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Titre : Les Furtifs
Auteur : Alain Damasio
Éditeur : La Volte
Parution : 2019
Origine : France
687 pages
De quoi ça cause ?
Si Lorca Varèse s’est démené pour intégrer l’armée sur le tard, c’est dans l’espoir de prouver que sa fille, Tishka, disparue il y a deux ans, est bien vivante et que sa disparition est liée aux furtifs. Des « créatures » méconnues du grand public malgré leurs capacités infinies, mais qui se figent et se minéralisent dès qu’elles sont vues par un humain.
Le Récif est une unité de l’armée spécialisée dans la chasse aux furtifs, pour mener à bien sa mission, Lorca va devoir convaincre ses équipiers et sa hiérarchie qu’il faut aborder les furtifs différemment, essayer de les comprendre plutôt que de les chasser…
Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?
En 2004 Alain Damasio publiait La Horde Du Contrevent, un bouquin rapidement acclamé comme un must-read du genre (ou peut-être des genres si l’on intègre l’ensemble des littératures de l’imaginaire sous l’acronyme SFFF). Sorti en numérique en 2012, le bouquin a finalement rejoint mon Stock à Lire Numérique il y a quelques années… avant de sombrer dans les insondables méandres de l’oubli.
Ayant raté le coche de La Horde (ce n’est que partie remise… mais remise jusqu’à quand ? Je ne saurai dire), je tenais à ne pas passer à côté du second roman de l’auteur, Les Furtifs. Roman que les fans de La Horde attendaient depuis plus de 15 ans !
Ma Chronique
Si instinctivement je devais résumer cette lecture en un seul mot, c’est laborieux qui me viendrait à l’esprit. Un roman commencé dans sa version numérique en novembre dernier, achevé aujourd’hui dans sa version papier !
Paradoxalement mon ressenti global reste très positif malgré quelques points noirs. Le principal étant les fantaisies typographiques voulues par l’auteur qui rendent certains passages quasiment illisibles sur liseuse (à moins de se flinguer les yeux à décrypter le texte)… heureusement que ça passe un peu mieux via Calibre. Il n’en reste pas moins qu’après un peu plus de 200 pages lues, je me suis rabattu sur la version papier du roman.
Je me doute bien que numériser un tel bouquin doit être une sacrée prise de tête, mais ça n’excuse toutefois pas certaines lacunes dans le code. La plus dérangeante étant de loin les multiples styles pour identifier une ligne blanche entre deux paragraphes. Déjà que l’auteur en use et abuse, si en plus de ça les sauts varient en hauteur ça devient rapidement usant pour les yeux… d’autant qu’on ne retrouve pas cette variation dans le bouquin papier.
Enfin certains styles ne sont appliqués que partiellement au bloc de texte concerné. Genre trois lignes en italique et/ou sans serif et retour à un style normal avec serif au sein de même paragraphe. Là encore c’est une anomalie inhérente à la version numérique.
Pour archiver ma version numérique retouchée, j’ai corrigé les deux derniers points soulevés ; en revanche j’ai respecté les digressions typographiques inhérentes aux différents intervenants, même s’il faut bien reconnaître qu’elles n’apportent strictement aucune valeur ajoutée au récit… au contraire.
La société décrite par Alain Damasio (des métropoles revendues à des grandes marques commerciales, des citoyens hyper-connectés et donc traçables à tout moment) est plutôt bien présentée ; difficile de résister à l’envie de rejoindre ceux qui luttent contre ce système. Dommage que l’auteur finisse par se tirer une balle dans le pied à force de répétitions qui semblent davantage prétexte à poser ses idées personnelles (que je qualifierai soit de soixante-huitardes sur le retour, soit d’écolo-bobos-gauchos utopistes) plutôt que de réellement faire avancer l’intrigue.
Malgré un début un peu lourdingue, les choses se décantent quand commence enfin la véritable recherche de Tishka. Le bouquin devient réellement passionnant, d’autant que le rythme va crescendo tandis que de nouveaux éléments viennent se greffer à l’intrigue. Pour les raisons évoquées plus haut j’ai mis plus d’un mois à lire les 200 / 250 premières pages du roman alors que je me suis avalé les suivantes en l’espace de quelques jours.
Avec ce roman Alain Damasio met en avant des thèmes universels qui devraient trouver écho chez chaque lecteur : la famille, l’amitié, la loyauté, la tolérance. Et des thèmes plus sociétaux tels que l’écologie, la liberté d’expression et de mouvement, les convergences douteuses entre le pouvoir politique et le pouvoir économique, la place de l’individu dans la société.
Les Furtifs peut aussi se percevoir comme une ode au son, qu’il s’agisse de la voix (parlée ou chantée) ou de la musique (sous toutes ses formes, de la plus travaillée à la plus brute). À noter d’ailleurs qu’avec le roman vous aurez un lien et un code de téléchargement permettant de se procurer l’album du livre, Entrer Dans La Couleur. Il ne s’agit pas d’une version audio du roman, mais bel et bien d’un complément audio permettant de prolonger l’expérience furtive.
L’autre point fort du roman réside incontestablement dans ses personnages. Si les effets typographiques rattachés aux différents narrateurs font plus de mal que de bien au récit, l’auteur prête à chacun de ses personnages une personnalité et un phrasé qui n’appartiennent qu’à lui (ce qui ne fait que renforcer le superflu de la typographie individualisée).
Il y a bien évidemment en tête de cortège, le couple Lorca / Sahar ; d’abord séparé par leur réaction face à la disparition de Tishka (le père refuse de croire en la mort de leur fille alors que la mère finit par s’y résigner), puis plus soudé que jamais dans leur quête commune pour la retrouver.
J’ai beaucoup aimé le duo de chasseurs du Récif composé par Hernan Agüerro et Saskia Larsen. j’ai eu un peu plus de mal avec le dernier traqueur, Nér Arfet, car plus difficile à cerner avec précision.
Difficile de résister à la fougue contagieuse de Toni Tout-fou et plus encore de ne pas fondre de plaisir face au personnage de Tishka.
Si Alain Damasio sait y faire pour rendre ses personnages attachants, il est tout aussi habile quand il s’agit de vous en faire prendre d’autres en grippe. Sur ce point je n’en dirai pas plus afin de ne pas risquer de dévoiler certains tournants de l’intrigue.
Une belle et riche découverte malgré quelques bémols non négligeables ; ça reste une lecture qui demande un réel investissement personnel pour être pleinement appréciée (n’espérez pas dévorer le roman d’une traite… prenez plutôt le temps de le déguster à votre rythme).
MON VERDICT
