[BOUQUINS] Collectif, sous la direction d’Yvan Fauth – Déguster Le Noir

AU MENU DU JOUR


Titre : Déguster Le Noir
Auteur : Collectif, sous la direction d’Yvan Fauth
Éditeur : Belfond
Parution : 2023
Origine : France
304 pages

De quoi ça cause ?

Treize auteurs et autant de nouvelles pour mettre le goût à l’honneur, on passe à table… avec une nappe noire bien entendu.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

La question ne se pose pas. Déguster Le Noir est le cinquième et dernier voyage sensoriel orchestré par Yvan et les auteurs qui ont accepté de se prêter au jeu.

Du coup le recueil grille la priorité à ses pairs obtenus via Net Galley et toujours en attente de lecture.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Belfond et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée. Sans oublier Yvan, pour son amitié malgré la distance et pour nous avoir fait vibrer au fil de la découverte des cinq sens du noir.

Pour cet ultime voyage c’est le goût qui est mis à l’honneur. Treize auteurs ont répondu présents afin de sublimer le noir et faire frétiller nos papilles. Parmi eux, dix intègrent pour la première fois la redoutable black team d’Yvan Fauth.

Si la grande majorité des auteurs ne m’est pas inconnue, j’avoue que deux auteures du présent recueil sont des découvertes : Anouk Langaney et Patricia Delahaie.

Treize textes à dévorer ou à savourer, chauds ou froids, avec les doigts ou avec les couverts en argent de Mamie Germaine… Qu’importe du moment que vous vous régalez !

Le noir se décline à toutes les sauces sous les plumes acérées des auteurs, du policier au fantastique, en passant par la science-fiction.

C’est à Bernard Minier que revient l’honneur d’ouvrir les agapes avec une mise en bouche qui se déguste saignante. Le titre annonce la couleur.

Suivra une première « auteure découverte » avec Anouk Langaney et son texte qui se déroule comme un menu de l’apéritif au pousse café. Un menu fort appétissant soit dit en passant.

Cédric Sire pointe du doigt les diktats du mannequinat avec une riposte pour le moins radicale.

Pierre Bordage opte pour l’anticipation, un domaine dans lequel il n’a plus rien à prouver, pour nous faire goûter à l’amertume de son intrigue.

Christian Blanchard revisite Des Souris Et Des Hommes de Steinbeck, avec un personnage tout en muscles mais pas très futé et son acolyte toujours à la recherche d’un bon plan pour aller de l’avant.

Avec Nicolas Jaillet le burn-out prend tout son sens.

Jérémy Fel nous offre une vision d’avenir bien sombre, sur fond de réchauffement climatique, de secrets de famille et de télé-réalité.

Sous la plume de Sonja Delzongle, un grand classique de la littérature policière, la jalousie, est sublimé pour notre plus grand plaisir pervers.

Nicolas Beuglet nous une ode très particulière au « fait maison » qui ne devrait pas vous laisser indifférent. À savourer le ventre vide de préférence…

Concernant la nouvelle de Patricia Delahaie, seconde « auteur découverte » du recueil, je dois être passé à côté de quelque chose. Elle m’a totalement laissé de marbre.

Ian Manook nous initie à la préparation d’une feijoada sur fond de retrouvailles entre deux vieux amis. Un régal pour le palais mais aussi pour les amoureux de la langue Molière et son argot. Le titre du recueil prend tout son sens avec ce texte.

Jacques Expert donne la parole à un goûteur confronté à un chantage mortel, quelle que soit sa décision, le prix à payer sera énorme.

C’est R.J. Ellory, fidèle parmi les fidèles, puisque présent dans quatre de ces cinq recueils sensoriels, qui clôt ce festin. Et quelle fin de dégustation en apothéose !

Comme à l’accoutumée je vous livre mes notes sur 5 pour chacune des nouvelles du présent recueil, je rappelle que ces notations n’engagent que moi et sont le reflet de mon ressenti en fin de lecture :

  • B. Minier – Le Goût Des Autres : 4
  • A. Langaney – Ripaille : 3
  • C. Sire – Tous Les Régimes Du Monde : 5
  • P. Bordage – Amertumes : 5
  • C. Blanchard – Joé : 5
  • N. Jaillet – Alfajores : 4
  • J. Fel – Dans L’Arène : 5
  • S. Delzongle – Jalousies : 4
  • N. Beuglet – La Visite : 5
  • P. Delahaie – Un Père A La Truffe : 2
  • I. Manook – Feijoada : 5
  • J. Expert – Le Goûteur : 4
  • R.J. Ellory – Scène De Crime : 5

Soit une très honorable moyenne de 4,3 sur 5, que j’arrondis volontiers à 4,5.

En matière de lecture je ne suis pas un grand fan de la nouvelle – à moins qu’elles ne soient signées Stephen King –, force est de reconnaître qu’à travers ces cinq recueils, ce difficile exercice plumesque a retrouvé grâce à mes yeux.

Mes sincères félicitations à Yvan pour avoir mené à bien un projet qui lui tenait à cœur, un projet qui a réuni 47 auteurs (sauf erreur de ma part) et 58 textes qui ont fait la part belle au noir, le déclinant à toutes les sauces. Merci à tous ces auteurs qui ont rejoint le projet et nous ont régalé tout au long de ce voyage en cinq étapes.

Je ne sais pas quels sont les éventuels projets éditoriaux futurs d’Yvan, mais s’il souhaite renouveler l’expérience avec une nouvelle approche (les 7 péchés capitaux par exemple, j’dis ça, j’dis rien), et pourquoi pas dans un autre registre, c’est avec le même enthousiasme que je répondrai présent.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Sophie Hénaff – Drame De Pique

AU MENU DU JOUR


Titre : Drame De Pique
Série : La Brigade Capestan – Livre 4
Auteur : Sophie Hénaff
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2023
Origine : France
384 pages

De quoi ça cause ?

Depuis le départ à la retraite du commissaire Buron, les Poulets Grillés de la Brigade Capestan s’emmerdent ferme (ce n’est pas moi qui le dit, c’est la capitaine Eva Rosière), ses différents successeurs les ignorant totalement.

Alors que le phénomène des « piqûres en soirée » prend de l’ampleur en France, le nouveau divisionnaire charge la brigade d’enquêter sur deux décès supposés être consécutifs à ces piqûres.

Pour la première fois la brigade sera chapeautée par la Crim’. D’autre part, si l’enquête est un succès, les Poulets Grillés pourront réintégrer le Bastion. Mais ils n’ont aucune envie de quitter leur placard transformé en petit nid douillet… iraient-ils jusqu’à flinguer une enquête pour conserver leur statut de pestiférés ?

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est le grand retour des Poulets Grillés de Sophie Hénaff, après quatre longues années d’attente, on n’y croyait – presque – plus.

Ma Chronique

Pour ceux qui ne connaîtraient pas les Poulets Grillés – et c’est bien dommage pour vous, vous ratez quelque chose –, c’est une brigade qui regroupe ceux et celles que les forces de police souhaitent éviter d’avoir dans leurs commissariats. Alcoolos, dépressifs, fous du volant, gros bavards sujets aux indiscrétions, gaffeurs… Tout ce beau monde placé sous les ordres d’Anne Capestan, elle-même placardisée pour avoir fait usage de son arme lors d’une arrestation.

Pour compléter le tableau, ils officient au sein d’un appartement/commissariat customisé et décoré selon les goûts de chacun. Inutile de vous dire que le résultat ne ressemble pas vraiment à un commissariat classique.

Drame De Pique est le quatrième roman consacré à cette brigade pour le moins atypique. Avec la crise sanitaire et les départs des uns et des autres, les rangs se sont quelque peu clairsemés ces derniers temps.

Si Anne Capestan se réjouit de pouvoir enfin plancher sur une véritable enquête, ses co-équipiers sont nettement moins enthousiastes, surtout à l’idée de quitter leur refuge pour réintégrer le Bastion. La commissaire devra même hausser le ton contre sa capitaine et amie, Eva Rosière :

C’est un commissariat, que tu le veuilles ou non, on n’est pas chez nous. On est chez le contribuable qui attend un service en retour : qu’on lui attrape les assassins quand il demande gentiment. Le contribuable, il veut boire son mojito sans prendre une seringue dans la fesse et c’est normal.

D’entrée de jeu les Poulets Grillés comprennent qu’ils vont devoir enquêter sans empiéter sur les plates-bandes de la Crim’. Ça tombe bien car leur enquête s’oriente rapidement vers une piste bien loin des piqûres sauvages, une piste qui pourrait sembler hautement improbable alors que certains éléments concrets tendent dans cette direction.

L’appel de l’enquête, le goût du mystère. Ils étaient bien foutus de résoudre l’affaire sans même le vouloir. Satané amour d’un métier qui ne vous rendait pourtant pas grand-chose.

Une enquête qui va donner bien du fil à retordre à nos chers Poulets Grillés, force est de reconnaître que Sophie Hénaff a concocté une intrigue tordue à souhait avec son lot de fausses pistes et de revirements inattendus. Et comme d’hab la Brigade Capestan va plus d’une fois sortir des sentiers battus et des procédures pour s’en dépêtrer.

Une intrigue parsemée de sourires et de francs éclats de rire. Je n’en dirai pas plus afin de ne laisser intact le plaisir de la découverte.

Ces retrouvailles avec cette brigade totalement atypique ont été un pur régal. Si vous les découvrez, vous trouverez peut-être que certains personnages ou certaines situations sont un tantinet too much, mais vous verrez que vous apprendrez rapidement à les apprécier et à vous accommoder de ces traits parfois un peu tirés à l’extrême.

Pour ma part j’ai été séduit dès le premier tome, les essayer c’est les adopter, et le charme est toujours intact à l’issue de cette quatrième enquête.

MON VERDICT

[BOUQUINS] James S. Murray & Darren Wearmouth – Le Passager De Trop

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Titre : Le Passager De Trop
Auteur : James S. Murray & Darren Wearmouth
Éditeur : Calmann-Lévy
Parution : 2023
Origine : États-Unis (2021)
300 pages

De quoi ça cause ?

Maria Fontana espérait passer un moment tranquille en famille en embarquant sur l’Atlantia, un paquebot tout confort qui assure la liaison entre New York et Southampton.

Il faut dire qu’elle était jurée dans le procès particulièrement éprouvant et ultra médiatisé d’un tueur en série, procès à l’issue duquel l’accusé est ressorti libre, faute de décision unanime du jury. Un verdict qui a suscité la vindicte des familles et des médias.

Quelques jours après l’embarquement, des trucs pas nets semblent se passer à bord. Et si un tueur comptait parmi les passagers ou l’équipage…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que l’idée d’un huis clos au milieu de l’océan Atlantique me semblait idéalement oppressante ; la toile de fond idéale pour un thriller.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Calmann-Lévy et la plate-forme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Oubliez La Croisière S’Amuse, ici le paquebot va s’avérer être le théâtre d’un jeu mortel orchestré par un tueur insaisissable. Un tueur au modus operandi qui ressemble un peu trop à celui de Wyatt Butler, le présumé tueur en série remis en liberté à l’issue de son procès.

Si Maria Fontana relève rapidement ces similitudes, elle n’est prise au sérieux ni par son compagnon qui la traite gentiment de parano, ni par l’équipe de sécurité du paquebot qui serait même limite à la trouver suspecte.

Le huis clos annoncé tient toutes ses promesses, le paquebot, bien que vaste, n’offre aucune échappatoire aux victimes tout en permettant au tueur de se fondre dans la foule. Si vous êtes thalassophobique, nul doute que ce roman ne contribuera pas à votre guérison.

Le mutisme des équipes chargées de la sécurité du paquebot n’aura pas vraiment l’effet apaisant escompté, il sera prétexte à des rumeurs, certaines proches de la réalité, d’autres complétement farfelues. Il n’en faudra pas davantage pour créer un sentiment de malaise parmi les passagers. Il suffirait d’une étincelle pour que le malaise se transforme en peur panique, et notre tueur sadique adore attiser les braises.

Maria est psychologue de métier, son expertise de la psyché humaine – et tout particulièrement celle de Wyatt Butler – pourrait bien être son principal atout pour arrêter le massacre.

Un roman qui s’adresse bien entendu aux fans de thrillers, mais que je réserverai à un public averti ; notre tueur cible principalement les enfants et fait preuve d’une brutalité extrême dans ses mises en scènes morbides. L’écriture est très visuelle et force est de reconnaître que les auteurs ne laissent que peu de place à l’imagination des lecteurs quant à leurs scènes de crimes.

Les différents personnages sont bien travaillés avec un profil psychologique particulièrement soigné, l’intrigue est rondement menée avec son lot de rebondissements et de fausses pistes, mais l’ensemble reste relativement conventionnel dans son approche. Ça n’en reste pas moins un très bon thriller, mais avec une touche plus personnelle il aurait pu être un excellent thriller.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Magali Collet & Isabelle Villain – In Vino Veritas

AU MENU DU JOUR


Titre : In Vino Veritas
Auteur : Magali Collet & Isabelle Villain
Éditeur : Taurnada
Parution : 2023
Origine : France
252 pages

De quoi ça cause ?

Une galériste, spécialiste de l’art aborigène, est tuée lors d’un vernissage. Les soupçons se portent immédiatement sur Mathias, son époux qui est aussi gendarme.

Augustin, le frère ainé de Mathias, après des années en totale rupture avec sa famille, décide de tout mettre en œuvre pour prouver l’innocence de son frère…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Taurnada et l’occasion de découvrir un roman écrit par deux auteures que j’apprécie énormément.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Taurnada, et tout particulièrement Joël, pour leur confiance renouvelée.

Magali Collet et Isabelle Villain, deux auteures phare de la maison Taurnada, ont accepté de se livrer à l’exercice du roman à quatre mains, et le moins que l’on puisse c’est que le résultat est des plus concluant.

Une recette classique dans le registre du whodunit (un meurtre et la recherche du coupable) mais parfaitement exploitée par les auteures. Une jeune et brillante galériste est retrouvée morte au cours d’un vernissage, tous les soupçons convergent vers le mari, même si celui-ci est gendarme.

Une intrigue qui prend une tout autre dimension si vous la placez dans une famille de la haute bourgeoise qui jouit d’une certaine renommée dans le monde du vignoble bordelais. Une famille dans laquelle le patriarche est prêt à tout pour que son nom soit tenu à l’écart de toute forme de scandale. Une famille dans laquelle le « fils maudit » revient après plus de 20 ans d’exil volontaire. Comble de malchance, ce dernier pourrait bien être la meilleure chance de sauver les miches du fils prodige, soupçonné de meurtre.

Vous l’aurez compris, Magali Collet et Isabelle Villain mettent l’humain au centre de leur intrigue, une profonde dimension psychologique va se tisser au fil des relations entre les personnages, le tout sur fond de secrets de familles.

Le lecteur se retrouve prisonnier de l’écheveau que tisse les auteures, on voudrait bien croire que Mathias est innocent mais aucun autre coupable ne semble faire surface au fil des pages. Ce serait même plutôt le contraire… jusqu’à un final mais qui m’a littéralement laissé sur le cul. Machiavélique à souhait !!!

Parfois l’intrigue nous renvoie dans le passé à la découverte de quelques épisodes marquants dans la vie de la famille Clavery, mais aussi histoire de lever progressivement le voile sur le déroulé de la nuit du crime. Au fil des chapitres se révèle aussi la personnalité de la victime, Aurèlie n’avait de la blanche colombe que l’image qu’elle voulait bien faire passer aux yeux des autres.

Le bouquin s’avère rapidement addictif, plus moyen de le lâcher une fois que vous aurez été happé par l’implacable mécanique imaginée par les auteures.

Si l’art aborigène vous intéresse ou vous intrigue, je vous invite, comme le font les auteures à la fin du roman, à consulter le site de Stéphane Jacob : artsdaustralie.com. Vous y trouverez notamment la série de toiles Bush Leaves de Abie Loy Kemarre, dont il est question dans le roman. Il y a en effet quelque chose d’hypnotique dans ces fresques.

MON VERDICT

[BRD] Black Panther – Wakanda Forever

À L’AFFICHE DU JOUR


Titre : Black Panther – Wakanda Forever
Réalisation : Ryan Coogler
Production : Marvel Studios
Distribution : Walt Disney Company
Origine : États-Unis
Durée : 2h41

Casting

Letitia Wright – Shuri
Lupita Nyong’o – Nakia
Danai Gurira – Okoye
Tenoch Huerta – Namor
Angela Bassett – Ramonda
Winston Duke – M’Baku
Dominique Thorne – Riri Williams

Le pitch

Alors que le Wakanda pleure la mort du roi T’Challa, la reine Ramonda doit faire face aux Nations Unies qui lui reprochent de bloquer les accès au vibranium.

Un filon de vibranium est repéré dans les profondeurs de l’océan Atlantique, mais l’équipe scientifique est attaquée et décimée. Tandis que les Nations Unies accusent le Wakanda, la reine Ramonda et sa fille Shuri rencontrent le prince Namor qui leur pose un ultimatum : une alliance contre les peuples de la surface ou la destruction du Wakanda.

Ma chronique

À la suite du décès aussi brutal qu’inattendu de Chadwick Boseman en 2020, les équipes en charge du MCU ont dû s’adapter pour rebondir de façon crédible mais aussi marquer une véritable rupture avec le film Black Panther.

Un défi relevé haut la main en faisant intervenir le Prince Namor et le peuple sous-marin de Taloka. Les puristes noteront au passage que le Namor du MCU n’est pas un atlante, contrairement à celui des comics. Pour ma part j’ai découvert le personnage de Namor via les comics, il était alors un ennemi des Quatre Fantastique.

Black Panther – Wakanda Forever est le trentième film du MCU, et le septième et dernier de la phase IV du cycle.

Le film est aussi l’occasion de découvrir le personnage de Riri Williams, une étudiante surdouée qui a construit une techno-armure s’inspirant de celle d’Iron Man. À terme elle deviendra Ironheart (une série TV est en préparation pour Disney+).

Comme son aîné le film donne la part belle aux personnages féminins, à commencer par Shuri (la sœur de T’Challa), mais aussi la reine Ramonda, Nakia et Okoye. Du côté des humains c’est Valentina Allegra de Fontaine, directrice de la CIA, qui endosse le costume du pas tout à fait méchant mais pas vraiment gentil non plus.

Visuellement le royaume sous-marin de Taloka offre un nouveau terrain de jeu aux équipes des effets spéciaux, comme à l’accoutumée ils en feront bon usage… pour le plus grand plaisir des spectateurs.

Beaucoup d’action, un rythme survolté et quelques touches d’humour… rien à redire le film joue à la perfection la carte du divertissement.

Deux éléments distinguent le présent film de ses pairs du MCU, d’une part le traditionnel bandeau Marvel qui précède le film est 100% consacré à Chadwick Boseman, d’autre part il n’y a pas de séquence post-générique (juste une courte scène de mi générique qui est la suite directe de la fin du film).

Cette phase IV se démarque des précédentes par l’absence totale de fil rouge permettant de relier les différents films ou d’envisager l’avenir du MCU. Il semblerait heureusement que les choses se précisent dans la phase V.

Je terminerai, une fois n’est pas coutume, par un petit mot sur la musique du film. Je ne suis pas fan de Rihanna (loin de là) mais force est de reconnaître que son titre Lift Me Up (on en entend un extrait instrumental pendant les obsèques de T’Challa, puis la version chantée à la fin du film) est une totale réussite.

♥♥♥♥

[BOUQUINS] Aidan Truhen – Sept Démons

AU MENU DU JOUR


Titre : Sept Démons
Série : Jack Price – Livre 2
Auteur : Aidan Truhen
Éditeur : Sonatine
Parution : 2023
Origine : Angleterre (2021)
352 pages

De quoi ça cause ?

Jack Price est désormais à la tête des Sept Démons, une redoutable organisation criminelle internationale. Les temps sont durs et les Démons s’ennuient, Jack va alors accepter un contrat totalement inédit pour eux : braquer une banque suisse réputée inviolable.

Dès leur arrivée en Suisse les choses ne vont pas se dérouler exactement comme prévu, mais il faut plus que ça pour déstabiliser Jack et ses Démons…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que j’avais été totalement emballé par le précédent roman de l’auteur, Allez Tous Vous Faire Foutre, un titre et une couverture qui ne pouvaient qu’attiser ma curiosité. Je n’allais donc pas passer à côté du grand retour de Jack Price.

Ma Chronique

Depuis la sortie du roman Allez Tous Vous Faire Foutre, le voile s’est levé sur la véritable identité de son auteur, Aidan Truhen. Il s’agit en fait de Nicholas Cornwell, fils de John Le Carré, un des grands maîtres de la littérature d’espionnage. Le petit Nicholas est surtout connu sous le nom de plume de Nick Harkaway, auteur de science-fiction et de fantasy.

On ne change pas une recette gagnante, de fait d’entrée de jeu vous retrouvez le ton du précèdent roman. Un récit à la première personne et au présent avec un style et une ponctuation plutôt minimaliste. Pas gênant outre mesure sauf quand Jack Price se lance dans de longues tirades, on perd souvent le fil d’autant que sa logorrhée verbale n’a bien souvent ni queue ni tête.

Je serai tenté de dire que la surenchère semble être le crédo de ce second opus. L’intrigue est plus invraisemblable que jamais, à tel point que parfois on bascule carrément dans le burlesque… déjanté et barré sont des concepts qui font mouche chez moi, mais trop c’est trop.

Avoir lu Allez Tous Vous Faire Foutre avant de se lancer dans cette « suite » n’est pas franchement impératif, mais ça aide toutefois à mieux cerner les personnages et certaines situations.

Dans l’ensemble les lecteurs du précédent roman ne seront pas totalement dépaysés, ça reste délicieusement politiquement incorrect, complétement barré, totalement amoral avec un soupçon de cynisme, le tout largement dopé à l’humour noir. C’est triste à dire mais j’en serai presque réduit à affirmer que la forme sauve le fond.

Dire que je me suis fait chier à lire ce bouquin serait un mensonge, j’ai passé un moment de lecture sympathique mais j’en attendais tellement plus que je ne peux m’empêcher de rester sur un sentiment mitigé (malgré quelques trouvailles des plus originales).

Ne souhaitant pas dézinguer le bouquin, parce qu’il ne le mérite pas, mais ne pouvant m’épancher dessus pour la même raison, j’opte donc pour la concision.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Henri Lœvenbruck – Les Disparus De Blackmore

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Titre : Les Disparus De Blackmore
Auteur : Henri Lœvenbruck
Éditeur : XO
Parution : 2023
Origine : France
519 pages

De quoi ça cause ?

1925. Blackmore est une paisible île anglo-normande au large de Guenersey, mais depuis quelques mois des disparitions inexpliquées sèment la terreur au sein de la population.

Face à l’inertie de la police, Lorraine Chapelle, la première femme ayant obtenu un diplôme de criminologie en France, et Edward Pierce, détective privé britannique et expert en sciences occultes, vont devoir s’allier pour lever le voile sur ces inquiétantes disparitions…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Henri Lœvenbruck, un auteur pour le moins éclectique qui excelle dans tous les genres auquel il se frotte.

Pour le côté Lovecraft de l’intrigue… même si celui-ci reste à prouver.

Ma Chronique

Je remercie les éditions XO et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

C’est un pur hasard si, après la lecture du dernier roman de Stephen King, je reste dans un contexte très inspiré par H.P. Lovecraft. Mais ne vous fiez pas aux apparences, le roman de Henri Lœvenbruck est radicalement différent de celui du King, tant par son contexte que par son intrigue.

Henri Lœvenbruck situe son intrigue en 1925 sur l’île de Blackmore, une île anglo-normande née de l’imagination de l’auteur. Un cadre fictif auquel il parvient à donner corps et vie à grand renfort de détails, que ce soit sur la géographie de l’île, son histoire, sa culture et ses traditions. Mais aussi la ville de Blackmore, ses bâtiments et ses habitants. Tout est d’un réalisme saisissant.

Le duo d’enquêteurs atypique est un choix plutôt classique, pour ne pas dire banal, dans les romans policiers et les thrillers. L’auteur ne déroge pas à la règle en associant les personnages de Lorraine Chapelle, une criminologue française qui ne jure que par la science, et d’Edward Pierce, un détective britannique expert en sciences occultes. Elle est aussi extravertie – à la limite de la provocation – que lui est introverti. Sans surprise le duo va s’avérer aussi efficace que complémentaire.

Initialement nos deux enquêteurs vont être mandatés pour lever le voile sur trois disparitions inexpliquées survenues sur l’île ces derniers mois. Une quatrième disparition, puis un meurtre viendront rapidement compliquer une affaire déjà pleine de zones d’ombre.

Ajoutez à cela une généreuse dose de mythologie celtique combinée à un soupçon de culte des Grands Anciens et vous aurez alors une vision d’ensemble (quoique très superficielle) de ce qui attend notre duo de choc. Autant dire que la rationalité et l’esprit cartésien de Lorraine risque d’être mis à rude épreuve face à ce qu’elle considère comme du grand n’importe quoi.

Le roman se veut un hommage à la littérature populaire – pour ne pas dire pulp –, en souvenir de l’œuvre du grand-père de l’auteur. Sur ce point c’est une totale réussite, l’intrigue est plutôt bien construite et le bouquin se lit quasiment tout seul (si j’ai mis près de deux semaines à le lire, c’est parce que j’étais en congés).

Paradoxalement, c’est aussi cet aspect du roman qui me laisse un arrière-goût d’inachevé. J’aurais aimé que certains aspects de l’intrigue soient plus développés, et, plus globalement, que l’ensemble gagne en complexité et en densité.

Un petit bémol qui pourrait rapidement être oublié si Lorraine et Edward devaient revenir à Blackmore dans un prochain roman de l’auteur.

Il n’en reste pas moins que j’ai passé un très agréable moment en compagnie de ce roman. Une fois de plus Henri Lœvenbruck prouve qu’il est comme à la maison, quel que soit le registre auquel il se frotte.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Stephen King – Conte De Fées

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Titre : Conte De Fées
Auteur : Stephen King
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2023
Origine : États-Unis
736 pages

De quoi ça cause ?

Charlie Reade, 17 ans, est un lycéen comme les autres, jusqu’au jour où il vient en aide à un voisin reclus et irascible, Howard Bowditch. La relation entre le vieil homme et l’adolescent, tendue au début, va peu à peu évoluer vers une confiance mutuelle, voire une amitié improbable. Jusqu’à ce que Howard révèle à Charlie un secret qui va à jamais changer sa vie…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

C’te question ! Stephen King, le seul et unique.

Ma Chronique

Stephen King est un touche-à-tout qui réussit presque à tous les coups à surprendre ses lecteurs (je n’ai toujours pas digéré Sleeping Beauties, même si depuis il a largement su se faire pardonner). Ce n’est pas la première fois qu’il met en scène des univers parallèles (Le Talisman Des Territoires, coécrit avec feu Peter Straub), tout comme il s’est déjà essayé à la fantasy avec Les Yeux Du Dragon (plutôt destiné à un public jeune) ou encore le cycle de La Tour Sombre (il faut absolument que je trouve le temps – c’te bonne blague – de le reprendre depuis le début et d’aller jusqu’au bout cette fois).

Dès la dédicace le King annonce la couleur en pensant à REH (Robert E. Howard, créateur, entre autres, de Conan et Solomon Kane), ERB (Edgar Rice Burroughs, papa notamment de Tarzan et de John Carter) et bien évidemment l’incontournable HPL (H.P. Lovecraft, père fondateur du mythe de Cthulhu).

Un petit mot sur la forme avant d’entrer dans le vif du sujet, chaque chapitre (il y en 32, plus l’épilogue) est présenté par une illustration de Gabriel Rodriguez (chapitres impairs) ou de Nicolas Delort (chapitres pairs). Un choix qui ne s’imposait sans doute pas mais qui ajoute un incontestable bonus esthétique au roman, même si certaines viennent spoiler la suite des événements (je pense surtout au sort du Grand Intendant).

Qui saurait mieux raconter cette histoire que Charlie lui-même ? L’auteur opte donc naturellement pour un récit à la première personne avec son jeune héros comme narrateur.

Charlie prend le temps de nous raconter son histoire et notamment les épreuves qu’il a dû traverser (le décès brutal de sa mère et l’alcoolisme de son père en réponse à ce drame). On pourrait penser que c’est juste afin de faire pleurer dans les chaumières mais ce serait mal connaître le King. Rien n’est laissé au hasard sous la plume du maître, sans ces deux épreuves Charlie n’aurait sans doute pas pris les mêmes engagements vis-à-vis de M. Bowditch.

Vient ensuite la rencontre avec M. Bowditch alors que ce dernier est en bien mauvaise posture… et le coup de foudre de Charlie pour la chienne Radar. Puis l’on suit l’évolution de la relation entre le vieil homme et l’adolescent. C’est à travers cette relation que l’on éprouve rapidement de l’empathie pour ce vieux grincheux (pas de problème au niveau de Charlie, il gagne immédiatement nos cœurs).

Stephen King n’a pas son pareil pour décrire cette relation intergénérationnelle, ainsi que lien qui va se nouer entre Charlie et Radar. Il ne se passe grand-chose de vraiment palpitant pendant ce premier tiers du roman, et pourtant le lecteur (moi en tout cas) ne s’ennuiera jamais tant le récit est vivant et vibrant d’humanité.

Et puis tout bascule. Charlie apprend qu’il existe un mode parallèle, Empis, auquel on peut accéder en descendant un long escalier camouflé par le cabanon de jardin de M. Bowditch. Sceptique dans un premier temps, Charlie va constater par lui-même que son vieil ami ne délirait pas en lui faisant ces révélations.

Dans un premier temps c’est par amour pour Radar que le jeune homme va s’aventurer dans les profondeurs d’Empis et affronter les dangers de la Citadelle. Frappé par l’injustice qui dévaste les habitants d’Empis, soumis à la folie vengeresse d’un tyran de plus en plus incontrôlable, Charlie va prendre fait et cause pour les Empisariens.

Là encore le talent de conteur de Stephen King fait des merveilles. Il donne véritablement vie à ce monde imaginaire. Pour ce faire il puise dans les contes de fées, dans leur forme originelle, pas les versions aseptisées et édulcorées de Disney, mais aussi et surtout dans l’univers de Lovecraft (souvent cité par Charlie).

On découvre alors de nouveaux personnages, parfois surprenants, pour ne pas dire déroutants (à l’image du Snab). Des réfugiés qui essayent tant bien que mal d’échapper au fléau gris qui s’étend inexorablement, les condamnant à une lente et douloureuse agonie. Une famille royale en déroute, frappée elle aussi par une terrible malédiction. Des habitants « sains » (comprendre épargnés par le gris) pourchassés par les troupes du tyran et emprisonnés dans les pires conditions.

Dans le camp du Mal il faudra se montrer patient pour découvrir le tyran en question… mais il sera à la hauteur de sa sinistre réputation. Avant ça nous aurons croisé le chemin d’une géante cannibale et pétomane, d’une escouade de morts-vivants électrifiés et bien d’autres surprises… souvent mauvaises pour Charlie et ses amis.

Alors oui certains diront que c’est un tantinet manichéen, mais après tout Stephen King nous offre un conte de fée pour adultes dans un univers où tout est permis. Le combat qui oppose le Bien au Mal n’a jamais cessé – et ne cessera sans doute jamais – d’être source d’inspiration pour les auteurs. À ce petit jeu Stephen King et son Conte De Fées tirent leur épingle du jeu.

MON VERDICT

Illustration de Nicolas Delort

Illustration de Gabriel Rodriguez

[BOUQUINS] Chrystel Duchamp – L’Ile Des Souvenirs

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Titre : L’Ile Des Souvenirs
Auteur : Chrystel Duchamp
Éditeur : L’Archipel
Parution : 2023
Origine : France
300 pages

De quoi ça cause ?

Quand Delphine se réveille dans un lieu inconnu, elle est menottée à un radiateur. Bientôt rejointe par une autre prisonnière, qu’elle connaît. L’une des deux ne survivra pas à l’horreur…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Chrystel Duchamp. J’ai lu deux autres romans de l’auteure et chacun m’avait fait forte impression donc aucune raison valable de ne pas se laisser à nouveau tenter.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions L’Archipel et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Chrystel Duchamp fait partie de ces rares auteur(e)s qui osent se remettre en question à chaque nouveau roman. Si elle demeure fidèle au thriller, aucun de ses titres ne ressemble aux précédents, aussi bien par les thématiques abordées que par leur construction. Un vrai régal pour les lecteurs !

Le présent roman se divise en quatre parties, chacune se concentrant sur un personnage central. Nous découvrirons ainsi tour à tour, Delphine (la première victime), Maelys (la seconde victime), Romain (l’enquêteur), Erwann (le profiler) et Jessica (la psychotraumatologue).

Les deux premières vont poser les bases (et surtout la scène de crime) d’une intrigue qui pourrait sembler relativement classique. Mais ne vous fiez pas aux apparences, surtout sous la plume acérée de Chrystel Duchamp.

Le moins que l’on puisse dire c’est que l’auteure n’a pas offert une mort brutale à sa victime, la pauvre a eu le temps d’appréhender sa fin dans une longue et douloureuse agonie.

À vrai dire le déroulé de l’intrigue tend vers une hypothèse que mon esprit tordu avait envisagée mais sans parvenir à donner corps à ma conclusion. L’auteure démêle lentement mais surement l’écheveau de l’amnésie post-traumatique de la survivante, ouvrant peu à peu la voie à une sinistre vérité.

Mais comme dirait l’autre « quand y’en a plus, y’en a encore », alors que tout semblait enfin clair comme de l’eau de roche, un putain d’écureuil va rebattre les cartes pour nous offrir un final encore plus sinistre, pervers et machiavélique. Quel coup de maître, chapeau bas miss Duchamp !

Un roman dans lequel la dimension psychologique joue un rôle essentiel, que ce soit dans la personnalité des deux jeunes femmes, dans leur(s) relation(s) ou dans le travail des enquêteurs qui vont tout déployer pour que la rescapée parvienne à passer outre son amnésie post-traumatique. L’auteure ne laisse rien au hasard dans la construction de son intrigue.

Même la couv’ ne doit rien au hasard puisqu’il s’agit de la réinterprétation d’un tableau qui jouera un rôle important dans le déroulé de l’intrigue.

Difficile de ne pas se laisser ferrer par un tel roman, plus difficile encore de le lâcher une fois que vous aurez mordu à l’hameçon.

Pour information Chrystel Duchamp est l’une des fondatrices du collectif Les Louves Du Polar qui réunit les auteures francophones de romans policiers et thriller. Je vous invite à consulter leur site internet ou leur page Facebook pour (re)découvrir une belle brochette de talents. Pub gratuite offerte avec le plus grand plaisir… Parce que vous le valez bien mesdames.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Pierre Lemaitre – Le Silence Et La Colère

AU MENU DU JOUR


Titre : Le Silence Et La Colère
Série : Les Années Glorieuses – Livre 2
Auteur : Pierre Lemaitre
Éditeur : Calmann-Lévy
Parution : 2023
Origine : France
592 pages

De quoi ça cause ?

1952. François Pelletier s’est fait un nom à la rubrique faits-divers du Journal du soir, mais il voit plus loin pour son avenir en tant que journaliste. Une ambition qui pourrait bien être contrariée par la place de plus en plus grande que prend sa sœur, Hélène, au sein de la rédaction.

De son côté Jean entreprend de se lancer dans une affaire commerciale ambitieuse. Rongé par les doutes face à un défi qu’il n’est pas sûr de pouvoir relever, perpétuellement invectivé par une épouse plus acariâtre que jamais, il trouve du réconfort en présence de leur fille, Colette.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est le second opus de la tétralogie Les Années Glorieuses de Pierre Lemaitre, malgré un premier tome, Le Grand Monde, un tantinet en deçà de la trilogie Les Enfants Du Désastre, on se laisse volontiers porté par le talent narratif de l’auteur.

Ma Chronique

C’est avec un plaisir non dissimulé que j’ai retrouvé la famille Pelletier quatre ans après les événements racontés dans Le Grand Monde. Pierre Lemaitre poursuit son exploration des Trente Glorieuses en privilégiant les approches humaines et sociales plutôt que d’opter pour une vision strictement historique.

Il n’empêche que pour les besoins de son intrigue (« ses intrigues » serait plus approprié tant le roman est vaste) la fiction s’inspire de la réalité historique. Ainsi l’histoire du village de Chevrigny, condamné à disparaître à la suite de l’édification d’un barrage hydro-électrique, est une libre adaptation de celle du village de Tignes inondé en 1952 et reconstruit plus haut dans la vallée. C’est Hélène, envoyée sur place par son patron pour une série de reportages, qui nous fera vivre les derniers jours de Chevrigny.

C’est encore le personnage d’Hélène qui donnera à l’auteur l’occasion de se pencher sur la condition féminine au début des années 50. Enceinte « par accident », elle va faire le choix d’avorter. Un choix pénalement répréhensible et dont les conséquences peuvent parfois être dramatiques – voire mortelles – pour celles qui ne trouvent de personnel qualifié (médecin ou sage-femme) pour les assister.

Petit aparté historique et féminin si vous le permettez (d’ailleurs même si vous ne me le permettez pas, non mais, c’est chez moi ici). Il faudra attendre la fin de l’année 1967 pour que la contraception médicale (la pilule) soit légalisée… sur le papier, dans les faits le texte ne sera applicable qu’à partir de 1971. C’est la ténacité de Simone Veil – et d’autres avant elle – qui permettra de dépénaliser l’avortement en 1975, un droit élargi et simplifié au fil des années suivantes.

Les femmes sont à l’honneur dans ce roman… leurs combats surtout. Inutile de préciser qu’au début des années 50 il n’est pas question de parité, d’égalité professionnelle ou encore d’équité salariale (même si, aujourd’hui encore, dans de trop nombreuses entreprises ces notions demeurent très théoriques). C’est Jean qui va être confronté à la colère de ses ouvrières face à un gérant trop zélé et misogyne.

Je terminerai mon élan féministe par l’inénarrable et incontournable Geneviève, l’épouse de Jean. Si dans Le Grand Monde j’ai eu envie de lui foutre des baffes quasiment à chacune de ses interventions, cette fois on grimpe au niveau supérieur, ce sont des envies de meurtres qui me passaient par la tête. J’en venais franchement à espérer que les pulsions meurtrières de Jean se retournent contre elle… et Dieu sait qu’il ne manque pas d’arguments pour la zigouiller, un jury populaire pourrait même lui trouver des circonstances atténuantes !

De son côté François relance, au grand dam de son frère, l’affaire Mary Lampson. En parallèle il découvre peu à peu que la femme qu’il aime semble avoir un jardin secret bien plus vaste qu’il ne l’imaginait.

Et pendant ce temps-là, au Liban, Louis, le patriarche du clan Pelletier, se prend d’une soudaine passion pour la boxe. Au point de manager un jeune boxeur, ouvrier de la savonnerie, dont les victoires doivent plus à la chance qu’à de véritables talents pugilistiques.

Bien entendu ce roman vous fera aussi découvrir de nouveaux personnages, j’ai pour ma part eu un coup de cœur pour Petit Louis, un enfant du village de Chevrigny qui va se prendre d’affection pour Hélène. C’est aussi à Chevrigny que nous découvrirons Lambert, un jeune correspondant de presse chargé d’assister Hélène, et Destouches, ingénieur chez Électricité de France chargé de superviser l’évacuation / expulsion des villageois. Un village condamné qui va fortement intéresser le très zélé inspecteur Palmari qui fait de la traque aux médecins avorteurs et autres faiseuses d’anges une affaire personnelle.

Retour à Paris où j’ai eu un faible pour Nine, la très secrète fiancée de Philippe. Ne vous fiez pas à son air effacé, la jeune damoiselle ne manque ni de caractère ni de détermination.

Comme vous pouvez le constater ça part dans tous les sens mais sans jamais embrouiller le lecteur. Pierre Lemaitre tient fermement les rênes de son roman et nous entraîne sur des pentes dûment choisies au rythme adapté à l’intrigue. Selon les situations le ton se fera tantôt sérieux, tantôt plus léger.

Avec ce roman, le formidable talent narratif de Pierre Lemaitre fait mouche, il mène la danse en véritable chef d’orchestre virtuose. Inutile de préciser (mais je le fais quand même) que j’ai déjà hâte de retrouver le clan Pelletier pour la suite de leurs aventures.

Et pendant ce temps-là, tout va bien pour ce brave Joseph…

MON VERDICT