[BOUQUINS] Xavier Müller – Le Dernier Hiver

AU MENU DU JOUR


Titre : Le Dernier Hiver
Série : Erectus – Tome 3
Auteur : Xavier Müller
Éditeur : XO éditions
Parution : 2022
Origine : France
393 pages

De quoi ça cause ?

Après deux pandémies régressives, l’humanité pouvait espérer retrouver son cours normal. Le répit sera de courte durée, une nouvelle épidémie plonge ses victimes dans un état proche de l’hibernation. Et si ce n’était que le premier symptôme d’un mal qui dépasse l’imagination ?

Lucas Carvalho va rejoindre les équipes de Futurabio afin d’enrayer un fléau qui pourrait bien sonner le glas de l’humanité…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est le troisième et dernier opus de la trilogie Erectus. Impossible de faire l’impasse sur la conclusion de cette série aussi improbable que crédible (paradoxe quand tu nous tiens).

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions XO et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Pour l’ultime opus de sa trilogie régressive Xavier Müller repousse encore les limites de la régression et, une fois de plus, parvient à rendre crédible un scénario hautement improbable. Beaucoup de données scientifiques (vérifiées et vérifiables) viennent s’intégrer à l’intrigue sans jamais assommer le lecteur de théories à rallonge, soporifiques à souhait.

Les lecteurs des précédents opus retrouveront avec plaisir des personnages déjà croisés, tels que Lucas Carvalho, Anna Meunier ou encore Wuan. D’autres, comme Alice, la fille d’Anna, seront appelés à jouer un rôle plus actif dans le déroulé de l’intrigue. Enfin le lecteur découvrira aussi de nouveaux acteurs qui auront un impact direct sur le récit, certains ayant des intentions pas forcément des plus louables.

Une fois de plus Xavier Müller ne se contente pas de nous servir du réchauffé, il renouvelle son intrigue et apporte une dimension supplémentaire à son roman avec des nouveaux défis et enjeux pour ses héros et l’humanité.

Il y aurait beaucoup à dire sur cette troisième régression tant elle est audacieuse, mais je préfère ne rien divulguer qui puisse gâcher le plaisir de la découverte des futurs lecteurs et lectrices. Sachez simplement que les surprises et autres retournements de situation seront légion au fil des chapitres.

Pour faire simple, je dirai que Xavier Müller nous offre un final en apothéose. La longueur de cette chronique est inversement proportionnelle à l’intérêt du bouquin, c’est juste que des fois il faut prendre sur soi et être concis… même si cela est un tantinet frustrant.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Laurent Gaudé – Chien 51

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Titre : Chien 51
Auteur : Laurent Gaudé
Éditeur : Actes Sud
Parution : 2022
Origine : France
304 pages

De quoi ça cause ?

Zem Sparak a fui la Grèce peu avant son effondrement et son rachat par la puissante multinationale GoldTex. Trente ans plus tard, il officie comme chien – flic de terrain – dans la zone 3, le secteur le plus glauque de Magnapole.

Appelé sur une scène de crime, il découvre qu’il va devoir enquêter avec, et sous les ordres de, Salia Malberg, une jeune inspectrice en poste dans la zone 2 (une zone intermédiaire / chic). Une collaboration forcée qui n’enchante aucun des deux partenaires, mais tous les deux sont mû par la même envie de découvrir la vérité sur ce crime.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

En toute franchise j’ai d’abord flashé sur la couv’ qui est tout simplement magnifique. Une création de l’artiste chinois Xiaohui Hu (vous pouvez consulter sa page sur le site artstation pour découvrir son travail).

Ensuite l’idée de découvrir une dystopie made in France, écrite par un auteur qui fait sa première incursion dans la science-fiction, a sérieusement titillé ma curiosité. Le pitch a fait le reste.

Ma Chronique

Avant de découvrir ce roman je ne connaissais pas du tout Laurent Gaudé, bien que l’auteur n’en soit pas vraiment à son coup d’essai : avec Chien 51, il signe son douzième roman et est aussi l’auteur de dix-sept pièces de théâtre. Ce roman est toutefois sa première incursion dans le vaste monde des littératures de l’imaginaire (ou encore SFFF pour science-fiction, fantastique et fantasy).

Chien 51 s’inscrit clairement dans le registre de la science-fiction et plus précisément dans la dystopie en proposant une vision plutôt pessimiste de notre avenir. Pessimiste certes, mais pas pour autant totalement inconcevable… Après tout l’auteur ne fait que pousser à l’extrême des maux déjà présents aujourd’hui (tensions sociales, crise économique, conflits divers et variés mais aussi dérèglement climatique entre autres).

Dans le monde imaginé par Laurent Gaudé ce sont de puissantes multinationales qui contrôlent les États et détiennent les rênes du pouvoir. L’intrigue nous roman nous plonge au cœur de Magnapole, une mégapole contrôlée par la société GoldTex. Une ville divisée en trois zones : la 1 est réservée à l’élite, la 2 peut être considérée comme intermédiaire / chic et la 3 est la plus pauvre. Des inégalités existent certes entre les zones 1 et 2 mais elles sont encore plus flagrantes entre la zone 3 et les autres.

Un équilibre fragile qui s’est construit à force de violentes répressions face à la protestation des citoyens de la zone 3. Un équilibre qui pourrait bien être remis en cause à l’approche des élections. Élections qui verront s’affronter deux candidats et deux visions d’avenir que tout oppose.

Le roman s’ouvre sur l’effondrement de la Grèce à la suite d’une OPA de GoldTex, Zem Sparak a eu la chance d’embarquer à bord d’un navire peu avant qu’une série de violentes explosions ne sèment un peu plus de chaos et la mort. On retrouve Sparak trente ans plus tard, alors qu’il est appelé sur une scène de crime.

Et oui, parce que Chien 51 est aussi un roman policier avec une enquête qui deviendra la clé de l’intrigue.

Les choses vont se compliquer pour Zem Sparak quand il va découvrir que pour cette enquête il est « verrouillé » à un enquêteur de la zone 2. Non seulement il va devoir collaborer avec un binôme mais aussi être placé sous ses ordres.

Le binôme en question est Salia Malberg, jeune et ambitieuse inspectrice de la zone 2. Dans le genre duo dépareillé, ils font la paire ! Et cette collaboration forcée n’enchante aucune des deux parties.

Vous allez faire ce que je vous dis de faire. Et dès maintenant. Que cela vous plaise ou non. Vous allez marcher à mes côtés, comme un bon chien, et renifler où je vous dirai de renifler. Si vous ne voulez pas que je fasse sauter votre accréditation, vous allez apprendre à faire ce que je vous demande et même à me lécher la main.

Le ton est donné dès leur seconde rencontre. Il faut dire que demander à Zem Sparak de filer droit c’est un peu comme demander à un végan de manger un steak tartare sans son accompagnement… et avec le sourire !

Le roman est ponctué de flashbacks permettant de découvrir le parcours de Zem Sparak et comment le jeune homme engagé et militant est devenu un flic bourru et désabusé de la zone 3. Un rappel du passé pas complètement innocent comme nous le découvrirons par la suite.

Rien n’est laissé au hasard dans ce roman : le contexte est mûrement réfléchi, l’intrigue totalement maîtrisée, les personnages bien travaillés… Un roman aussi audacieux qu’intelligent, Laurent Gaudé se sert de la science-fiction pour emmener le lecteur à s’interroger sur le présent… parce qu’il n’est – peut-être –  pas encore trop tard pour inverser la tendance.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Andy Weir – Projet Dernière Chance

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Titre : Projet Dernière Chance
Auteur : Andy Weir
Éditeur : Bragelonne
Parution : 2021
Origine : États-Unis
480 pages

De quoi ça cause ?

Ryland Grace se réveille dans une pièce inconnue. Pas moyen de se souvenir de qui il est, où il se trouve et pourquoi. Seule certitude, ses deux compagnons de dortoirs sont morts depuis déjà un certain temps.

Peu à peu les souvenirs refluent. Il est à bord d’un vaisseau spatial, à des années-lumière de la Terre. Sa mission : sauver l’humanité. Mais il n’a aucune idée de la façon dont il doit s’y prendre…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Andy Weir et qu’il m’avait bluffé avec ses deux précédent romans, Seuls Sur Mars et Artémis. Bien que totalement réfractaire aux enseignements scientifiques (j’y peux rien, c’est viscéral), j’ai presque tout compris aux explications de l’auteur (on va dire suffisamment pour apprécier pleinement ses intrigues).

Ma Chronique

Parmi les nombreux sous-genres qui composent le vaste monde de la science-fiction, la hard science¹ n’est surement pas le plus abordable qui soit. Surtout pour les lecteurs qui, comme moi, ne captent rien – et ne veulent rien capter… au-delà du minimum vital pour ne pas passer pour un crétin congénital – à tout ce qui touche près ou de loin aux domaines scientifiques.

Andy Weir fait partie de ces auteurs qui ne lésinent sur les explications scientifiques afin de consolider leurs intrigues, et pourtant à chaque fois ça passe comme une lettre à la poste. Loin de moi l’idée d’affirmer que je comprends tout mais il suffisamment convaincant pour qu’on ait envie de le croire sur parole (et ce n’est certainement pas moi qui irais perdre du temps à vérifier chacune de ses démonstrations), et donc de croire à son intrigue.

Dans Projet Dernière Chance l’auteur repousse les limites du voyage spatial qu’il s’était imposé dans ses précédents romans. Cette fois son héros, Ryland Grace, est propulsé à des années-lumière de notre système solaire… et c’est justement pour sauver notre soleil, et par extension l’humanité (pas besoin d’avoir fait Normale Sup’ pour comprendre le lien), qu’il se retrouve à proximité de Tau Ceti.

Andy Weir va encore plus loin puisque Ryland Grace va rencontrer – et se lier d’amitié avec – une entité extra-terrestre (en provenance directe du système d’Eridani). Rocky, ainsi qu’il surnommera son nouvel ami, est dans la même situation que lui. Il doit sauver son monde, mais n’a aucune idée quant à la façon de procéder.

Voilà pour ce qui est des bases – très simplifiées – du roman de Andy Weir. Les deux héros vont devoir apprendre à communiquer et à coopérer pour sauver leurs mondes respectifs… et accessoirement leurs miches. Une coopération qui va mettre à contribution leurs compétences respectives, mais aussi faire appel à beaucoup de système D de part et d’autre.

Le récit est à la première personne, on vit l’intrigue via le personnage de Ryland Grace. Le roman alterne entre l’intrigue présente et les flashbacks (au fur et à mesure que la mémoire lui revient). Cette construction alternée insuffle une réelle dynamique à l’intrigue.

Une intrigue menée tambour battant malgré les nombreuses explications scientifiques (parfois parcourues en diagonale, j’avoue), une intrigue portée par deux personnages qui n’ont rien du héros invincible et sûr de lui – loin de là – et c’est sans doute ce qui attire et attise notre empathie à leur égard.

Au niveau des personnages secondaires, nul doute que Eva Stratt, la chef du projet Dernière Chance, ne laissera personne indifférent. Avec son cynisme à toute épreuve et une froideur implacable, vous l’adorerez et la détesterez tour à tour.

Une fois de plus Andy Weir signe un roman totalement maîtrisé, à la fois intelligent, addictif et divertissant (merci aux petites notes d’humour semées çà et là… même quand la situation semble totalement désespérée).

Si vous trouvez que le titre fait un trop racoleur, je peux vous assurer que c’est toujours mieux qu’une traduction littérale de Project Hail Mary, qui aurait alors pu devenir Projet Ave Maria ou pire encore Projet Je Vous Salue Marie… Avouez qu’on l’a échappé belle !

Comme Seul Sur Mars, ce Projet Dernière Chance semble avoir tapé dans l’œil de Hollywood. Une adaptation réalisée par Phil Lord et Christopher Miller serait dans les tuyaux, avec Ryan Gosling dans le rôle de Ryland Grace. Pour l’anecdote les deux réalisateurs auraient aussi l’intention de porter Artémis sur grand écran.

¹ Définition Wikipédia de la hard science : La hard science-fiction (dite aussi hard science, hard SF, SF dure) est un genre de science-fiction dans lequel les technologies, les sociétés et leurs évolutions, telles qu’elles sont décrites dans le roman, peuvent être considérées comme vraisemblables au regard de l’état des connaissances scientifiques au moment où l’auteur écrit son œuvre.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Wesley Chu – Time Salvager

AU MENU DU JOUR


Titre : Time Salvager
Auteur : Wesley Chu
Éditeur : Fleuve Éditions
Parution : 2021
Origine : États-Unis (2015)
528 pages

De quoi ça cause ?

2511. La Terre n’est plus qu’un champ de ruines dépeuplé et toxique. Ses habitants l’ont quittée depuis longtemps pour s’établir dans le système solaire. Leur survie repose sur les ressources que des agents temporels vont récupérer dans le passé.

James Griffin est un de ces chronmen, un agent désabusé par ses longues années de service et fortement porté sur l’alcool. Et pourtant c’est à lui et à son référent que l’on confie une mission qui devrait leur assurer une retraite dorée.

Alors que sa mission touche à sa fin, James brise la plus importante des lois temporelles en ramenant une personne du passé dans le présent. Rapidement démasqué James dot fuir avec sa protégée. Ils sont désormais des cibles prioritaires pour le Chronocentre et la puissante corporation Valta…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Pour son intrigue, qui, sans révolutionner les règles du genre, m’inspirait. Et la couv’ m’a tapé dans l’œil (aïe !).

Ma Chronique

Je remercie les éditions Fleuve et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Le thème du voyage temporel est un grand classique de la science-fiction, que ce soit au cinéma ou en littérature, il a été exploité sous toutes les coutures. Depuis H.G. Wells et Sa Machine À Explorer Le Temps (et même avant) à nos jours, les auteurs qui se sont essayés au genre sont légion… avec plus ou moins de succès.

On serait tenté de penser que toutes les facettes de cette thématique temporelle ont été exploitées, et bin non ! Wesley Chu, un jeune auteur taïwanais installé aux États-Unis, nous prouve qu’il est encore possible de faire preuve d’originalité en la matière. Même si son roman, Time Salvager, premier opus de sa Trilogie du Temps, ne révolutionne pas franchement le genre, il a au moins le mérite de le rafraîchir.

Si le voyage dans le temps est au cœur de l’intrigue, il est ici prétexte à assurer la survie de l’humanité. Seuls les chronmen, des agents temporels, ont le droit de pratiquer des bonds dans le passé et uniquement pour aller y récupérer des ressources ou de l’énergie (qui font cruellement défaut dans le présent) en veillant à perturber à minima le flux temporel. Ils sont placés sous l’autorité du  Chronocentre qui veille au respect des lois temporelles.

James Griffin est, malgré son instabilité et son alcoolisme, l’un des meilleurs chronmen en service. C’est pour cette raison que le contrôleur Levin Javier donne son feu vert pour une mission commanditée par la puissante corporation Valta.

Alors que cette mission pouvait lui offrir une retraite dorée, James va commettre l’irréparable en brisant la première loi temporelle ; il va en effet ramener dans le présent une personne du passé. Cette « anomalie » est Elise, une biologiste qu’il va rencontrer au cours de sa mission et qu’il sauvera d’une mort certaine sur un coup de tête.

Pour Levin, la traque du fugitif et de sa protégée est une affaire personnelle, d’autant que la corporation Valta met la pression sur le Chronocentre.

Si Time Salvager est un pur produit de SF et d’anticipation, il peut aussi revendiquer le titre de thriller d’anticipation tant le rythme est soutenu de la première à la dernière page. Au fil de la traque, on découvre – en même temps que Levin – qui tient réellement les rênes du pouvoir et du Chronocentre.

Ajoutez à cela la dimension écologique (au sens noble du terme, pas sa version corrompue par la politique) de l’intrigue et vous aurez entre les mains tous les éléments d’un scénario bien plus complexe qu’il ne le laissait supposer.

Le personnage de James est l’archétype de l’antihéros, de prime abord bourru et antipathique, son caractère va s’adoucir au contact d’Elise.

À l’opposé Levin est le parfait fonctionnaire zélé, même quand ses certitudes s’effondrent il persiste à se réfugier derrière le règlement.

Le style de Wesley Chu fait de ce roman un véritable page-turner. Il me tarde de découvrir la suite (Time Siege, paru aux États-Unis en 2016), par contre je suis un peu plus pessimiste pour le troisième et dernier opus qui ne semble toujours pas écrit alors que l’auteur a publié de nombreux autres romans depuis 2016 et annonce même une nouvelle série pour 2022.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Sylvain Neuvel – L’Examen

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Titre : L’Examen
Auteur : Sylvain Neuvel
Éditeur : Le Livre de Poche
Parution : 2021
Origine : Canada (2019)
128 pages

De quoi ça cause ?

Grande Bretagne, dans un futur indéterminé. Pour devenir citoyen britannique les migrants et réfugiés doivent réussir un examen de citoyenneté composé de 25 questions.

Idir à fuit l’Iran avec sa femme et son fils, il exerce désormais comme dentiste à Londres et est parfaitement intégré au mode de vie occidental. C’est donc plutôt confiant qu’il se présente au centre d’examen. Mais rien ne l’avait préparé à ce qu’il va se produire…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

C’est le pitch qui, le premier, m’a attiré vers ce bouquin. J’étais aussi curieux de découvrir Sylvain Neuvel dans un autre registre (ce qui me rappelle au passage que je dois poursuivre la lecture de ses fameux Dossiers Thémis).

Ma Chronique

Avec L’Examen Sylvain Neuvel nous offre une dystopie plutôt glaçante, d’autant plus que l’on est en droit de penser que c’est un des futurs possibles pour nos sociétés occidentales qui veulent toujours tout contrôler au plus prés.

Un texte court, intense et sombre. Et pourtant tout commence comme un banal examen d’intégration sous la forme d’un QCM de 25 questions. Une session d’examen qui va rapidement virer au cauchemar pour Idir. Et qui jettera un froid sur le lecteur quand il découvrira ce qui se cache derrière les événements que subit Idir.

Franchement je ne suis pas contre le principe d’un examen de citoyenneté pour les demandeurs d’asile ; le Canada et de nombreux pays d’Europe du Nord le mettent déjà en pratique sans que personne ne s’en offusque. Bien entendu je parle là d’un véritable examen de citoyenneté, pas d’une mise à l’épreuve comme celle dont il est question dans le présent roman.

Les chapitres alternent entre le récit d’Idir (à la première personne) qui nous relate le cauchemar qu’il est en train de vivre – cauchemar qui semble s’enfoncer toujours plus loin dans l’horreur – et les « coulisses » du centre d’examen, là où des opérateurs tirent les ficelles du drame qu’ils sont en train de scénariser.

Compte tenu de la longueur du roman l’accent est surtout mis sur le personnage d’Idir – soit dit en passant il a le profil idéal pour devenir futur citoyen britannique –, force est de reconnaître que l’on n’a pas particulièrement envie de faire plus ample connaissance avec les autres acteurs de l’intrigue.

Le style de l’auteur est parfaitement adapté à la longueur du récit et au rythme de l’intrigue, pas de fioritures, pas de bla-bla, pas de chichis… on va à l’essentiel et c’est très bien comme ça ! Avec tout ça, inutile de vous préciser que le bouquin se dévore d’une traite.

Un roman qui poussera le lecteur à la réflexion sur des thèmes tel que le libre arbitre, la manipulation (voire la destruction) psychologique, jusqu’où le système peut-il aller au nom de l’intérêt de la communauté ? La fin du roman laisse un arrière-goût de bile en bouche, mission accomplie haut la main pour Sylvain Neuvel.

Comme quoi ce n’est pas la taille qui compte ! Il vaut mieux savoir-faire court et efficace que long et soporifique…

Pour l’anecdote Sylvain Neuvel est né et vit au Québec, mais c’est en anglais qu’il écrit ses romans. Un choix curieux pour un habitant d’une province qui défend bec et ongles la langue française (même si celle-ci est en recul constant ces dernières années). Mais cela ne nous regarde pas…

MON VERDICT

[BOUQUINS] Alain Damasio – Scarlett Et Novak

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Titre : Scarlett Et Novak
Auteur : Alain Damasio
Éditeur : Rageot
Parution : 2021
Origine : France
64 pages

De quoi ça cause ?

Novak, un adolescent, court à travers les rues de Paris. Il est poursuivi par deux hommes sans qu’il sache ce qu’ils lui veulent. Novak compte beaucoup sur les indications de Scarlett, l’intelligence artificielle de son smartphone pour se tirer de ce mauvais pas…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Un texte publié en 2014 sur le site 01net.com sous le titre Novak Et Son Ai-Phone et destiné à un public adolescent afin de les sensibiliser aux dangers de l’addiction à leur smartphone.

Ma Chronique

Je remercie Net Galley et les éditions Rageot pour leur confiance.

Je ne sais pas pour vous, mais personnellement je ne fais pas partie du public visé par l’auteur. Pour moi le smartphone ne fait aucunement partie de mon anatomie. Mon smartphone est un gadget bien utile, le perdre me ferait certes chier, mais en aucun cas je n’aurai l’impression de me retrouver à poil et démuni pour affronter le quotidien.

Avec le personnage de Novak Alain Damasio pousse à l’extrême la relation de dépendance entre l’individu et son smartphone, mais au-delà ce cela l’auteur pointe aussi du doigt une société qui tend à faire l’apologie du 100% connecté, une société ou vivre unplugged ferait de toi un individu suspect.

Le texte est court et souffre des lacunes propres à certaines nouvelles, on manque cruellement d’éléments de fond (pourquoi ces deux gars poursuivent Novak). Du coup ça nous laisse un arrière-goût d’inachevé.

Un texte globalement bien foutu, mais un peu superficiel, il n’en reste pas moins que le message passe et que la conclusion se veut plutôt optimiste. Au vu du monde d’aujourd’hui je ne suis pas certain que la majorité des individus réagiraient comme Novak.

Un récit qui s’achève sur une « poésie » de l’auteur d’une réalité presque perturbante, un texte qui devrait amener les intéressés à se poser des questions, en admettant que leurs neurones ne soient pas encore totalement métastasés par le silicium…

J’avais envie de vous copier l’intégralité du texte ici, mais finalement je ne vous en livre qu’un extrait :

Tu dis que tu vibres :
mais c’est juste ton portable dans ta main.
Tu dis que tu vois :
mais c’est la caméra qui fait la mise au point pour toi.
Tu dis que tu sais :
mais tout ce que tu sais, c’est ton pote wiki qui le sait
pour toi.

Un court récit plutôt efficace mais je reste plus que sceptique sur le rapport qualité-prix du truc… surtout en sachant que ledit texte avait été initialement publié gratuitement sur le site 01net.com. Débourser 4 (pour la version numérique) ou 5 € (pour la version papier) pour une soixantaine de pages ça me ferait un peu mal au cul.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Xavier Müller – L’Armée De Darwin

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Titre : L’Armée De Darwin
Série : Erectus – Tome 2
Auteur : Xavier Müller
Éditeur : XO
Parution : 2021
Origine : France
487 pages

De quoi ça cause ?

Sept ans après la pandémie Kruger les erectus vivent dans des réserves à l’écart des sapiens. Le débat entre pro et anti est toujours vif mais le véritable danger est ailleurs. Un scientifique voit dans les erectus un possible renouveau de l’humanité, il va créer un nouveau virus, dérivé du Kruger, qui transformera les infectés en erectus « amélioré »…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que j’avais été emballé par Erectus, j’étais curieux de découvrir quelle suite Xavier Müller allait donner à son récit.

Ma Chronique

Avec Erectus Xavier Müller avait réussi à rendre crédible (sinon plausible) une histoire de virus totalement improbable… à une époque (pas si lointaine que ça) où le genre humain n’avait pas à se soucier d’un virus dont le nom semble tout droit sorti d’une brasserie mexicaine.

Après un premier tome totalement maîtrisé, Xavier Müller se devait de tenir le niveau tout en proposant une intrigue 100% originale… pas question de se contenter d’une resucée d’Erectus au vilain parfum de déjà-vu. Et l’auteur évite l’écueil de la facilité en nous plaçant sept ans après la pandémie Kruger, sapiens et erectus cohabitent en un fragile équilibre qui ne satisfait pleinement personne.

Chez les sapiens le débat entre pro et anti erectus fait rage alors que la communauté scientifique s’échine à gérer les conséquences de la pandémie. C’est de cette gestion de crise qu’il sera essentiellement question dans les premiers chapitres du roman. Alors certes ça ne démarre pas sur les chapeaux de roues mais ça permet de planter le décor et de nous ancrer dans le monde d’après Kruger.

Qui aurait pu prévoir que les cartes allaient être redistribuées par une nouvelle pandémie ? Provoquée cette fois en parfaite connaissance de cause par un scientifique en mal de reconnaissance qui rêve d’une humanité 2.0. Humanité dont il serait à la fois le berger et le gourou.

Quand notre professeur foldingue met son plan machiavélique et ravageur en branle, le rythme du récit change du tout au tout. L’auteur nous balade tambour battant au gré de son intrigue et de ses multiples évolutions ; c’est à peine s’il nous laisse le temps de reprendre notre souffle entre les chapitres. On veut savoir, on doit savoir !

La première vague viendra du ciel puisque c’est un moustique, l’aedes aegypti (que l’on connait bien en Nouvelle-Calédonie), qui servira de vecteur de contamination et de propagation. Un nouveau défi pour la communauté scientifique : comment éradiquer le moustique sans nuire à l’équilibre de l’écosystème tout entier ?

« Une usine à moustiques » australienne avait une piste pour combattre le Ganesh : issu de recherches collaboratives, leur procédé consistait à inoculer aux femelles une bactérie capable de stopper la transmission de certaines maladies, type dengue, à l’être humain.

Sur ce coup la réalité rattrape la fiction, une telle bactérie existe bel et bien, la bestiole s’appelle wolbachia et est actuellement au cœur d’un vaste programme de lutte contre la dengue et autres maladies transmises par le moustique mené par le World Mosquito Program et soutenu par l’OMS. La Nouvelle-Calédonie a bénéficié d’un lâcher de moustiques infectés et les résultats ont été des plus concluants.

Même si le Ganesh est encore plus dévastateur (et plus improbable) que le Kruger, Xavier Müller arrive à rendre son intrigue crédible en plus d’être hautement addictive.

Il faut dire aussi que l’auteur ne laisse rien au hasard, surtout pas ses personnages à qui il apporte un soin particulier. C’est avec plaisir que j’ai retrouvé ceux déjà croisés dans Erectus, un contentement renforcé par la place accordée aux erectus (particulièrement au clan de la pierre-levée) et leur rôle dans le déroulé de l’intrigue de ce second opus. Tout comme j’ai eu plaisir à rencontrer de nouveaux personnages, à commencer par Lauryn Gordon et Alice (la fille d’Anna).

Alors this is the end ou doit-on attendre (espérer ?) un retour des erectus, sapiens et ganesh dans un troisième tome ? Très franchement il y aurait matière à une suite, paradoxalement je serai tenté de dire qu’une suite ne s’impose pas. En tout état de cause le seul à détenir la réponse à cette question est l’auteur.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Luna Joice – Community

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L. Joice - Community
Titre : Community
Auteur : Luna Joice
Éditeur : Hugo
Parution : 2020
Origine : France
298 pages

De quoi ça cause ?

3006. La Terre a été pacifiée grâce à Community, une technologie révolutionnaire qui permet à l’homme de communiquer par télépathie. L’égoïsme mis de côté au profit de la collectivité, conflits et inégalités appartiennent désormais au passé.

Passionnée par les étoiles, Lyah est une jeune femme dotée d’une profonde soif de connaissances, qui la pousse à se poser beaucoup de questions sur le monde qui l’entoure. Bien plus que tous ceux qu’elle connaît… Pourquoi les humains ont-ils désormais interdiction de se toucher ? Pourquoi ne peut-elle pas choisir elle-même sa future Assignation ? Et pourquoi certaines bases de données lui sont-elles inaccessibles ?

Tandis qu’elle exhume secret après secret sur la société aseptisée dans laquelle elle vit, une interrogation grandit dans son esprit. Pour Community, à quoi l’humanité a-t-elle renoncé ?

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

C’est d’abord la couv’ qui a retenu mon attention. Si le pitch est plutôt un classique du genre (la promesse d’un monde idéal qui va finalement révéler ses failles), j’ai toutefois eu envie de découvrir cette énième vision dystopique du monde de demain.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Hugo et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Écrit à la première personne, le roman nous propose de vire l’intrigue via le personnage de Lyah. Une jeune femme plutôt attachante au caractère bien trempée mais qui fait souvent penser, surtout dans la première partie du récit, à une ado de 16/17 ans davantage qu’à une jeune adulte.

Les premiers chapitres, jusqu’aux résultats de l’Assignation, permettent de définir le cadre de l’intrigue et notamment la vie au quotidien sous contrôle total de Community. Une vision idéalisée de l’avenir qui suscitera d’emblée une certaine méfiance chez tout lecteur un tantinet libre-penseur.

C’est après son Assignation que Lyah va découvrir ce qui se cache réellement derrière Community, notamment à quel point, au nom du bien commun, l’humain a été privé de tout ce qui fait de lui un individu à part entière. Des questions et des thèmes à fort potentiel sont soulevés au fur et à mesure que Lyah doute du bien-fondé de Community, malheureusement ils ne sont abordés que superficiellement par des réponses toutes faites apportées à la va-vite.

Dans les derniers chapitres du roman, Lyah va donc – sans surprise – vouloir se dresser contre le système. Là encore tout va trop vite, tout semble trop simple, elle ne rencontre quasiment aucune opposition et expédie le truc en deux temps et trois mouvements.

Vous l’aurez compris c’est mitigé que je referme ce bouquin. Une lecture qui n’en demeure pas moins sympathique mais qui laisse l’impression d’être complètement passée à côté d’un fort potentiel. Ce n’est pas avec Community que Luna Joice gravera son nom au panthéon des maîtres de la dystopie tels que H.G. Wells, George Orwell, Ray Bradbury, Ira Levin ou encore Margaret Atwood pour ne citer qu’eux (pardon à ceux et celles que j’ai injustement oublié).

MON VERDICT

[BOUQUINS] Sara Greem & Bernard Afflatet – Hémisphère

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S. Greem & B. Afflatet - Hémisphère
Titre : Hémisphère
Auteur : Sara Greem & Bernard Afflatet
Éditeur : Éditions du 38
Parution : 2020
Origine : France
304 pages

De quoi ça cause ?

3000 ans plus tôt, pour se protéger d’une épidémie qui décime l’humanité, la vieille Europe a été coupée du monde en se couvrant d’un dôme infranchissable.

En Hémisphère, les terres protégées par le dôme, les Désignés ont appris à se conformer à un nouveau mode de vie, un quotidien entièrement assisté et régi par des machines.

Au-delà du dôme, sur les Terres de l’Exil, le quotidien des Exilés est nettement plus rude ; la survie est une lutte de tous les jours tandis que les ressources s’épuisent inexorablement.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sara Greem, une auteure que je suis assidûment depuis ses débuts et une personne qui compte énormément pour moi.

Une fois de plus elle change de registre littéraire en se frottant à la science-fiction (version post-apocalyptique). Autre nouveauté, elle s’essaie à l’écriture à quatre mains puisque le présent roman est co-signé par Bernard Afflatet.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement Sara et les Éditions du 38 pour leur confiance renouvelée.

Autant je suis un inconditionnel de la première heure de Sara Greem, autant je ne connaissais pas du tout Bernard Afflatet avant de lire ce roman. J’espère qu’il ne m’en tiendra pas rigueur, d’autant que je compte bien réparer cette lacune prochainement.

De prime abord, le contexte post-apocalyptique permet de classer sans hésitation ce roman sur les étagères dédiées à la science-fiction. Dans les faits les choses ne sont pas aussi simples, les auteurs jouent en effet avec les genres, intégrant une forte part de fantasy dans le récit (les Terres de l’Exil font clairement penser à un autre monde que le nôtre), mais aussi des éléments issus de la mythologie et même un fort soupçon de préoccupations écologiques. Mélangez ces différents ingrédients, laissez reposer le temps que l’ensemble se fonde en un tout cohérent et vous obtiendrez Hémisphère.

Le roman s’articule autour de l’opposition entre deux mondes (Hémisphère et les Terres de l’Exil), deux peuples (les Désignés et les Exilés) et leurs modes de vie respectifs. De fait l’intrigue commence par se jouer sur deux axes narratifs distincts qui finiront par ne faire qu’un.

C’est Devor-83 qui nous servira de guide pour découvrir le quotidien des Désignés en Hémisphère ; un quotidien géré par la technologie et les machines afin que d’éviter aux humains d’avoir à se poser la moindre question. Un quotidien formaté et uniformisé, une routine placée sous le signe de la pensée unique (voire même par l’absence totale de pensée). Mais voilà, malgré cette routine bien huilée, Devor-83 est assailli par le doute et des questionnements quant à sa vie et son bonheur.

Suivez Osnour, un chasseur un brin taciturne, pour découvrir les Terres de l’Exil et le quotidien des Exilés. Un quotidien qui pourrait se résumer en un mot : survivre. Des survivants réunis en tribus et pour la plupart adepte d’une religion clanique dont la flamme est entretenue par une prophétesse, l’Annonciatrice. Un mode de vie auquel Osnour et les siens ont de plus en plus de mal à adhérer. Le chasseur est bien plus préoccupé par les sources d’eau qui se tarissent et le gibier qui se fait de plus en plus rare ; mais aussi par ces rêves troublants qui agitent son sommeil.

Les auteurs trouvent un juste équilibre entre la mise en place du cadre et le déroulé progressif de leur intrigue. J’avoue avoir craint pendant un moment un dénouement trop rapide ou trop facile au fur et à mesure que les pages défilaient ; que nenni, Sara et Bernard gardent le cap de bout en bout avec une intrigue qui se déroule sans le moindre accroc.

Si vous avez lu les précédents romans de Sara Greem, vous connaissez sans doute son attachement à la mythologie, ou plutôt devrai-je dire aux mythologies. Après nous avoir initié à la mythologie celte (Les Epopées Avaloniennes), puis à celle des peuples nordiques (La Malédiction De L’Anneau Des Niflungar), c’est l’Égypte ancienne et ses divinités qui sont mises à l’honneur dans le présent roman. Une fois de plus ces éléments mythologiques s’intègrent impeccablement à l’intrigue.

En lisant ce roman vous n’aurez pas le temps de vous ennuyer, tout est fait pour maintenir l’intérêt du lecteur en éveil. Les personnages, le rythme, le suspense, l’action… tout est fort justement dosé et maîtrisé. Et la recette fonctionne du feu de dieu !

Un roman écrit à quatre mains qui devrait séduire un large public de par la variété des thèmes abordés mais aussi et surtout par sa narration d’une grande fluidité. Chapeau bas aux auteurs, la fusion de leurs efforts est une totale réussite.

Si comme moi vous vous posez des questions sur le rapport entre la couv’ et le pich du bouquin, vous n’aurez pas forcément de réponse directement dans le bouquin, disons que les auteurs dispensent suffisamment d’indices pour vous mettre sur la bonne voie… Google fera le reste.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Alain Damasio – Les Furtifs

AU MENU DU JOUR

A. Damasio - Les Furtifs
Titre : Les Furtifs
Auteur : Alain Damasio
Éditeur : La Volte
Parution : 2019
Origine : France
687 pages

De quoi ça cause ?

Si Lorca Varèse s’est démené pour intégrer l’armée sur le tard, c’est dans l’espoir de prouver que sa fille, Tishka, disparue il y a deux ans, est bien vivante et que sa disparition est liée aux furtifs. Des « créatures » méconnues du grand public malgré leurs capacités infinies, mais qui se figent et se minéralisent dès qu’elles sont vues par un humain.

Le Récif est une unité de l’armée spécialisée dans la chasse aux furtifs, pour mener à bien sa mission, Lorca va devoir convaincre ses équipiers et sa hiérarchie qu’il faut aborder les furtifs différemment, essayer de les comprendre plutôt que de les chasser…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

En 2004 Alain Damasio publiait La Horde Du Contrevent, un bouquin rapidement acclamé comme un must-read du genre (ou peut-être des genres si l’on intègre l’ensemble des littératures de l’imaginaire sous l’acronyme SFFF). Sorti en numérique en 2012, le bouquin a finalement rejoint mon Stock à Lire Numérique il y a quelques années… avant de sombrer dans les insondables méandres de l’oubli.

Ayant raté le coche de La Horde (ce n’est que partie remise… mais remise jusqu’à quand ? Je ne saurai dire), je tenais à ne pas passer à côté du second roman de l’auteur, Les Furtifs. Roman que les fans de La Horde attendaient depuis plus de 15 ans !

Ma Chronique

Si instinctivement je devais résumer cette lecture en un seul mot, c’est laborieux qui me viendrait à l’esprit. Un roman commencé dans sa version numérique en novembre dernier, achevé aujourd’hui dans sa version papier !

Paradoxalement mon ressenti global reste très positif malgré quelques points noirs. Le principal étant les fantaisies typographiques voulues par l’auteur qui rendent certains passages quasiment illisibles sur liseuse (à moins de se flinguer les yeux à décrypter le texte)… heureusement que ça passe un peu mieux via Calibre. Il n’en reste pas moins qu’après un peu plus de 200 pages lues, je me suis rabattu sur la version papier du roman.

Je me doute bien que numériser un tel bouquin doit être une sacrée prise de tête, mais ça n’excuse toutefois pas certaines lacunes dans le code. La plus dérangeante étant de loin les multiples styles pour identifier une ligne blanche entre deux paragraphes. Déjà que l’auteur en use et abuse, si en plus de ça les sauts varient en hauteur ça devient rapidement usant pour les yeux… d’autant qu’on ne retrouve pas cette variation dans le bouquin papier.

Enfin certains styles ne sont appliqués que partiellement au bloc de texte concerné. Genre trois lignes en italique et/ou sans serif et retour à un style normal avec serif au sein de même paragraphe. Là encore c’est une anomalie inhérente à la version numérique.

Pour archiver ma version numérique retouchée, j’ai corrigé les deux derniers points soulevés ; en revanche j’ai respecté les digressions typographiques inhérentes aux différents intervenants, même s’il faut bien reconnaître qu’elles n’apportent strictement aucune valeur ajoutée au récit… au contraire.

La société décrite par Alain Damasio (des métropoles revendues à des grandes marques commerciales, des citoyens hyper-connectés et donc traçables à tout moment) est plutôt bien présentée ; difficile de résister à l’envie de rejoindre ceux qui luttent contre ce système. Dommage que l’auteur finisse par se tirer une balle dans le pied à force de répétitions qui semblent davantage prétexte à poser ses idées personnelles (que je qualifierai soit de soixante-huitardes sur le retour, soit d’écolo-bobos-gauchos utopistes) plutôt que de réellement faire avancer l’intrigue.

Malgré un début un peu lourdingue, les choses se décantent quand commence enfin la véritable recherche de Tishka. Le bouquin devient réellement passionnant, d’autant que le rythme va crescendo tandis que de nouveaux éléments viennent se greffer à l’intrigue. Pour les raisons évoquées plus haut j’ai mis plus d’un mois à lire les 200 / 250 premières pages du roman alors que je me suis avalé les suivantes en l’espace de quelques jours.

Avec ce roman Alain Damasio met en avant des thèmes universels qui devraient trouver écho chez chaque lecteur : la famille, l’amitié, la loyauté, la tolérance. Et des thèmes plus sociétaux tels que l’écologie, la liberté d’expression et de mouvement, les convergences douteuses entre le pouvoir politique et le pouvoir économique, la place de l’individu dans la société.

Les Furtifs peut aussi se percevoir comme une ode au son, qu’il s’agisse de la voix (parlée ou chantée) ou de la musique (sous toutes ses formes, de la plus travaillée à la plus brute). À noter d’ailleurs qu’avec le roman vous aurez un lien et un code de téléchargement permettant de se procurer l’album du livre, Entrer Dans La Couleur. Il ne s’agit pas d’une version audio du roman, mais bel et bien d’un complément audio permettant de prolonger l’expérience furtive.

L’autre point fort du roman réside incontestablement dans ses personnages. Si les effets typographiques rattachés aux différents narrateurs font plus de mal que de bien au récit, l’auteur prête à chacun de ses personnages une personnalité et un phrasé qui n’appartiennent qu’à lui (ce qui ne fait que renforcer le superflu de la typographie individualisée).

Il y a bien évidemment en tête de cortège, le couple Lorca / Sahar ; d’abord séparé par leur réaction face à la disparition de Tishka (le père refuse de croire en la mort de leur fille alors que la mère finit par s’y résigner), puis plus soudé que jamais dans leur quête commune pour la retrouver.

J’ai beaucoup aimé le duo de chasseurs du Récif composé par Hernan Agüerro et Saskia Larsen. j’ai eu un peu plus de mal avec le dernier traqueur, Nér Arfet, car plus difficile à cerner avec précision.

Difficile de résister à la fougue contagieuse de Toni Tout-fou et plus encore de ne pas fondre de plaisir face au personnage de Tishka.

Si Alain Damasio sait y faire pour rendre ses personnages attachants, il est tout aussi habile quand il s’agit de vous en faire prendre d’autres en grippe. Sur ce point je n’en dirai pas plus afin de ne pas risquer de dévoiler certains tournants de l’intrigue.

Une belle et riche découverte malgré quelques bémols non négligeables ; ça reste une lecture qui demande un réel investissement personnel pour être pleinement appréciée (n’espérez pas dévorer le roman d’une traite… prenez plutôt le temps de le déguster à votre rythme).

MON VERDICT