[BOUQUINS] Bernard Minier – Lucia

AU MENU DU JOUR


Titre : Lucia
Auteur : Bernard Minier
Éditeur : XO Éditions
Parution : 2022
Origine : France
474 pages

De quoi ça cause ?

Lucia Guerrero, lieutenant à l’UCO (une unité d’élite de la Guardia Civil), est appelée sur une scène de crime qui la touche directement. Son collègue et amant a été tué, la victime, nue, est collée à une croix comme si elle avait été crucifiée.

Dans le même temps, un programme informatique développé par un groupe d’étudiants en criminologie de l’université de Salamanque et leur professeur, Salomon Borges, exhume trois affaires non résolues au mode opératoire similaire.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Bernard Minier, un auteur qui ne m’a jamais déçu, même si j’ai accumulé un énooorme retard dans la lecture de ses romans.

Ma Chronique

Pour découvrir son nouveau roman et sa nouvelle héroïne, Bernard Minier nous invite à traverser les Pyrénées, direction l’Espagne.

La scène d’ouverture donne le ton avec un meurtre à la mise en scène macabre. C’est l’occasion de faire connaissance avec Lucia Guerrero, frappée de plein fouet par cette scène de crime puisque la victime est non seulement un collègue de l’UCO, mais aussi son amant.

Lucia est une femme flic au caractère bien trempé et pas franchement regardante des procédures et règles. Mais au-delà des apparences se cachent quelques faiblesses : la culpabilité suite à la mort de son jeune frère, et un fils à qui elle ne consacre pas assez de temps.

Et ce n’est pas cette nouvelle enquête qui va laisser à Lucia le temps de souffler, il faut dire qu’elle en fait quasiment une affaire personnelle. Et si telle était justement la volonté du (ou des) tueur(s).

Pour avancer dans son enquête elle pourra compter sur le renfort de Salomon Borges, un professeur d’université aussi modéré qu’elle est impétueuse, et d’un petit groupe d’étudiants en criminologie qui ne compte pas ses heures.

Une enquête qui va les lancer sur la piste d’un tueur en série qui sévit depuis plus de trente ans sans qu’aucun rapprochement ne soit fait entre les différents crimes (éloignés aussi bien chronologiquement que géographiquement), jusqu’à ce que le logiciel DIMAS, mis au point par le Pr Borges et ses étudiants, ne relève un mode opératoire similaire sur les différentes scènes de crimes.

Pour l’anecdote ce fameux logiciel n’existe pas, dommage pour la Guardia Civil espagnole. En revanche des outils similaires équipent déjà certaines forces de police (ViCAP pour le FBI, SALVAC au Canada et en France).

Avec ce roman Bernard Minier nous livre un thriller hautement addictif que l’on aura bien du mal à lâcher. Une intrigue rythmée et haletante pour une enquête qui poussera Lucia vers ce que l’humanité a de plus glauque.

Comme dans tout bon thriller, l’intrigue vous réserve quelques revirements de situation, certains pour le moins inattendus (perso je n’ai pas vu venir le twist final). Une intrigue servie par une écriture très visuelle qui ne s’encombre pas de fioritures.

Un page-turner efficace même s’il ne révolutionne pas les règles du genre, usant même parfois de certains poncifs qui n’apportent rien à l’intrigue (on s’en fout un peu que le haut-fonctionnaire soit un homo refoulé).

A priori nous devrions retrouver Lucia dans d’autres romans de l’auteur, c’est avec plaisir que je répondrai présent.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Bernard Minier – Une Putain D’Histoire

B. Minier - Une putain d'histoireEt oui comme vous pouvez le constater j’ai choisi de rester en compagnie de Bernard Minier pour ma prochaine chronique, mais exit Servaz et la France, direction les USA pour un rendez-vous avec un ado qui va vous raconter Une Putain D’Histoire. Difficile de résister à un titre pareil !
Une fois n’est pas coutume je vous balance la quatrième de couv’ en guise de pitch… parce qu’elle est juste excellente. « Au commencement est la peur. La peur de se noyer. La peur des autres, ceux qui me détestent, ceux qui veulent ma peau. Autant vous le dire tout de suite : ce n’est pas une histoire banale. Ça non. C’est une putain d’histoire. Ouais, une putain d’histoire… »
Vous l’aurez compris exit (temporairement je suppose) la France et Servaz, direction les Etats-Unis et une île fictive en compagnie d’une bande d’ados sur qui le sort s’acharne… Faut dire aussi qu’ils font ce qu’il faut pour aller au devant des emmerdes.
Pour une putain d’histoire, c’est une putain d’histoire et une histoire sans l’ombre d’un putain de défaut ! La quatrième de couv’ est un parfait appât pour attirer les curieux, dès les premières pages Bernard Minier vous ferre, distillant les informations au compte gouttes histoire d’assurer son emprise sur le lecteur. Ce roman c’est aussi un putain de diesel, il démarre lentement mais quand il se met en branle plus rien ne l’arrête. On se laisse entraîner avec Henry dans un tourbillon d’événements, incapable de lâcher prise avant d’avoir le fin mot de l’histoire. Mais avant d’en arriver là vous emprunterez bien des chemins détournés et des fausses pistes. Une seule certitude toutefois : la fin vous laissera sur le cul !
Au niveau des personnages je n’ai eu que peu d’empathie pour Henri, mais ça ne m’a pas empêché de vivre à fond son aventure. Certes son contexte familial (il est élevé par deux lesbiennes) sort de l’ordinaire mais à part ça j’aurai tendance à dire que c’est un ado ordinaire du XXIème siècle.
Le plus difficile à cerner reste Grant Augustine, longtemps je me suis demandé quelles étaient ses véritables intentions… Il faut dire que l’auteur fait ce qu’il faut pour entretenir l’incertitude à son sujet, mais bon déjà la base, un politicien ambitieux, ne joue pas en sa faveur.
Le bouquin alterne entre le récit à la première personne, l’intrigue racontée par Henri et les autres points de vue, rédigés à la troisième personne. Comme à son habitude Bernard Minier ne s’encombre pas de fioritures de style, ce qui ne l’empêche pas de recourir à un vocabulaire riche mais sans lourdeur.
En toile de fond l’auteur s’interroge sur les conséquence du tout numérique et les portes ouvertes qu’offre internet et les réseaux sociaux à une surveillance électronique renforcée. De plus en plus la notion de vie privée n’est qu’illusion… Je ne sais pas si les possibilités de surveillance sont aussi étendues que celles déployées par WatchCorp dans le bouquin mais ça fait froid dans le dos (même si je ne suis pas du genre à étaler mon quotidien sur la fesse du bouc).
« La révolution numérique était en train de bâtir brique par brique le rêve millénaire de toutes les dictatures – des citoyens sans vie privée, qui renonçaient d’eux-mêmes à leur liberté… »
Un putain de coup de coeur !

MON VERDICT
jd5Coup de Coeur

[BOUQUINS] Bernard Minier – Le Cercle

B. Minier - Le CercleRetour en France pour la prochaine étape de mon Challenge retrouvailles, j’ai en effet décidé de me plonger dans Le Cercle de Bernard Minier, seconde enquête du commandant Martin Servaz.
Martin Servaz est appelée par une amie qu’il n’a pas revu depuis plus de vingt ans, elle l’implore de l’aider à prouver que son fils, Hugo, n’est pas l’assassin de sa professeur et probable amante, même si tout semble l’accuser…
C’est avec un réel plaisir que j ‘ai retrouvé Martin Servaz et son équipe, Vincent Espérandieu et Samira Cheung ; un trio pour le moins atypique. Servaz c’est un peu la rencontre entre Sherlock Holmes et l’Inspecteur La Bavure. Un flic brillant et intelligent mais aussi redoutablement maladroit, très mauvais tireur et en proie à un vertige maladif. C’est ce côté profondément humain qui fait que l’on ne peut que s’attacher au personnage et vivre pleinement son enquête.
A la traditionnelle question de savoir s’il est impératif d’avoir lu Glacé avant de se lancer dans ce second roman, je répondrai par le tout aussi traditionnel « ça n’ s’impose pas mais c’est préférable ».
Si vous connaissez déjà Servaz et son univers sans doute vous demandez-vous si Irène Ziegler interviendra dans cette intrigue ; je ne répondrai pas à cette interrogation afin de laisser intact le plaisir de la découverte. De même l’on peut légitimement se demander si Martin Servaz va de nouveau croiser le chemin de Julian Hirtmann, là encore je serai muet comme une tombe de carpe.
Dans cette affaire la fille de Martin, Margot, tient une place nettement plus importante et joue même un rôle actif dans le déroulement de l’intrigue. De l’autre côté de la barrière on ne retrouve pas de personnalité aussi forte que Julian Hirtmann, même Paul Lacaze fait figure de poids plume.
L’intrigue est toujours aussi bien soignée, l’accent est mis sur la psychologie autant que sur l’action, des rebondissements mais moins de véritables surprises que dans le premier opus ; ce qui n’empêche nullement ce roman de mettre la barre très haut. D’autant que cette fois l’enquête prendra rapidement une tournure très personnelle pour Martin Servaz.
Pour la petite histoire l’intrigue se déroule en juin 2010, alors que tous les regards sont tournés vers l’Afrique du Sud et la Coupe du Monde de foot ; compétition au cours de laquelle s’est ridiculisée à tous points de vue. En fait ce n’est pas seulement anecdotique, le contexte a son importance, je vous laisse découvrir le pourquoi du comment de la chose.
De nouveau Bernard Minier utilise son intrigue pour tirer à boulets rouges sur certains dysfonctionnements de la société française…
J’aurai plaisir à me plonger dans N’éteins pas la lumière, la troisième intrigue mettant en scène Martin Servaz… mais pas tout de suite, mon programme à venir est déjà bien chargé.

MON VERDICT
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[BOUQUINS] Bernard Minier – Glacé

B. Minier - GlacéIl aura fallu un Book Club pour que je me lance enfin dans un roman de Bernard Minier, ses trois titres tournant autour du personnage de Martin Servaz autant commencer par le début. Place donc à ma chronique de Glacé.
Le commandant Martin Servaz de la SRPJ de Toulouse est appelé sur une scène de crime peu ordinaire. En effet la « victime » est un jeune pur-sang appartenant à un influent homme d’affaire de la région. Le cheval a été décapité, sa carcasse dépecée exhibée, à 2000 mètres d’altitude, sur le portique du téléphérique d’une centrale hydroélectrique appartenant au propriétaire…
Avant d’aller plus loin je tiens à préciser que ma présentation n’aborde qu’un aspect de l’intrigue. En parallèle à l’enquête de Servaz, on suit l’arrivée de Diane Berg, nouvellement embauchée comme psychologue au centre psychiatrique pénitentiaire du Dr Wargnier, un établissement proche de la scène de crime. Du coup forcément on peut supposer que tôt ou tard ces deux intrigues vont se télescoper.
Je vous rassure l’intrigue ne va pas tourner uniquement autour d’un canasson mort, l’auteur s’en sert comme d’une mise en bouche annonciatrice d’une affaire bien plus complexe que l’on pourrait le supposer. Bernard Minier sait y faire pour nous tenir en haleine, son arme n’est pas l’action mais plutôt l’ambiance et la tension psychologique. Il mène sa barque à son rythme, brouille parfois les pistes et ménage les imprévus.
L’autre force de l’auteur réside dans ses personnages, à commencer par Martin Servaz. La quarantaine, un brin hypocondriaque, empâté, maladroit et très mauvais tireur ; ce n’est pas vraiment un clone de l’inspecteur Harry, du coup on s’identifie plus facilement à lui et ses faiblesses nous le rendent encore plus sympathique. Le personnage le plus intrigant et le plus difficile à cerner est incontestablement Julian Hirtmann.
Le cadre, les Pyrénées au coeur de l’hiver, neige et brume, blanc et glacé, joue aussi beaucoup dans l’ambiance que l’auteur nous impose.
Ce qui m’a le plus frappé dans ce bouquin est le portrait sans concession, et visiblement bien documenté, de la prise en charge psychiatrique en France. Ca fait froid dans le dos.
Pour un premier roman l’auteur réussi un coup de maître, j’aurai beaucoup de plaisir à retrouver ses personnages dans les romans suivants, surtout s’ils sont du même gabarit que celui ci.
Petit bémol qui n’est peut être pas du fait de l’auteur, l’usage abusif des tirets demi-cadratins, notamment dans les dialogues, alors que de simples virgules auraient été plus adaptées d’un point de vue typographique. Idem avec une multiplication pas forcément souhaitable des mots en majuscules, là encore c’est surtout dans les dialogues que le bât blesse.