[BOUQUINS] Bécu & Trifogli – Morpheus

Depuis l’apparition du virus Morpheus, l’humanité est condamnée au sommeil vingt heures par jour. Pour tenter de survivre à ce chaos, les principales capitales ont déclaré leur indépendance dans une Europe au bord de l’implosion.

A Prague, la mercenaire Juliette tente d’offrir une vie décente à sa fille en multipliant les missions périlleuses et en prenant des drogues pour rester éveillée. Sa rencontre avec le professeur Ivanov lui redonne l’espoir d’éradiquer le virus et de sauver sa fille.

Commence alors pour eux une course frénétique à travers le no-man’s land européen, avec plusieurs groupes armés à leurs trousses…

Je remercie Les Humanoïdes Associés et la plateforme Net Galley pour leur confiance.

Yann Bécu s’est inspiré de l’univers imaginé lors de l’écriture de son roman Les Bras De Morphée pour construire le scénario de Morpheus.

Dans ce monde post-apocalyptique le méchant virus n’a pas éradiqué l’humanité mais la condamne à de longues phases de sommeil (20 heures par jour). Les grandes capitales européennes ont déclaré leur indépendance et vivent quasiment en autarcie. Le reste de l’Europe est devenu un vaste no man’s land où la survie s’organise tant bien que mal.

L’histoire commence à Prague, on y rencontre Juliette, une jeune femme qui vit seule avec sa fille, Chloé, et leur bot Teacher. Pour gagner sa vie elle exerce le métier de chasseuse, une espèce de mercenaire officielle. Elle vient justement se voir confier une mission consistant à déjouer les plans de Trolls (des terroristes opposés au pouvoir et à la science).

C’est au cours de cette mission qu’elle va sauver la vie du Pr Yuri Ivanov, un scientifique qui travaille depuis des années sur la recherche d’un remède à Morpheus. Recherches qui étaient quasiment abouties avant l’attaque des Trolls et la destruction de ses échantillons d’ADN archas (des humains naturellement immunisés contre le virus). Juliette y voit l’opportunité de soigner sa fille, mais cela implique de se rendre à Berlin alors qu’il est formellement interdit de quitter sa cité d’origine.

L’intrigue est originale en sortant du cadre post-apocalyptique habituel, les personnages sont bien travaillés (pas toujours évident de restituer des traits de personnalité via le format graphique).

Si je devais y trouver un bémol, je pourrais, en pinaillant, reprocher à l’intrigue une certaine linéarité. Les jours se suivent et se ressemblent avec leur lot de mauvaises rencontres tandis que la relation entre Juliette et Yuri évolue.

Le découpage irrégulier des différentes planches donne toutefois une réelle dynamique à l’intrigue. Ajoutez à cela le dessin très fin et soigné de Francesco Trifogli (aussi bien dans le traitement des décors que des personnages), associé à une mise en couleurs irréprochable d’Axel Gonzalbo et vous aurez une petite pépite, visuellement parlant.

Belle trouvaille aussi qu’est le traitement réservé aux bots, avec le temps (et les conséquences du virus), ils ont acquis une part d’humanité qui est parfaitement dosée pour interagir avec leurs interlocuteurs humains et entre eux.

Au niveau des surprises un peu moins agréables mais qui ouvrent toutefois de belles perspectives, ce roman graphique semble être le premier opus d’une série à venir. Dommage que rien ne l’indique sur la couv’ ou la page de titre, le lecteur le découvre en butant sur une fin des plus abruptes. Yapuka attendre la suite…

[BOUQUINS] Guillaume Musso & Miles Hyman – La Vie Secrète Des Écrivains

Après avoir publié trois romans devenus cultes, le célèbre écrivain Nathan Fawles annonce qu’il arrête d’écrire et se retire à Beaumont, une île sauvage et sublime au large des côtes de la Méditerranée.

Vingt ans après, alors que ses romans continuent de captiver les lecteurs, Mathilde Monney, une jeune journaliste, débarque sur l’île, bien décidée à percer son secret. Commence entre eux un dangereux face-à-face, où se heurtent vérités et mensonges, où se frôlent l’amour et la peur…

Je n’ai pas pour habitude de relire un bouquin déjà lu, d’une part parce que je n’en vois pas forcément l’intérêt, d’autre part parce que mon Stock à lire Numérique ne cesse d’enfler plus vite que je ne lis.

Bien qu’ayant déjà lu La Vie Secrète Des Écrivains (lien vers ma chronique), j’étais curieux de découvrir ce que pouvait donner son adaptation graphique. Raconter la même histoire sur moins de 200 pages (le roman compte tout de même 352 pages) sans la dénaturer me semblait être un sacré challenge.

Autre challenge, plus personnel cette fois : comment écrire la chronique d’un roman déjà chroniqué sans radoter ? En relisant mon billet concernant le roman de Guillaume Musso j’ai constaté que j’avais fait l’impasse sur le personnage de Mathilde, me concentrant sur le binôme Nathan / Raphaël. Du coup la réponse s’est imposée d’elle-même, non seulement rendre à Mathilde la place qui lui appartient, mais aussi me centrer davantage sur l’aspect policier du bouquin.

Force est de reconnaître une première impression des plus positives, d’emblée j’ai retrouvé l’ambiance du roman, avec en bonus un visuel du plus bel effet.

Nathan Fawles était un écrivain à succès qui a mis fin à sa carrière du jour au lendemain il y a une vingtaine d’années. Depuis il s’est retiré sur l’île de Beaumont où il coule des jours heureux. Mais ça, c’était avant…

Coup sur coup il va recevoir la visite de Raphaël Bataille, un écrivain en herbe qui veut à tout prix lui soumettre son manuscrit et de Mathilde Monney, une jeune et séduisante journaliste suisse sans pas si innocente qu’elle ne le laisse à penser. Pour essayer de percer les secrets de Mathilde, Nathan va devoir, à son grand désarroi, faire appel à Raphaël.

Cerise sur le gâteau, v’là t’y pas qu’un cadavre est retrouvé, le corps exposé dans une mise en scène macabre. Du coup les autorités décrètent un blocus de l’île.

Dans le roman chaque chapitre s’ouvre sur une citation d’un auteur (Umberto Eco, Margaret Atwood, Agatha Christie, Milan Kundera…), le principe est repris et magnifié ici puisque ladite citation est enrichie d’une illustration mettant en avant son auteur.

On retrouve bien les ingrédients du thriller psychologique dans le face-à-face entre Mathilde et Nathan. Il a beau soupçonner que cette femme peut être dangereuse, voire lui être fatale, il va entrer dans son jeu de séduction sans toutefois baisser totalement sa garde.

Chacun cherche la vérité, mais laquelle ? Comme le dit Nathan : « La vérité n’existe pas. Ou plutôt si, elle existe, mais elle est toujours en mouvement, toujours vivante, toujours changeante. » Une affirmation qui va prendre tout son sens dans la dernière partie du roman.

Le lecteur va quant à lui se balader au cœur d’une intrigue riche en rebondissements, certes si vous avez déjà lu le roman vous n’apprendrez rien de nouveau, mais cela ne m’a pas dérangé outre mesure. À vrai dire je n’ai pas eu l’impression d’une relecture, mais plus de la lecture d’une réécriture, à la fois fidèle à l’original tout en proposant une construction différente.

Le trait et le choix des couleurs de Miles Hyman collent parfaitement au récit. On en viendrait presque à regretter que cette île de Beaumont soit fictive, les illustrations nous donnent vraiment envie d’y passer des vacances… et plus si affinités.

Résultat des courses, j’ai dévoré cette lecture d’une traite. Revenant même parfois en arrière pour le seul plaisir de profiter pleinement des illustrations. Une belle (re)découverte qui pourrait bien me pousser vers d’autres adaptations graphiques de romans déjà lus.

[BOUQUINS] Kami Garcia – Joker / Harley – Criminal Sanity

AU MENU DU JOUR


Titre : Joker / Harley – Criminal Sanity
Scénario : Kami Garcia
Dessins : Mico Suayan, Jason Badower, Mike Mayhew, David Mack et Cat Staggs
Consultant : Dr Edward Kurtz
Éditeur : DC Comics / Urban Comics
Parution : 2021
Origine : États-Unis (2019)
312 pages

De quoi ça cause ?

Profiler de renom, Harleen Quinzel est embauchée par le GCPD pour enquêter sur une vague de crimes particulièrement sordides. Mais elle est elle-même hantée par une affaire passée lorsque sa colocataire a été sauvagement assassinée par le tueur en série surnommé le Joker.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Dans l’univers des super-héros je suis nettement plus attiré par ceux de l’écurie Marvel que par ceux de DC. Batman, et plus globalement le batverse dans son ensemble, est l’exception qui confirme la règle.

Le Joker est un incontournable de cet univers, j’étais donc curieux de découvrir une réécriture totalement nouvelle de sa relation avec Harley Quinn.

Ma Chronique

Initialement ce roman graphique a été diffusé sous forme d’un feuilleton de 8 épisodes plus un hors-série (Secret Files), Urban Comics permet aux lecteurs francophones de découvrir l’intégrale de cette histoire en un volume unique.

Kami Garcia, à qui l’on doit le scénario du présent roman graphique, est plutôt habituée à la littérature young adult (elle est notamment l’auteure de la série Sublimes Créatures), c’est d’ailleurs dans ce registre qu’elle s’est fait connaître chez DC Comics avec ses collaborations aux séries Teen Titans et Raven.

Pour cette réécriture de la relation entre Joker & Harley Quinn, Kami Garcia change complétement de registre, de son propre aveu elle a imaginé cette intrigue comme un thriller psychologique sur fond très très noir. Histoire de ne rien laisser au hasard, elle s’est adjoint les services d’un véritable psycho-criminologue, le Dr Edward Kurtz.

Pour les dessins ce sont pas moins de cinq dessinateurs qui ont rejoint le projet. Mico Suayan a assuré toute la partie en noir et blanc qui se concentre sur l’intrigue actuelle. Les planches en couleurs, que l’on doit à Mike Mayhew et à Jason Badower, permettent d’identifier les flashbacks. Les deux autres dessinateurs, David Mack et Cat Staggs n’interviendront que sur la chapitre Secret Files.

Dès les premières pages on est bluffé par la qualité photo-réaliste du dessin. Certaines planches sont mêmes de véritables merveilles qui nous en mettent plein les mirettes. Par contre ce même aspect photo réaliste rend la scène de crime visuellement très explicite.

Les puristes de l’univers DC seront sans doute un peu surpris de découvrir un Joker sans une once de folie et une Harley Quinn totalement mature et au moins aussi futée que son rival. Outre le jeu du chat et de la souris que se livreront les deux protagonistes, c’est aussi un véritable duel psychologique qui va les opposer.

Point de romance à l’horizon non plus, ici Harley voue une haine viscérale au Joker et ne souhaite rien plus ardemment que la mort de son ennemi.

Batman est à peine mentionné, on sait juste qu’il semble avoir déserté Gotham City depuis quelques temps sans en connaître les raisons. Il apparait sur une vignette lors de l’accident qui coûtera la vie à la mère de John Kelly.

Les flashbacks permettent de réaliser que Joker et Harley, s’ils ont des parcours de vie radicalement différents, partagent une enfance difficile. Lui subit la violence d’un père abusif et alcoolique depuis le décès de sa femme. Elle doit affronter une mère tyrannique et non aimante. Chacun coupera les ponts avec le passé à sa façon.

Si Harley occupe le devant de la scène au niveau de l’enquête, elle n’en reste pas moins placée sous la responsabilité du commissaire Gordon en tant que consultante externe du GCPD (Gotham City Police Department). Un autre personnage indissociable du batverse, même si présentement il est plutôt placé au second plan.

Peut-être que les puristes convulseront face à cette revisite audacieuse de deux personnages phares du batverse, pour ma part j’ai totalement adhéré au côté thriller psychologique parfaitement maîtrisé. Que ce soit par son intrigue ou par ses dessins, ce volume est à déconseiller aux âmes les plus sensibles.

Quid d’une éventuelle suite ? La fin reste ouverte sur deux options, un retour vers la trame classique ou une poursuite dans la direction soulevée par Harley dans la dernière vignette. Ni l’une ni l’autre ne semble malheureusement dans les tuyaux de DC.

MON VERDICT

Coup double

[BOUQUINS] Joshua Hale Fialkov & Noel Tuazon – Caboche

AU MENU DU JOUR


Titre : Caboche
Scénario : Joshua Hale Fialkov
Dessin : Noel Tuazon
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : États-Unis (2009)
246 pages

De quoi ça cause ?

Frank Armstrong, un détective privé désabusé, vient d’être diagnostiqué d’une tumeur cérébrale en phase terminale. Il va malgré tout décider d’enquête sur la disparition de la fille d’un caïd de la pègre…

Ma Chronique

L’aventure Caboche commence en 2009 sur Kindle, les auteurs décident de publier leur histoire sous forme de roman feuilleton en huit épisodes. L’édition papier, préfacée par Duane Swierczynski et augmentée de quelques bonus fournis par Joshua Hale Fialkov, suivra l’année suivante. C’est cette édition que Sonatine nous propose de découvrir en version française.

Après l’excellent Accident De Chasse de David L. Carlson et Landis Blair, c’est la seconde incursion des éditions Sonatine dans l’univers graphique. Fidèle à sa réputation, l’éditeur vise juste avec un roman graphique qui sublime les règles du noir et va vous en mettre plein les mirettes.

De prime abord l’intrigue peut paraître relativement classique : un détective privé de seconde zone embauché par un caïd de la pègre pour retrouver sa fille… pas besoin de sortir de la cuisse de Jupiter pour soupçonner que c’est n’est pas une histoire d’amour paternel qui motive la requête du mafieux.

Mais une saloperie de tumeur va complétement rebattre les cartes. Frank Armstrong est en effet condamné à court terme par une tumeur au cerveau en phase terminale. Tumeur qui provoque des absences qui renvoient à Frank des images de son passé. Si passé et présent vont parfois s’embrouiller dans l’esprit de Frank, ça va aussi être un déclencheur : pas question qu’il fasse deux fois la même erreur !

Une intrigue noire à souhait menée tambour battant, véritable course contre la montre et contre la mort dans les rues de Los Angeles.

Une narration à la première personne portée par Frank Armstrong. Si au départ ça peut sembler un peu chaotique, on s’aperçoit rapidement qu’il y a certaine logique dans cet embrouillamini. Le passé va venir se mettre au service du présent… et peut-être permettre à Frank de trouver une forme de rédemption avant que ne sonne le glas.

Dans le même ordre d’idée le trait de Noel Tuazon peut sembler minimaliste, mais cet aspect brut de décoffrage, presque grossier, colle parfaitement à la narration. L’application d’un lavis pour distinguer les flashbacks de l’intrigue présente est un excellent choix qui vient renforcer le côté embrumé de l’esprit de Frank ; surtout quand les deux techniques se superposent dans une même case.

Le roman est agrémenté de quelques bonus qui viendront prolonger l’expérience Caboche : un extrait du pitch original, un carnet de croquis, un entretien et divers textes de Joshua Hale Fialkov, dont une nouvelle qui reprend un épisode abordé dans le roman.

Si vous êtes amateur de roman noir, je vous invite à vous ruer sur ce roman graphique, c’est la garantie d’une expérience narrative et visuelle qui ne vous laissera pas indifférent.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Valentine Cuny-Le-Callet – Perpendiculaire Au Soleil

AU MENU DU JOUR


Titre : Perpendiculaire Au Soleil
Scénario et dessin : Valentine Cuny-Le-Callet
Éditeur : Delcourt
Parution : 2022
Origine : France
436 pages

De quoi ça cause ?

En 2016, alors âgée de 19 ans, Valentine Cuny-Le Callet entame une correspondance avec Renaldo McGirth, un condamné à mort américain. Au fil de leurs échanges, nait un projet de récit graphique d’une intense émotion.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Delcourt et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée et la mise à disposition de ce roman graphique.

Ce roman graphique est le résultat d’un travail à quatre mains, une collaboration et une complicité Valentine Cuny-Le-Callet et Renaldo McGirth. Seul le nom de la jeune française est crédité en qualité d’auteur car, aux Etats-Unis comme en France, la loi interdit aux détenus de tirer un profit financier du récit de leur crime.

Avant d’aller plus avant dans ma chronique je tiens à préciser que ce roman graphique n’est pas un réquisitoire contre à la peine de mort, Valentine Cuny-Le-Callet a une intime conviction sur la question et c’est son droit le plus strict. Nul besoin d’être d’adhérer à ses idées pour apprécier la dimension humaine du récit qu’elle nous livre.

De la même façon il ne s’agit pas de se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence de Renaldo McGirth (ceux qui veulent se faire leur opinion pourront toujours essayer de fouiner sur le net mais les résultats sont plutôt à charge) ; une fois de plus ce n’est pas ce qui motive la démarche de l’auteure et de ses semblables, là encore c’est le côté humain qui est leur clé de voute.

Valentine Cuny-Le-Callet font montre d’une parfaite maîtrise des diverses techniques graphiques, alternant les styles graphiques, jouant avec la lumière et les détails. Même si globalement la couleur noire est prédominante – avec ça et là quelques touches de couleurs (il s’agit des travaux de Renaldo) – elle réussit toutefois à véhiculer un message porteur d’espoir.

Renaldo demande à sa correspondante d’être sa fenêtre sur le monde extérieur, une tâche dans laquelle elle va s’investir sans ménager ses efforts pour que l’envie de vivre prenne le pas sur les moments de doute.

Se plier aux règles de l’administration pénitentiaire ne l’empêche pas de se livrer à un travail de reconstitution aussi proche de la réalité que possible. Pas toujours évident tant ces règles sont malléables à souhait par ladite administration et obéissent à une logique parfois des plus absconses.

L’auteure ne se contente pas d’évoquer ses échanges avec Renaldo, elle évoque aussi la question du racisme aux États-Unis et bien entendu le fonctionnement du système judiciaire et carcéral américain. Il pourrait être tentant dans sa situation de tirer à boulets rouges contre ce système, mais tel n’est point son objectif ; pointer du doigt certains dysfonctionnements sans tout rejeter en bloc est une démarche bien plus constructive et bien plus fédératrice.

La démarche de Valentine Cuny-Le-Callet est courageuse, de son initiative est née une véritable amitié avec Renaldo, et de cette amitié naît un roman graphique d’une incroyable intensité émotionnelle.

MON VERDICT

Coup de poing


Valentine et Renaldo (Instagram valentine.clc)

[BOUQUINS] Harold Schechter & Eric Powell – Ed Gein – Autopsie D’Un Tueur En Série

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Titre : Ed Gein – Autopsie D’Un Tueur En Série
Scénario : Harold Schechter & Eric Powell
Dessin : Eric Powell
Éditeur : Delcourt
Parution : 2022
Origine : États-Unis (2021)
288 pages

De quoi ça cause ?

Le 16 novembre 1957 Ed Gein est arrêté pour le meurtre de Bernice Worden, une commerçante de Plainfield. Les policiers ne le savent pas encore mais ce qu’ils vont découvrir dépasse l’entendement.

Comment Ed Gein en est-il arrivé là ?

Ma Chronique

Je remercie les éditions Delcourt et Net Galley qui ont répondu favorablement à ma sollicitation.

À la base je n’avais pas prévu de lire ce bouquin tout de suite, j’ai eu le malheur de l’ouvrir « juste pour voir »… et je n’ai plus pu le refermer avant de l’avoir terminé ! Et du coup je me le suis fait quasiment d’une traite.

Il faut dire que je suis le client idéal pour ce genre de bouquin, j’ai toujours été intéressé par le phénomène des serial killers. J’étais donc particulièrement curieux de voir comment le cas Ed Gein pourrait être traité au format roman graphique.

Avec deux victimes officiellement reconnues, Ed Gein n’est pas un serial killer au vu de la nomenclature admise du terme puisqu’il faut avoir au moins fait trois victimes. Toutefois les faits de nécrophilie qui lui sont reprochés (ainsi que de sérieux doutes sur d’autres victimes potentielles) justifient qu’il soit malgré tout considéré comme tel. Sans parler de l’impact qu’il aura ultérieurement sur la production cinématographique et plus largement sur la pop culture (cf. plus bas).

Plutôt que de miser sur le sensationnalisme, l’intégralité du roman graphique se présente comme une analyse factuelle de l’affaire Ed Gein basée sur les documents officiels et les extraits de journaux de l’époque et agrémentée d’éléments de fiction afin de consolider le récit. Un gros travail de documentation parfaitement synthétisé et scénarisé par Harold Schechter.

Le récit se décline sur onze chapitres qui couvriront une grande partie de la vie d’Ed Gein, il est complété par des annexes (un entretien avec un psychiatre ayant suivi Ed Gein et un autre avec une voisine) et un carnet de croquis préliminaires au roman.

De l’enfance d’Ed Gein on peut retenir un père alcoolique et parfois violent, mais surtout une mère complètement bigote et autoritaire (la grenouille de bénitier version XXL). Pas franchement le foyer des Bisounours, mais Ed Gein vouait une adoration totale à sa mère… son décès en 1945 aura sans doute suffi à faire péter des câbles déjà pas très bien connectés les uns aux autres.

Par la suite l’enquête et le procès essayeront de dessiner un profil psychologique d’Ed Gein mais plonger démêler l’écheveau qui constitue l’esprit de Gein ne sera pas une sinécure. D’autant que le gars n’aura de cesse de se contredire et semble incapable de la moindre empathie.

De fait, aujourd’hui encore il subsiste quelques zones d’ombre autour de l’affaire Ed Gein, de sérieux soupçons sur d’autres victimes potentielles qui n’ont jamais pu être identifiées, de même on ne sait pas avec certitude jusqu’où ses penchants nécrophiles ont pu le pousser… Comme le résume fort justement un journaliste à la fin du roman :

Dans les faits, le type a tué deux femmes, déterré plusieurs corps et fabriqué des choses avec leur peau. C’est ça, les faits.
À part ça…
Le seul à vraiment savoir ce qui s’est passé dans cette maison… C’est Ed Gein.

Le fait de ne pas chercher à diaboliser à tout prix Ed Gein rend le récit encore plus glaçant, ce n’est pas un monstre l’auteur de ces horreurs mais un gars presque comme vous et moi.

Le roman ne se focalise pas uniquement sur Ed Gein et sa personnalité aussi complexe que trouble, il s’intéresse aussi à l’impact qu’aura l’affaire sur les habitants de Plainfield. Des habitants qui, pour la plupart, considéraient Ed Gein un type gentil mais pas très fûté… bien loin de s’imaginer les horreurs qu’abritaient la vieille ferme des Gein.

Le dessin d’Eric Powell est juste sublime, le trait hyper réaliste restitue à la perfection les émotions des personnages, le choix des nuances de gris est parfaitement adapté au récit. Là encore il n’y a aucune surenchère sur l’aspect horrifique des faits, tout est parfaitement dosé. C’est un régal pour les yeux.

Concernant le choix du titre j’avoue avoir une petite préférence pour la version originale : Did You Hear What Eddie Gein Done ? que l’on pourrait traduire par Vous avez entendu (entendu dire) ce qu’Ed Gein a (aurait) fait ?. Toutefois, il est vrai que l’analyse a posteriori des actes d’Ed Gein pourrait, quelque part, s’apparenter à une autopsie même si celle-ci est plus psychologique que physique.

Avant Ed et Psychose, les monstres des films venaient systématiquement d’ailleurs : Transylvanie, Allemagne, Angleterre… Ou de l’espace.
Sous les traits de Norman Bates, Ed Gein introduisit quelque chose de nouveau et de révolutionnaire sur le grand écran : le monstre américain pure souche. La terreur voisine.
Norman Bates ne fut pas la seule icône de film d’horreur que Gein inspira. Il servit également de modèle pour Leatherface et son masque en peau humaine dans Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper, ainsi que Jame Gumb alias Buffalo Bill, le tueur en série qui coud un costume en peau à partir des corps écorchés de ses victimes féminines dans Le Silence des agneaux de Thomas Harris.
Mais l’influence culturelle d’Ed fut plus vaste encore. Si Psychose donna naissance au genre “slasher”, la figure d’Ed Gein se dresse derrière chaque psychopathe brandissant un couteau, une hache ou un couperet ayant hanté les écrans dans les décennies qui suivirent.

Dans la même veine, j’ai en stock les quatre titres de la collection Stéphane Bourgoin présente les serial killers publiés chez Glénat, qui s’intéressent à Ted Bundy, Michel Fourniret (retiré depuis sur décision de justice), Gerard Schaefer et Edmund Kemper. 

MON VERDICT


[BOUQUINS] Margaret Atwood & Renee Nault – La Servante Écarlate

AU MENU DU JOUR


Titre : La Servante Écarlate – Le Roman Graphique
Auteur : Margaret Atwood
Adaptation et illustrations : Renée Nault
Éditeur : Robert Laffont
Parution : 2021
Origine : Canada (2019)
248 pages

De quoi ça cause ?

June a connu le monde d’avant Galaad. Elle avait une famille, un emploi et une vie… avant d’être réduite au rang de Servante affectée à un commandant, et de devenir Defred (comprendre la servante du commandant Fred). Désormais sa seule raison d’être est de donner un enfant à « son » commandant…

Ma Chronique

J’aimerais que cette histoire soit différente.
J’aimerais qu’elle soit plus civilisée.
J’aimerais qu’elle me présente sous un jour meilleur, sinon plus heureuse, du moins plus active, moins hésitante.
J’aimerais qu’elle ait plus de chair.

Comme vous le savez peut-être j’ai pris mon temps avant de découvrir le roman culte de Margaret Atwood ; comme la grande majorité, j’ai été à la fois séduit et glacé par cette dystopie des plus sombres (je sais dystopie et sombre ça fait un peu pléonasme, voire même lapalissade).

Quand j’ai appris qu’une adaptation graphique existait, j’étais à la fois déterminé à la lire au plus vite et curieux de voir comment le dessin allait restituer toute la noirceur du récit.

Le texte du roman graphique se base sur la nouvelle traduction de Michèle Albaret-Maatsch, une traduction qui tend uniquement à harmoniser certains choix opérés à l’occasion de la sortie du second opus, Les Testaments.

On retrouve dans la narration la colère sourde de Defred, mais aussi sa résignation face à sa situation ; comme je m’y attendais, ça m’a moins dérangé qu’à la lecture du roman.

Pour illustrer le récit, l’artiste canadienne Renee Nault opte pour l’aquarelle. Le choix des couleurs (avec une logique prédominance du rouge) et de la mise en page vient sublimer le récit, notamment quand il s’agit de distinguer le présent des souvenirs de Defred. Le trait volontairement imprécis tend à renforcer l’aspect impersonnel de la vie à Galaad. Le visuel est une totale réussite du point de vue esthétique.

Je ne reviendrai pas sur mon ressenti vis-à-vis de l’intrigue à proprement parler, il est le même qu’à la lecture du roman (cf. ma chronique). Comme je l’ai dit plus haut, les illustrations apportent un réel plus au récit en renforçant sa noirceur.

Ce roman graphique est une bonne occasion de découvrir ou redécouvrir l’œuvre de Margaret Atwood. Même si vous avez déjà lu le bouquin, cette adaptation vous en mettra plein les mirettes et vous glacera les sangs. Une telle réussite vaut bien un ultime coup de cœur de l’année 2021.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Fabrice Colin & Richard Guérineau – Seul Le Silence

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Titre : Seul Le Silence
Auteur : R.J. Ellory
Scénario : Fabrice Colin
Dessin : Richard Guérineau
Éditeur : Phileas
Parution : 2021
Origine : France
110 pages

De quoi ça cause ?

1939. Augusta Falls (Georgie). Joseph Vaughan, 12 ans, perd l’insouciance de sa jeunesse en même temps que son père. Peu après il découvre le corps d’une fillette atrocement mutilé, la première victime d’une longue liste.

Au fil des ans et des meurtres – dont certains le toucheront de très près –, Joseph semble poursuivi par une tragique malédiction. Mais jamais il ne renoncera à découvrir sur ces crimes et leur auteur. Un choix qu’il paiera cher, très cher…

Ma Chronique

Seul Le Silence, le roman de R.J. Ellory est le premier titre de l’auteur publié en français (chez Sonatine en 2008). L’occasion pour le public français de découvrir un titre qui laissera son empreinte dans la littérature noire et un auteur au talent incontestable (ce qui ne se démentira pas au fil des romans qui suivront).

L’intrigue du roman est d’une densité incroyable et d’une noirceur absolue, à peine atténuée par une écriture presque poétique. C’est aussi un portrait psychologique détaillé autour du personnage de Joseph Vaughan. Le tout concentré sur plus de 500 pages.

Comment restituer un ensemble aussi complexe et complet dans un roman graphique d’une grosse centaine de pages ? J’avoue que j’étais aussi curieux que sceptique. Un sacré challenge pour Fabrice Colin, il faut aller à l’essentiel sans dénaturer le roman.

Un challenge que le scénariste remporte haut la main. On retrouve en effet tous les éléments qui font la force du roman. La noirceur est omniprésente, le profil psychologique de Joseph Vaughan est criant de réalisme, même la poésie de la narration est au rendez-vous.

Pour Richard Guérineau le challenge n’était pas moindre, à charge pour lui de créer une ambiance graphique qui colle à l’intrigue et aux personnages. Là encore le défi est relevé avec succès. Le trait est précis, le choix des couleurs et les alternances entre les angles de vue (du grand angle au plan rapproché), selon les besoins de l’intrigue, sont d’une minutie à couper le souffle.

Peut-être vous demandez-vous si le fait d’avoir lu le roman avant son adaptation graphique ne gâche pas tout ou partie du plaisir. On serait en effet tenté de penser que, connaissant l’identité du tueur, l’intrigue perdrait en saveur, mais il n’en est rien. Au contraire, j’ai ainsi pu prendre mon temps pour apprécier pleinement chaque page du roman graphique.

Cette adaptation est une totale réussite qui devrait combler aussi bien ceux qui ont lu le roman de R.J. Ellory que ceux qui découvriront l’intrigue sous sa forme graphique. C’était un pari audacieux – voire impossible –, mais Fabrice Colin et Richard Guérineau réussissent à restituer l’essentiel du roman ; j’aime beaucoup l’expression « extraire la substantifique moelle », c’est précisément ce que fait ce roman graphique.

MON VERDICT

Coup double

[BOUQUINS] Chuck Palahniuk & Cameron Stewart – Fight Club 2

AU MENU DU JOUR


Titre : Fight Club 2
Scénario : Chuck Palahniuk
Dessin : Cameron Stewart
Couleur : Dave Stewart
Éditeur : Super 8
Parution : 2016
Origine : États-Unis (2015/2016)
304 pages

De quoi ça cause ?

Dix ans se sont écoulés depuis la fin du Fight Club et la disparition de Tyler Durden. Débarrassé de son double maléfique, Sebastian s’enlise dans la monotonie de son quotidien. Son couple bat de l’aile, son fils passe son temps libre à essayer de fabriquer du salpêtre artisanal.

Contre toute attente Tyler Durden va resurgir dans la vie de Sebastian, plus déterminé que jamais à faire aboutir ses projets chaotiques et destructeurs…

Ma Chronique

Ca fait déjà quelques années que ce roman graphique traîne dans mes lectures en attente, j’avoue que j’étais tiraillé entre l’envie de découvrir si cette suite serait à la hauteur de son illustre aîné, et par l’absurdité de donner une suite à une œuvre devenue culte dont la fin n’appelle aucune séquelle…

À la base Fight Club est un roman de Chuck Palahniuk publié en 1996 ; un premier roman pour le moins audacieux qui fera l’effet – sans vouloir tomber dans la facilité – d’un uppercut. En 1999, il sera porté à l’écran par David Fincher avec Brad Pitt et Edward Norton dans les rôles principaux (respectivement Tyler Durden et le narrateur), une adaptation (édulcorée) qui rend fidèlement hommage au roman.

Sans vouloir spoiler ceux et celles qui n’auraient pas lu et/ou vu Fight Club, le final était le véritable point d’orgue du récit et n’appelait aucune suite.

Et pourtant vingt plus tard Chuck Palahniuk ose non seulement proposer une suite à son chef d’œuvre, mais opte en plus pour un feuilleton graphique illustré par Cameron Stewart et colorisé par Dave Stewart. Initialement paru en 10 épisodes entre mai 2015 et mars 2016, les éditions Super 8 proposent au public français de découvrir la chose en un volume unique.

Si l’idée de départ (reprendre la vie du narrateur – désormais appelé Sebastian – dix ans après les événements de Fight Club), force est de reconnaître que rapidement on perd pied… à se demander si ce scénario n’a pas été imaginé sous acide ou autre substance hautement hallucinogène. Une chose est sûre pour moi on est plus près du very bad trip que de l’extase.

Il y a bien quelques bonnes idées, mais globalement j’avoue que je suis totalement passé à côté du truc… en admettant qu’il y ait un truc à capter. L’auteur pousse même le vice à se mettre en œuvre comme acteur de son intrigue. Ce qui donne lieu à un final qui vire dans le burlesque, voire le franchement grotesque.

Si le scénario part clairement en cacahuètes, le dessin est plutôt réussi, avec en prime quelques effets visuels surprenants. On va dire que ça évite le naufrage pur et dur sans toutefois sauver l’essentiel.

En « bonus » le roman graphique s’achève sur une fin alternative de Fight Club (le premier du nom) ; vous l’aurez peut-être compris avant que je ne partage mon opinion sur la question (les guillemets autour de bonus devraient vous mettre sur la voie), à l’image de cette suite, la revisite du final ne se justifiait en rien.

Ma curiosité n’espérait pas grand-chose de cette suite… c’est bien le seul point sur lequel ce Fight Club 2 a été à la hauteur de mes attentes. Qu’un auteur s’amuse à déstructurer son œuvre primaire aurait pu être une approche intéressante, mais de là à la dénaturer il n’y a qu’un pas… un pas trop souvent franchi dans cette suite.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Dorison, Bajram, Cossu, Sentenac & Guillo – Goldorak

AU MENU DU JOUR


Titre : Goldorak
Scénario : Xavier Dorison & Denis Bajram
Dessin : Denis Bajram, Brice Cossu & Alexis Sentenac
Couleur : Yoann Guillo
Éditeur : Kana
Parution : 2021
Origine : France
168 pages

De quoi ça cause ?

Dix ans se sont écoulés depuis que la Patrouille des Aigles a défait les forces de Véga et qu’Actarus, aux commandes de Goldorak, est retourné sur Euphor pour essayer de redonner vie à son monde d’origine.

Alors que l’humanité se croyait définitivement hors de portée de la menace de Véga, une soucoupe amirale extra-terrestre apparaît dans le ciel japonais et déploie le plus puissant golgoth de leur armada, l’Hydragon, sur Tokyo…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Goldorak tout simplement ! Le grand retour d’un héros devenu culte que l’on doit à cinq Français, fans de la première heure, avec la bénédiction du mangaka Go Nagai.

Ma Chronique

Si à l’origine Goldorak (Grendizer en VO) est un manga créé par Go Nagai en 1975, le public français le découvrira en 1978 dans l’émission Récré A2 animée par Dorothée (c’est d’ailleurs grâce à elle que la France s’ouvrira aux animes made in Japan et aux mangas).

Force est de reconnaître que l’arrivée de Goldorak sur nos petits écrans était une véritable révolution en soi, ce programme et d’autres proposés par Récré A2 puis par le Club Dorothée proposait du jamais vu en France. Je n’ai pas adhéré à tous leurs dessins animés, mais j’ai tout de suite accroché à Goldorak, et ultérieurement à Albator (1980) et à Ken le Survivant (1989).

Il fallait être sacrément couillu pour reprendre le flambeau plus de 40 ans après la fin de la série… et aussi sacrément fan et motivé pour qu’un tel projet (un peu dingue) obtienne l’adoubement du « père » de Goldorak, le mangaka Go Nagai. Un challenge relevé et remporté par cinq Français.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je vais répondre à la question que vous vous posez peut-être : cette BD s’adresse-t-elle aux seuls fans de Goldorak ? Au risque de passer pour réducteur, je serai tenté de répondre par un oui franc ; c’est clairement la cible première qui va se jeter sur cette BD.

Sur la forme la BD est au format classique (lecture de gauche à droite, puis de haut en bas) plutôt que d’adopter une lecture façon manga (de droite à gauche, puis de haut en bas).

Les auteurs ont eu la bonne idée de proposer un résumé de la série avant de lancer leur propre intrigue. Intrigue sur laquelle je ne vais pas m’appesantir afin de garder intact le plaisir de la découverte. Je dirai simplement qu’elle reste fidèle à l’esprit imaginé par Go Nagai, sans pour autant faire dans le copier-coller basique. Un hommage réussi et brillant.

Une intrigue qui se situe donc dix années après la fin de la série. On retrouve avec plaisir nos personnages préférés ; à commencer par la fameuse Patrouille des Aigles (Actarus, Alcor, Venusia et Phenicia), le Professeur Procyon et les résidents du ranch du bouleau blanc (Rigel, Mizar et Banta).

Des personnages qui ont gagné en maturité, ainsi Alcor est un homme d’affaires à la tête d’une entreprise leader dans son secteur et Venusia est une brillante et prometteuse interne en chirurgie. Actarus n’est plus le héros fougueux qu’il était, marqué par des années de combat et l’échec de renaissance pour Euphor, il navigue entre questionnements, doutes et désillusions. La grande surprise vient de Rigel, dans l’anime il apportait une touche comique plus qu’autre chose, ici il est d’une grande sagesse et son l’expérience qu’il partagera avec Actarus offrira au prince d’Euphor une issue au conflit sans combats.

Du côté des forces de Véga, forcément on découvre une nouvelle unité, la Division Ruine. Si l’ultimatum de base reste 100% dans l’esprit Véga, la suite des événements réservera quelques surprises… sur lesquelles je ne m’attarderai pas. Une approche inédite de la problématique végalienne qui permet aux lecteurs de mieux comprendre (à défaut d’approuver) leur démarche.

Si le général Arkhen est plutôt modéré (pour un végalien), son lieutenant, Kehos, est lui animé par une haine farouche et une soif de vengeance à l’encontre d’Actarus.

Si cette BD (que l’on peut qualifier de roman graphique au vu de sa richesse) laisse une place de choix à l’action, elle brille surtout par la profondeur psychologique accordée aux personnages. Ce qui ne fait que confirmer mon impression, au risque de me répéter, que les auteurs s’adressent aux fans de la première heure de Goldorak, des enfants / adolescents, devenus des adultes qui ont (a priori) gagné en maturité.

Le dessin (trait et couleur) reste fidèle à l’original tout en étant résolument moderne, le résultat est tout simplement époustouflant !

Vous l’aurez compris, cette suite est une totale réussite. À la fois un hommage brillant et un second souffle audacieux totalement maîtrisé.

La BD est complétée par un making of d’une trentaine de pages, outre la genèse de ce projet un peu fou (et de longue haleine), les auteurs nous présentent les différentes étapes du processus créatif, du story-board à la page colorisée.

Une BD achetée en numérique (et commandée en version papier) qui m’aura donné bien du fil à retordre pour la lecture. Le fichier reçu est protégé par un chiffrage LCP et n’est lisible que via le logiciel Thorium. Logiciel gratuit certes, mais qui ne fonctionne qu’en version 64 bits alors que mon système est en 32 bits… Je vous passe les détails quant aux ruses de Sioux que j’ai dû employer afin de contourner le problème.

MON VERDICT