Au menu du jour une chronique coup de foudre (ce qui n’implique pas obligatoirement un coup de coeur), la couv’ du bouquin m’a de suite tapé dans l’oeil, le titre m’a fait sourire et le pitch a achevé le travail. Il est temps pour moi de vous livrer mes impressions sur Poulets Grillés, premier roman de Sophie Hénaff.
Six mois après sa mise à pied, la commissaire Anne Capestan est réintégrée au 36, mieux on lui confie une brigade à gérer. Forcément ça sent le coup foireux, en effet ladite brigade est composée de tous les « rebuts » de la Crim’, des indésirables que l’on veut isoler dans un placard. Mais Capestan est bien décidée à relever le défi et à prouver à sa hiérarchie que sa brigade ne va pas se la couler douce. Reste à motiver ses troupes…
L’auteure nous offre un polar plein de bonne humeur servi par une écriture fraîche et pétillante, un style auquel j’ai tout de suite adhéré. Si Sophie Hénaff mise beaucoup sur l’humour et ses personnages elle n’en néglige pas pour autant l’aspect polar ; son intrigue tient parfaitement la route et ne manque pas de surprises. Sans révolutionner le roman policier, l’auteure fait preuve d’une belle maîtrise des règles du genre.
Comme je l’ai dit plus haut le bouquin repose aussi et surtout sur sa galerie de flics atypiques à commencer par Anne Capestan, flic efficace un tantinet sanguine et retorse à toute forme d’autorité. C’est d’ailleurs son tempérament impulsif qui lui a valu une mise à pied et sa promotion/placard.
Quant au reste de l’équipe je vous laisse le plaisir de la découvrir par vous même, en guise de mise en bouche voilà comment Buron, le divisionnaire, la présente à Capestan :
« — Très bien, Capestan, je vous résume la chose : on nettoie la police pour faire briller les statistiques. Les alcoolos, les brutes, les dépressifs, les flemmards et j’en passe, tout ce qui encombre nos services mais qu’on ne peut pas virer, on le rassemble dans une brigade et on l’oublie dans un coin. Sous votre commandement. En septembre. »
Et plus loin, toujours lors de l’échange entre Buron et Capestan :
« — Agent Santi, en congé maladie depuis quatre ans, capitaine Merlot, alcoolique…
— Alcoolique ? Il va y avoir du monde dans cette brigade…
Buron referma le dossier et le lui tendit.
— Je vous le laisse, vous l’étudierez tranquillement.
Elle le soupesa, il valait bien son Bottin de Paris.
— On est combien ? C’est la moitié de la police, votre « nettoyage » ? »
Les missions de la brigade : enquêter sur les affaires non résolues qui polluent les statistiques des autres brigades. Sauf que non seulement Capestan va devoir faire avec les présumés « tocards » de la Crim’ mais en plus il faudra composer avec un manque totale de moyens et de pouvoirs… On est bien loin de Cold Case ou du Département V :
« Ça, on est moins dans Cold Case que dans Case Cons, renchérit Merlot. »
Bref au final le coup de foudre s’est bien transformé en coup de coeur, coup de coeur accordé avec l’indulgence due à un premier roman. J’espère vivement que nous retrouverons Capestan et sa brigade pour de nouvelles aventures.
Étiquette : Roman policier
MON VERDICT
[BOUQUINS] L.C. Tyler – Mort Mystérieuse D’Un Respectable Banquier Anglais Dans La Bibliothèque D’Un Manoir Tudor Du Sussex
Comme tout challenge que se respecte (en tout cas chez votre humble serviteur), quelques imprévus viennent pimenter le programme. J’en ai déjà quelques uns en vue (des imprévus prévus en quelque sorte… cherchez pas). Je vais commencer par le petit dernier à avoir intégré mon Stock à Lire Numérique, Mort Mystérieuse D’Un Respectable Banquier Anglais Dans La Bibliothèque D’Un Manoir Tudor Du Sussex (c’est bon vous pouvez reprendre votre respiration) de LC Tyler. Troisième enquête du trés atypique duo Ethelred Tressider & Elsie Thirkettle.
Alors qu’Ethelred et Elsie sont invités à une réception, le mâitre des lieux, Robert Muntham, est retrouvé mort dans la bibliothèque, fermée de l’intérieur. La police conclut au suicide mais Ethelred et Elsie décide de creuser la piste du meurtre, auquel cas le coupable ne pourrait être que l’un des huit autres invités présents à la réception…
Intrigue classique type mystère en chambre close, en l’occurrence agrémentée d’une pointe de Cluedo, mais sous la plume de LC Tyler même le scénario le plus classique peut prendre des tournures pour le moins inattendues. Si l’auteur joue à fond la carte de l’humour, il ne néglige pas pour autant l’aspect policier de son intrigue, elle est juste un brin décalée (mais en rien déjantée). Mon allusion au Cluedo n’était pas totalement gratuite, L’agencement de Muntham Court est assez proche du plateau de jeu ; qui plus est l’auteur prend un malin plaisir à brouiller les pistes au fil des pages.
Les habitués retrouveront avec plaisir Ethelred, écrivain de romans policiers un peu maladroit (et limite benêt en présence d’une jolie femme) et Elsie, son agent littéraire, aussi délicate qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine et un sens de la répartie aiguisé. Quant à ceux qui ne les connaissent pas encore, je suis convaincu qu’ils tomberont rapidement sous le charme de ce duo de choc.
On retrouve un récit qui alterne entre les points de vue d’Ethelred et d’Elsie ; outre le changement de police de caractère, le ton employé permet aisément de distinguer les deux personnages. L’auteur adapte véritablement son écriture à ses narrateurs (les différences de point de vue et d’appréciation sont jubilatoires). Cà et là viennent se glisser des chapitres du roman sur lequel Ethelred travaille.
Je ne sais pas si le traducteur ou l’éditeur compte, à chaque nouveau roman de la série, le titre mais si tel est le cas il va falloir prévoir des couvertures plus grandes ! Un bouquin qui se lit tout seul et vous laisse le coeur léger et la tête vide… comme ça fait du bien parfois !
Petits bémols d’ordre purement techniques concernant la version numérique.
Bien que je sois un inconditionnel des éditions Sonatine force est de constater que si leurs ebooks sont de bonne qualité ils restent perfectibles ; ne serait-ce que par l’ajout d’une table des matières complète digne de ce nom. Je sais bien que c’est un détail mais il n’empêche que ça dérange les maniaques dans mon genre (la première chose que je fais après l’achat d’un titre Sonatine ou Super 8 est de mettre la TdM en conformité avec mes attentes via Sigil).
Je vous laisse juge de ce que ça donne en comparant les deux TdM (avant et après) :
J’ai par contre été vachement surpris par la lourdeur de certains codes, notamment dans les pages consacrées au prochain roman d’Ehtelred ; là encore ça ne change strictement en terme de lisibilité du bouquin, mais quand je vois un code pareil ça me colle des frissons… donc je corrige (toujours via Sigil).
A titre d’exemple je vous joint la même portion de texte, avant et après sa réécriture :
Ceci ne m’empêchera pas de rester fidèle à Sonatine, d’autant que leurs catalogue promets encore quelques belles surprises (avec une probable rencontre entre l’Iroquois et le Bourbon Kid… c’est de la balle ! Et du gros calibre !). Et puis j’espère bien y retrouver le prochain LC Tyler (à ce jour il reste encore deux enquêtes d’Ethelred et Elsie inédites en français).
MON VERDICT

[BOUQUINS] Bernard Minier – Le Cercle
Retour en France pour la prochaine étape de mon Challenge retrouvailles, j’ai en effet décidé de me plonger dans Le Cercle de Bernard Minier, seconde enquête du commandant Martin Servaz.
Martin Servaz est appelée par une amie qu’il n’a pas revu depuis plus de vingt ans, elle l’implore de l’aider à prouver que son fils, Hugo, n’est pas l’assassin de sa professeur et probable amante, même si tout semble l’accuser…
C’est avec un réel plaisir que j ‘ai retrouvé Martin Servaz et son équipe, Vincent Espérandieu et Samira Cheung ; un trio pour le moins atypique. Servaz c’est un peu la rencontre entre Sherlock Holmes et l’Inspecteur La Bavure. Un flic brillant et intelligent mais aussi redoutablement maladroit, très mauvais tireur et en proie à un vertige maladif. C’est ce côté profondément humain qui fait que l’on ne peut que s’attacher au personnage et vivre pleinement son enquête.
A la traditionnelle question de savoir s’il est impératif d’avoir lu Glacé avant de se lancer dans ce second roman, je répondrai par le tout aussi traditionnel « ça n’ s’impose pas mais c’est préférable ».
Si vous connaissez déjà Servaz et son univers sans doute vous demandez-vous si Irène Ziegler interviendra dans cette intrigue ; je ne répondrai pas à cette interrogation afin de laisser intact le plaisir de la découverte. De même l’on peut légitimement se demander si Martin Servaz va de nouveau croiser le chemin de Julian Hirtmann, là encore je serai muet comme une tombe de carpe.
Dans cette affaire la fille de Martin, Margot, tient une place nettement plus importante et joue même un rôle actif dans le déroulement de l’intrigue. De l’autre côté de la barrière on ne retrouve pas de personnalité aussi forte que Julian Hirtmann, même Paul Lacaze fait figure de poids plume.
L’intrigue est toujours aussi bien soignée, l’accent est mis sur la psychologie autant que sur l’action, des rebondissements mais moins de véritables surprises que dans le premier opus ; ce qui n’empêche nullement ce roman de mettre la barre très haut. D’autant que cette fois l’enquête prendra rapidement une tournure très personnelle pour Martin Servaz.
Pour la petite histoire l’intrigue se déroule en juin 2010, alors que tous les regards sont tournés vers l’Afrique du Sud et la Coupe du Monde de foot ; compétition au cours de laquelle s’est ridiculisée à tous points de vue. En fait ce n’est pas seulement anecdotique, le contexte a son importance, je vous laisse découvrir le pourquoi du comment de la chose.
De nouveau Bernard Minier utilise son intrigue pour tirer à boulets rouges sur certains dysfonctionnements de la société française…
J’aurai plaisir à me plonger dans N’éteins pas la lumière, la troisième intrigue mettant en scène Martin Servaz… mais pas tout de suite, mon programme à venir est déjà bien chargé.
MON VERDICT

[BOUQUINS] Robert Galbraith – Le Ver A Soie
Mon Challenge retrouvailles poursuit son petit bonhomme de chemin, direction l’Angleterre avec Robert Galbraith (alias JK Rowling) et Le Ver A Soie, la seconde aventure de Cormoran Strike.
Cormoran Strike est contacté par Leonora Quine afin qu’il enquête sur la disparition de son mari, Owen, un écrivain un brin excentrique et un max mégalo. Rapidement Strike va découvrir que toute l’affaire semble tourner autour de Bombyx Mori, un manuscrit qui devait être le prochain roman d’Owen Quine ; un véritable brûlot susceptible d’en énerver plus d’un…
C’est avec plaisir que j’ai retrouvé le duo de choc composé du détective Cormoran Strike et son assistante, Robin Elacott. Une Robin qui aimerait que son patron la prenne davantage en considération en lui confiant un rôle plus important que de simples tâches de secrétariat ; sans le lui dire toutefois. Or, si Strike est un excellent détective il n’est pas particulièrement doué en matière de psychologie humaine, de fait les « ambitions non dites » de Robin sont pour lui une totale abstraction… Voilà qui ne va pas simplifier les relations entre le patron et son employée.
Pour cette nouvelle enquête l’auteur(e) nous entraîne dans le monde de l’édition et le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas vraiment le pays des Bisounours. Un monde que Galbraith / Rowling doit bien connaître puisque c’est celui dans lequel elle évolue. Un monde qu’un des personnages du roman, un auteur à succès, résume en une phrase : « Si vous cherchez des amitiés sincères, généreuses et pérennes, engagez-vous dans l’armée et apprenez à tuer. Si vous préférez des liens éphémères avec des gens qui exercent le même métier que vous et se réjouiront de tous vos échecs, écrivez des romans. »
Comme dans L’Appel Du Coucou on retrouve tous les éléments d’un polar classique, avec une enquête qui avance lentement mais sûrement sans jamais ennuyer le lecteur. Au contraire on va chercher en même temps que Strike à comprendre qui est le ou la coupable ; la seule certitude étant que ce n’est évidemment pas la coupable désignée ! Et une fois de plus l’auteur(e) parvient à nous bluffer avec son coup d’éclat final.
Au niveau des personnages nous avons le droit à une belle brochette de suspects, tous auraient un mobile plus ou moins valable pour se débarrasser d’Owen Quine. Il faut dire que dans son Bombyx Mori l’écrivain n’épargne pas tout ce petit monde.
La plume et le style de l’auteur(e) nous plonge au coeur de l’action, en totale immersion dans un Londres hivernal. On peut regretter certaines longueurs dans les descriptions, mais c’est peut être le prix à payer pour justement se trouver en totale immersion dans le récit et le décor. Pour ma part je me serai volontiers passé des états d’âme de Strike quant à sa relation avec son ex. D’autant qu’ils n’ont plus aucun contact, une fois ça va, deux fois ça passe, mais au bout d’un moment ça devient lourd, voire gavant.
Un polar classique mais bien ficelé et efficace. Je serai fidèle au rendez-vous pour la prochaine enquête de Cormoran Strike ; l’auteur a annoncé vouloir consacré sept romans au duo Strike / Robin (pur hasard ou superstition ce choix de 7 tomes ? Le même nombre de bouquin que pour sa série Harry Potter).
MON VERDICT

[BOUQUINS] Didier Fossey – Burn-Out
Petite entorse à mon challenge retrouvailles (quoique quelque part ce sont mes retrouvailles avec un éditeur) mais les éditions Flamant Noir m’ont fait une proposition (même pas indécente) que je ne pouvais refuser. Je suis bien incapable de dire non quand on propose de m’offrir un livre, en l’occurrence il s’agit du dernier titre ajouté à leur cataloguer, Burn-Out de Didier Fossey. N’ayant jamais été déçu par cet éditeur vous comprendrez mon enthousiasme.
Paris. Avril 2014. Lors d’une planque un flic est tué, pas de témoin et quasiment pas d’indices. C’est Boris Le Guenn, chef de groupe à la BAC du 36 qui se voit chargé de l’enquête. Un emploi du temps surchargé, pas assez d’effectif, une enquête qui s’annonce pour le moins difficile et un de ses hommes aux abonnés absents. Boris Le Guenn et son équipe vont devoir se battre sur plusieurs fronts en même temps…
Avant de commencer je voudrais remercier du fond du coeur Nathalie et les Editions Flamant Noir pour leur confiance et ce cadeau surprise (d’autant que je cherchais à l’acheter mais ne le trouvais sur aucune plateforme de vente). Sachez toutefois que cela n’influencera en rien la totale impartialité de ma chronique.
2014. Année noire pour la Police Nationale en France. 51 policiers se sont donnés la mort, soit dix de plus qu’en 2013 et un chiffre inégalé depuis 2000 (la moyenne annuelle depuis les années 2000 se situe autour de 42 suicides). De plus en 2014 un grand nombre de policiers ont rendu leur arme pour ne pas céder à la tentation de mettre fin à leurs jours.
La grande originalité de ce roman est aussi sa principale force, on suit une intrigue à deux niveaux, d’un côté l’aspect polar pur et dur avec une enquête de police, et de l’autre un très important aspect psychologique et humain via les dérives de Guillaume, un flic à l’avenir prometteur qui part en vrille. Sans nouvelles de leur collègue on partage l’anxièté de ses coéquipiers et notamment celle de Boris qui va chercher à le couvrir autant que faire se peut. C’est de loin le polar le plus humain qu’il m’ait été donné de lire, cette approche lui donne un petit côté polar nordique (mais non pas ch’ti ! Plus haut, du côté de la Scandinavie).
Un polar profondément ancré dans une réalité parfois franchement glauque. Le flic est avant tout un être humain avec ses forces et ses faiblesses, sauf qu’on attend de lui qu’il fasse abstraction de ces dernières pour ne mettre en avant que la force et l’assurance de la fonction qu’il occupe. Outre la réalité du burn-out qui peut parfois conduire au suicide, l’auteur nous présente la dure réalité, conséquence des restrictions budgétaires à répétition, le boulot augmente mais les effectifs diminuent et les moyens ne répondent plus aux besoins. Enfin il nous fait vivre intensément la douleur de ceux qui perdent un collègue, tué dans l’exercice de ses fonctions, des drames qui sont malheureusement bien souvent eux aussi la conséquence des coupes financières. Un état des lieux déplorable qui ne devrait pas vous laisser indifférent, pas un réquisitoire contre X ou Y pour autant, un constat juste et froid.
Mais rassurez-vous, l’intrigue policière n’est pas pour autant laissée pour compte. Elle vous prendra aux tripes au fur et à mesure de son avancée et devrait vous réserver quelques surprises de taille.
Je ne le savais pas avant de lire la bio de l’auteur à la fin du bouquin mais Didier Fossey a été flic à la BAC de Paris. Ce qui explique le même réalisme que celui ressenti en lisant Olivier Norek. Ils savent de quoi ils parlent et en parlent avec le coeur et les tripes.
Vous trouverez d’autres similitudes entre le « Groupe Coste » et le « Groupe Le Guenn« , une complicité qui va bien au-delà de la simple relation professionnelle et des individualités qui se complètent. La fin laisse supposer que l’auteur compte faire revenir le « Groupe Le Guenn » sur les devants de la scène dans un prochain roman, je l’espère de tout coeur.
Pour le moment le catalogue Flamant Noir affiche un sans faute remarquable. Encore merci à Nathalie B. pour cette sublime découverte et sa confiance. Au risque de me répéter cette chronique des plus élogieuses a été rédigée en toute impartialité. Ce n’est pas de ma faute si ce polar est tout bonnement excellent !
Je profite aussi de l’occasion de féliciter à nouveau ChrisEbouquin pour son travail de numérisation ; comme dans Kind of Black vous aurez le droit à un petit bonus sonore avec la version epub du roman.
Je concluerai cette (longue) chronique en citant Franck Evrard, un des personnages du roman, flic à la BAC depuis vingt cinq ans et surtout supérieur et ami de la victime, qui dresse un portrait sans concession de sa vie de flic : « On a un métier à la con, on s’y donne à fond. Les gonzesses, elles comprennent pas. On se blinde, on devient comme tu dis « insensibles », car nos fantômes nous poursuivent. On n’a plus d’amis en dehors de la boîte, nos femmes nous quittent parce qu’on ne les fait plus rêver, et quand sonne l’heure de la retraite, on se retrouve tout seuls. (…) Regarde ma gueule… je suis gris. T’as vu mes yeux ? C’est pas des valises, c’est des malles qu’il y a en-dessous. Il paraît que dedans y’a toute la tristesse du monde, et pourtant je ne suis pas triste. Non… Ce sont simplement toutes les horreurs que j’ai vues en vingt-cinq ans, mon pote. Toutes les misères que j’ai côtoyées, tous les désespoirs que j’ai rencontrés qui se sont imprimés-là. »
Suivi quelques chapitres plus loin par ce constat : « “Tous les flics ont des cauchemars, ça fait partie du paquetage”, avait dit un jour Olivier Marchal, ancien policier devenu réalisateur de films à succès. Le problème, c’est qu’au départ le flic n’est pas prévenu que le paquetage s’alourdira au fil des ans, et rien n’est prévu pour les ranger, ces foutus cauchemars. Alors certains, comme Franck, mettent une carapace, s’endurcissent et le payent dans leur vie privée. D’autres se laissent déborder, et à défaut de sac pour y mettre leurs peurs, leurs angoisses et les problèmes personnels qui en découlent, se servent de leur arme pour en terminer, à raison d’une quarantaine par an, toutes forces de police confondues. »
MON VERDICT


[BOUQUINS] Olivier Norek – Territoires
Comme annoncé précédemment je reste en compagnie du SDPJ 93 avec Territoires, le second roman d’Olivier Norek mettant en scène Victor Coste et son équipe.
Trois gros dealers notoires sont éliminés à Malceny, plaque tournante de la drogue dans le 9-3. Le Boss, nouveau caïd des lieux, est bien décidé à imposer sa mainmise sur ses nouveaux territoires, quitte à mettre le département à feu et à sang. Face à la menace d’embrasement, Coste et son équipe savent qu’ils doivent agir vite…
Si par le plus grand des hasard Code 93 vous avait donné envie de déménager dans le 93 (qui sait peut-être que mon lectorat compte quelques dépressifs suicidaires) je suis convaincu que Territoires fera renoncer même les plus motivés (et les plus suicidaires). Dans son premier roman Olivier Norek nous offre un portrait peu ragoûtant de la Seine-Saint-Denis mais ce n’était que la partie visible de l’iceberg, ici il nous plonge le nez au coeur des cités, des trafics en tout genre, de la corruption à tous les niveaux… Et ce avec un réalisme saisissant mais, espérons-le (sans trop y croire), dans une version empirique pour les besoins de son intrigue.
On retrouve une intrigue totalement maîtrisée et toujours aussi ancrée dans la réalité du milieu policier et judiciaire. Une ambiance beaucoup plus tendue que dans Code 93, mais heureusement Coste et son équipe ne manquent jamais d’un bon mot pour faire retomber la tension.
Rien à redire au niveau des personnages, l’équipe est toujours aussi complémentaire et efficace. Des personnages profondément humains, loin des super-flics made in Hollywood. Quant au méchant de service (le vrai pas les raclures dévouées aux basses oeuvres), le fameux Boss, bien malin si vous découvrez son identité avant qu’elle ne soit révélée. Pour ma part un gros coup de coeur pour le personnage de Jacques mais je n’en dirai pas plus (oui je sais, c’est frustrant).
Comme dans la vraie vie rien n’est jamais complètement blanc ou complètement noir, on navigue plutôt entre différentes nuances de gris (avec parfois tout de même du gris très foncé). De fait les fins d’enquêtes ne sont pas toujours aussi idéales que ce que l’on pourrait souhaiter, il faut savoir faire des concessions et composer avec la réalité du terrain.
Ce second roman confirme, voire même amplifie, mon appréciation plus que positive sur les talents de narrateur d’Olivier Norek et mon attachement au personnage de Victor Coste. Vivement le prochain !
S’il est une chose que je ne supporte pas et pour laquelle je prône la Loi du Talion (si, si, je sais exactement de quoi il s’agit) c’est bien la maltraitance sur les animaux. Donc si dans un roman je croise un personnage qui torture un animal vous pouvez être assuré que je le prendrai définitivement en grippe ; ma seule hâte sera d’arriver à la mise à mort du tortionnaire avec le fol espoir qu’elle sera au moins aussi violente que celle infligée à l’innocente bestiole. Si vous ajoutez à cela que ledit personnage est de toutes façons une ordure finie totalement irrécupérable vous comprendrez que ma hâte n’en est que décuplée. Mes attentes furent-elles satisfaites ? J’ai la réponse mais je ne peux la partager avec vous (rien à voir avec le politiquement correct ou une quelconque forme d’hypocrisie, c’est juste pour garder intacte la surprise).
[BOUQUINS] Olivier Norek – Code 93
Je reste dans le polar Made in France mais cette fois je passe du journaliste-écrivain au flic-écrivain avec Olivier Norek et son premier roman Code 93.
Coup sur coup Victor Coste, capitaine à la PJ de Seine-Saint-Denis, est confronté à deux scènes de crimes hors normes. Pour couronner le tout il reçoit des lettres anonymes l’orientant vers des affaires mystérieusement classées…
Un polar écrit par un flic on peut s’attendre à du lourd, et surtout à de l’ultra-réaliste, mais un scénario en béton ne fait pas tout, il faut aussi savoir le garnir, lui donner des formes et lui insuffler du rythme pour accrocher le lecteur. Olivier Norek a-t-il relevé le défi avec succès ? Réponse dans les lignes qui suivent…
L’auteur nous livre une intrigue en béton, sans le moindre temps mort et avec son lot de surprises (même si j’avais de sérieux soupçons sur le coupable et ses motivations avant que l’on ne l’apprenne par l’auteur). Ajoutez à cela une parfaite maîtrise de son sujet et un style parfaitement adapté au genre (pas de fioritures inutiles, direct mais travaillé) et vous aurez un premier défi relevé haut la main.
Victor Coste est un personnage hautement attachant, un homme blessé qui se donne à fond dans son boulot et prêt à tout pour son équipe. Et quelle équipe ! Sam, Ronan et même la nouvelle recrue, Johanna, se complètent à merveille et font front solidaires, qu’importe les circonstances. leur boss les couvre, ils couvrent leur boss. Sans oublier bien sûr Léa Marquand, la jolie légiste qui ne laisse pas Coste indifférent même s’il s’efforce de rester de marbre en sa présence.
Quid du titre ? Impossible de répondre à la question sans en dire trop, je vous laisse découvrir la chose par vous même. Si la chose existe effectivement ça a de quoi faire froid dans le dos… le pire étant sans doute que ça ne m’étonnerait pas outre mesure !
Après Mallock et son commissaire homonyme, je crois bien que Olivier Norek a réussi à faire entre un deuxième flic dans mes coups de coeur. Je crois ? Non c’est une certitude puisque je compte bien enchaîner avec Territoires, son second roman.
Que Olivier Norek soit apte à se mettre dans la peau d’un flic est plutôt rassurant vu qu’il a passé quinze ans à la PJ du sulfureux 9-3 ; mais ce n’est pas son seul talent, il est aussi très doué pour se mettre dans la peau d’un chat, jugez plutôt : « L’effet conjoint de la porte qui explose, frappant violemment contre le mur, et de la luminosité aveuglante qui envahit l’entrée de la maison, fit sursauter le chat à la limite de l’attaque cardiaque. Il entreprit un sprint sur place, ses pattes glissant sur le sol sans pour autant avancer, puis finit par se prendre le mur en pleine gueule avant de regrimper les escaliers en deux sauts successifs. » (Chapitre 16)
[BOUQUINS] Jacques Expert – Deux Gouttes D’Eau
Retour au polar made in France pour ma prochaine escapade littéraire, en compagnie de Jacques Expert et son dernier roman, Deux Gouttes D’Eau.
Elodie Favereau, 27 ans, est sauvagement assassinée à coups de hache. La vidéo-surveillance permet d’identifier rapidement son assassin : Antoine Deloye, son fiancé. Sauf que celui-ci accuse son frère jumeau, Franck. Pour les commissaires Laforge et Brunet, en charge de l’affaire, une enquête qui s’annonçait simple va se transformer en un inextricable sac de noeuds…
Je suis Jacques Expert depuis qu’il est publié chez Sonatine, c’est donc ma troisième incursion dans son univers littéraire et, autant vous le dire franco, c’est sans la moindre hésitation que je me suis jeté sur ce bouquin (les deux précédents m’ayant fait forte impression).
L’intrigue se découpe selon trois axes, un huis-clos particulièrement tendu au sein du commissariat tandis que les deux frères et les témoins sont entendus par les enquêteurs, l’enquête de terrain pour tenter d’y voir plus clair et enfin de nombreux flashbacks qui nous font découvrir l’enfance et l’adolescence des jumeaux Deloye.
Une intrigue qui repose sur cinq personnages. Franck et Antoine Deloye d’abord, des jumeaux qui sont tout sauf attendrissants, et ceux dès leur plus jeune âge. Des personnalités complexes, impossibles à déchiffrer. Qui dit la vérité ? Qui ment ? Qui est coupable ? Qui est innocent ? Et pour finir : y-a-t-il vraiment un innocent et un coupable ? Une fois l’un, une fois l’autre puis ni l’un ni l’autre… Quoi qu’il en soit les frères Deloye devraient vous faire froid dans le dos.
Du côté des enquêteurs on retrouve les deux commissaires en charge de l’enquête, Robert Laforge et Etienne Brunet. Le second évolue volontairement dans l’ombre du premier mais il est aussi le seul capable de contenir les élans du boss. Parce que le Laforge est un sanguin ! En proie à de fréquentes crises de colère, mais redoutablement efficace, il est à la fois craint et respecté par son équipe. Autant dire que ses confrontations avec les jumeaux ne vont pas arranger son doux caractère.
Et puis il y a Hervé Pauchon, jeune lieutenant ambitieux, le petit nouveau de l’équipe Laforge mais pas de bol le boss l’a d’ores et déjà pris en grippe. C’est lui qui va se démener sur le terrain pour essayer de prouver sa valeur, au risque de se brûler les ailes.
Avec une base relativement minimaliste (un macchab et deux suspects), Jacques Expert, réussit à nous tenir en haleine et à nous amener à maints questionnements et remises en question ; dès qu’une hypothèse germe on se voit contraint de la rejeter quelques pages plus tard ; il maîtrise son intrigue d’une main de maître et nous mène par le bout du nez. Un polar à la limite du thriller psychologique tant il jouera avec vos nerfs.
La fin est conforme au reste de l’intrigue : machiavélique à souhait. En ouvrant ce bouquin j’attendais du polar de haut de gamme, mes attentes ont été comblées… et plus encore !
Je signalerai juste un défaut récurrent dans les versions numériques proposées par Sonatine : l’absence de table des matières. C’est quand même vachement pratique quand on cherche un passage de pouvoir filer directement au chapitre où il se trouve (plus ou moins) plutôt que de faire défiler les pages avec un curseur. Pour certains ça restera un détail insignifiant, pour les e-lecteurs maniaques c’est un manque de respect (et du boulot en plus puisque dans ce cas je l’ajoute manuellement).
[BOUQUINS] Paul Colize – Un Long Moment De Silence
En début d’année j’avais eu un bon gros coup de coeur pour Back Up, le premier roman de Paul Colize, je m’étais donc promis de garder un oeil sur le gars. Promesse tenue puisque j’ai eu l’occasion de me plonger dans Un Long Moment De Silence, son roman suivant.
Après une émission télé dans laquelle il présentait son livre consacré à la Tuerie du Caire, en 1954, où plusieurs personnes, dont son père, furent tuées, Stanislas Kervyn reçoit un appel qui remettra en cause toutes ses certitudes. Quel est le lien entre Stanislas et Nathan Katz, un rescapé des Camps de la Mort établi aux Etats-Unis depuis 1948 ?
De nouveau l’auteur nous embarque dans une double intrigue. D’un côté on suit Stanislas Kervyn, de nos jours, et les rebondissements de son enquête sur la Tuerie du Caire ; cette partie est écrite à la première personne, comme si elle était racontée par Stan. D’autre part on assiste à l’arrivée de Nathan Katz sur le sol américain en 1948 et à son parcours ; cette fois c’est écrit à la troisième personne. Et de nouveau, la même question que lors de la lecture de Back Up vient nous turlupiner : quel rapport entre Stanislas et Nathan ? On suppose un lien possible assez rapidement, mais gare à ne pas tirer de conclusion trop hâtive. L’auteur a plus d’un tour dans son sac quand il s’agit de brouiller les pistes.
Autre point commun avec Back Up (promis après j’arrête les comparaisons), les titres des chapitres sont en fait les derniers mots du chapitre ; ça doit être la marque de fabrique de l’auteur…
Le personnage de Stanislas Kervyn apparait totalement antipathique dès les premières pages, un connard nombriliste, égocentrique et misogyne. L’archétype de la tête à claques en puissance. Une seule chose l’intéresse (à part se vider les couilles le plus souvent possible et sans sentimentalisme) : résoudre le mystère qui entoure la mort de son père. Avec lui on déterre mes secrets de familles jusqu’à trouver le fin mot de l’histoire.
A contrario Nathan Katz est tout suite attachant, pas seulement à cause de son douloureux passé, on découvre une homme de conviction, profondément humain. Mais lui aussi est bouffé par une obsession, son désir de vengeance envers les criminels de guerre restés impunis, quitte à franchir la ligne blanche pour parvenir à ses fins. En sa compagnie on voyage dans le passé et l’Histoire, de 1948 à nos jours.
C’est pas vraiment le genre d’indice qui va nous aider à lier les deux intrigues. Mais rassurez vous l’auteur viendra en temps et en heure éclairer notre lanterne.
Encore une fois difficile de caser ce roman dans un genre particulier tant il est riche, comme sur la couv’ c’est écrit policier on va dire ça ; c’est vrai que les démarches respectives de Stanislas et Nathan tiennent de la véritable enquête de police (sauf qu’elles ne sont pas réalisées par des flics… bah juste un détail insignifiant). Quoi qu’il en soit l’auteur nous offre un petit bijou parfaitement ciselé (aussi bien dans sa construction que dans son écriture) et surtout hautement addictif.
En lisant la note au lecteur en fin de roman (ne la lisez pas avant sacrebleu, si elle est à la fin c’est pas pour faire joli… couillon va !) on réalise l’importance que doit avoir ce roman pour son auteur. Mais je ne peux en dire plus au risque de vous mettre sur la voie.
Deuxième incursion dans l’univers littéraire et deuxième coup de coeur (à force de coups de coeur je vais finir par me faire un infarct), il ne me reste plus qu’à attendre que son dernier opus ne vienne se prendre dans les mailles de mon Stock à Lire Numérique. Je ne suis pas certain que les romans écrits avant Back Up soient disponibles en France… et j’ai bien assez de livres qui s’accumulent en attendant que je daigne jeter mon dévolu sur eux.
[BOUQUINS] Nadine Monfils – Les Vacances D’Un Serial Killer
Inutile de vous préciser que la situation de mon Stock à Lire Numérique ne s’arrange pas, la lutte est rude pour se hisser sur la première marche du podium, d’autant qu’il y a du beau monde en lice (dont Mallock et Glenn Cooper pour ne citer que les petits nouveaux). Finalement, et contre toute attente, c’est un challenger (ou plutôt une challenger) venu(e) du plat pays qui sera l’heureux(se) élu(e). And the winner is… Nadine Monfils, avec Les Vacances D’Un Serial Killer, premier titre de l’auteure qui nous permet de découvrir les exploits de Mémé Cornemuse (comme j’ai aussi les trois suivants en stock ça aide, forcément). Qui plus est c’est aussi l’occasion d’apporter une touche d’exotisme à mon univers littéraire…
Pour Alfonse et Josette, le couple Destrooper, pas question de rater les incontournables vacances à la Mer du Nord ; leurs ados, Steven et Lourdes ne partagent pas le même enthousiasme vis-à-vis de ces vacances en famille. Puis il y a Mémé Cornemuse, la mère de Josette, qui les accompagne dans sa caravane, une grand-mère tout feu tout flamme qui n’a pas froid aux yeux. Les vacances commencent mal, Josette se fait piquer son sac par un motard ; plus tard, dans les toilettes d’une aire de repos, les gamins vont tomber sur le cadavre du voleur. Et les vacances ne font que commencer…
Bien que le bouquin soit estampillé polar ne vous attendez pas à des poussées d’adrénaline ou à une surchauffe neuronale face à une intrigue tarabiscotée, Nadine Monfils annonce la couleur dès les premières pages, c’est à vos zygomatiques qu’elle en veut ! Et la bougresse sait s’y prendre pour les muscler à tout bout de champs, qu’il s’agisse de ses personnages hauts en couleur ou des situations toutes plus improbables les unes que les autres, vous n’avez pas fini de vous marrer en lisant les tribulations de Mémé Cornemuse.
Il faut bien reconnaître que tout l’intérêt du bouquin réside dans les nombreuses péripéties de la mamie, le reste de la famille Destrooper ne mérite guère que l’on s’attarde sur leur cas ; le couple est un modèle de beauf-attiitude et les deux ados, des glandeurs-nés. La vieille est un personnage hors du commun, pas vraiment portée sur la morale et le politiquement correct. J’aurai plaisir à la retrouver afin d’en apprendre d’avantage sur ce curieux spécimen (pour le moment on sait essentiellement d’elle qu’elle est fan d’Annie Cordy).
Comme souvent quand un(e) auteur(e) veut jouer la carte de l’humour il ne doit pas s’encombrer de fioritures stylistiques, Nadine Monfils ne déroge pas à la règle, la lecture est d’une remarquable fluidité (lu dans la journée) et l’on quitte ce bouquin le coeur léger et un sourire presque béat aux lèvres. A défaut d’être un chef d’oeuvre ça n’en reste pas moins un agréable divertissement, ne serait-ce que pour ça j’en redemande !
Je pourrai même avancer comme argument de vente que le bouquin a aussi un rôle hautement instructif, il nous permet de nous familiariser avec le parler belge (il ne manque que l’accent). L’auteure en profite aussi pour lancer quelques piques vers les flamands, difficile d’affirmer si c’est uniquement le ressenti de certains de ses personnages ou si elle partage ces opinions ; de toute manière c’est bien là le cadet de mes soucis, comme tout à chacun, Nadine Monfils a le droit d’avoir ses opinions et de les exprimer.