[BOUQUINS] Loiseau & Rambaud – L’Énorme Enquête

Un garde forestier est retrouvé mort dans la rue, un couteau planté dans la poitrine. Mais la rigidité cadavérique a été tellement rapide que le corps n’est pas tombé au sol. Et, si le couteau, qui s’est plié sous l’impact, a traversé le torse de la victime en y faisant des détours, il n’a touché aucun organe vital. Une bien mystérieuse enquête s’annonce pour Commissaire et Inspecteur.

Je remercie les éditions Delcourt et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

D’emblée l’accroche des éditions Delcourt annonce la couleur : « Tous les éléments sont réunis pour une Énorme Enquête plongée dans l’absurde, dans la lignée des Nuls. » Et le moins que l’on puisse dire c’est que cette enquête ressemble effectivement davantage à La Cité De La Peur qu’à du polar pur jus façon Scorcese ou De Palma.

Adeptes d’intrigues tarabiscotées passez votre chemin, ici vous aurez surtout le droit à une succession de gags où l’improbable côtoie l’absurde, et ce aussi bien dans les situations que dans les dialogues. À commencer par les enquêteurs surnommés simplement Inspecteur et Commissaire (mais l’on croisera aussi FBI et bien sûr l’inévitable Tueur).

Autant je considère le film des Nuls, La Cité De La Peur, comme un joyau d’humour absurde et déjanté ; autant j’ai eu un peu plus de mal avec cette BD. Certes difficile de ne pas sourire devant l’imagination débridée de Lorrain Loiseau, mais force est de constater que l’ensemble manque cruellement de cohésion et de profondeur.

J’ai aussi eu du mal avec le dessin hyper simpliste de Yann Rambaud, notamment concernant le manque d’expressivité des personnages. Que le dessinateur joue sur les différentes teintes de gris n’a rien de rédhibitoire, en revanche j’aurai vraiment apprécié qu’il accorde plus de soins à ses personnages.

Nul doute que les auteurs ont dû s’éclater pour nous concocter cet album (jusqu’à la dernière page, ils jouent avec les codes). Merci à eux pour cet instant de bonne humeur mais je reste tout de même sur ma faim au niveau de l’intrigue épaisse comme une feuille de papier toilette bon marché.

[BOUQUINS] Bécu & Trifogli – Morpheus

Depuis l’apparition du virus Morpheus, l’humanité est condamnée au sommeil vingt heures par jour. Pour tenter de survivre à ce chaos, les principales capitales ont déclaré leur indépendance dans une Europe au bord de l’implosion.

A Prague, la mercenaire Juliette tente d’offrir une vie décente à sa fille en multipliant les missions périlleuses et en prenant des drogues pour rester éveillée. Sa rencontre avec le professeur Ivanov lui redonne l’espoir d’éradiquer le virus et de sauver sa fille.

Commence alors pour eux une course frénétique à travers le no-man’s land européen, avec plusieurs groupes armés à leurs trousses…

Je remercie Les Humanoïdes Associés et la plateforme Net Galley pour leur confiance.

Yann Bécu s’est inspiré de l’univers imaginé lors de l’écriture de son roman Les Bras De Morphée pour construire le scénario de Morpheus.

Dans ce monde post-apocalyptique le méchant virus n’a pas éradiqué l’humanité mais la condamne à de longues phases de sommeil (20 heures par jour). Les grandes capitales européennes ont déclaré leur indépendance et vivent quasiment en autarcie. Le reste de l’Europe est devenu un vaste no man’s land où la survie s’organise tant bien que mal.

L’histoire commence à Prague, on y rencontre Juliette, une jeune femme qui vit seule avec sa fille, Chloé, et leur bot Teacher. Pour gagner sa vie elle exerce le métier de chasseuse, une espèce de mercenaire officielle. Elle vient justement se voir confier une mission consistant à déjouer les plans de Trolls (des terroristes opposés au pouvoir et à la science).

C’est au cours de cette mission qu’elle va sauver la vie du Pr Yuri Ivanov, un scientifique qui travaille depuis des années sur la recherche d’un remède à Morpheus. Recherches qui étaient quasiment abouties avant l’attaque des Trolls et la destruction de ses échantillons d’ADN archas (des humains naturellement immunisés contre le virus). Juliette y voit l’opportunité de soigner sa fille, mais cela implique de se rendre à Berlin alors qu’il est formellement interdit de quitter sa cité d’origine.

L’intrigue est originale en sortant du cadre post-apocalyptique habituel, les personnages sont bien travaillés (pas toujours évident de restituer des traits de personnalité via le format graphique).

Si je devais y trouver un bémol, je pourrais, en pinaillant, reprocher à l’intrigue une certaine linéarité. Les jours se suivent et se ressemblent avec leur lot de mauvaises rencontres tandis que la relation entre Juliette et Yuri évolue.

Le découpage irrégulier des différentes planches donne toutefois une réelle dynamique à l’intrigue. Ajoutez à cela le dessin très fin et soigné de Francesco Trifogli (aussi bien dans le traitement des décors que des personnages), associé à une mise en couleurs irréprochable d’Axel Gonzalbo et vous aurez une petite pépite, visuellement parlant.

Belle trouvaille aussi qu’est le traitement réservé aux bots, avec le temps (et les conséquences du virus), ils ont acquis une part d’humanité qui est parfaitement dosée pour interagir avec leurs interlocuteurs humains et entre eux.

Au niveau des surprises un peu moins agréables mais qui ouvrent toutefois de belles perspectives, ce roman graphique semble être le premier opus d’une série à venir. Dommage que rien ne l’indique sur la couv’ ou la page de titre, le lecteur le découvre en butant sur une fin des plus abruptes. Yapuka attendre la suite…

[BOUQUINS] Olivier Bocquet & Anlor – Ladies With Guns – Tome 3

Mises au fer comme des criminelles sanguinaires, Kathleen, Daisy, Chumani et Cassie sont envoyées au pénitencier. Mais dans cet enfer de travaux de force et d’humiliations, l’hostilité des gardiens et la convoitise des détenus sont bousculées par l’arrivée de ces détenues d’un autre genre. A priori, pas le lieu idéal pour faire d’heureuses rencontres.

Mais ça, c’est sans compter leur petit caractère et aussi qu’une lady manque à l’appel…

Rien ne va plus pour nos ladies de l’Ouest ! Quatre d’entre elles ont été capturées par les autorités et sont expédiées dans un pénitencier. Seule Abigaïl a réussi à échapper aux chasseurs de primes lancés à leurs trousses.

Notre « brave » directeur va se retrouver bien emmerdé face à ces nouvelles arrivées dans son établissement. C’est le genre de surprise dont il se serait volontiers passé. Forcément, l’arrivée de quatre nanas dans un univers exclusivement masculin – des détenus aux gardiens en passant par le personnel administratif –, risque de faire quelques étincelles. D’autant que ces messieurs sont graves en en manque… mais nos quatre ladies ne comptent pas s’en laisser compter, elles vendront leur peau chèrement !

Un tome très différent des deux précédents du fait du contexte. Les ladies – sans leurs guns – vont devoir affronter le harcèlement et la lubricité des humains dans un milieu des plus hostiles. Mais aussi déterminées soient-elles à rendre coups pour coups, elles ont bien conscience que leurs jours sont comptés entre ces murs. Vous l’aurez compris, leur seule issue reste l’évasion… plus facile à dire qu’à faire.

On retrouve le cocktail justement dosé entre action et humour, avec ce petit quelque chose en plus qui rend nos ladies plus attachantes que jamais. Je vous rassure tout de suite on retrouve aussi la griffe Tarantino-like dans la dernière partie du bouquin.

Au fil des flashbacks qui émailleront le récit, nous découvrirons un épisode de la vie d’esclave d’Abigaïl.

Les dessins d’Anlor et la mise en couleurs par Elvire De Cock donnent vie à l’intrigue imaginée par Olivier Bocquet. On retrouve une mise en page non uniforme qui s’adapte parfaitement aux différentes phases du récit.

Ce troisième opus marque la fin du premier cycle de la série. C’est donc avec grand plaisir que je retrouverai nos cinq ladies, aussi déjantées que sympathiques, pour de nouvelles aventures. Une série qui décline à la perfection le western au féminin – et un tantinet féministe !

[BOUQUINS] Cullen, Talajic & Loughridge – Deadpool Massacre Marvel

Et si Deadpool devenait un tueur en série de super-héros et de super-vilains ? S’il décidait un jour de tous les supprimer de l’univers Marvel, comment pourrait-on stopper cette croisade meurtrière ?

Le mercenaire disert est plus dérangé que jamais dans ce récit où l’horreur remplace l’humour.

Dans l’univers Marvel, le personnage de Deadpool est certainement celui qui permet de repousser au plus loin les limites de l’imaginable et ainsi d’ouvrir la porte au plus vaste champ des possibles… Et c’est précisément le choix qu’ont fait les auteurs de cette BD en transformant le plus bavard des mercenaires en un tueur en série prenant pour bible les personnages (héros et vilains) de Marvel.

Un pitch pareil ne pouvait que titiller ma curiosité, reste à savoir si le contenu serait à la hauteur de mes attentes. La première douche froide vient de la forme, le comics n’est vraiment pas épais (à peine une centaine de pages dont des bonus) ; du coup difficile d’imaginer un scénario hyper sophistiqué (même si je n’en demandais pas tant… faut pas pousser).

Force est de constater que mon appréhension s’est rapidement confirmée dans les faits… ça manque cruellement de profondeur, c’est même un peu brouillon parfois (il m’a fallu deux lectures pour comprendre ce qui a été le déclencheur de la folie meurtrière de Deadpool… et encore ce n’est qu’une interprétation personnelle).

Pour le reste ce n’est qu’un enchaînement de mises à mort vite expédiées. Je me faisais une joie de découvrir quelques affrontements épiques entre Deadpool et ses victimes, au lieu de ça nous n’aurons le droit qu’à quelques planches (voire quelques cases) avant la conclusion fatidique. Paradoxalement ces exécutions, parfois sommaires, viennent renforcer le côté second degré de l’intrigue.

Tout n’est pas pour autant négatif, le divertissement est assuré grâce à un Deadpool plus déconnecté de la réalité que jamais, toujours aussi causant et avec un humour bien particulier. La plus grande réussite du comics demeure son final totalement inattendu.

Un comics à ne pas mettre entre toutes les mains… l’hémoglobine coule à flots et c’est un déchainement continu de violence. Comme le précise l’éditeur : « Pour lecteurs avertis ». Même si ledit avertissement est des plus discret.

Les dessins et la colorisation sont impeccables, le trait est précis. On reconnait aisément les divers personnages de l’univers Marvel ; un sacré défi pour Dalibor Talajic, car à l’origine tous ne sont pas dessinés par le même graphiste, on lui pardonnera donc aisément des visages pas toujours totalement conformes à ceux que nous connaissons.

Je vous parlais de bonus au début de cette chronique, après le clap de fin nous aurons le droit à divers projets de couvertures, une rapide présentation des auteurs, une invitation à découvrir les coulisses du comics et des annexes.

Ce comics est le premier volume de la série Massacrologie, suivront les titres Deadpool Massacre Les Classiques et Deadpool Massacre Deadpool ainsi qu’un hors-série Deadpool Re-Massacre Marvel. Les titres sont suffisamment éloquents pour ne pas avoir à préciser leur contenu. Je n’exclus pas de m’y intéresser prochainement, mais je n’en fais pas une priorité.

[BOUQUINS] Hanna, Boivin & Georges – Douze

Fin de la saison, le grand hôtel de luxe perdu dans les Alpes ferme ses portes… Mais pas pour tout le monde. Douze étranges invités font leur entrée. Agents gouvernementaux, anciens policiers, assassins professionnels, ils sont tous les invités de l’Hydre, un insaisissable tueur caché derrière son masque. Les hostilités peuvent commencer.

Je remercie les éditions Delcourt et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Douze convives (onze hommes et une femme) invités à un diner dans un hôtel privatisé pour l’occasion, un moment sympa entre amis en perspective ? C’est pas vraiment le menu que nous réservent les auteurs de cette BD. Les invités sont en effet tous des tueurs confirmés (assassins, agents du gouvernement, mercenaires…) et leur hôte n’est autre que l’Hydre, le chef masqué d’une organisation criminelle majeure. Au douzième coup de minuit les douze invités auront carte blanche pour s’entretuer, il devra n’en rester qu’un…

Comme vous pouvez le constater l’idée de base, bien que classique, est plutôt prometteuse. Un huis clos meurtrier où tous les coups sont permis, une histoire que n’aurait pas reniée Agatha Christie mais qui tourne vite à la John Woo.

La BD se divise en deux parties. La première permet de faire connaissance avec les invités, de leur arrivée à l’hôtel jusqu’au retour dans leurs chambres après le diner. La seconde nous invite à assister à un jeu de massacre impitoyable.

Là encore la construction semble plutôt judicieuse, oui mais non… Les deux parties sont en effet très mal équilibrées. La première est beaucoup trop longue (plus de trente pages) et parfois même répétitive, alors que la seconde (de loin la plus prometteuse) semble trop vite expédiée et aurait méritée d’être plus étoffée. Dommage on reste un peu sur notre faim en refermant le bouquin. D’autant que, paradoxalement, nous en apprendrons assez peu sur nos douze convives.

Heureusement la fin, totalement inattendue, nous permet de finir sur une note plutôt positive. Je n’en dirai pas plus, même sous la torture (sauf si vous m’offrez des Ferroro Rocher).

Inévitablement le décor (un hôtel dans les Alpes) fait penser à l’Overlook de Shining (Stephen King). Pour un peu on aurait même le droit à la version asiatique des jumelles Grady avec les fidèles assistantes de l’Hydre.

Pour rester dans les références, le personnage de l’Hydre n’est pas sans rappeler le fameux Keyser Soze du film Usual Suspects (Bryan Singer). Comme dans le film, tout deviendra limpide pour le lecteur à la fin du bouquin.

Le dessin est fin, précis et détaillé, les personnages sont soignés et Hervé Boivin parvient à restituer leurs émotions à la perfection. Rien à redire non plus sur la mise en couleurs, c’est propre et net. Dans l’ensemble le visuel est irréprochable, après la lecture on se surprend même à revenir en arrière pour apprécier le détail de certaines scènes.

Dans les capture des planches de la BD en fin de chronique, je me suis volontairement limité à la première partie, ça aurait été dommage de vous donner des indices sur les futures victimes.

Le cadre

Le dîner

[BOUQUINS] Guillaume Musso & Miles Hyman – La Vie Secrète Des Écrivains

Après avoir publié trois romans devenus cultes, le célèbre écrivain Nathan Fawles annonce qu’il arrête d’écrire et se retire à Beaumont, une île sauvage et sublime au large des côtes de la Méditerranée.

Vingt ans après, alors que ses romans continuent de captiver les lecteurs, Mathilde Monney, une jeune journaliste, débarque sur l’île, bien décidée à percer son secret. Commence entre eux un dangereux face-à-face, où se heurtent vérités et mensonges, où se frôlent l’amour et la peur…

Je n’ai pas pour habitude de relire un bouquin déjà lu, d’une part parce que je n’en vois pas forcément l’intérêt, d’autre part parce que mon Stock à lire Numérique ne cesse d’enfler plus vite que je ne lis.

Bien qu’ayant déjà lu La Vie Secrète Des Écrivains (lien vers ma chronique), j’étais curieux de découvrir ce que pouvait donner son adaptation graphique. Raconter la même histoire sur moins de 200 pages (le roman compte tout de même 352 pages) sans la dénaturer me semblait être un sacré challenge.

Autre challenge, plus personnel cette fois : comment écrire la chronique d’un roman déjà chroniqué sans radoter ? En relisant mon billet concernant le roman de Guillaume Musso j’ai constaté que j’avais fait l’impasse sur le personnage de Mathilde, me concentrant sur le binôme Nathan / Raphaël. Du coup la réponse s’est imposée d’elle-même, non seulement rendre à Mathilde la place qui lui appartient, mais aussi me centrer davantage sur l’aspect policier du bouquin.

Force est de reconnaître une première impression des plus positives, d’emblée j’ai retrouvé l’ambiance du roman, avec en bonus un visuel du plus bel effet.

Nathan Fawles était un écrivain à succès qui a mis fin à sa carrière du jour au lendemain il y a une vingtaine d’années. Depuis il s’est retiré sur l’île de Beaumont où il coule des jours heureux. Mais ça, c’était avant…

Coup sur coup il va recevoir la visite de Raphaël Bataille, un écrivain en herbe qui veut à tout prix lui soumettre son manuscrit et de Mathilde Monney, une jeune et séduisante journaliste suisse sans pas si innocente qu’elle ne le laisse à penser. Pour essayer de percer les secrets de Mathilde, Nathan va devoir, à son grand désarroi, faire appel à Raphaël.

Cerise sur le gâteau, v’là t’y pas qu’un cadavre est retrouvé, le corps exposé dans une mise en scène macabre. Du coup les autorités décrètent un blocus de l’île.

Dans le roman chaque chapitre s’ouvre sur une citation d’un auteur (Umberto Eco, Margaret Atwood, Agatha Christie, Milan Kundera…), le principe est repris et magnifié ici puisque ladite citation est enrichie d’une illustration mettant en avant son auteur.

On retrouve bien les ingrédients du thriller psychologique dans le face-à-face entre Mathilde et Nathan. Il a beau soupçonner que cette femme peut être dangereuse, voire lui être fatale, il va entrer dans son jeu de séduction sans toutefois baisser totalement sa garde.

Chacun cherche la vérité, mais laquelle ? Comme le dit Nathan : « La vérité n’existe pas. Ou plutôt si, elle existe, mais elle est toujours en mouvement, toujours vivante, toujours changeante. » Une affirmation qui va prendre tout son sens dans la dernière partie du roman.

Le lecteur va quant à lui se balader au cœur d’une intrigue riche en rebondissements, certes si vous avez déjà lu le roman vous n’apprendrez rien de nouveau, mais cela ne m’a pas dérangé outre mesure. À vrai dire je n’ai pas eu l’impression d’une relecture, mais plus de la lecture d’une réécriture, à la fois fidèle à l’original tout en proposant une construction différente.

Le trait et le choix des couleurs de Miles Hyman collent parfaitement au récit. On en viendrait presque à regretter que cette île de Beaumont soit fictive, les illustrations nous donnent vraiment envie d’y passer des vacances… et plus si affinités.

Résultat des courses, j’ai dévoré cette lecture d’une traite. Revenant même parfois en arrière pour le seul plaisir de profiter pleinement des illustrations. Une belle (re)découverte qui pourrait bien me pousser vers d’autres adaptations graphiques de romans déjà lus.

[BOUQUINS] Ferenc & François Sanz – Soigne, Maltraite Et Tais-Toi !

Céline Boussié a toujours eu la fibre sociale. Ce qu’elle aime, c’est aider les autres. En 2008, elle intègre l’IME de Moussaron pour prodiguer des soins aux résidents polyhandicapés.

Mais, alors qu’elle pensait avoir décroché le job de rêve, c’est une réalité tout autre que découvre Céline : à Moussaron, les équipements et locaux sont vétustes, le personnel insuffisant et, de fait, les pensionnaires subissent des traitements indignes.

Pendant 5 ans, elle essaiera de composer avec ce peu de moyen. Pendant 5 ans, on lui reprochera de se mêler de ce qui ne la regarde pas. En 2013, pour Céline, lancer l’alerte devient une nécessité.

Les réactions ne se feront pas attendre : sanctions financières, menaces, vandalisme… Elle sera licenciée puis inculpée pour diffamation – comme trois autres employé.es avant elle.

Mais elle ne baissera pas les bras et n’aura de cesse de se battre pour que cesse cette maltraitance institutionnelle et que soit reconnu son statut de lanceuse d’alerte.

Je remercie les éditions La Boîte À Bulles et la plateforme Net Galley pour leur confiance.

En lisant cette BD il est capital de ne jamais perdre de vue qu’il ne s’agit malheureusement pas d’une fiction, c’est la triste réalité que Céline Boussié découvrira en entrant à l’IME de Moussaron.

Le bouquin s’ouvre sur une préface de Nicolas Bourgouin, journaliste d’investigation qui a rencontré Céline Boussié dans le cadre d’un documentaire sur la maltraitance des enfants handicapés (Zone Interdite du 19 janvier 2014 sur M6).

Septembre 2017. Procès de Céline Boussié, poursuivie pour diffamation. Son avocat demande et obtient la diffusion du reportage de Nicolas Bourgouin pour Zone Interdite. Le ton est donné, d’entrée on se prend une méga-claque dans la gueule. On est sonné. Comment de telles pratiques sont-elles encore possibles de nos jours ?

Le plus abject demeure sans doute la réaction faussement indignée de l’avocat de l’IME (Institut Médico-Educatif) : « Madame la présidente, je ne vois pas en quoi il faut être choqué. Il s’agit de pratiques courantes… Les personnes handicapées sont partout traitées de la même manière… »

Flash-back. Les auteurs donnent la parole à Céline Boussié afin qu’elle livre son témoignage sur son expérience avec l’IME Moussaron et ses conséquences.

2008. Céline décroche le job de ses rêves dans un cadre idyllique. Elle vient en effet d’être embauchée comme aide médico-psychologique par l’IME Moussaron. L’idéal pour cette mère de famille qui a toujours eu une fibre sociale très développée.

Rapidement Céline va se rendre que l’image d’Épinal n’est qu’une façade. Malgré une situation financière apparemment confortable, les conditions d’accueil et de prise en charge des patients sont précaires et inadaptées, le manque de personnel et flagrant. Elle va aussi relever des actes de négligence et de maltraitance de la part de certains soignants.

Je vous laisse découvrir la suite qui est tout aussi hallucinante… Et après des affaires pareilles, on nous demande de faire confiance à la justice. C’est pas gagné messieurs et mesdames les dirigeants (anciens, présents… et futurs).

Pour les plus curieux, il vous suffira de taper IME Moussaron dans la barre de recherche de votre navigateur et vous aurez le détail des suites judiciaires et administratives de l’affaire… et il n’y a vraiment pas de quoi être fier.

Il n’en reste pas moins que l’on ne peut que s’incliner devant la ténacité de Céline Boussié, malgré les épreuves et les coups bas de l’IME, elle n’a jamais baissé les bras pour que la vérité éclate enfin.

Le trait est précis et sobre (il faut dire que la thématique ne se prête pas vraiment aux folies graphiques), de même la mise en couleur colle parfaitement au récit, avec des teintes sépia pour tout ce qui concerne des faits passés.

À la fin du bouquin, un parallèle est fait entre la situation à l’IME Moussaron et le scandale autour des EHPAD du groupe ORPEA (scandale dénoncé par Victor Castanet dans son livre Les Fossoyeurs). L’occasion pour Céline Boussié de souligner le fait que la cause de la perte d’autonomie semble susciter plus d’émoi que celle du handicap. Je ne m’aventurerai sur ce terrain, pour moi perte d’autonomie et handicap, même dignité, même respect, même combat !

Une lecture qui serait presque d’utilité publique, qu’il s’agisse de prendre connaissance de faits méconnus (ce qui est précisément mon cas), d’éveiller les consciences, de ne jamais oublier que cela a existé (et existe peut-être encore), et enfin espérer justement que cela ne se reproduise jamais.

Pour ceux et celles qui voudraient creuser davantage la question, Céline Boussié a publié un livre, Les Enfants Du Silence (HarperCollins, 2019), dans lequel elle livre un témoignage sans doute plus fourni que dans la présente BD.


[BOUQUINS] Scott Snyder & Francesco Francavilla – La Nuit De La Goule

Un passionné enquête sur un ancien studio de cinéma qui aurait brûlé et finit par tomber sur ce projet. Il remonte la piste du réalisateur, qui vit reclus dans une maison de retraite. Selon lui, une goule hanterait son hospice, et la découverte d’une vieille bobine de La Nuit de la Goule risque bien de réveiller la bête, que le film soi-disant disparu avait détruit.

Je remercie les éditions Delcourt et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

La Nuit De La Goule est avant tout un hommage au cinéma d’horreur des années 50/60 (l’âge d’or de la Hammer et ses deux acteurs fétiches, Peter Cushing et Christopher Lee), et sur ce point c’est une totale réussite.

Pour la petite histoire la BD a d’abord été diffusée, en version originale, sous forme de feuilleton numérique en six épisodes, avant d’être publiée en un volume unique par Dark Horse.

Pour son intrigue Scott Snyder s’inspire très librement d’une créature mythique de la littérature arabe, la goule, un monstre nécrophage. Si Francesco Francavilla me demandait : « Quoi ma goule ? Qu’est-ce qu’elle a ma goule ? », je lui répondrais qu’il s’est contenté du minimum syndical avec sa bestiole. Une vague forme noire aux yeux rouges… ça va mec, pas trop fatigué ?

Heureusement pour le reste le dessinateur est irréprochable en alternant les styles au gré de l’intrigue. Le trait est toujours fin et précis, mais le fond s’adapte parfaitement au récit, le dessinateur optant même pour une palette de couleurs à part pour les scènes d’horreur.

L’intrigue est décrite selon deux arcs narratifs distincts (avec chacun son ambiance graphique donc), d’une part les faits qui se déroulent dans le présent, d’autre part les extraits du film. Film nous permet de suivre une troupe de soldats américains de la Première Guerre mondiale, la troupe part en éclaireur dans un village italien qui serait occupé par les Allemands. Mais c’est tout autre chose qu’ils vont croiser lors de cette excursion.

Globalement j’ai trouvé ce second arc narratif plus abouti que le premier. Il faut dire que la surprise n’est pas vraiment au rendez-vous, les quelques rebondissements ainsi que le twist final sont relativement prévisibles.

Heureusement sous la trame plutôt classique on retrouve de vrais sujets de réflexion tels que les traumatismes vécus en temps de guerre par les militaires et leur impact lors d’un retour à la vie civile, ou encore les relations familiales (entre un père et son fils en premier lieu).

À l’instar des films de la Hammer, et malgré quelques bémols, le divertissement est bel et bien au rendez-vous. À l’inverse du grand frisson, mais je doute que les auteurs aient eu la prétention de vous donner des sueurs froides et des nuits pleines de cauchemars. Oserai-je donc terminer ce billet par un ironique : « Que de la goule ! » ? Ah bin oui, j’ai osé.

[BOUQUINS] Jodorowsky & Giménez – La Caste Des Méta-Barons – Tomes 1 à 4

AU MENU DU JOUR


Titre : La Caste Des Méta-Barons – Tomes 1 à 4
Scénario : Alejandro Jodorowsky
Dessin : Juan Giménez
Éditeur : Les Humanoïdes Associés
Parution : 2022
Origine : France
272 pages

De quoi ça cause ?

Depuis des siècles, les Castaka exploitent seuls la planète Marmola, grâce au secret de l’épiphyte, une huile antigravitationnelle qui leur permet de manipuler le marbre comme s’il ne pesait rien. Lorsque l’existence de l’épiphyte est dévoilée à la galaxie, c’en est fini de la tranquillité de la famille.

L’histoire des Méta-Barons va commencer, dans le sang, la mort et la trahison.

Ma Chronique

Comme indiqué dans un post précédent, je vais essayer de privilégier la lecture de BD et romans graphiques le week-end. Il faut dire que le stock, aussi bien papier que numérique, ne cesse de grossir.

Au menu du jour, le premier volume de l’intégrale de La Caste Des Méta-Barons qui regroupe les quatre premiers tomes de la série scénarisée par Jodorowsky et illustrée par Giménez.

Ces quatre tomes ont été publiés par Les Humanoïdes Associés entre 1992 et 1997.

Les deux premiers volumes se penchent sur le parcours de Othon Von Salza, un ancien pirate, va devenir le premier Méta-Baron et instaurer les rituels violents (mutilation puis implants robotiques et combat à mort entre le père et le fils pour la succession) qui vont régir la Caste.

Dans les deux suivants nous découvrirons l’apprentissage et le parcours d’Aghnar, le fils d’Othon et d’Honorata. Un parcours fortement marqué par la mort, la violence et la vengeance. Un lourd tribut à payer au nom de la Caste qui poussera l’héritier à vouloir s’en éloigner.

Vous l’aurez compris cette saga vous plonge dans un univers de science-fiction fort éloigné de notre galaxie. Si au départ le scénario peut sembler un peu simpliste et parfois manquer de précision, il se complexifie et se densifie –  dans le même temps, le profil des personnages s’étoffe – au fil des tomes ; la montée en puissance est progressive et savamment maîtrisée par Jodorowsky, par conséquence le lecteur ne perd jamais fil, au contraire, on se laisse volontiers happé par l’intrigue.

Le fond de l’intrigue est résolument sombre, pour ne pas dire franchement glauque. Les quelques touches d’humour sont apportées par les querelles des deux narrateurs, Tonto et Lothar, deux robots appartenant au Méta-Baron. Même si parfois ces interventions sont quelque peu redondantes et viennent casser le rythme.

Une intrigue servie par les dessins et la mise en couleurs de Giménez, un visuel qui colle parfaitement au récit avec un trait précis et détaillé. Une qualité graphique qui contribue à nous immerger encore plus facilement dans le récit.

L’implant robotique faisant partie intégrale du rituel de la Caste, le dessinateur s’est avéré particulièrement brillant dans ce domaine, le niveau de détail dans son rendu graphique m’a parfois fait penser à un artiste que je considère comme un maître absolu du genre, H.R. Giger.

Je connaissais cette série et plus généralement l’univers de L’Incal de nom (et de réputation) ; à la fin du présent recueil, on a le droit à un bonus justifiant la nécessité de rompre le lien entre les intrigues de L’Incal et des Méta-Barons.

Un grand merci à Karine et Olivier qui m’ont offert ce premier opus du diptyque constituant l’intégrale de La Caste Des Méta-Barons. D’ores et déjà j’ai commandé le second volume, la fin du quatrième tome annonçant une confrontation au sommet.

En revanche je ne pense pas aller au-delà de la série originale, la seconde série, Méta-Baron, qui se présente comme une suite à La Caste Des Méta-Barons, ne m’inspire pas outre mesure (et puis ce n’est plus Giménez qui assure le dessin).

Pour l’anecdote c’est une lecture qui s’avère parfois sportive, avec un poids de plus d’1,7 kg, le bouquin pèse rapidement sur les bras. Et comme je ne suis pas du genre à ouvrir le truc à plat (afin de préserver la reliure et la tranche)… Ma maniaquerie livresque me tuera un jour !

MON VERDICT

Les couvertures originales des tomes 1 et 2

Les couvertures originales des tomes 3 et 4

[BOUQUINS] Joshua Hale Fialkov & Noel Tuazon – Caboche

AU MENU DU JOUR


Titre : Caboche
Scénario : Joshua Hale Fialkov
Dessin : Noel Tuazon
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : États-Unis (2009)
246 pages

De quoi ça cause ?

Frank Armstrong, un détective privé désabusé, vient d’être diagnostiqué d’une tumeur cérébrale en phase terminale. Il va malgré tout décider d’enquête sur la disparition de la fille d’un caïd de la pègre…

Ma Chronique

L’aventure Caboche commence en 2009 sur Kindle, les auteurs décident de publier leur histoire sous forme de roman feuilleton en huit épisodes. L’édition papier, préfacée par Duane Swierczynski et augmentée de quelques bonus fournis par Joshua Hale Fialkov, suivra l’année suivante. C’est cette édition que Sonatine nous propose de découvrir en version française.

Après l’excellent Accident De Chasse de David L. Carlson et Landis Blair, c’est la seconde incursion des éditions Sonatine dans l’univers graphique. Fidèle à sa réputation, l’éditeur vise juste avec un roman graphique qui sublime les règles du noir et va vous en mettre plein les mirettes.

De prime abord l’intrigue peut paraître relativement classique : un détective privé de seconde zone embauché par un caïd de la pègre pour retrouver sa fille… pas besoin de sortir de la cuisse de Jupiter pour soupçonner que c’est n’est pas une histoire d’amour paternel qui motive la requête du mafieux.

Mais une saloperie de tumeur va complétement rebattre les cartes. Frank Armstrong est en effet condamné à court terme par une tumeur au cerveau en phase terminale. Tumeur qui provoque des absences qui renvoient à Frank des images de son passé. Si passé et présent vont parfois s’embrouiller dans l’esprit de Frank, ça va aussi être un déclencheur : pas question qu’il fasse deux fois la même erreur !

Une intrigue noire à souhait menée tambour battant, véritable course contre la montre et contre la mort dans les rues de Los Angeles.

Une narration à la première personne portée par Frank Armstrong. Si au départ ça peut sembler un peu chaotique, on s’aperçoit rapidement qu’il y a certaine logique dans cet embrouillamini. Le passé va venir se mettre au service du présent… et peut-être permettre à Frank de trouver une forme de rédemption avant que ne sonne le glas.

Dans le même ordre d’idée le trait de Noel Tuazon peut sembler minimaliste, mais cet aspect brut de décoffrage, presque grossier, colle parfaitement à la narration. L’application d’un lavis pour distinguer les flashbacks de l’intrigue présente est un excellent choix qui vient renforcer le côté embrumé de l’esprit de Frank ; surtout quand les deux techniques se superposent dans une même case.

Le roman est agrémenté de quelques bonus qui viendront prolonger l’expérience Caboche : un extrait du pitch original, un carnet de croquis, un entretien et divers textes de Joshua Hale Fialkov, dont une nouvelle qui reprend un épisode abordé dans le roman.

Si vous êtes amateur de roman noir, je vous invite à vous ruer sur ce roman graphique, c’est la garantie d’une expérience narrative et visuelle qui ne vous laissera pas indifférent.

MON VERDICT