[BOUQUINS] Gilles Legardinier – Mon Tour De Manège

C’est bien connu, on ne choisit pas sa famille. On ne choisit pas non plus les lettres que l’on reçoit. Amandine va en recevoir une, une seule, qui va l’obliger à se demander qui elle est, ce qu’elle attend de la vie, ce qu’elle tient de ses parents, ce qu’elle espère des hommes, ce qu’elle doit à ses amies, si la couleur citrouille lui va bien, où vivent réellement les écureuils, si elle croit aux fantômes, combien de temps elle peut tenir dans l’eau glacée, ce que l’on gagne lorsqu’on passe la barre des 100 contraventions, quel est le vrai goût des croquettes pour chat, et surtout ce qu’elle est prête à endurer pour avoir une chance de se construire une vie qui lui ressemble vraiment. Une seule lettre pour choisir son destin, car elle le devine, il n’y aura pas de deuxième tour de manège.

Parce que Gilles Legardinier fait partie de ces écrivains qui me sont devenu incontournables, plus encore quand l’auteur renoue avec le roman feel good.

Si Gilles Legardinier n’a plus rien à prouver en matière de roman policier ou de roman d’aventures, c’est clairement dans la littérature feel good qu’il excelle et que ses lecteurs l’attendent avec impatience.

Après la noirceur absolue de Jacques Saussey, il fallait bien l’aura lumineuse de Gilles Legardinier pour apporter une lueur d’espoir dans les ténèbres de l’âme humaine. J’ai déjà eu l’occasion de le dire et de le répéter, mais les romans de Gilles Legardinier devraient être décrétés d’utilité publique et faire l’objet d’un remboursement par la Sécurité Sociale (et tant pis pour son trou insondable).

Comme à chaque fois, l’auteur réussi à nous plonger dans la peau de ses personnages, aussi différent puissent-ils être de nous. En l’occurrence je n’ai guère de points communs avec Amandine et pourtant la magie a opéré une fois de plus. J’ai vécu à fond ses mésaventures.

Et quelles mésaventures ! Tout commence par un courrier qui lui fixe un rendez-vous chez le notaire. Un rendez-vous qui va complètement chambouler son quotidien, mais aussi balayer ce qu’elle tenait pour acquis.

Fidèle à son habitude, Gilles Legardinier place l’humain au cœur de son récit, l’occasion de porter un regard affûté sur l’amour, l’amitié, la famille, le poids des secrets. Sans jamais se départir d’un humour ravageur (sourires et franches rigolades seront de la partie), l’auteur aborde des thèmes qui nous concernent tous. De même on se prend souvent à se poser les mêmes questions qu’Amandine.

A ce titre, j’ai beaucoup aimé la définition que M. Forcetti, le nouveau voisin d’Amandine, donne de la famille :

Pour apporter de la bonne humeur même dans les pires moments de doute, vous pouvez compter sur la joyeuse bande des Patates. Il n’y a pas qu’Amandine qui connaît de grands bouleversements dans son quotidien, mais il faut plus que ça pour démoraliser ou désolidariser cette petite bande d’amies.

Le parcours d’Amandine ne sera pas un long fleuve tranquille, entre une veuve hargneuse qui s’estime spoliée et un amoureux transi un tantinet envahissant, elle aura fort à faire pour tracer sa route.

Heureusement, elle ne sera pas seule face à l’adversité, outre ses fidèles Patates, elle pourra aussi compter sur l’aide et le soutien de son mystérieux voisin, d’un jeune homme serviable rencontré au fil d’un lancer de boîte de raviolis et même du fils du défunt qui n’hésitera pas à se dresser contre la teigneuse matriarche.

Du Gilles Legardinier comme on l’aime, humain, drôle et intelligent. J’ai profité d’un week-end à rallonge pour dévorer le bouquin d’une traite. Et c’est avec un sourire béat aux lèvres que je l’ai refermé. Quelques effets secondaires s’opposent à une lecture dans les lieux publics, outre les crises fous rires incontrôlés susceptibles de survenir à tout moment, votre béatitude pourrait bien se retourner contre vous (c’est mal vu en ces temps de sinistrose et de morosité ambiante… et c’est pour ça que c’est si bon).

Gilles, mon cher Gilles, je n’ai aucune honte à le dire : mon manège à moi, c’est toi ! (Pardon Édith, je n’ai pas pu résister).

[BOUQUINS] Jacques Saussey – Ce Qu’Il Faut De Haine

Ce matin-là, comme tous les dimanches, Alice Pernelle s’éclipse de la maison de ses parents pour aller courir avec son chien. Mais en arrivant au bord de la Cure, cette rivière qui traverse son village natal, un tableau macabre lui coupe les jambes et lui soulève l’estomac. Un corps écartelé et grouillant de vers gît sur la rive.

Alors que les enquêteurs en charge de l’affaire font de glaçantes découvertes et se confrontent à des témoignages décrivant la victime comme une femme impitoyable, les habitants de Pierre-Perthuis, petit hameau du Morvan, sont ébranlés. Les visages se ferment. Les confidences se tarissent.

Hantée par les images de ce cadavre, Alice a pourtant besoin de réponses pour renouer avec l’insouciance de sa vie d’étudiante. Au risque d’attirer l’attention de l’assassin sur elle…

Parce que c’est Jacques Saussey, un incontournable de la littérature policière francophone.

Comme le pitch a titillé ma curiosité et qu’il s’agit d’un one-shot, je me suis laissé tenter sans opposer la moindre résistance.

Je remercie les éditions Fleuve et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Le moins que l’on puisse dire c’est que ça commence fort, très fort même, avec la découverte d’une scène de crime particulièrement sordide. Et ce n’est que le début, les enquêteurs vont découvrir un mode opératoire plus pervers que tout ce qu’ils auraient pu imaginer.

L’enquête autour de ce crime va se dérouler en simultané à Paris (c’est la brigade criminelle qui va être saisie du dossier) et dans le Morvan (via la gendarmerie).  L’une des grandes questions autour de ce crime sera en effet de faire le lien entre la victime qui vivait et travaillait à Paris, et la commune de Pierre-Perthuis où le corps a été retrouvé.

Au fil de leur enquête, les policiers vont découvrir que la victime était une femme détestée de tous. Il faut dire que les RH d’entreprises en difficulté la recrutaient pour mettre en place un plan d’épuration du personnel. Plan qu’elle exécutait sans une once d’empathie ou de considération.

Il est vrai qu’en découvrant le personnage le lecteur n’a pas vraiment envie de lui souhaiter tout le bonheur du monde, mais de là à lui souhaiter une fin aussi horrible, il y a un pas. Un pas que l’assassin a franchi avec une détermination sans faille, il en faut de la haine pour mettre en place une vengeance aussi impitoyable.

Les chapitres consacrés à l’enquête (ou plus exactement aux enquêtes) sont entrecoupés par l’enquête d’Alice (la jeune femme qui a découvert le corps) mais aussi par des chapitres donnant la parole à notre assassin.

Jacques Saussey opte pour une approche directe et des chapitres courts afin de maintenir le lecteur en apnée. Lecteur qui devra avoir le cœur (et les tripes) bien accroché, l’auteur ne nous épargne rien dans le calvaire qu’a subi la victime.

Une intrigue maîtrisée de bout en bout dont le dénouement vient balayer tout ce que l’on tenait alors pour acquis.

J’avoue ne pas avoir eu des masses d’empathie pour le personnage de Marianne Ferrand, la capitaine de la Crim’ en charge de l’enquête. Un peu plus pour le gendarme Gontran de Montboissier et beaucoup plus pour la jeune Alice Pernelle.

Les personnages secondaires ne servent pas uniquement de faire-valoir, ils ont un réel rôle à jouer dans le déroulé de l’intrigue.

Une lecture totalement addictive, j’ai quasiment dévoré le bouquin d’une traite.

[BRD] À Couteaux Tirés

Daniel Craig : Benoit Blanc
Ana de Armas : Martha Cabrera
Christopher Plummer – Harlan Thrombey
Jamie Lee Curtis : Linda Drysdale
Don Johnson : Richard Drysdale
Chris Evans : Hugh « Ransom » Drysdale
Toni Collette : Joni Thrombey
Michael Shannon : Walter Thrombey

Célèbre auteur de polars, Harlan Thrombey est retrouvé mort dans sa somptueuse propriété, le lendemain de la fête d’anniversaire donnée à l’occasion de ses 85 ans. Selon la thèse officielle, le vieil homme s’est suicidé.

Le détective Benoit Blanc, engagé par un commanditaire anonyme, va assister la police dans les ultimes entretiens avec la famille. Il ne faudra pas longtemps au détective pour mettre à jour les nombreux secrets que cache cette famille… sans toutefois rien trouver lui permettant d’expliquer la mort d’Harlan Thrombey.

Et si la clé de voûte de cette affaire était la jeune et discrète Marta Cabrera, infirmière et confidente de la victime…

De son propre aveu, en réalisant ce film Rian Johnson voulait rendre hommage aux romans d’Agatha Christie et mettre en avant un détective qui serait un mix entre Hercule Poirot et Columbo.

Un pari réussi haut la main grâce avec une intrigue en forme de Cluedo grandeur nature parfaitement maîtrisée et un casting haut de gamme qui tient toutes ses promesses.

Si sur le fond nous avons le droit à une trame de whodunnit relativement classique, le film brille par sa construction. En jouant avec le déroulé des événements, il nous offre des perceptions différentes d’une même séquence.

On comprend rapidement que la famille Thrombey est un vaste panier de crabes dans lequel chacun s’accroche à la bourse de l’écrivain avec autant d’avidité qu’un morbaque à un poil de cul. Sauf que papy Harlan n’est pas complètement sénile, il compte bien profiter de sa fête-anniversaire pour remettre les pendules à l’heure.

Il n’y a guère que Marta Cabrera, son infirmière, qui reste à ses côtés sans arrière-pensée. Mais elle est bien loin de se douter (à moins que ?), que cette affaire va la plonger sous le tir nourri de la famille Thrombey.

Pendant que la famille se déchire, le détective Benoit Blanc, sous une apparente nonchalance, ne perd pas une miette de tout ce qui se dit (et éventuellement de ce qui ne se dit pas). À ce titre le personnage est assez proche du mythique Columbo, on ne s’en méfie pas au point que l’on en viendrait presque à oublier sa présence, mais quand il dégaine ses conclusions ça tape là où ça fait mal.

Même si le réalisateur prend un malin plaisir à malmener les neurones des spectateurs, il le fait avec brio, offrant plus d’un retournement de situation qui balayera nos certitudes. Cerise sur le gâteau, l’humour, omniprésent, mais nullement potache, colle parfaitement à l’intrigue et aux personnages.

Ce film est un pur régal à visionner. Une totale réussite. J’en viendrai presque à me demander pourquoi j’ai attendu aussi longtemps avant de le sortir des méandres de mon disque dur.

Je compte bien enchaîner très vite avec le second film mettant en scène Benoit Blanc, Glass Onion – Une Histoire A Couteux Tirés, en attendant la sortie du troisième (et dernier ?) opus (peu d’éléments filtrent sur le sujet, a priori il ne faut rien espérer avant fin 2024).

Avec un budget de 40 millions de dollars et un box-office mondial dépassant les 312 millions, le film a de quoi faire oublier le calamiteux passage par la case Star Wars de Rian Johnson (Les Derniers Jedis). Pas mal pour un film qui a dû subir le contrecoup des confinements liés au COVID-19. D’autant plus que le réalisateur est aussi le scénariste du film, scénario qu’il a imaginé de A à Z.

[BOUQUINS] Arthur Caché – Une Bonne Raison De Mourir

De quoi ça cause ?

Quand un ancien géologue disparaît mystérieusement près de Paris, Béryl, jeune chef de groupe à la Crim’, se saisit aussitôt de l’affaire.

Assistée de Rudy, son adjoint au passé tourmenté, puis d’Ara, un ancien flic reconverti dans le trafic de contrefaçons, elle remonte la piste d’une compagnie pétrolière en Turquie.

Mais tandis que les découvertes troublantes se multiplient et que les cadavres s’accumulent, des profondeurs de la mer Noire surgit un terrible secret…

Béryl comprend alors que le plus effroyable des comptes à rebours a déjà commencé…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Taurnada et l’occasion de découvrir un auteur que je ne connais pas.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Taurnada, et tout particulièrement Joël, pour leur confiance renouvelée.

Découvrir l’univers littéraire d’un auteur est toujours plus ou moins source de questionnements, mais quand celui-ci rejoint une maison d’édition en qui j’ai une totale confiance, les doutes sont vite remplacés par la curiosité. C’est donc totalement confiant que j’ai abordé le roman d’Arthur Caché.

Commençons par un petit bémol indépendant de l’auteur. La quatrième de couv’ (je sais que c’est un exercice délicat pour un éditeur) est beaucoup trop « bavarde ». Elle fait en effet état d’événements que le lecteur ne découvrira que dans la dernière partie du roman. Je n’irai pas jusqu’à parler de spoilers (ça ne m’a en rien gâché la surprise), mais peut-être qu’un lecteur plus affûté aurait eu la puce à l’oreille.

Si l’intrigue démarre de façon plutôt classique, les choses vont rapidement se compliquer pour Béryl et son groupe d’enquête. Tout commence par un appel et un message laissé à l’intention du commandant Béryl Schaeffer, puis l’appelant disparaît de la circulation avant d’être retrouvé mort quelque temps plus tard. Une intrigue qui débute en mode diesel avant de réellement trouver son rythme de croisière une fois qu’elle se déplacera en Turquie.

Une enquête complexe du fait de dimensions économiques et politiques qui viennent se greffer sur l’aspect purement policier. Une enquête qui va se dérouler entre la France et la Turquie, et qui pourrait bien impliquer de grosses entreprises de l’industrie pétrolière. Et encore, ce n’est que la partie visible de l’iceberg.

Les trois principaux enquêteurs, Béryl et son adjoint, Rudy, assisté par Ara, un ex-flic turc, ont des personnalités torturées comme on les aime. Chacun doit vivre avec son passé et ses drames personnels pour aller de l’avant.

Pour Béryl l’enquête va s’avérer doublement éprouvante, celle-ci lèvera en effet le voile sur une facette guère reluisante de la personnalité de son défunt père, une figure patriarcale qu’elle idolâtre… avant de réaliser qu’il avait, lui aussi, son côté obscur.

Arthur Caché nous livre une intrigue parfaitement maîtrisée et richement documentée. Une intrigue qui ne manquera pas de vous surprendre avec un final (heureusement 100% fictif) en apothéose. Quand les intérêts économiques et politiques priment sur l’aspect humain, le résultat n’est jamais beau à voir (et cela ne relève malheureusement pas que de la fiction).

La plume de l’auteur s’adapte au rythme de l’intrigue et permet une lecture parfaitement fluide. En revanche, force est de reconnaître que les cliffhangers en fin de chapitre (comme par exemple : « Elle ne le savait pas encore, mais un étrange événement… ») produisent un effet contraire à celui escompté. On lit un thriller, on se doute bien qu’il va se passer un truc nouveau, inutile d’appâter le lecteur avec des accroches limites marketing !

Finalement j’ai eu raison de faire une fois de plus confiance aux équipes des éditions Taurnada, elles ont eu le nez creux en invitant Arthur Caché à les rejoindre. Je guetterai désormais les prochains romans de l’auteur, qu’ils soient avec ou sans Béryl Schaeffer.

Si la couv’ fait bien référence à l’industrie pétrolière, dans le présent roman la clé de voûte de l’intrigue n’est pas un puit de forage mais une plateforme pétrolière.

[BOUQUINS] Bernard Werber – Le Temps Des Chimères

Que deviendrait le monde si l’être humain changeait de forme ?

C’est le projet fou d’Alice Kammerer, jeune et brillante scientifique, qui parvient, au lendemain de la troisième guerre mondiale, à inventer de nouvelles espèces hybrides : des chimères, mi-homme mi-animal.

Tandis qu’elle assiste, fascinée, à l’évolution de ces bébés pourvus d’ailes, de griffes ou de nageoires, un monde différent se construit.

Il est à la fois porteur d’alliances et de conflits, de passion et d’espoir…

Mais quelle place l’ancienne humanité pourra-t-elle conserver face à ces nouveaux « voisins » ?

Malgré une production quelque peu inégale, Bernard Werber ne m’a jamais franchement déçu. Si je suis encore loin d’avoir lu tous ses romans (surtout parmi les plus anciens), j’essaye depuis quelques années d’être fidèle au poste.

Ce n’est pas la première fois que Bernard Werber suggère que la survie de l’humanité passe par une « évolution » de l’espèce humaine. Dans la trilogie Troisième Humanité, la réponse à la menace passait par les micros humains, avec Le Temps Des Chimères l’auteur va encore plus loin dans son idée évolutive.

Ce n’est d’ailleurs certainement pas un hasard si dans les deux cas la scientifique à l’origine de projet se nomme Kammerer (Aurore dans Troisième Humanité, Alice dans Le Temps Des Chimères).

Le fil rouge de l’œuvre de Bernard Werber, l’Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, en perpétuelle évolution grâce à la persévérance de la famille Wells, sera bien entendu de la partie. Des pauses culturelles aussi instructives que distrayantes, l’auteur à un véritable don quand il s’agit de vulgariser des thèmes a priori complexes.

Ami(e)s lecteurs et lectrices, vous l’aurez sans doute compris, avec ce roman l’auteur s’inscrit clairement dans le registre de la science-fiction, donc si vous êtes hermétique à ce genre vous pouvez d’ores et déjà passer votre chemin.

Force est de reconnaître que l’hybridation imaginée par Alice Kammerer franchit allégrement les frontières entre réel, plausible et imaginaire pour entrer de plain-pied dans cette dernière catégorie. Au départ j’ai eu quelques réticences, pensant que ce serait quand même un tantinet too much à accepter, mais Bernard Werber sait y faire pour nous convaincre d’ouvrir en grand les portes de notre imagination.

L’intrigue du roman s’étend sur une cinquantaine d’années. Au fil des pages, nous suivrons le périlleux chantier du projet Métamorphosis, puis l’évolution des hybrides dans un contexte post-atomique. Il sera bien sûr question des relations entre les trois espèces hybrides (Aerials, Diggers et Nautics), mais aussi de leurs liens avec les humains (les Sapiens).

Les hybrides sauront-ils tirer des leçons des erreurs des Sapiens ? Ou reproduiront-ils ces mêmes erreurs ? Comme vous vous en doutez certainement, les choses ne vont pas se passer exactement comme l’imaginait Alice Kammerer… ce ne serait pas marrant autrement !

Pour tout vous dire j’ai parfois eu du mal avec le personnage d’Alice, par moment ses réactions semblent en totale déconnexion de la réalité. Et comme elle est plutôt impulsive et peu à l’écoute des conseils des autres, ça fait parfois des étincelles. À sa décharge, il faut bien avouer qu’elle va souvent se retrouver confrontée à des situations totalement inédites pour un être humain.

Ne perdons pas de vue le double sens du mot Chimère, certes il peut désigner la créature hybride de la mythologie grecque, mais il est aussi synonyme d’illusion ou encore de grands projets séduisants mais totalement irréalisable.

Si Le Temps Des Chimères ne se classe pas dans le best of the best de Bernard Werber, ça reste pour moi une lecture très agréable. À aucun moment je ne me suis ennuyé, bien au contraire, j’avais toujours envie d’aller plus loin afin de découvrir le fin mot de l’histoire.

En parlant de fin, je trouve que celle-ci aurait mérité d’être un peu plus étoffée. Je ne reste pas sur ma faim, mais un ou deux chapitres supplémentaires n’auraient pas été de trop.

[BOUQUINS] Ragnar Jonasson & Katrin Jakobsdottir – Reykjavik

Reykjavík,1956. Une jeune fille disparaît sans laisser de trace.

Trente ans plus tard, le mystère est toujours la plus grande affaire non résolue d’Islande.

Adepte de la littérature nordique, ça faisait déjà quelque temps que j’avais envie de découvrir l’univers littéraire de Ragnar Jonasson.

Le pitch de ce roman écrit à quatre mains a titillé ma curiosité, et voilà.

Je remercie les éditions de La Martinière et la plateforme Net Galley pour leur confiance. Même si concrètement ce n’est pas le bouquin obtenu par leur biais que j’ai lu. Il serait temps que les éditeurs comprennent que le PDF c’était avant… aujourd’hui, j’ai autant envie de lire un roman au format PDF que de zieuter le dernier Marvel sur un vieux téléviseur noir et blanc avec un son crachotant. J’ai donc attendu la sortie commerciale du roman pour me le procurer au format epub.

Même si je n’ai jamais lu de romans de Ragnar Jonasson je le connais de nom et de réputation, il est en effet un incontournable de la littérature policière en Islande. Le nom de Katrin Jakobsdottir m’était quant à lui totalement inconnu. Et pour cause, elle est la chef du gouvernement islandais (Première ministre) depuis 2017. Les deux auteurs partagent la même passion pour la littérature policière.

Il faut un petit temps d’adaptation pour se familiariser avec les personnages et retenir leurs noms et rôles. D’autant qu’en Islande le nom patronymique n’est quasiment pas utilisé, celui-ci servant uniquement à établir le lien de parenté avec le père (parfois la mère). Ainsi la terminaison son signifie fils de (Jonasson, fils de Jonas) alors que dottir renvoie à fille de (Jakobsdottir, fille de Jakob). Les Islandais s’appellent usuellement par leur prénom et ne connaissent que le tutoiement.

J’ai été surpris d’apprendre que, comme les États-Unis, l’Islande avait, en 1908, voté une loi de Prohibition interdisant la vente d’alcool, loi entrée en vigueur en 1915 et abolie en 1935. Sauf en ce qui concerne la bière, il faudra attendre mars 1989 pour que sa vente soit de nouveau autorisée en Islande.

Pour contourner cette interdiction, dans les années 80 les pubs servaient une boisson appelée bjorliki, un mélange de bière sans alcool et de spiritueux (vodka, whisky…). À la vôtre !

Et si on parlait du bouquin après ces digressions culturelles ?

Tout commence en août 1956, quand Kristjan, un jeune policier, débarque sur l’île de Videy afin d’enquêter sur la disparition d’une adolescente, Lara. Une disparition qui restera inexpliquée et qui va émouvoir toute l’Islande (il faut dire que le pays est réputé pour une criminalité quasi inexistante).

Trente ans plus tard, Valur, un jeune et ambitieux journaliste, se lance dans une série d’articles sur la disparition de Lara. Il garde le secret espoir de clôturer sa série en apothéose avec des révélations inédites.

Dans la première partie du roman on suit donc l’enquête de Valur qui, interrogeant tous les protagonistes présents en 1956, va essayer de retracer les derniers jours de Lara… et, pourquoi pas, lever le voile sur cette mystérieuse disparition.

Le lecteur avisé aurait pu souffler au jeune homme : « Souviens-toi du Trône de Fer. », mais le roman de G.R.R. Martin ne paraîtra qu’en 1996, dix ans plus tard.

Je ne vous parlerai pas de la seconde partie du roman, car cela m’obligerait à dévoiler un élément clé de l’intrigue.

Le choix de l’année 1986 ne doit rien au hasard, non seulement c’est l’année du bicentenaire de Reykjavik, mais c’est aussi l’année où les deux hommes les plus puissants de la planète, Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, vont se rencontrer en tête à tête dans la capitale islandaise. Tous les regards sont alors tournés vers cette petite île jusqu’alors méconnue.

Si le roman ne révolutionne sans doute pas le genre, il n’en reste pas moins bien ficelé avec une intrigue qui nous réservera quelques belles surprises et un duo d’enquêteurs des plus attachants.

Les autres personnages du roman ne servent pas juste de faire-valoir à l’intrigue, les auteurs ont pris soin de travailler leurs personnalités.

Pour l’anecdote, le roman a été écrit en grande partie pendant le confinement suite à la pandémie de COVID-19. Je ne sais pas comment Ragnar et Katrin (optons pour la mode islandaise en les appelant par leurs prénoms) se sont partagé le travail, mais l’écriture est d’une grande fluidité et parfaitement linéaire (dans le bon sens du terme, pas de décrochage entre les paragraphes ou les chapitres).

Au final j’ai trouvé ce polar fort sympathique et hautement addictif, c’est à contrecœur que je le lâchais pour satisfaire aux obligations du quotidien. J’attends maintenant avec impatience de lire un roman coécrit par Maxime Chattam et Élisabeth Borne (pour le titre j’ai pensé à 49.3… ne me remerciez pas) !

[BOUQUINS] Cyril Carrère – Avant De Sombrer

Lorsque Jérôme Cazenave se réveille dans une chambre d’hôpital, tout lui revient à l’esprit. L’échange téléphonique houleux avec sa femme. L’urgence de la situation. Sa terrible sortie de route en rentrant de Nîmes. C’est en tout cas ce qu’il soutient au médecin qui le regarde avec circonspection.

Mais quand un avocat qui prétend le connaître s’invite à son chevet pour lui présenter une autre version de l’histoire, la confusion s’installe. Non, il n’a pas eu d’accident de voiture. Il a été violemment agressé à Lannemezan, dans la prison où il purge une longue peine… pour le meurtre de son épouse.

Afin de recouvrer sa liberté, Jérôme doit résoudre les mystères d’un passé qui lui est étranger. Au risque de faire ressurgir le monstre qui l’a englouti…

Parce que ça fait déjà quelque temps que j’ai envie de découvrir l’univers littéraire de Cyril Carrère. Comme souvent dans ces cas-là je commence par la fin et le dernier roman en date.

Mourir ne me fait pas peur, même si je ne suis pas particulièrement pressé de finir dans un cendrier municipal. À quoi bon avoir peur de quelque chose qui est de toute façon inéluctable ? Par contre ne plus être maître de mon corps et de mon esprit est quelque chose qui m’effraie, d’autant plus que la France est encore à la ramasse en matière de législation autour de l’euthanasie.

C’est le cauchemar que Cyril Carrère inflige à son personnage, Jérôme Cazenave. Le gars se réveille dans un hôpital, convaincu d’avoir été victime d’un accident de la route. Et v’là t’y pas qu’on lui annonce qu’il a été agressé en prison, où il purge une peine pour le meurtre de sa femme. On appelle ça le syndrome des faux souvenirs, tout ce que vous teniez pour vrai n’est qu’une mise en scène imaginée par votre esprit, un mensonge qui s’impose en lieu et place de la vérité.

Si d’autres thématiques médicales sont abordées dans le roman (traitement de la douleur, essais cliniques avec la maladie de Crohn en guise de fil rouge), ce n’est que la toile de fond d’un thriller qui vous tiendra en haleine de la première à la dernière page.

La première partie pose donc le cadre de l’intrigue et une partie de ses acteurs (Jérôme bien entendu, Sylvie la psychologue et Serge, l’avocat). Puis la seconde partie nous renvoie deux ans plus tôt (2019) alors que le lieutenant Cazenave est dépêché sur une scène de crime, rapidement son enquête va trouver écho dans sa vie personnelle et l’AVC dont a été victime sa conjointe en réaction à un essai clinique. Retour en 2021 pour la suite du roman, avec un Jérôme un peu perdu qui va devoir, avec l’aide de Sylvia, se retrouver.

Ce mauvais tour que lui joue sa mémoire va aussi être l’occasion pour Jérôme de se redécouvrir… et de se remettre en question. Malheureusement, il va aussi réaliser qu’il est loin d’être hors de danger, son enquête de 2019 a attiré l’attention d’ennemis puissants et déterminés.

Personnellement, c’est surtout le personnage de Sylvia qui a soulevé le plus d’interrogations au fil de ma lecture. On comprend rapidement qu’elle cache un secret, au départ on en vient même à franchement douter de sa loyauté. Puis peu à peu Cyril Carrère lève le voile, on réalise que si elle poursuit le même combat que Jérôme, son jeu n’est pas pour autant limpide.

Cyril Carrère nous offre un roman parfaitement maîtrisé avec une intrigue bien ficelée, des personnages forts (certains attachants, d’autres méprisables), et une construction qui contribue à donner un rythme soutenu à l’ensemble.

L’auteur ne ménage pas ses personnages, attendez-vous à quelques brusques poussées d’adrénaline. Petit conseil pour les vieux de la vieille, gardez à l’esprit le slogan publicitaire du liquide Vaisselle Paic : « Quand y en a plus, y en a encore ! ». J’dis ça, j’dis rien…

Une belle découverte, je garderai un œil attentif sur les prochains romans de Cyril Carrère (je ne vais pas m’engager à lire les précédents, je sais que je ne trouverai jamais le temps pour ça). Je vous assure que ce n’est pas ce roman qui vous fera sombrer dans les bras de Morphée… par contre je ne promets rien quant à d’éventuelles nuits blanches.

[BOUQUINS] Ferenc & François Sanz – Soigne, Maltraite Et Tais-Toi !

Céline Boussié a toujours eu la fibre sociale. Ce qu’elle aime, c’est aider les autres. En 2008, elle intègre l’IME de Moussaron pour prodiguer des soins aux résidents polyhandicapés.

Mais, alors qu’elle pensait avoir décroché le job de rêve, c’est une réalité tout autre que découvre Céline : à Moussaron, les équipements et locaux sont vétustes, le personnel insuffisant et, de fait, les pensionnaires subissent des traitements indignes.

Pendant 5 ans, elle essaiera de composer avec ce peu de moyen. Pendant 5 ans, on lui reprochera de se mêler de ce qui ne la regarde pas. En 2013, pour Céline, lancer l’alerte devient une nécessité.

Les réactions ne se feront pas attendre : sanctions financières, menaces, vandalisme… Elle sera licenciée puis inculpée pour diffamation – comme trois autres employé.es avant elle.

Mais elle ne baissera pas les bras et n’aura de cesse de se battre pour que cesse cette maltraitance institutionnelle et que soit reconnu son statut de lanceuse d’alerte.

Je remercie les éditions La Boîte À Bulles et la plateforme Net Galley pour leur confiance.

En lisant cette BD il est capital de ne jamais perdre de vue qu’il ne s’agit malheureusement pas d’une fiction, c’est la triste réalité que Céline Boussié découvrira en entrant à l’IME de Moussaron.

Le bouquin s’ouvre sur une préface de Nicolas Bourgouin, journaliste d’investigation qui a rencontré Céline Boussié dans le cadre d’un documentaire sur la maltraitance des enfants handicapés (Zone Interdite du 19 janvier 2014 sur M6).

Septembre 2017. Procès de Céline Boussié, poursuivie pour diffamation. Son avocat demande et obtient la diffusion du reportage de Nicolas Bourgouin pour Zone Interdite. Le ton est donné, d’entrée on se prend une méga-claque dans la gueule. On est sonné. Comment de telles pratiques sont-elles encore possibles de nos jours ?

Le plus abject demeure sans doute la réaction faussement indignée de l’avocat de l’IME (Institut Médico-Educatif) : « Madame la présidente, je ne vois pas en quoi il faut être choqué. Il s’agit de pratiques courantes… Les personnes handicapées sont partout traitées de la même manière… »

Flash-back. Les auteurs donnent la parole à Céline Boussié afin qu’elle livre son témoignage sur son expérience avec l’IME Moussaron et ses conséquences.

2008. Céline décroche le job de ses rêves dans un cadre idyllique. Elle vient en effet d’être embauchée comme aide médico-psychologique par l’IME Moussaron. L’idéal pour cette mère de famille qui a toujours eu une fibre sociale très développée.

Rapidement Céline va se rendre que l’image d’Épinal n’est qu’une façade. Malgré une situation financière apparemment confortable, les conditions d’accueil et de prise en charge des patients sont précaires et inadaptées, le manque de personnel et flagrant. Elle va aussi relever des actes de négligence et de maltraitance de la part de certains soignants.

Je vous laisse découvrir la suite qui est tout aussi hallucinante… Et après des affaires pareilles, on nous demande de faire confiance à la justice. C’est pas gagné messieurs et mesdames les dirigeants (anciens, présents… et futurs).

Pour les plus curieux, il vous suffira de taper IME Moussaron dans la barre de recherche de votre navigateur et vous aurez le détail des suites judiciaires et administratives de l’affaire… et il n’y a vraiment pas de quoi être fier.

Il n’en reste pas moins que l’on ne peut que s’incliner devant la ténacité de Céline Boussié, malgré les épreuves et les coups bas de l’IME, elle n’a jamais baissé les bras pour que la vérité éclate enfin.

Le trait est précis et sobre (il faut dire que la thématique ne se prête pas vraiment aux folies graphiques), de même la mise en couleur colle parfaitement au récit, avec des teintes sépia pour tout ce qui concerne des faits passés.

À la fin du bouquin, un parallèle est fait entre la situation à l’IME Moussaron et le scandale autour des EHPAD du groupe ORPEA (scandale dénoncé par Victor Castanet dans son livre Les Fossoyeurs). L’occasion pour Céline Boussié de souligner le fait que la cause de la perte d’autonomie semble susciter plus d’émoi que celle du handicap. Je ne m’aventurerai sur ce terrain, pour moi perte d’autonomie et handicap, même dignité, même respect, même combat !

Une lecture qui serait presque d’utilité publique, qu’il s’agisse de prendre connaissance de faits méconnus (ce qui est précisément mon cas), d’éveiller les consciences, de ne jamais oublier que cela a existé (et existe peut-être encore), et enfin espérer justement que cela ne se reproduise jamais.

Pour ceux et celles qui voudraient creuser davantage la question, Céline Boussié a publié un livre, Les Enfants Du Silence (HarperCollins, 2019), dans lequel elle livre un témoignage sans doute plus fourni que dans la présente BD.


[BOUQUINS] Gretchen Felker-Martin – Chasse À L’Homme

Une épidémie a transformé les êtres humains à haut niveau de testostérone en des créatures uniquement mues par leurs besoins les plus primaires : se nourrir, violer, tuer. Tous les individus masculins sont ainsi devenus de dangereux zombies.

Beth et Fran, deux femmes trans, sont chasseuses d’hommes : elles ont en effet besoin d’absorber les œstrogènes contenus dans leurs testicules pour éviter la contagion.

Bientôt, elles vont devoir affronter des ennemis plus impitoyables encore : une armée de féministes radicales, qui haïssent les femmes trans encore davantage que les hommes.

Parce que c’est Sonatine, ce qui pourrait une raison suffisante. Mais pas que…

Impossible de rester de marbre face à cette couille couv’. Mais encore…

Il faut bien répondre à la question en accroche de la quatrième de couv’ : « Le roman le plus dérangeant de l’année ? »

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Commençons par le commencement avant de reprendre depuis le début. Dérangeant ? Oui et non. Oui pour la thématique de la transsexualité et la question du genre, une question qui bien souvent pousse l’individu lambda à faire la politique de l’autruche : « Ça ne me concerne pas, alors je m’en fous ! ». Mais ceux-là ne sont pas les plus dangereux, les pires sont les tenants de la « bien-pensance » qui prônent une tolérance absolue jusqu’à ce qu’ils soient directement confrontés à la question et retournent leur veste de façon radicale.

Pour ma part je revendique mon statut d’individu genré et racisé : je suis un homme blanc hétérosexuel et j’en suis fier. Ce n’est pas pour autant que je ferme ma porte (et mon esprit) aux autres, du moment qu’ils respectent mon identité autant que je respecte la leur.

Pour être tout à fait franc, ce qui m’a le plus dérangé dans ce bouquin est le recours à l’écriture inclusive. Certes ça sert le propos de l’auteure et ça peut même se comprendre, mais il n’en reste pas moins que ça pique méchamment les yeux… avec le temps qu’il faut pour avoir un rencart chez un ophtalmo, c’est sadique comme démarche.

Dérangeant sur la forme ? Non, il faut plus que ça pour m’empêcher de dormir ou me choquer. Il n’en reste pas moins que c’est un bouquin à réserver à un « public averti ». C’est trash, cru et explicite ; qu’il s’agisse de décrire la violence où la sexualité, l’auteur n’y va pas par quatre chemins.

Revenons au début donc. Tout commence par une épidémie baptisée T. Rex – juste avec le nom, tu devines que ça ne va pas une être simple grippe. Kezaco exactement ? Je laisse la parole à Gretchen Felker-Martin pour un point épidémiologique :

Sympathique, non ?

Pour les quelques hommes épargnés par le virus, la protection passe par la consommation massive d’œstrogènes. Et la meilleure source d’œstrogènes se trouve être les coucougnettes de ces mâles mutants… sauf qu’ils ne se laisseront pas castrer sans opposer une vive résistance.

C’est ainsi que l’on fait connaissance avec Beth et Fran, des transsexuelles, chasseuses d’hommes et préleveuses de couilles. Deux amies réunies par la nécessité de survivre au caractère diamétralement opposé, alors que Fran laisse libre cours à son côté féminin, Beth apparaît plus rugueuse, brute de décoffrage.

Dans ce monde de demain pas très accueillant, un danger pire que les nouveaux mâles guette les survivant(e)s transgenres. Les TERF, des milices de femmes qui vouent une haine farouche aux trans. Pour elles il n’y a pas à tortiller du cul, un bon trans est un trans mort.

Voilà pour ce qui est de poser le décor de ce roman post-apocalyptique qui ne ressemble à nul autre. Un pari audacieux de la part de Gretchen Felker-Martin (qui est américaine comme vous l’aurez certainement deviné) pour un premier roman… ça passe ou ça casse, selon les lecteurs.

J’ai la chance d’appartenir à la première catégorie, même si je suis bien loin de considérer ce bouquin comme une œuvre majeure du genre. J’ai aimé le côté très glauque – presque poisseux – qui se dégage du roman et un style à l’image du décor…

Le fait de ne n’avoir éprouvé de réelle empathie pour aucun des personnages ne m’a pas dérangé outre mesure ; je me suis davantage positionné en tant que lecteur / spectateur de l’intrigue plutôt que de lecteur / acteur.

Outre nos deux chasseuses de couilles sur pattes, vous ferez aussi la connaissance du Dr Indi Varma qui, en plus de réparer les petits et gros bobos de sa communauté, synthétise les œstrogènes. Chez les TERF c’est le personnage de Ramona Pierce qui est de loin le plus intéressant du fait de ses contradictions entre son devoir et ses sentiments.

À aucun moment je n’ai eu envie d’abandonner ma lecture, au contraire, chapitre après chapitre, rebondissement après rebondissement, il me tardait de savoir comment allait se terminer cette foire d’empoigne version XXL.

Je ne chercherai pas à convaincre ceux et celles qui seraient réticents à l’idée de se lancer dans ce bouquin, c’est vrai que cela reste une lecture très spéciale. Peut-être que moi-même, dans un autre état d’esprit, j’aurai pu avoir un ressenti totalement différent… Allez savoir, avec les OLNI (Objets Littéraires Non Identifiés) tout est possible.

[BOUQUINS] Mo Malo – Ni Français, Ni Breton…

L’irrésistible trio Corrigan est de retour : Maggie, Louise et Énora continuent de s’occuper de leur manoir et de leurs hôtes avec soin tout en restant à l’affût d’une nouvelle enquête. Elles se retrouvent avec du pain sur la planche le jour où une puissante déflagration secoue la baie, pulvérisant un bateau.

Que s’est-il passé ? Les Malouins ne sont pas au bout de leurs surprises quand ils découvrent que nul autre que le maire de Saint-Malo est la victime de cette attaque. Heureusement, la Breizh Brigade est sur le pont, bien décidée à élucider cette affaire.

Parce que c’est le second opus mettant en scène la Breizh Brigade, un trio intergénérationnel d’enquêtrices amatrices qui ne ressemble à nul autre.

C’est avec plaisir que j’ai retrouvé les remparts de Saint-Malo en compagnie ces dames Corrigan. Maggie, l’aïeule toujours aussi affûtée du haut de ses 70 ans, Louise, la mère, plus pragmatique et analytique et Enora, la fille, une boule d’énergie et de volonté. La Breizh Brigade va-t-elle devoir se frotter au terrorisme breton ? Même pas peur !

Du côté des enquêteurs plus traditionnels (comprendre la police), on retrouve le commissaire Guilloux et son adjointe Emma Lobo. Un duo qui se complète aussi bien sur le terrain que lors des séances de brainstorming qu’ils s’imposent au commissariat.

Les forces de police de Saint-Malo peuvent s’enorgueillir de l’arrivée d’un nouveau serviteur de l’ordre et de la paix en la personne de Jojo Prigent. Qui n’est autre que le neveu d’Arnaud Prigent, le pilier de bar du clandé du Manoir Corrigan… Les chiens ne faisant pas des chats, il est tout aussi adepte de la soûlographie que son aîné.

Mo Malo reste dans la même veine que dans son précédent opus, Bienvenue Chez Les Corrigan !, à savoir une intrigue qui relève davantage du cosy crime que du thriller pur et dur, sans oublier l’humour qui se taille la part du lion. L’auteur prouve une fois de plus que même en optant pour un registre plus léger, on peut construire une intrigue solide qui tiendra le lecteur en haleine.

Une intrigue qui plongera le lecteur dans les dessous de la politique malouine, avec son lot d’ententes de circonstances et de trahisons opportunes… Rien de nouveau sur la scène du grand cirque politique. Mais pas que… vous verrez que l’enquête de la Breizh Brigade et de la police leur réservera bien des surprises.

Ce roman est aussi pour Mo Malo l’occasion de rendre un vibrant hommage à la cité corsaire de Saint-Malo. Que ce soit pour son cadre déjà exceptionnel en soi, ou pour son histoire. J’ai ainsi découvert que Saint-Malo avait fait sécession avec la France entre 1590 et 1594, les Malouins refusant de servir Henri IV, qu’ils considèrent comme un hérétique (du fait de sa conversion au protestantisme… choix qu’il finira par abjurer en 1594 épousant de nouveau la foi catholique).

Le titre du roman reprend les premiers mots de ce qui fut la devise de la République de Saint Malo : « Ni Français, Ni Breton, Malouin suis ». Avouez quand même que ça a plus de gueule que la devise figurant sur les armoiries officielles de la ville : « Semper Fidelis ». Ça fait un peu trop G.I. Joe leur truc (la devise des Marines américains étant justement Semper Fi).

Un troisième (et dernier ?) opus, L’Ombre Des Remparts, est d’ores et déjà annoncé dans les jours à venir. Je serai bien entendu fidèle au poste même si je ne pense pas le lire dans un futur proche (quelques mois, le temps de varier mes lectures). Peut-être découvrirons enfin les tenants et les aboutissants de la disparition de Constant Corrigan.