[BOUQUINS] Sacha Erbel – La Mort Est Parfois Préférable

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Titre : La Mort Est Parfois Préférable
Auteur : Sacha Erbel
Éditeur : Taurnada
Parution : 2022
Origine : France
248 pages

De quoi ça cause ?

Yan est flic à la PJ de Lille. Depuis des années elle souffre d’endométriose, les crises sont de plus en plus fréquente et douloureuse. Elle combat la douleur à grand renfort d’antalgiques, mais combien de temps pourra-t-elle tenir à ce rythme ?

Elle se voit confier l’enquête sur la mort d’un grand reporter, noyé dans sa baignoire après avoir été sévèrement tabassé. Une autre équipe part sur une scène de crime particulièrement morbide, un homme a été retrouvé décapité au volant de sa voiture.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Taurnada et l’occasion de découvrir une auteure que je ne connaissais pas.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Taurnada, et tout particulièrement Joël, pour leur confiance renouvelée.

Sacha Erbel est fonctionnaire de police depuis plus de 25 ans et actuellement en poste au Service de la Protection. Passionnée par l’étude des tueurs en série, elle est diplômée en criminologie appliquée à l’expertise mentale. Tout ça pour dire que madame sait de quoi elle cause… faut pas la prendre pour un lapin de six semaines.

Son roman est aussi l’occasion de mettre en avant cette maladie encore mal connue (quand certains trouducs ne nient pas purement et simplement cette pathologie) qu’est l’endométriose. Là encore l’auteure sait de quoi elle parle puisqu’elle doit apprendre à vivre avec son « Araignée » depuis plus de 10 ans.

Si l’endométriose n’est pas le thème principal du roman, Sacha Erbel réussit toutefois à faire de cette foutue Araignée quasiment un personnage à part entière. Au fil des chapitres il sera aussi question de l’éthique journalistique (riez pas, il paraît que ça existe), de vengeance, de dérives sectaires, de manipulation et même d’hypnose.

Difficile de rester insensible face au personnage de Yan, sans aller jusqu’à approuver l’ensemble de ses choix. Je n’ose même pas imaginer ce que ça doit être de vivre avec ces crises de douleurs aussi fulgurantes qu’imprévisibles. Je veux bien croire que face aux assauts répétés de la douleur on en vienne parfois à penser que la mort pourrait être préférable.

L’intrigue va se diviser en deux enquêtes. Le meurtre particulièrement brutal d’un célèbre journaliste pour Yan et son équipier, Granulé. Un cadavre décapité retrouvé au volant de sa voiture pour Brath et Michel. Quatre flics liés par une grande complicité et une solide amitié malgré des personnalités et un vécu très différents.

Sacha Erbel apporte beaucoup de soin à ses personnages, même les plus secondaires sont dotés d’une réelle personnalité. Un travail payant qui facilite l’empathie (ou l’antipathie) pour tel ou tel personnage.

Concernant la mort du journaliste on connaît rapidement l’identité du coupable et ses motivations (autant dire que je n’ai pas versé de larmes sur le funeste destin du scribouillard). Reste à Yan et son équipier à remonter les bonnes pistes pour identifier leur suspect.

L’affaire du décapité est nettement plus captivante, surtout quand les policiers vont se retrouver avec une deuxième victime décapsulée. Tous les indices semblent converger vers la thèse du suicide avec une mise en scène particulièrement sophistiquée et macabre. Nul besoin d’être le fils caché d’Hercule Poirot et de Miss Marple pour avoir rapidement de sérieux soupçons sur le fond de l’histoire (même si je reste sceptique – comme la fosse –sur la faisabilité de la chose).

L’auteure nous offre un thriller psychologique totalement maîtrisé et aussi addictif qu’une dose de morphine. Sans surprise au vu du profil de la dame, l’intrigue sonne juste à tous points de vue. Un bouquin dévoré d’une traite, comme souvent avec les titres des éditions Taurnada.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Tiffany Quay Tyson – Un Profond Sommeil

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Titre : Un Profond Sommeil
Auteur : Tiffany Quay Tyson
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : Etats-Unis (2018)
400 pages

De quoi ça cause ?

1976, White Forest, un trou paumé au fin fond du Mississipi. Même si la carrière abandonnée traîne une sale réputation, c’est le seul point d’eau dans lequel les enfants peuvent se rafraîchir au cœur de l’été. Un après-midi de juillet, alors que le soleil tape fort, Willet et Bert y emmènent leur jeune sœur Pansy, pour s’y baigner.

En quête de baies sauvages et surpris par un orage, ils perdent leur cadette de vue durant quelques minutes. De retour à la carrière, ils ne peuvent que constater que Pansy a disparu…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonatine, ce qui en soi est déjà un sacré gage de qualité. Et parce que c’est l’occasion de découvrir une nouvelle auteure.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

C’est dans son poème L’isolement que Lamartine affirme « un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Une sentence encore plus vraie quand l’être en question est un enfant et que sa disparition laisse planer des doutes – mais aussi des espoirs – quant à son devenir.

C’est le drame qui va frapper la famille Watkins au cours de l’été 1976. Pour Willet et Bert, qui devaient garder un œil sur leur petite sœur, cette disparition va les obliger à entrer prématurément dans le monde des adultes, mais aussi à composer avec le poids de la culpabilité. Quant à leur mère elle s’enfonce inexorablement dans une dépression qui la vide de toute volonté et énergie. Le père est aux abonnés absents, disparus depuis des semaines sans avoir laissé le moindre mot d’explication.

Les semaines, les mois puis les années vont passer sans qu’aucun nouvel élément ne vienne éclairer les circonstances de la disparition de Pansy. Malgré leur peine et leur culpabilité Willet et Bert vont devoir aller de l’avant, même si rien ne sera jamais plus comme avant pour eux. Comme tout un chacun ils traverseront le temps en alternant entre les hauts (plutôt rares) et les bas qui rythment l’existence.

Une tranche de vie qui s’étale sur plus de sept années, du delta du Mississipi aux marécages des Everglades, une quête de la vérité qui va lever le voile sur bien des secrets de famille enfouis depuis trop longtemps et trop profondément. Une vérité parfois douloureuse à entendre mais c’est toujours mieux que de vivre dans le mensonge et l’ignorance.

Tous les chapitres se divisent en deux parties distinctes. Ils commencent par le récit des événements depuis la disparition de Pansy, écrit à la première personne, c’est Bert qui nous guide à travers l’intrigue. La seconde partie nous raconte l’histoire de White Forest et de la famille Watkins, une histoire qui s’est trop souvent écrit dans la douleur, les larmes et le sang. Deux arcs narratifs qui vont se justifier et se rejoindre dans les derniers chapitres du roman, créant ainsi un pont entre le passé et le présent.

Ce n’est pas forcément flatteur pour les Etats-Unis mais force est de constater les choses n’ont pas beaucoup évolué au fil des ans. Certes la ségrégation appartient au passé mais cela n’empêche pas une montée en puissance des extrêmes et du racisme qui va bien souvent de pair.

Pour un premier roman, Tiffany Quay Tyson nous livre un bouquin parfaitement maîtrisé de bout en bout, même en cherchant bien je ne lui trouve aucune fausse note. Un titre qui mettra parfois vos nerfs à rude épreuve, d’une noirceur sans fond mais de laquelle l’auteure parvient à faire jaillir une étincelle d’espoir et de bonheur… alors que l’on s’était résigné à un récit bercé de douleurs et de désillusions.

J’avoue que le choix du titre français me laisse perplexe, le titre original, The Past Is Never (Le passé c’est jamais), est en effet beaucoup plus raccord avec le contenu. Quoi qu’il en soit je peux vous assurer que cette lecture sera tout sauf soporifique. Une lecture qui se solde par un coup de cœur amplement mérité.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Jo Nesbo – De La Jalousie

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Titre : De La Jalousie
Auteur : Jo Nesbo
Éditeur : Gallimard
Parution : 2022
Origine : Norvège (2021)
352 pages

De quoi ça cause ?

La Jalousie et la tromperie serviront de fil rouge aux sept nouvelles du présent recueil.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Jo Nesbo, what else ? Le top du top aurait été un retour de Harry Hole mais je n’en reste pas moins curieux de le découvrir en tant que novelliste.

Ma Chronique

Bien que ce ne soit pas la première fois que Jo Nesbo se frotte à la nouvelle (un premier recueil, non traduit, est paru en 2001 en Norvège), c’est une grande première pour le public français de découvrir l’auteur dans ce difficile exercice de style.

Il sera donc question de jalousie (voire de jalousies, tant Jo Nesbo se plait à décortiquer la chose) au fil de sept nouvelles qui composent le présent recueil. L’auteur reste dans le domaine dans lequel il excelle, le polar teinté de noir, pour tisser ses toiles et surprendre le lecteur. Bien entendu, pour corser le tout, la jalousie va pousser au crime.

Londres ouvre le bal. Un vol New York Londres en classe affaires, une passagère confie à son voisin que son mari la trompe avec sa meilleure amie et qu’elle va mourir dans les jours à venir… On ne pouvait rêver mieux en matière de mise en bouche.

On enchaîne avec Phtonos, la nouvelle la plus longue du recueil (quasiment la moitié du bouquin à elle seule). Nikos Balli, un inspecteur d’Athènes, est dépêché sur l’île de Kalymnos afin d’interroger le frère jumeau d’un individu porté disparu. Une affaire en apparence banale qui va réserver bien des surprises aux policiers avant de trouver sa conclusion… cinq ans plus tard. Une enquête fort bien menée dans laquelle deux histoires de jalousie vont cohabiter.

Suivra La File D’Attente, dans laquelle un petit con va apprendre à ses dépens que la jalousie n’est pas toujours une question d’amour. Courte mais noire à souhait.

Dans Déchet c’est un éboueur (un ripeur, parait que c’est plus mieux bien) qui va devoir lutter contre sa gueule de bois pour se remémorer les événements de la nuit passée. Globalement bien ficelée mais elle m’a un peu laissé sur ma faim.

Dans Les Aveux un suspect très loquace est confronté à un policier plutôt taiseux, le suspect en question est le mari de la victime, retrouvée morte à la suite d’un empoisonnement au cyanure. Un quasi monologue qui s’achève sur un twist renversant.

Odd met en scène un écrivain désabusé qui plante à la dernière seconde son public et la journaliste venue l’interviewer dans le cadre d’un direct télévisé. Une décision qui va tout changer dans la vie d’Odd Rimmen. De loin la nouvelle la plus surprenante du recueil même si elle ne m’a pas totalement convaincue.

Dans La Boucle D’Oreille c’est ce bijou, trouvé dans un taxi, qui va faire naître le soupçon et attiser les braises de la jalousie. Une belle réussite pour clore ce recueil.

Comme souvent dans ce genre de recueil, les nouvelles sont inégales mais globalement Jo Nesbo démontre qu’il maîtrise les règles du genre, il sait faire court mais efficace même si, soyons franc du collier, ces nouvelles ne resteront sans doute pas dans les annales.

Le point commun entre ces nouvelles – outre le thème de la jalousie – est qu’elles sont (à l’exception de Odd)  écrites à la première personne. Ainsi à chaque fois c’est un des acteurs des évènements qui nous les relate et accessoirement les adapte à sa vision des choses.

L’heure des comptes est venue, voici mes notes (sur 5) pour chacune de ces nouvelles :

  • Londres : 5
  • Phtonos : 4
  • La File D’Attente : 3
  • Déchet : 3
  • Les Aveux : 5
  • Odd : 3
  • La Boucle D’Oreille : 5

Soit une honorable moyenne de 4/5.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Serge Le Tendre & Frédéric Peynet – Astérios, Le Minotaure

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Titre : Astérios, Le Minotaure
Scénario : Serge Le Tendre
Dessin : Frédéric Peynet
Éditeur : Dargaud
Parution : 2022
Origine : France
72 pages

De quoi ça cause ?

Vaincu par Astérios, le Minotaure, Thésée l’écoute lui raconter l’histoire de Dédale et la sienne. Une confession est bien loin de ce que la légende raconte…

Ma Chronique

Je remercie les éditions Dargaud et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

En lançant la collection Mythologies, les éditions Dargaud prennent le pari audacieux de revisiter quelques récits phare de la mythologie grecque. C’est ainsi que Serge Le Tendre, le scénariste, a décidé de mettre en avant la part d’humanité de ces héros mais aussi de ces anti-héros. C’est ce dernier aspect qui a fait que mon choix s’est porté sur l’album Astérios, Le Minotaure.

Nul besoin d’être passionné de mythologie grecque pour connaître, dans les grandes lignes, la légende de Thésée et du Minotaure. Vous savez donc certainement que dans l’histoire le Minotaure en question n’a pas vraiment le bon rôle.

Oubliez tout ce que vous savez ou croyez savoir en ouvrant cet album. Laissez-vous simplement guider par le récit d’Astérios pour découvrir son histoire et celle de son père adoptif, Dédale.

J’ai été totalement emballé par cette revisite qui nous propose de découvrir un Minotaure victime de l’intolérance et de la cruauté des hommes. Finalement un monstre qui va s’avérer plus humain que bien des humains… et même Thésée ne rachètera pas son espèce.

Ce récit est l’occasion de croiser quelques grands noms de la mythologie grecque, à commencer par le roi Minos, Dédale et son fils Icare mais aussi Ariane (insociable de la légende de Thésée et du Minotaure) qui a une relation très forte avec son demi-frère Astérios.

Le dessin de Fréderic Peynet est sublime, que ce soit par la finesse du trait, le choix des couleurs ou encore la luminosité des cases. Les émotions et les expressions des personnages sont ainsi parfaitement mises en valeur (y compris celles d’Astérios).

J’avoue être nettement moins familier des autres histoires de la collection (Pygmalion, Héra et Tirésias) mais il n’est pas impossible que je laisse tenter si ces albums venaient à croiser ma route.

Pour info, Serge Le Tendre n’est pas un inconnu pour les amateurs de BD et de fantasy, il est en effet à l’origine (entre autres) du cultissime cycle de La Quête De L’Oiseau Du Temps.

MON VERDICT

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[BOUQUINS] Roy Braverman – Le Cas Chakkamuk

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Titre : Le Cas Chakkamuk
Auteur : Roy Braverman
Éditeur : Hugo
Parution : 2022
Origine : France
306 pages

De quoi ça cause ?

Le shérif Doug Warwick est accusé de viol par sa belle-sœur et sa propre femme. Taylor, son jeune adjoint est chargé de l’enquête. Quelque peu dépassé par les événements il sollicite l’aide du prédécesseur de Warwick, Blansky, désormais rédacteur en chef au Notchbridge Sentinel.

Assisté de Dempsey, écrivain à succès et employé au journal, l’ancien shérif va essayer de démêler un sac de nœud de plus en plus inextricable…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Roy Braverman (aka Ian Manook) qui poursuit son séjour littéraire mouvementé au pays de l’Oncle Sam. Après Pasakukoo, il reste sur les rives du lac et ses environs pour son nouveau roman.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Hugo et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Pour son nouveau roman Roy Braverman reste à Rhode Island et autour du lac Pasakukoo, un cadre enchanteur qui fut déjà le théâtre de son précédent roman, Pasakukoo. Du coup vous ne serez pas surpris de retrouver de vieilles connaissances, tel que Blansky, ancien shérif devenu rédacteur en chef du quotidien local, et son acolyte ami/ennemi, Dempsey, écrivain à succès qui prête sa plume à la rubrique littéraire de ce même journal.

Les lecteurs assidus de Roy Braverman retrouveront avec plaisir – agréable surprise s’il en est – ce cher Mardiros, collecteur de dettes (ne l’appelez pas chasseur de primes, ça contrarie le bonhomme) arménien qui ne manquera jamais de surprendre ses interlocuteurs et, par la même occasion, le lecteur.

Bien entendu il faudra aussi compter sur de nouveaux personnages. À commencer par le shérif Doug Warwick, Laureen son épouse et Brenda, la sœur de cette dernière. Entre eux va rapidement se jouer un curieux jeu d’alliances et de trahisons, à se demander qui manipule qui et surtout dans quel but…

Mais commençons par le commencement afin d’y voir un peu plus clair. Le bouquin s’ouvre sur la disparition (a priori volontaire) de Brian Ross, un brillant auteur (faut croire que le lac inspire les écrivains) et mari de Brenda. Pour l’aider à surmonter ce cap douloureux, Laureen et Doug l’accueille chez eux toutes les fins de semaine. Jusqu’à ce que survienne une curieuse proposition indécente… Alors que tout semble se dérouler selon le plan des trois complices, la mécanique s’enraye brusquement et prend un tour pour le moins inattendu. À partir de là les choses vont aller de mal en pis, avec parfois quelques revirements des plus surprenants.

Comme dans Pasakukoo les chapitres commencent par quelques mots d’un mystérieux narrateur qui s’adresse directement au lecteur et n’hésite pas à se moquer de son créateur (l’auteur). Comme dans le précédent roman, le narrateur en question nous informe dès sa première intervention qu’il va mourir au cours du roman.

Et puisqu’on cause de macchabées, vous devez bien vous douter que le narrateur n’est pas le seul qui rencontrera la grande faucheuse au fil des chapitres. Et bien entendu, Braverman’s mark oblige, les causes des décès ne seront pas vraiment naturelles et leurs circonstances un tantinet brutales.

Des chapitres courts et un humour (souvent fortement teinté de noir) omniprésent viennent compléter la fameuse griffe Braverman. Une recette éprouvée qui nous garantit une lecture aussi jouissive qu’addictive.

Face à l’ampleur que prennent les choses, le FBI ne va pas tarder à mettre son grain de sel dans l’affaire. En l’occurrence se sont deux girls in black, les agents Daimler et Willow, qui vont devoir essayer de démêler un écheveau de plus en plus inextricable.

Me croiriez-vous si je vous disais qu’au milieu de ce joyeux bordel, ce brave Cupidon va quand même réussir à faire mouche ? Rassurez-vous, l’ami Braverman n’a pas pris d’actions chez Harlequin, de romantisme, point trop n’en faut.

Même si j’ai trouvé ce bouquin un peu plus soft (pour du Braverman, cela s’entend) que les précédents, je me suis régalé de la première à la dernière page. La preuve j’ai dévoré le bouquin dans la journée.

MON VERDICT

Coup de poing

[BOUQUINS] Shelley Parker-Chan – Celle Qui Devint Le Soleil

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Titre : Celle Qui Devient Le Soleil
Auteur : Shelley Parker-Chan
Éditeur : Bragelonne
Parution : 2022
Origine : Australie (2021)
405 pages

De quoi ça cause ?

1345. La Chine est sous domination de la dynastie mongole Yuan. Dans les plaines la sécheresse et la famine écrasent les paysans.

Quand un devin prophétise une grande destinée au huitième fils de la famille, les Zhu reprennent confiance en l’avenir. Pour la seconde fille, sans surprise, sa destinée se résume à rien. Un jour le village est attaqué par des bandits qui tuent le père, le fils promis à un brillant avenir se laisse mourir sur la tombe paternelle. Pas question pour la fille de se résigner à n’être rien. Elle endosse l’identité de son frère et se rend au monastère afin d’y être formée… un premier pas vers la destinée promise à son frère.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

C’est avant tout la curiosité qui m’a poussé vers ce roman. Si la fantasy sur fond historique n’est pas une nouveauté en soi, le cadre (la Chine du XIIIe siècle) apportait une touche d’exotisme qui a fini de me convaincre de me laisser tenter.

Ma Chronique

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaiterai prévenir les amateurs « puristes » de fantasy que ce roman risque de ne pas répondre à leurs attentes. Vous ne croiserez ni bestiole fantastique, ni magie entre ces pages. On est davantage dans le registre de l’uchronie (revisite de l’Histoire) avec un léger fond de mythologie chinoise.

Il n’en reste pas moins que le pari de Shelley Parker-Chan est aussi ambitieux qu’audacieux.

Ambitieux parce que l’auteure prend pour cadre une période charnière de l’Histoire de la Chine. Sous le joug de la dynastie Yuan depuis 1279, le pays est dirigé d’une main de fer par un empereur mongol. Mais en cette seconde partie du XIIIe siècle la révolte enfle, un sentiment de colère attisé par la sécheresse et la famine qui frappent le pays. De plus en plus de Chinois se prennent à espérer le retour au pouvoir d’un empereur autochtone (ce sera le cas en 1368 avec l’avènement de la dynastie Ming).

Audacieux parce que Shelley Parker-Chan, australienne d’origine asiatique et militante active pour la reconnaissance des droits LGBT – notamment en Asie du Sud-Est –, confie son intrigue à des personnages inattendus (quitte à revisiter l’Histoire). À commencer par Zhu, jeune paysanne promise au néant qui va refuser son destin et profiter d’une opportunité pour essayer d’imposer sa propre destinée. En se substituant à son frère décédé, elle va pouvoir bénéficier des enseignements d’un monastère, une première étape vers ses rêves de grandeur.

Du côté mongol le pari est encore plus osé puisque le rôle principal revient au général Ouyang, un combattant impitoyable et fin stratège. Mais aussi un eunuque, châtré sur ordre du père de son actuel seigneur après que sa famille a été assassinée. Un homme rongé par une inextinguible soif de vengeance malgré l’admiration (et plus si affinités ?) qu’il voue à son seigneur.

Même chez les personnages secondaires, c’est une femme, Ma Xiuying, la fiancée d’un commandant rebelle, qui va tirer son épingle du jeu. Résignée à son rôle de femme, elle rêve de mieux… mais ce mieux lui est inaccessible du fait de sa condition féminine ; jusqu’à ce qu’elle rencontre Zhu.

Sous la plume de Shelley Parker-Chan, les hommes ne sont pas vraiment en odeur de sainteté. Seul Xu Da, ancien moine et ami de Zhu, devenu bandit va redorer le blason de la gent masculine. Là encore, ce sont les retrouvailles avec Zhu qui changeront sa destinée.

Petit coup de cœur personnel pour le personnage de Chang Yuchun, un jeune voleur aussi opportuniste que cynique, qui n’échappera pas, presque à l’insu de son plein gré, à l’influence de Zhu.

Pour son intrigue, l’auteure opte pour deux arcs narratifs, le premier va suivre le parcours de Zhu, le second celui du général Ouyang. Deux destinées amenées à se croiser même si parfois la rencontre sera explosive.

J’ai bien aimé les personnages qui sont décryptés par le détail (dans leurs actes mais aussi dans leur quête d’identité) sans complaisance ni manichéisme ; même si on comprend le chemin qu’ils suivent, ils n’emprunteront pas toujours la voie la plus noble pour arriver à leurs fins (c’est surtout vrai pour Zhu).

Il en va de même pour l’intrigue, au-delà du conflit sino-mongol, chaque camp doit composer avec des alliances, des trahisons, des complots et autres coups bas divers et variés. Un échiquier politique et stratégique en perpétuel mouvement, à chacun de poser ses pions au mieux afin de tirer profit de la situation.

On est loin de la densité et de la complexité du Trône de Fer, mais ça reste globalement bien pensé et addictif. Un petit (tout petit) bémol au niveau de la facilité avec laquelle Zhu trouve des solutions aux obstacles qui se dressent devant elle. C’est réglé en deux coup de cuillères à pot et quelques pages.

Le style de Shelley Parker-Chan offre un contraste bienvenu à la noirceur de certaines situations sans jamais sombrer du côté fleur bleue. Décidément ce bouquin fut une agréable surprise à tous points de vue ; rapidement happé par l’intrigue, j’ai eu bien du mal à le lâcher tant il me tardait de découvrir la suite des évènements.

Celle Qui Devint Le Soleil est le premier opus d’un diptyque, à la fin du roman les cartes sont rebattues et le lecteur est en droit de se poser bien des questions quant à la suite des événements… mais pour avoir des réponses, il nous faudra patienter (pas trop longtemps j’espère).

MON VERDICT

[BOUQUINS] Mo Malo – Summit

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Titre : Summit
Série : Qaanaaq – Livre 4
Auteur : Mo Malo
Éditeur : La Martinière
Parution : 2022
Origine : France
384 pages

De quoi ça cause ?

À la demande de son supérieur, Arne Jacobsen, Qaanaaq Adriensen doit superviser la première réunion de la Scandinavian Police Association. Les cadors de la police islandaise, danoise, norvégienne et finlandaise vont se réunir au QG de la patrouille Sirius, aux portes de l’inlandsis.

Les choses commencent mal, à peine débarqué au Groenland, le représentant de la police islandaise disparaît mystérieusement. Et ce n’est que le premier « incident » qui va perturber la tenue de ce sommet, les choses vont en effet aller de mal en pis…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est la quatrième enquête de Qaanaaq Adriensen et son équipe, un coup de cœur dès leur première apparition qui ne s’est jamais démenti.

Ma Chronique

Je remercie les éditions La Martinière et Net Galley pour leur confiance et la mise à disposition de ce roman.

Petit détour par le visuel avant d’entrer dans le vif du sujet. C’est la couv’ de Qaanaaq (le premier opus de la série) qui m’a irrésistiblement attiré vers le roman avec son ours polaire qui fait trempette. A l’occasion de cette quatrième enquête ce brave nanuq (littéralement, ours polaire en inuit) est de retour en tête d’affiche. Une présence qui ne doit rien au hasard, la bestiole ne venant pas faire que de la figuration dans ce roman.

Petite digression géographique maintenant. Vous savez sans doute que la Scandinavie ne désigne pas un état mais une entité géographique regroupant plusieurs états. Au sens strict elle est formée par la Norvège, la Suède et le Danemark qui constituent un ensemble relativement homogène sur les plans ethniques, linguistiques et historiques. Au sens large et usuel, on y ajoute la Finlande et l’Islande, soit l’ensemble des états nordiques. Sauf que ces états sont déjà représentés au sein d’une institution appelée Conseil nordique.

C’est bon on peut y aller ? Allez zou, embarquement immédiat en direction du Groenland.

Ceux et celles qui ont lu les trois précédents romans de la série ne seront pas totalement dépaysés et retrouveront avec plaisir des personnages qu’ils connaissent désormais presque comme leurs amis. Un plaisir que ne suffira pas à gâcher la présence d’Arne ‘La Fourmi’ Jacobsen, plus déterminé que jamais à nuire à Qaanaaq Adriensen.

Si vous n’avez pas lu les trois précédents romans de la série (Qaanaaq, Disko et Nuuk), je ne saurais que trop vous conseiller de le faire avant de vous lancer dans la lecture de Summit. En effet le présent roman fait très souvent référence aux précédentes enquêtes de Qaanaaq et son équipe, difficile dans ces conditions d’apprécier pleinement le déroulé de l’intrigue et plus encore les personnages sans connaître leur histoire.

Rapidement Qaanaaq va réaliser que ce séminaire de la SPA ne sera pas un banal atelier de cohésion des équipes dans la lutte contre le crime organisé. Déjà la disparition du représentant de la police islandaise n’augurait rien de bon, quand celui de la police finlandaise est blessé par balle dès la première sortie du groupe, il apparaît clairement qu’ils sont la cible d’un ennemi invisible… et sans doute venu de l’intérieur.

Ces « incidents de parcours » ne suffiront toutefois pas à convaincre le chef de la patrouille Sirius de changer le programme prévu pour leurs hôtes. Programme dont le point d’orgue sera un trek en traîneau à chiens en bordure de l’inlandsis (sans doute le décor le plus hostile qui soit en milieu polaire).

Fidèle à son habitude Mo Malo (définitivement le plus nordique des écrivains français) place la nature au cœur de son intrigue. L’inlandsis lui offre effectivement un terrain de jeu particulièrement inadapté à l’humain avec des températures extrêmes et un relief accidenté qui dissimule de nombreux pièges invisibles – sauf au dernier moment… quand il est déjà trop tard. Ajoutez au tableau un redoutable prédateur particulièrement sournois et rancunier (fallait pas venir lui chier dans les pattes).

Plus que jamais l’humain sera la clé de la survie dans un décor pareil. Livrés à eux-mêmes après une succession de défaillances, les trekkers vont devoir, plus que jamais, rester solidaires et faire front uni contre l’adversité (pas évident quand on soupçonne qu’il y a – au moins – un fruit pourri dans le panier). Face au froid, au doute et à la faim qui les tenaille, la moindre faille fera d’eux une cible idéale pour la folie polaire.

Si on retrouve un Arne ‘La Fourmi’ Jacobsen plus mesquin et magouilleur que jamais, on en apprend aussi un peu plus sur les raisons de sa rancœur envers Qaanaaq. Longtemps Jacobsen va se réjouir du bon déroulé de son plan visant à décrédibiliser son ennemi juré… jusqu’à ce qu’il réalise qu’il n’a jamais été le maître du jeu et que dès le départ les dés étaient pipés pour lui aussi.

Pendant que nos valeureux séminaristes se débattent pour survivre, sur le continent une guerre des gangs menace d’exploser à tout instant. Les AK81, jusqu’alors affiliés aux Hell’s Angels, rêvent d’autonomie et surtout veulent leur part du gâteau. Un conflit larvé qui pourrait bien embraser toute la Scandinavie.

Une fois de plus Mo Malo n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il s’agit de malmener ses personnages. J’avoue que plus d’une fois je me suis demandé s’il n’allait pas sonner le glas de notre sympathique Qaanaaq et des compagnons d’infortune. Avais-je raison de craindre le pire ? Ne comptez pas sur moi pour répondre à cette question.

Un roman qui se dévore tant il est maîtrisé et addictif de la première à la dernière page. Si comme moi vous adorez les thrillers qui jouent avec vos nerfs, vous vous régalerez avec ce bouquin. Il y a d’autres points que j’aurai aimé aborder dans cette chronique, notamment la relation des hommes de la patrouille Sirius et de leurs chiens de traîneaux, mais je n’en ferai rien afin de garder intact le plaisir de la découverte.

Je terminerai en signalant simplement qu’au fil des chapitres, j’ai supposé que le titre, Summit, faisait référence au sommet de la SPA (même si on est plus dans un contexte séminaire, voire atelier) avant de comprendre, dans la dernière partie du roman, que je faisais fausse route.

Et maintenant ? Et si je vous disais que Mo Malo prépare une nouvelle série dans un cadre radicalement différent (un indice, la chose devrait s’appeler La Breizh Brigade), ça vous aiderait ou ça ne ferait que vous embrouiller davantage ? Si vous voulez en savoir plus sur le sort de Qaanaaq vous voilà condamné à lire Summit (croyez-moi, il y a pire comme châtiment).

MON VERDICT

Coup de poing

[BOUQUINS] Jean-Marc Dhainaut – Brocélia

AU MENU DU JOUR


Titre : Brocélia
Auteur : Jean-Marc Dhainaut
Éditeur : Taurnada
Parution : 2022
Origine : France
250 pages

De quoi ça cause ?

Meghan Grayford est journaliste pour un magazine spécialisé dans le paranormal. Quand son patron la presse de trouver un sujet pour un article elle décide de se pencher sur la sombre histoire du manoir de Brocélia. Une vieille bâtisse isolée au cœur de la forêt de Brocéliande, réputée pour être maudite.

En se faufilant dans cette bâtisse, Meghan ignore encore que son histoire n’est pas peuplée de magie et de fées, mais de morts brutales et sanglantes…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Taurnada, une raison qui se suffirait à elle-même. Mais aussi parce que c’est Jean-Marc Dhainaut et que j’avais beaucoup aimé son précédent roman, L’Œil Du Chaos.

Cerise sur le gâteau, j’ai trouvé la couv’ sublime.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Taurnada, et tout particulièrement Joël, pour leur confiance renouvelée et l’envoi de ce roman.

Les lecteurs les plus assidus de Jean-Marc Dhainaut reconnaîtront sans doute le personnage de Meghan Grayford puisqu’elle apparaît dans la dernière enquête d’Alan Lambin (enquêteur du paranormal et personnage récurrent de l’auteur), Les Couloirs Démoniaques. Cela ne les surprendra donc pas outre mesure de voir leur chasseur de fantômes préféré et sa compagne, Mina, prendre part au déroulé de la présente intrigue.

Intrigue qui pourrait sembler relativement classique tant le thème de la maison hantée a servi de cadre à bien des récits de la littérature fantastique (et accessoirement horrifique), certains écrits par des maîtres incontestés du genre (Richard Matheson, James Herbert, Graham Masterton, sans oublier l’incontournable H.P. Lovecraft pour ne citer qu’eux). Un thème un peu tombé en désuétude ces dernières années, mais qui peut encore réserver bien des surprises – et des sueurs froides –, comme le démontre fort habilement Jean-Marc Dhainaut dans ce septième roman.

Le cadre choisi par l’auteur se prête bien à ce genre d’exercice, non seulement la Bretagne dans son ensemble est une terre riche en légendes, mais la forêt de Brocéliande est réputée être le berceau de la légende arthurienne.

S’il n’est point question de la geste arthurienne dans le roman de Jean-Marc Dhainaut, certaines légendes bretonnes ont toutefois été source d’inspiration pour servir de toile de fond à son intrigue.

Retour à nos moutons et à Meghan. Passionnée d’urbex (exploration urbaine) et tout particulièrement dans les lieux chargés d’histoire ou de mystères, elle a déjà eu l’occasion de se frotter au manoir de Brocélia quelques mois plus tôt… avant de rapidement battre en retraite tant la demeure lui avait fait comprendre qu’elle n’était pas la bienvenue.

Pressée par son patron de pondre un article explosif pour le prochain numéro du magazine pour lequel elle travaille, elle va surmonter sa peur et retourner se confronter au manoir et à ce qui le hante. À peine arrivée au village voisin, le ton est donné ; l’accueil est glacial, pour ne pas dire franchement hostile (y sont fous ces bretons dirait ce brave Obélix). Mais il faut plus que ça pour faire reculer notre téméraire journaliste de l’étrange.

Entre plongée dans le passé – tumultueux et sanglant – des occupants successifs du manoir et exploration – sous haute tension – du domaine, Meghan aura intérêt à avoir le cœur bien accroché pour ne pas prendre ses jambes à son cou. Mais la petiote est obstinée et bien déterminée à comprendre ce qui se cache derrière cette colère omniprésente autour de Brocélia.

Heureusement elle ne sera pas seule dans ses investigations, Alan et Mina l’aideront à mieux cerner certaines des manifestations dont elle sera spectatrice – et accessoirement victime. Elle pourra aussi compter sur le soutien inconditionnel et l’aide de Janis, son ami d’enfance qui travaille avec elle à la rédaction d’Insolite Magazine.

Il lui faudra bien ça pour faire face à l’hostilité paranormale de Brocélia, mais aussi aux gueulantes incessantes de son patron (à croire que le gars ne sait parler qu’en aboyant) et aux coups bas d’un collègue aussi fielleux que lèche-cul.

Jean-Marc Dhainaut sait y faire pour installer rapidement une ambiance oppressante – voire franchement flippante parfois – et maintenir la pression de la première à la dernière (ou presque) page. Des chapitres courts et une écriture très visuelle plongent le lecteur au cœur de l’intrigue.

Chapeau bas pour cet étonnant revirement de situation dans les ultimes chapitres du roman, nul doute que même les lecteurs les plus aguerris n’auront rien vu venir. Une belle trouvaille qui vient couronner un récit d’une redoutable – effrayante – efficacité.

N’ayant pas encore eu l’occasion de me plonger dans les enquêtes d’Alan Lambin, ce roman, en forme de spin-off de la tétralogie, m’a vraiment donné envie de découvrir cette série qui hante mon Stock à Lire Numérique depuis des temps immémoriaux.

MON VERDICT

[BOUQUINS] R.J. Ellory – Omerta

AU MENU DU JOUR


Titre : Omerta
Auteur : R.J. Ellory
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : Angleterre (2006)
587 pages

De quoi ça cause ?

John Harper, écrivain en manque d’inspiration, vit à Miami où il gagne sa vie en tant que journaliste. Une vie sans histoire jusqu’à ce qu’il reçoive un appel de sa tante, qu’il n’a pas vu depuis 25 ans, celle-ci le presse de rentrer au plus vite à New York.

Là, il apprend que son père, qu’il n’a jamais connu et qu’il croyait mort depuis des années, est hospitalisé entre la vie et la mort à la suite d’une blessure par balle. Peu à peu John Harper va découvrir une réalité, présente et passée, qui le dépasse complètement…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonatine et R.J. Ellory, un duo qui n’a plus rien à prouver mais auquel il est impossible de résister.

Ma Chronique

Même si je suis loin d’avoir lu tous les romans de R.J. Ellory, c’est un auteur qui ne m’a jamais déçu. Force est pourtant de constater que j’ai eu du mal à entrer dans ce roman sans vraiment pouvoir expliquer le pourquoi du comment de la chose.

Le fait que ce soit une fausse nouveauté (publié en 2006 en version originale, c’est le quatrième roman de l’auteur) n’a pas joué en défaveur du bouquin. Bonne nouvelle en revanche, il n’y a plus de titres antérieurs à 2017 qui ne soit pas encore disponible en français. Cerise sur le gâteau (icing on the cake pour les anglophones), il y a au moins cinq titres parus à partir de 2017 non encore traduits.

J’ai trouvé que l’écriture manquait de naturel, avec même parfois quelques lourdeurs de style. Je serai tenté de jeter la pierre aux traducteurs mais je n’avais du tout eu la même impression en lisant Le Chant De L’Assassin. Peut-être que R.J. Ellory n’avait tout simplement pas encore trouvé sa voie (sa plume plus exactement) ; c’est en effet le premier roman de l’auteur antérieur au génialissime Seul Le Silence (publié l’année suivante en V.O.) que je lis.

Heureusement le fond fait rapidement oublier la forme avec une histoire de famille bourrée de secrets, de non-dits et de mensonges… Au fil des chapitres John Harper va découvrir une réalité insoupçonnée sur son propre passé et se retrouver, à l’insu de son plein gré, impliqué dans une vaste opération criminelle menée de concerts par deux gangs rivaux.

La sagesse populaire affirme qu’il n’est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, un adage qui pourrait parfaitement s’appliquer à John Harper… à moins que celui-ci ne soit vraiment un Bisounours déconnecté de la réalité du monde qui l’entoure. Perso ça ne m’a pas aidé à éprouver une quelconque empathie pour le personnage.

À sa décharge on ne peut pas vraiment dire que son entourage l’aide beaucoup à y voir plus clair. Sa tante, Evelyn, se mure dans le silence ou ne lui raconte que des demi-vérités. Walt Freiberg, le bras droit de son père, l’embobine en enjolivant – voire en travestissant purement et simplement – les faits. Et Frank Duchaunak, un inspecteur obsédé par le père de Harper et ses acolytes, ne parle qu’à demi-mots et entretiens le flou (à se demander s’il a de véritables preuves ou juste de sérieux soupçons… le fameux faisceau d’indices).

Bien entendu l’aspect policier de l’intrigue n’est pas négligé. Nous avons en effet deux gangs rivaux qui vont faire équipe pour monter un « gros coup »… une coopération qui se fera sans jamais perdre une occasion de planter un couteau dans le dos de son rival. Ça complote à tout va dans les bas-fonds de Manhattan, et bien entendu les morts brutales se succèdent, d’un côté comme de l’autre.

Au chapitre du double-jeu (et plus si affinités) j’ai assez rapidement eu des doutes sur un des personnages, doutes fortement appuyés par un passage le mettant en scène lors d’un échange téléphonique avec un autre que son acolyte habituel. Il n’y avait alors que deux possibilités, et la seconde m’est apparue hautement improbables. La suite des événements me donnera raison.

L’auteur prend le temps de poser son intrigue sans toutefois qu’il y ait le moindre temps mort dans le déroulé du récit. Changement de rythme dans les derniers chapitres, brusque accélération et poussée d’adrénaline seront de la partie, pour notre plus grand plaisir !

Une intrigue maîtrisée de bout en bout et des personnages mitonnés aux petits oignons, hormis le style narratif qui semble se chercher encore, R.J. Ellory avait déjà tout pour imposer sa griffe dans le monde du noir. Ce qu’il confirmera un an plus tard avec Seul Le Silence et ne démentira pas au fil des années suivantes.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Katerina Autet – Les Deux Morts De Charity Quinn

AU MENU DU JOUR


Titre : Les Deux Morts De Charity Quinn
Auteur : Katerina Autet
Éditeur : Robert Laffont
Parution : 2022
Origine : France
273 pages

De quoi ça cause ?

Bienvenue à Georgetown, quartier huppé de Washington. C’est ici que réside Charity Quinn, une avocate de renom. À l’approche de Noël, Charity est victime d’un accident qui la laisse défigurée. Ou serait-ce une tentative de meurtre ? Celle qui a passé sa vie à parler pour les autres se mure dans le silence. À croire qu’elle espère que le coupable s’en sorte…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est La Bête Noire, une collection qui ne m’a jamais déçu, source de bien des coups de cœurs et d’émotions fortes.

Parce que Katerina Autet m’avait agréablement surpris avec son précédent roman, La Chute De La Maison White (récompensé par le Grand Prix des Enquêteurs 2020). Il me tardait de découvrir le second roman de l’auteure (comme elle le reconnaît dans ses remerciements à la fin du bouquin, un second roman est celui de « tous les dangers »).

Ma Chronique

Je remercie Katerina Autet et les éditions Robert Laffont – tout particulièrement Filipa, chargée des relations blogs pour la collection La Bête Noire – pour leur offre de lecture et leur confiance.

Commençons par la fin et les remerciements de l’auteure, une analyse succincte mais juste de l’angoisse du second roman après un premier titre qui a connu un succès public et critique :

Il paraît que le deuxième roman est celui de tous les dangers. Il doit forcément être mieux que le précédent (sinon, c’est le signe qu’on régresse). Il doit également être différent, pour ne pas donner l’impression qu’on se répète. Et en même temps, pas trop, pour être apprécié des lecteurs qui ont aimé le premier.

Est-ce que Les Deux Morts De Charity Quinn relève ces deux défis ? Je vais essayer de répondre à cette question au fil de ma chronique.

D’ores et déjà je peux vous signaler que Katerina Autet reste dans la trame policière classique mais efficace du whodunit (une victime, des suspects et une enquête afin de démasquer le(s) coupable(s)).

Pour rester dans les points communs entre les deux romans de l’auteure, c’est, une fois de plus, une famille a priori « bien sous tous rapports » qui va se retrouver sous le feu des projecteurs.

Enfin, le récit est rédigé à la première personne, c’est Ethan Morow, jeune flic débutant, qui nous guidera au fil de l’enquête qu’il mènera avec sa coéquipière, Helena.

Je vous rassure tout de suite, les similitudes s’arrêtent ici. Pour commencer on quitte Cape Code et Boston pour rejoindre Washington DC ; une occasion de découvrir les deux visages de la capitale des États-Unis, avec d’un côté ses quartiers chics (voire très chics) et de l’autre ses banlieues populaires. Je ne signale pas cet aspect du roman juste afin de meubler, il y a une réelle dimension sociale dans le bouquin de Katerina Autet ; ne serait-ce qu’à travers son personnage principal, Ethan, issu de ces fameuses banlieues qui, sans complètement renier ses origines, essaye de trouver sa place dans un milieu plus aisé.

 Autre différence – et pas des moindres – la victime, Charity Quinn, n’est pas morte. Elle pourrait même avoir été simplement victime d’un stupide accident (elle se prend un miroir sur la tronche pendant son sommeil)… mais la thèse accidentelle va rapidement être écartée pour privilégier celle de l’acte volontaire.

Attends voir une minute mec – ça c’est vous qui me coupez dans mon élan rédactionnel – si Charity Quinn n’est pas morte alors c’est quoi ce titre et ses deux morts ? De la publicité mensongère ? Une arnaque ? Rien de tout ça, rassurez-vous – là c’est moi qui reprends les rênes de la conversation –, déjà mourir deux fois, à ma connaissance ça ne s’est jamais vu. Pour le reste, lisez le roman et tout deviendra clair comme de l’eau de roche.

Revenons à nos moutons. Si Charity Quinn n’est pas morte, il n’en reste pas moins qu’elle gardera de lourdes séquelles – notamment esthétiques – de ce drame. Depuis son arrivée à l’hôpital, Charity Quinn est mutique sans qu’aucune explication physique, physiologique ou neurologique ne justifie cet état de fait.

Pas facile d’interroger un témoin clé qui se mure dans le silence. Les enquêteurs devront se contenter du journal intime de la victime pour essayer de combler les blancs laissés par les divers entretiens avec les proches (et donc suspects).

Au fil de l’enquête il sera beaucoup question de justice avec notamment l’opposition entre le sens éthique du mot et son sens juridique ; dilemme que l’on peut résumer en opposant deux adages. L’un des symboles dans la représentation de la justice est le bandeau qui lui couvre les yeux et qui affirme donc que « la justice est aveugle ». La Fontaine, sans doute moins bercé d’illusion porte un regard plus critique sur la justice : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » (Les Animaux malades de la peste).

Un dilemme parfaitement assumé par Charity Quinn à en croire quelques extraits de son journal :

À partir du moment où vous le payez, un avocat est votre ami. Ainsi, au fil des ans, je suis devenue l’amie de beaucoup de personnes infréquentables.

Ma marque de fabrique était le doute raisonnable. J’avais bien retenu les leçons du procès O. J. Simpson : tant que votre client n’a pas été vu avec un pistolet fumant à la main près du corps de sa victime agonisante, il y a toujours moyen de s’en sortir. Il suffisait d’imaginer une explication alternative qui, à défaut d’être plausible, était théoriquement possible.

Beaucoup de mes clients étaient des gens mauvais, évidemment, je savais cela. Seulement, je me disais que s’il n’y avait pas de gens mauvais, il n’y aurait pas d’avocats non plus.

C’est très bien d’avoir des principes, de vouloir défendre la veuve et l’orphelin, et sans se faire rémunérer, qui plus est. Mais ce n’est pas cela qui paie, et pour vivre, on a besoin d’argent. De beaucoup d’argent. La pauvreté n’est romantique que pour ceux qui ne savent pas vraiment ce que c’est.

De justice aussi il sera question en intégrant à la fiction quelques affaires judiciaires bien réelles. À commencer par l’ultramédiatisée affaire O.J. Simpson, dont le principal suspect a été innocenté au nom de ce fameux doute raisonnable si cher à Charity Quinn (c’est d’ailleurs cette affaire qui la poussera à s’orienter vers une carrière de pénaliste). Elle gagnera par la suite ses lettres de noblesses en assurant la défense de Bernard Madoff dans un procès impossible à gagner mais qui la mettra sous le feu des projecteurs. Enfin, moins connue du grand public (y compris aux Etats-Unis), le procès de l’accident du métro de Washington survenu en juin 2009 (9 morts et 80 blessés).

Au niveau des personnages j’ai beaucoup aimé le duo d’enquêteurs composé par Ethan et Helena, une relation compliquée par leurs origines sociales diamétralement opposées (surtout dans l’esprit d’Ethan soit dit en passant), mais soudée par une confiance réciproque et une réelle complicité (même si pas toujours ouvertement affichée).

Je passerai vite fait sur leur responsable d’enquête, Pete Anderson que je qualifierai simplement de gros con prétentieux. Heureusement la cheffe de la police s’avérera finalement moins distante qu’elle ne veut bien le montrer.

Enfin il y a l’entourage de Charity Quinn. Deux filles que tout oppose. Une pas vraiment fille adoptive mais presque qui se la joue un peu trop élève modèle pour plaire à sa pas-maman. Un fiancé presque trop bien sous tous rapports, un homme à tout faire et une collaboratrice qui dépend totalement de sa patronne. À Ethan et Helena de démêler le vrai du faux dans un écheveau de faits, de faux-semblants et de mensonges… avec un soupçon de manipulation en bonus.

Voici venu le temps, des rires et des chants… Oups non, ça c’était avant (je vous parle d’un temps que les plus jeunes d’entre vous ne peuvent pas connaître… le temps de l’île aux enfants). Voici venu le temps de répondre aux questions posées par Katerina Autet concernant le cap du second roman :

À la première question, le jury (composé de moi tout seul) répond OUI. J’ai trouvé ce second opus plus abouti que le précédent, dans le déroulé général de l’intrigue mais aussi et surtout par la profondeur des thèmes abordés.

À la seconde question, le jury unipersonnel répond OUI. Si des similitudes existent entre les deux romans de l’auteure, ils n’en restent pas moins totalement différents (pour les mêmes raisons que celles évoquées plus haut).

Le cap a donc été franchi haut la main, nul doute que nous serons nombreux à attendre le troisième bébé… et les suivants !

MON VERDICT