a tout d’un grand cru pour R.J. Ellory, pour notre plus grand plaisir.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Joshua Hale Fialkov & Noel Tuazon – Caboche

AU MENU DU JOUR


Titre : Caboche
Scénario : Joshua Hale Fialkov
Dessin : Noel Tuazon
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : États-Unis (2009)
246 pages

De quoi ça cause ?

Frank Armstrong, un détective privé désabusé, vient d’être diagnostiqué d’une tumeur cérébrale en phase terminale. Il va malgré tout décider d’enquête sur la disparition de la fille d’un caïd de la pègre…

Ma Chronique

L’aventure Caboche commence en 2009 sur Kindle, les auteurs décident de publier leur histoire sous forme de roman feuilleton en huit épisodes. L’édition papier, préfacée par Duane Swierczynski et augmentée de quelques bonus fournis par Joshua Hale Fialkov, suivra l’année suivante. C’est cette édition que Sonatine nous propose de découvrir en version française.

Après l’excellent Accident De Chasse de David L. Carlson et Landis Blair, c’est la seconde incursion des éditions Sonatine dans l’univers graphique. Fidèle à sa réputation, l’éditeur vise juste avec un roman graphique qui sublime les règles du noir et va vous en mettre plein les mirettes.

De prime abord l’intrigue peut paraître relativement classique : un détective privé de seconde zone embauché par un caïd de la pègre pour retrouver sa fille… pas besoin de sortir de la cuisse de Jupiter pour soupçonner que c’est n’est pas une histoire d’amour paternel qui motive la requête du mafieux.

Mais une saloperie de tumeur va complétement rebattre les cartes. Frank Armstrong est en effet condamné à court terme par une tumeur au cerveau en phase terminale. Tumeur qui provoque des absences qui renvoient à Frank des images de son passé. Si passé et présent vont parfois s’embrouiller dans l’esprit de Frank, ça va aussi être un déclencheur : pas question qu’il fasse deux fois la même erreur !

Une intrigue noire à souhait menée tambour battant, véritable course contre la montre et contre la mort dans les rues de Los Angeles.

Une narration à la première personne portée par Frank Armstrong. Si au départ ça peut sembler un peu chaotique, on s’aperçoit rapidement qu’il y a certaine logique dans cet embrouillamini. Le passé va venir se mettre au service du présent… et peut-être permettre à Frank de trouver une forme de rédemption avant que ne sonne le glas.

Dans le même ordre d’idée le trait de Noel Tuazon peut sembler minimaliste, mais cet aspect brut de décoffrage, presque grossier, colle parfaitement à la narration. L’application d’un lavis pour distinguer les flashbacks de l’intrigue présente est un excellent choix qui vient renforcer le côté embrumé de l’esprit de Frank ; surtout quand les deux techniques se superposent dans une même case.

Le roman est agrémenté de quelques bonus qui viendront prolonger l’expérience Caboche : un extrait du pitch original, un carnet de croquis, un entretien et divers textes de Joshua Hale Fialkov, dont une nouvelle qui reprend un épisode abordé dans le roman.

Si vous êtes amateur de roman noir, je vous invite à vous ruer sur ce roman graphique, c’est la garantie d’une expérience narrative et visuelle qui ne vous laissera pas indifférent.

MON VERDICT

[BOUQUINS] James Keene & Hillel Levin – Black Bird

AU MENU DU JOUR


Titre : Black Bird
Auteur : James Keene & Hillel Levin
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : États-Unis (2011)
288 pages

De quoi ça cause ?

James Keene était un étudiant brillant mais, appâté par l’argent facile, il a opté pour le trafic de drogue. Une petite affaire qui va rapidement devenir un business des plus florissant grâce à son assurance et à son charisme. Un empire qui s’effondrera en 1996, quand il sera arrêté et condamné à 10 ans de prison.

Quelques mois plus tard le procureur et le FBI lui proposent un deal aussi inattendu que dangereux : sa condamnation sera annulée s’il accepte d’être transféré au pénitencier de Springfield où il devra gagner la confiance de Larry Hall et obtenir des preuves de ses crimes.

Larry Hall est en effet un tueur en série présumé mais la justice n’a réussi à l’inculper que pour un crime unique… et encore le verdict pourrait bien être cassé en appel. Le temps presse, d’où cet ultime recours à James Keene.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que ça fait déjà quelques années que le bouquin sommeille dans mon Stock à Lire Numérique, cette réédition est l’occasion rêvée de le dépoussiérer.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Avant d’entrer dans le vif du sujet je tiens à signaler que ce bouquin est une « fausse » nouveauté, il a en effet été initialement publié en 2011 par le même éditeur sous le titre Avec Le Diable. Cette réédition survient à l’occasion de la sortie de la mini-série (6 épisodes) Black Bird diffusée sur Apple TV.

Dans la vie, il arrive que l’on prenne de mauvais t­ournants. C’est ce que j’ai fait. Mais on m’a accordé une seconde chance – non seulement de sauver ma peau, mais aussi de m’acquitter envers la société de mes mauvais choix.

Ce sont sur ces mots de James Keene que s’ouvre le bouquin. De fait si vous vous attendiez à un roman vous pouvez d’ores et déjà passer votre route. Il s’agit bel et bien d’une histoire vraie écrite à quatre mains par James Keene (au centre du récit) et Hillel Levin (journaliste et auteur spécialisé dans les affaires criminelles).

J’avoue sans la moindre honte que j’aime bien regarder les émissions TV consacrées aux affaires criminelles (Faites Entre L’Accusé et autres), même si à l’origine cette lubie était essentiellement radiophonique – en compagnie de Pierre Bellemare. Ce n’est qu’il y a peu que j’ai commencé – sans conviction – à lire des bouquins sur ces fameux True Crime… et à aimer ça (une fois de temps en temps, si je tombe sur une affaire qui titille ma curiosité).

Les auteurs commencent par poser brièvement le contexte avant de s’intéresser aux parcours individuels de James Keene et de Larry Hall. La mission de Keene est entrecoupée de longs paragraphes qui cassent un peu le rythme de la lecture (tels que l’histoire du pénitencier de Springfield, ou des retours en arrière sur l’enquête, le procès et leurs acteurs…). Ces digressions ne sont pas inintéressantes mais la lecture aurait gagné en intensité si l’ensemble avait été organisé différemment.

Force est de reconnaître que les passages les plus captivants du récit sont ceux consacré à la mission de James Keene. Comment aborder Larry Hall et gagner sa confiance au point d’obtenir des éléments permettant de l’incriminer sur au moins un autre meurtre ?

Contrairement à la plupart de ceux qui ont été confrontés à Hall, James Keene va rapidement comprendre qu’il est loin d’être un peu simple d’esprit. Hall serait même plutôt intelligent mais sa façon de penser et d’agir est très personnelle…

Le parcours pénitentiaire de James Keene ne fut pas de tout repos, plus d’une fois il a dû jouer des poings pour se faire respecter ou se tirer d’affaires. Sa mission à Springfield aurait pu virer au fiasco – voire à la catastrophe absolue – à la suite d’un coup de sang.

Au fil des années Larry Hall confessera plusieurs meurtres avant de se rétracter. En 2022, après un ultime recours rejeté et la certitude qu’il ne retrouvera jamais la liberté, Hall reconnaîtra 39 meurtres… avant de faire machine arrière. Le FBI le pense impliqué dans plus d’une cinquantaine d’affaires (et autant de victimes). Malgré tout, à ce jour il n’est condamné « que » pour les enlèvements, viols et meurtres de Jessica Roach (15 ans) et Tricia Reitler (19 ans).

Depuis sa sortie de prison James Keene mène une vie sans histoire, dans les dernières pages du bouquin il s’interroge sur ce qu’aurait été sa vie s’il n’y avait pas eu cette périlleuse mission d’infiltration. S’il avait purgé les dix années auxquelles il a été condamné en s’acoquinant avec des criminels notoires du milieu, nul doute qu’à sa sortie de prison il aurait certainement rejoint ce milieu.

Maintenant que j’ai lu le bouquin, je n’ai plus qu’à me lancer dans la série Black Bird afin d’avoir fait le tour de la question.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Chris Whitaker – Duchess

AU MENU DU JOUR


Titre : Duchess
Auteur : Chris Whitaker
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : Angleterre (2020)
519 pages

De quoi ça cause ?

Duchess Radley, 13 ans, veille sur son petit frère, Robin, afin de pallier les défaillances de leur mère, Star, une femme à la dérive qui se laisse porter par les galères.

La famille Radley a été brisée par un drame survenu trente ans plus tôt, Sissy, la jeune sœur de Star, a été retrouvée morte. Et justement son assassin, Vincent King, doit sortir de prison dans les jours à venir.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonatine et l’occasion de découvrir un nouvel auteur qui intègre leur catalogue.

Parce qu’au vu des critiques dithyrambiques quasi-unanimes, je pouvais difficilement passer à côté de la chose et me forger ma propre opinion sur la chose.

Ma Chronique

Ah bin que voilà un bouquin qui va vous prendre aux tripes et vous les tordre dans tous les sens. J’ai eu le nez creux en n’enchaînant pas sa lecture directement après avoir bouclé L’Été Où Tout A Fondu.

Si le bouquin s’inscrit clairement dans le registre du roman noir américain, son auteur, Chris Whitaker est citoyen britannique. Duchess (We Begin At The End en VO) est son troisième roman, mais le premier traduit en français.

Noir c’est noir… c’est en tout cas comme ça que la jeune Duchess voit le monde qui l’entoure. Il faut dire que ce monde n’est pas vraiment du genre à lui redonner foi en l’humanité… même Walk, le très attentionné chef de la police de Cape Haven, ne lui inspire pas vraiment confiance.

Du coup Duchess, « hors-la-loi » autoproclamée, veille sur son petit frère comme une louve protégerait son petit. Gare à celui ou celle qui lui cherchera des noises, la riposte de Duchess sera sans appel.

il faut dire que la gamine a du caractère et serait du genre plutôt fonceur… un peu trop parfois, et ça pourrait bien lui jouer des tours ! Et pas qu’à elle… Mais à 13 ans on ne mesure pas toujours les possibles conséquences de ses actes.

Indéniablement Chris Whitaker sait y faire pour que Duchess touche l’âme et le cœur des lecteurs. Je reconnais toutefois volontiers que, parfois, j’ai eu des envies de lui foutre des baffes (notamment concernant son comportement avec Walk ou encore avec Hal, son grand-père)… tout en comprenant parfaitement que c’était sa façon de se protéger (ne pas s’attacher afin de ne pas souffrir).

L’auteur ne se contente pas de tisser son intrigue autour du personnage de Duchess, il développe aussi une véritable enquête policière et juridique dans laquelle Walk s’investira corps et âme pour sauver un ami qui ne semble pas vouloir être sauvé.

J’en profite pour souligner avec quel brio Chris Whitaker entretient l’ambiguïté (et donc les doutes) autour des personnages de Vincent King et de Dickie Darke. Il nous mitonne une intrigue pleine de fausses pistes, de retournements de situation totalement inattendus avant une ultime révélation qui nous laissera sur le cul. Hats off Mr Whitaker !

Ce qui est aussi remarquable avec ce jeune auteur, c’est l’attention qu’il porte à chacun de ses personnages, il n’y a pas de faire valoir avec lui. Chacun aura un rôle à jouer et sa personnalité influencera la façon dont il interviendra dans le déroulé de l’intrigue. J’avoue avoir eu un faible pour le jeune Thomas Noble et la doyenne Dolly (« Comme Dolly Parton, la poitrine en moins. »).

À la noirceur de l’intrigue s’oppose la magnificence des paysages, qu’il s’agisse de la bourgade – pas si paisible que ça – de Cape Haven sur la côte californienne ou des étendues sauvages du Montana. Malgré une noirceur omniprésente le roman s’autorise une note d’optimisme et d’espoir en fin de course. Et c’est tant mieux !

Ce mois de septembre fut riche en rencontres littéraires qui vont longtemps encore me trotter dans la tête. Qu’il s’agisse de Bert (Un Profond Sommeil), Sal (L’Été Où Tout A Fondu) ou Duchess, aucun de ces trois personnages (et leur parcours) ne devrait vous laisser de marbre. Le choix risque de s’avérer difficile lors de mon bilan livresque… même si j’ai déjà ma petite idée.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Tiffany Quay Tyson – Un Profond Sommeil

AU MENU DU JOUR


Titre : Un Profond Sommeil
Auteur : Tiffany Quay Tyson
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : Etats-Unis (2018)
400 pages

De quoi ça cause ?

1976, White Forest, un trou paumé au fin fond du Mississipi. Même si la carrière abandonnée traîne une sale réputation, c’est le seul point d’eau dans lequel les enfants peuvent se rafraîchir au cœur de l’été. Un après-midi de juillet, alors que le soleil tape fort, Willet et Bert y emmènent leur jeune sœur Pansy, pour s’y baigner.

En quête de baies sauvages et surpris par un orage, ils perdent leur cadette de vue durant quelques minutes. De retour à la carrière, ils ne peuvent que constater que Pansy a disparu…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonatine, ce qui en soi est déjà un sacré gage de qualité. Et parce que c’est l’occasion de découvrir une nouvelle auteure.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

C’est dans son poème L’isolement que Lamartine affirme « un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Une sentence encore plus vraie quand l’être en question est un enfant et que sa disparition laisse planer des doutes – mais aussi des espoirs – quant à son devenir.

C’est le drame qui va frapper la famille Watkins au cours de l’été 1976. Pour Willet et Bert, qui devaient garder un œil sur leur petite sœur, cette disparition va les obliger à entrer prématurément dans le monde des adultes, mais aussi à composer avec le poids de la culpabilité. Quant à leur mère elle s’enfonce inexorablement dans une dépression qui la vide de toute volonté et énergie. Le père est aux abonnés absents, disparus depuis des semaines sans avoir laissé le moindre mot d’explication.

Les semaines, les mois puis les années vont passer sans qu’aucun nouvel élément ne vienne éclairer les circonstances de la disparition de Pansy. Malgré leur peine et leur culpabilité Willet et Bert vont devoir aller de l’avant, même si rien ne sera jamais plus comme avant pour eux. Comme tout un chacun ils traverseront le temps en alternant entre les hauts (plutôt rares) et les bas qui rythment l’existence.

Une tranche de vie qui s’étale sur plus de sept années, du delta du Mississipi aux marécages des Everglades, une quête de la vérité qui va lever le voile sur bien des secrets de famille enfouis depuis trop longtemps et trop profondément. Une vérité parfois douloureuse à entendre mais c’est toujours mieux que de vivre dans le mensonge et l’ignorance.

Tous les chapitres se divisent en deux parties distinctes. Ils commencent par le récit des événements depuis la disparition de Pansy, écrit à la première personne, c’est Bert qui nous guide à travers l’intrigue. La seconde partie nous raconte l’histoire de White Forest et de la famille Watkins, une histoire qui s’est trop souvent écrit dans la douleur, les larmes et le sang. Deux arcs narratifs qui vont se justifier et se rejoindre dans les derniers chapitres du roman, créant ainsi un pont entre le passé et le présent.

Ce n’est pas forcément flatteur pour les Etats-Unis mais force est de constater les choses n’ont pas beaucoup évolué au fil des ans. Certes la ségrégation appartient au passé mais cela n’empêche pas une montée en puissance des extrêmes et du racisme qui va bien souvent de pair.

Pour un premier roman, Tiffany Quay Tyson nous livre un bouquin parfaitement maîtrisé de bout en bout, même en cherchant bien je ne lui trouve aucune fausse note. Un titre qui mettra parfois vos nerfs à rude épreuve, d’une noirceur sans fond mais de laquelle l’auteure parvient à faire jaillir une étincelle d’espoir et de bonheur… alors que l’on s’était résigné à un récit bercé de douleurs et de désillusions.

J’avoue que le choix du titre français me laisse perplexe, le titre original, The Past Is Never (Le passé c’est jamais), est en effet beaucoup plus raccord avec le contenu. Quoi qu’il en soit je peux vous assurer que cette lecture sera tout sauf soporifique. Une lecture qui se solde par un coup de cœur amplement mérité.

MON VERDICT

[BOUQUINS] R.J. Ellory – Omerta

AU MENU DU JOUR


Titre : Omerta
Auteur : R.J. Ellory
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : Angleterre (2006)
587 pages

De quoi ça cause ?

John Harper, écrivain en manque d’inspiration, vit à Miami où il gagne sa vie en tant que journaliste. Une vie sans histoire jusqu’à ce qu’il reçoive un appel de sa tante, qu’il n’a pas vu depuis 25 ans, celle-ci le presse de rentrer au plus vite à New York.

Là, il apprend que son père, qu’il n’a jamais connu et qu’il croyait mort depuis des années, est hospitalisé entre la vie et la mort à la suite d’une blessure par balle. Peu à peu John Harper va découvrir une réalité, présente et passée, qui le dépasse complètement…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonatine et R.J. Ellory, un duo qui n’a plus rien à prouver mais auquel il est impossible de résister.

Ma Chronique

Même si je suis loin d’avoir lu tous les romans de R.J. Ellory, c’est un auteur qui ne m’a jamais déçu. Force est pourtant de constater que j’ai eu du mal à entrer dans ce roman sans vraiment pouvoir expliquer le pourquoi du comment de la chose.

Le fait que ce soit une fausse nouveauté (publié en 2006 en version originale, c’est le quatrième roman de l’auteur) n’a pas joué en défaveur du bouquin. Bonne nouvelle en revanche, il n’y a plus de titres antérieurs à 2017 qui ne soit pas encore disponible en français. Cerise sur le gâteau (icing on the cake pour les anglophones), il y a au moins cinq titres parus à partir de 2017 non encore traduits.

J’ai trouvé que l’écriture manquait de naturel, avec même parfois quelques lourdeurs de style. Je serai tenté de jeter la pierre aux traducteurs mais je n’avais du tout eu la même impression en lisant Le Chant De L’Assassin. Peut-être que R.J. Ellory n’avait tout simplement pas encore trouvé sa voie (sa plume plus exactement) ; c’est en effet le premier roman de l’auteur antérieur au génialissime Seul Le Silence (publié l’année suivante en V.O.) que je lis.

Heureusement le fond fait rapidement oublier la forme avec une histoire de famille bourrée de secrets, de non-dits et de mensonges… Au fil des chapitres John Harper va découvrir une réalité insoupçonnée sur son propre passé et se retrouver, à l’insu de son plein gré, impliqué dans une vaste opération criminelle menée de concerts par deux gangs rivaux.

La sagesse populaire affirme qu’il n’est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, un adage qui pourrait parfaitement s’appliquer à John Harper… à moins que celui-ci ne soit vraiment un Bisounours déconnecté de la réalité du monde qui l’entoure. Perso ça ne m’a pas aidé à éprouver une quelconque empathie pour le personnage.

À sa décharge on ne peut pas vraiment dire que son entourage l’aide beaucoup à y voir plus clair. Sa tante, Evelyn, se mure dans le silence ou ne lui raconte que des demi-vérités. Walt Freiberg, le bras droit de son père, l’embobine en enjolivant – voire en travestissant purement et simplement – les faits. Et Frank Duchaunak, un inspecteur obsédé par le père de Harper et ses acolytes, ne parle qu’à demi-mots et entretiens le flou (à se demander s’il a de véritables preuves ou juste de sérieux soupçons… le fameux faisceau d’indices).

Bien entendu l’aspect policier de l’intrigue n’est pas négligé. Nous avons en effet deux gangs rivaux qui vont faire équipe pour monter un « gros coup »… une coopération qui se fera sans jamais perdre une occasion de planter un couteau dans le dos de son rival. Ça complote à tout va dans les bas-fonds de Manhattan, et bien entendu les morts brutales se succèdent, d’un côté comme de l’autre.

Au chapitre du double-jeu (et plus si affinités) j’ai assez rapidement eu des doutes sur un des personnages, doutes fortement appuyés par un passage le mettant en scène lors d’un échange téléphonique avec un autre que son acolyte habituel. Il n’y avait alors que deux possibilités, et la seconde m’est apparue hautement improbables. La suite des événements me donnera raison.

L’auteur prend le temps de poser son intrigue sans toutefois qu’il y ait le moindre temps mort dans le déroulé du récit. Changement de rythme dans les derniers chapitres, brusque accélération et poussée d’adrénaline seront de la partie, pour notre plus grand plaisir !

Une intrigue maîtrisée de bout en bout et des personnages mitonnés aux petits oignons, hormis le style narratif qui semble se chercher encore, R.J. Ellory avait déjà tout pour imposer sa griffe dans le monde du noir. Ce qu’il confirmera un an plus tard avec Seul Le Silence et ne démentira pas au fil des années suivantes.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Stuart Turton – L’Étrange Traversée Du Saardam

AU MENU DU JOUR


Titre : L’Étrange Traversée Du Saardam
Auteur : Stuart Turton
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : Angleterre (2020)
608 pages

De quoi ça cause ?

1634. Le Saardam quitte les Indes orientales pour Amsterdam. À son bord : le gouverneur de l’île de Batavia, sa femme et sa fille. Au fond de la cale, un prisonnier : le célèbre détective Samuel Pipps, victime d’une sombre affaire.

Alors que la traversée s’avère difficile et périlleuse, les voyageurs doivent faire face à d’étranges événements. Un symbole de cendres apparaît sur la grand-voile, une voix terrifiante se fait entendre dans la nuit, et les phénomènes surnaturels se multiplient. Le bateau serait-il hanté, ses occupants maudits ? Aucune explication rationnelle ne semble possible. Et l’enquête s’avère particulièrement délicate, entre les superstitions des uns et les secrets des autres.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Déjà parce que c’est Sonatine mais aussi parce que Stuart Turton m’avait agréablement surpris et séduit avec son précédent (et premier) roman, Les Sept Morts D’Evelyn Hardcastle.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Sonatine et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

J’apprécie tout particulièrement de découvrir des auteurs audacieux qui n’hésitent pas à sortir des sentiers battus, et c’est précisément ce qui m’avait séduit dans le précédent roman de Stuart Turton, Les Sept Morts D’Evelyn Hardcastle. J’ai été rassuré de retrouver cette audace et cette originalité dans ce second roman.

Mais ce sont bien les seuls points communs entre les deux bouquins, si le premier jouait d’entrée de jeu la carte du fantastique, L’Étrange Traversée Du Saardam entretient le doute quasiment de la première à la dernière page. Le Saardam est-il frappé d’une étrange malédiction ? Ou serait-il plutôt le terrain de jeu de certains malfaisants qui jouent avec les peurs et les superstitions des uns et des autres ?

Alors, fantastique ou polar ? Plutôt que de vouloir impérativement faire entrer ce bouquin dans une case formatée, pourquoi ne pas simplement le prendre comme il vient et se laisser guider par l’intrigue ? Et pourquoi pas trouver la clé de l’énigme avant nos héros ?

Sur ce dernier point je vous souhaite bien du courage… Stuart Turton sait y faire pour brouiller allégrement les pistes tout en restant parfaitement maître de son intrigue. Et je dois reconnaître que la recette est d’une redoutable efficacité, j’ai bien pressenti certains éléments (plus par intuition que par déduction) mais j’étais encore très loin de la vérité.

Faisons machine arrière jusqu’en l’an 1634 et embarquons pour une traversée à bord d’un bateau de la Compagnie des Indes qui doit mener son équipage et ses passagers de Batavia (actuellement Jakarta) à Amsterdam. Comme vous pouvez vous en doutez la croisière ne va pas s’amuser tous les jours et le voyage (même dans des conditions optimales) n’est pas franchement un long fleuve tranquille. Entre les caprices de la météo, les attaques de pirates et les huit mois de traversée, le voyage promet d’être éprouvant.

Et si pour pimenter le tout vous ajoutiez une malédiction lancée par un lépreux alors que le Saardman est en plein chargement. À peine la grande voile hissée, un étrange symbole ésotérique s’étale à la vue de tous avant de disparaître. Mais il en faut plus que ça pour empêcher le départ du bateau, de grosses sommes sont en jeu et des réputations peuvent se faire ou se défaire à l’arrivée à Amsterdam.

C’est parti pour un huis clos maritime émaillé d’incidents tous plus mystérieux les uns que les autres. Avec dans les cales une cargaison qui semble aussi précieuse que mystérieuse. Et une floppée de personnages, dont certains cachent de sombres secrets. Au fil de la croisière et des incidents la tension monte. La logique et l’esprit rationnel des uns sont mis à rude épreuve pas les peurs et les superstitions des autres.

Les personnages sont nombreux mais à aucun moment le lecteur ne s’y perd, l’auteur cadre aussi bien sa galerie de portraits que son intrigue. D’emblée certains vous apparaîtront attachants alors que vous en détesterez d’autres dans le même élan. Certains évolueront vers un ressenti plus positif au fur et à mesure qu’ils se révéleront. Puis il y a ceux qui vous laisseront dans l’expectative… sont-ils bons ou mauvais ? Et bien entendu vous aurez aussi le droit à des changements de bords totalement inattendus.

Dans l’ensemble cette étrange traversée ne fera pas ressortir ce que l’humain a de meilleur en lui, l’appât du gain et la soif de pouvoir ne sont pas vraiment les meilleurs conseillers. Heureusement certains tireront leur épingle du jeu et, en conjuguant leurs talents, découvriront la clé du mystère. Mais toute vérité est-elle bonne à dire ?

Avec ce second roman Stuart Turton confirme que l’audace peut encore payer de nos jours, il suffit d’oser s’écarter des sentiers battus… et le fait avec un incroyable talent.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Graeme Macrae Burnet – Une Patiente

AU MENU DU JOUR


Titre : Une Patiente
Auteur : Graeme Macrae Burnet
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : Ecosse (2021)
301 pages

De quoi ça cause ?

La narratrice est convaincue que le suicide de sa sœur aînée, Veronica, est directement imputable à ses consultations chez Collins Braithwaite, un psychothérapeute aux méthodes controversées par ses pairs.

Pour s’en convaincre, elle va elle-même consulter Braithwaite en endossant une fausse identité afin qu’il ne puisse faire le rapprochement entre les deux sœurs…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonatine et parce que j’avais beaucoup aimé les deux précédents romans de Graeme Macrae Burnet. Il me tardait donc de le découvrir dans un autre registre.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Sonatine et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

 Une fois de plus Graeme Macrae Burnet invente une genèse à son nouveau roman, il semblerait que le procédé fasse partie intégrante de sa griffe littéraire.

Le roman se présente sous la forme de cinq cahiers prétendument rédigés par la narratrice. Cahiers dans lesquels elle cherche à faire progresser son enquête à charge contre Collins Braithwaite. Concrètement on la voit plutôt se débattre avec cette fausse identité qu’elle s’est construite, il faut dire que ce double lui permet d’outrepasser ses propres limites et faiblesses.

Chaque cahier est suivi par des éléments biographiques concernant Braithwaite, éléments regroupés par l’auteur au terme de ses soi-disant « longues recherches » sur le personnage, son parcours et son œuvre.

La construction de l’ensemble est plutôt bien menée et ne saurait souffrir d’aucune critique quant à la qualité rédactionnelle, au contraire c’est même agréable à lire. Si la dimension psychologique est bel et bien présente dans l’intrigue, mais je m’attendais à un véritable bras-de-fer psychologique entre la narratrice et le psychothérapeute (c’est plus ou moins ce que nous promettait la quatrième de couv’) alors que dans les faits, les échanges sont bien souvent à sens unique. C’est davantage la personnalité de la narratrice qui est décortiquée en profondeur.

Pour étayer son aspect vrai-faux documentaire, Graeme Macrae Burnet n’hésite pas à faire intervenir dans ses recherches de nombreuses personnalités – scientifiques ou artistiques – ayant bel et bien existées et à les faire interagir avec son fameux Collins Braithwaite. Là encore les éléments s’emboitent bien et viennent consolider la crédibilité au récit.

L’auteur ne fait rien pour nous rendre le personnage de Braithwaite sympathique, ce type est puant de vanité, imbu de lui-même, prétentieux et orgueilleux. Inutile de préciser que l’on attend avec impatience le moment où il tombera de son piédestal.

Pas grand-chose à dire de la narratrice sinon qu’on a une forte envie de lui gueuler de se sortir les doigts du cul plutôt que de se planquer derrière un double fictif qui va peu à peu la bouffer de l’intérieur.

Bref, aucune empathie pour les deux personnages qui portent le récit. Ajoutez à cela une pointe de déception quant au déroulé même de l’intrigue, et vous comprendrez que je referme ce bouquin avec un sentiment mitigé. Je ne peux toutefois pas ignorer l’incontestable talent de narrateur de Graeme Macrae Burnet, jusqu’à la dernière phrase de son roman, il veut nous faire croire à sa supercherie.

Je serai tenté de dire que c’est la quatrième de couverture qui saborde partiellement le roman, sans cette promesse – non tenue – d’un intense face à face psychologique, nul doute que j’aurai été nettement plus emballé par cette lecture.

MON VERDICT

[BOUQUINS] David Joy – Nos Vies En Flammes

AU MENU DU JOUR


Titre : Nos Vies En Flammes
Auteur : David Joy
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : États-Unis (2020)
344 pages

De quoi ça cause ?

Veuf et retraité, Ray mène une vie tranquille et solitaire dans sa ferme des Appalaches. Outre une pauvreté galopante et un trafic de drogues en plein essor, la région doit aussi faire face à des incendies de forêts ravageurs.

Dans l’idéal, Ray souhaiterait que son fils, Ricky, le rejoigne. Mais ce-dernier préfère passer son temps à chercher un moyen de se faire un nouveau shoot…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que le duo Sonatine et David Joy a fait ses preuves plus d’une fois (deux en ce qui me concerne). C’est la promesse d’un roman absolument noir et totalement maîtrisé.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Sonatine et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Une fois de plus, sous la plume de David Joy la région des Appalaches n’a rien d’un décor de carte postale. On serait tenté de croire qu’il noircit la réalité mais il n’en est rien, il parle de ce qu’il connait puisqu’il y vit (la postface de l’auteur, un article publié en 2020, est édifiante et fait froid dans le dos).

Il n’y a donc pas que les forêts qui flambent dans la région (en grande partie à cause de l’activité humaine, soit dit en passant), la pauvreté et la drogue (parfois l’association des deux) consument aussi une partie de la population. Comme de bien entendu certains savent tirer profit de cette situation en profitant de la manne qu’offre ce vaste marché parallèle.

Souvent les personnages de David Joy sont à la dérive, et on en retrouve aussi dans le présent roman (qu’il s’agisse de Ricky ou de Denny, tous deux junkies en perpétuelle recherche d’un petit trafic pour s’offrir leur prochain shoot). À la différence des précédents romans, l’auteur offre aussi des rôles de premier ordre à des personnages que je qualifierai de plus stables, qu’il s’agisse de Ray (un retraité qui vit une vie sans histoire), Leah (fliquette au bureau du sheriff) ou des agents de la DEA.

À travers le personnage de Ray, David Joy souligne les dommages collatéraux de la drogue sur les proches et notamment leur impuissance à changer le cours des choses.

On suit une intrigue à trois voies, celle de Ray justement, père désabusé par les dérives de son fils et par un système qu’il juge inerte et impuissant, celle de Denny, junkie à la dérive dont les perspectives se résument à son prochain shoot et celle de Rodriguez, flic infiltré dans l’attente d’une vaste opération de la DEA. Inutile de préciser que quand ces trois voies vont se croiser la rencontre sera pour le moins explosive.

Une intrigue fortement teintée de noir mais que j’ai trouvé moins « désespérée » que celle des précédents romans, je n’ai pas ressenti ce sentiment de détresse et les émotions fortes qu’il procure. Ça n’empêche pas le bouquin d’être captivant de bout en bout, mais il ne m’a pas mis une grande claque dans la gueule.

Un roman sans concession ni jugement (comme toujours de la part de l’auteur), fortement ancré dans une triste réalité et servi par la justesse de la plume (ou du clavier) de David Joy. Avec ce quatrième roman, l’auteur confirme qu’il est une des plumes incontournables du roman noir.

MON VERDICT