[BOUQUINS] Adeline Dieudonné – La Vraie Vie

AU MENU DU JOUR

A. Dieudonné - La vraie vie
Titre : La Vraie Vie
Auteur : Adeline Dieudonné
Éditeur : L’Iconoclaste
Parution : 2018
Origine : Belgique
265 pages

De quoi ça cause ?

Une adolescente (la narratrice) et son petit frère, Gilles, vivent une vie insouciante entre une mère qui semble avoir renoncé à tout et un père colérique et violent.

La vie des enfants va basculer suite à un tragique accident. Profondément marqué, Gilles se renferme sur lui même, renonçant ainsi à l’innocence et l’insouciance de l’enfance. Sa sœur va remuer ciel et terre pour sortir son petit frère des ténèbres dans lesquels il semble s’enfoncer chaque jour davantage…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce qu’il fait partie de ces titres injustement oubliés de la rentrée littéraire 2018 que je m’étais promis de lire… Dans les semaines à venir, il va y en avoir d’autres dans la même situation.

Ma Chronique

Au départ c’est la couv’ qui m’a attiré, non qu’elle soit particulièrement belle (ni particulièrement moche) ; elle m’a intrigué plus qu’autre chose. Il ne faut pas grand-chose pour déclencher l’envie d’ouvrir un bouquin…

Mais un visuel alléchant ne fait tout… Malgré les réactions quasi unanimement enthousiastes sur le web (Babelio et blog litt’), j’ai maintes fois remisé ce bouquin dans mon Stock à Lire Numérique avant d’en choisir un autre. Pourquoi donc me demanderez-vous (à moins que vous ne vous foutiez comme de l’an mil de ce que je vous raconte) ? Disons que le pitch ne m’attirait pas outre mesure et que j’ai tendance à me méfier des trucs qui font l’unanimité (en bien comme en mal) ; grosso modo je craignais un bouquin très bien écrit, mais dans lequel il ne se passe pas grand-chose…

Monumentale erreur comme dirait l’autre ; je vous parle d’un temps, que les moins de 20 ans, ne peuvent pas connaître… cherchez pas, Aznavour n’a jamais chanté Monumentale erreur ! C’est la réplique favorite de Jack Slater, incarné par Arnold Schwarzenegger, dans le film Last Action Hero (John McTiernan – 1993).

Mais revenons à nos moutonsse (référence cette fois à la pièce Topaze de Marcel Pagnol) et cessons sur le champ ces futiles digressions…

Les premières pages nous décrivent en effet le quotidien des enfants, une vie d’enfants dans un monde d’enfants, une vie normale quoi (pas facile à instaurer quand on doit subir des parents tels que les leurs). Et v’là t’y pas qu’un jour comme un autre, le frère et la sœur sont témoins d’un accident bête, tragique, explosif, sanglant… Réfléchissez bien la prochaine que vous commanderez une glace, un geste innocent et banal peut être lourd de conséquences ! J’dis ça, j’dis rien ; mais quand même…

Le pivot du roman est cette famille pas vraiment comme les autres (heureusement), deux enfants quasiment livrés à eux-mêmes ; entre une mère qui vit et subit dans son monde à elle sans jamais protester (une amibe comme se plait à la décrire la jeune narratrice), et un père froid, autoritaire, colérique et violent (et accessoirement chasseur/tueur et collectionneur de trophées de chasse).

Ah ce père… Comme j’ai adoré le détester, de la première à la dernière page du roman, ça a été littéralement viscéral, à chacune de ses apparitions j’ai eu des envies de meurtre ! Et de préférence avec une mise à mort lente et douloureuse ! Une pourriture abjecte et amorale, un pur concentré de jus de merde, avec la pulpe !

Pas vraiment de haine contre la mère, plutôt une colère sourde à l’encontre de ses renonciations et de sa résignation ; une méchante envie de la secouer et de lui gueuler de se sortir les doigts du cul !

J’avoue sans honte que parfois j’ai aussi eu envie de botter le cul du frangin. J’y peux rien, mais quand on touche aux animaux mes instincts les plus primaires remontent à la surface ; présentement le coup de pied au cul serait plutôt une entrée à la matière, juste avant de lui raclée qu’il ne sera pas prêt d’oublier.

Et puis il y a la fille ; qui ne s’appelle pas Frida, n’en déplaise à Jacques Brel… d’ailleurs on ne sait pas comment elle s’appelle et on s’en fout. Une gamine obligée de grandir trop vite pour survivre dans cette famille, une gamine qui ne renoncera jamais à sauver son frère. Une véritable force de la nature et un rayon de soleil au milieu des ténèbres et du désespoir. Et il lui en faudra de la volonté et de la force pour surmonter les nombreux obstacles qui se dresseront sur son chemin.

Bin oui, on en prend plein la gueule avec ce bouquin ! La faute à une narration parfaitement maîtrisée qui saura vibrer les bonnes cordes émotionnelles chez le lecteur et le prendra même parfois aux tripes. Je ne m’attendais pas à un tel tourbillon d’émotions, quelle claque !

Pour un premier roman, on ne peut que s’incliner devant le talent d’Adeline Dieudonné. Impossible de rester indifférent face à ce bouquin, impossible de ne pas craquer pour cette jeune narratrice ! Décidément cette jeune auteure belge vous laissera sur le cul, un sourire béat aux lèvres (oui je sais, on a l’air con dans cette position… mais c’est pour la bonne cause).

De là à qualifier cette lecture d’indispensable il n’y a qu’un pas… et je serai tenté de le faire. Vous avez des doutes ? Lisez-le et on en reparlera.

MON VERDICT
Coup double

[BOUQUINS] Michael Farris Smith – Le Pays Des Oubliés

AU MENU DU JOUR

M. Farris Smith - Le Pays Des Oubliés
Titre : Le Pays Des Oubliés
Auteur : Michael Farris Smith
Éditeur : Sonatine
Parution : 2019
Origine : USA (2018)
256 pages

De quoi ça cause ?

Jack Boucher est marqué physiquement et moralement par des années de combats clandestins et ses multiples addictions. Sa mémoire aussi commence à se déliter, tout comme celle de sa mère adoptive, Maryann, qui vit ses derniers jours, ravagée par la maladie d’Alzheimer…

Jack aussi sait qu’il n’en a plus pour longtemps, il espère juste avoir le temps de sauver la propriété de Maryann, menacée de saisie par les banques ; mais non seulement Jack est fauché comme les blés, mais il doit aussi une forte somme d’argent à Big Momma Sweet, qui règne sans partage sur tout ce que le Delta du Mississippi a d’illégal et compte bien récupérer son argent, d’une façon ou d’une autre…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonatine, un éditeur que je classe sans hésitation parmi les valeurs sures rapport à mes goûts.

Parce que je n’ai pas encore eu l’occasion de découvrir Michael Farris Smith, mais que j’ai lu çà et là de nombreux retours positifs relatifs à son précédent roman, Nulle Part Sur La Terre.

Sonatine et Net Galley ayant donné une suite favorable à ma demande, je profite de l’occasion pour découvrir ce titre en avant-première (parution le 17 janvier).

Ma chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Sonatine et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Le titre fait référence à ce trou perdu qu’est le delta du Mississippi, un bled où les oubliés en tout genre essayent tant bien que mal de survivre. J’avoue que je trouve le titre original, The Fighter, beaucoup plus parlant et parfaitement raccord avec le bouquin.

Vous l’aurez sans doute compris la couleur dominante de ce roman est le noir, un noir absolu qui ne laisse pas beaucoup de place à l’espoir. D’autant que bien souvent quand une lueur d’espoir apparaît elle est rapidement balayée par un accident de parcours (ou un mauvais choix).

L’essentiel du récit se construit autour du personnage de Jack. Un mauvais départ dans la vie (abandonné par ses parents, il enchaînera les séjours en foyer et en familles d’accueil) fera de lui un ado difficile. Sa rencontre avec Maryann aurait pu être l’occasion de repartir sur des bases meilleures, mais ses choix personnels l’écarteront du droit chemin.

Je serai tenté de dire que la suite de son parcours ne sera qu’une succession de mauvais choix. Sans forcément être tenté de le blâmer, j’ai tout de même eu du mal à éprouver un semblant d’empathie pour le personnage ; je me contenterai, à son égard, d’une forme d’indifférence bienveillante.

L’autre personnage clé du roman est Annette, une jeune femme couverte de tatouages qui suit son propre chemin de vie au gré de ses humeurs et inspirations du moment ; un irrépressible besoin de liberté qui lui interdit toute attache.

L’auteur nous offre une description sans concession du côté obscur du rêve américain, sur ce point il nous prend aux tripes et nous en fout plein la gueule. Mais (bin oui, il faut un, mais sinon ça ne serait pas marrant) j’ai été parfois perturbé par certaines lourdeurs de style dans la narration ; par exemple :

– Succession de « et » dans une même phrase : Il se tortilla et se retourna et parvint à ramener ses pieds sous lui et à couper le moteur.

– Phrases parlées intégrées directement à la narration : Skelly déclara Ça m’irait si on continuait de rouler un peu. Ça intéresse pas exactement ma bonne femme de me voir.

Mon plus gros reproche serait toutefois un final beaucoup trop prévisible, je ne m’attarderai pas sur ce point au risque de trop en dire. Disons simplement que quand la phase finale s’initie on sait d’ores et déjà comment elle va se terminer.

Malgré ces quelques bémols je referme ce bouquin globalement satisfait de ma découverte.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Jedidiah Ayres – Les Féroces

AU MENU DU JOUR


Titre : Les Féroces
Auteur : Jedidiah Ayres
Éditeur : Les Arènes
Parution : 2018
Origine : USA (2013)
128 pages

De quoi ça cause ?

Politoville est une enclave paumée entre les States et le Mexique, un no man’s land sans existence officielle. La seule loi qui y règne est celle du maître des lieux, un caïd du crime organisé. Les gringos viennent pour s’y faire oublier et se débaucher à moindre coût. Alcool, drogues et prostituées sont à leur disposition. D’ailleurs les seules femmes présentes sur place sont ces prostituées, de simples marchandises (mal)traitées comme de vulgaires morceaux de barbaque.

Quand l’une d’elles réussit à échapper à cet enfer, c’est l’étincelle qui mettra le feu aux poudres..

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Pour commencer l’année en douceur avec un court roman tout en restant dans l’univers du noir.

C’est la couv’ qui, la première, a attisé ma curiosité, la quatrième de couv’ a fini de me convaincre.

Ma chronique

Je ne suis jamais parfaitement à l’aise quand il s’agit de rédiger la chronique d’un roman court ou d’une nouvelle. Même quand, comme dans le cas présent, je quitte cette lecture avec un ressenti globalement positif.

Le bandeau du roman cite son auteur qui définit son récit comme « la plus belle histoire d’amour qu’il ait jamais écrite« . S’agissant de son premier roman traduit en français, on ne peut que se fier à sa parole… mais ne cherchez pas une once de romantisme ou un soupçon de guimauve dans ces quelques pages, ici tout est noirceur et violence. La mort est omniprésente, mais jamais naturelle ou douce ; Jedidiah Ayres doit être un adepte de l’amour vache !

Le bouquin se divise en trois parties, chacune offrant un point de vue différent sur cette antichambre de l’enfer qu’est Politoville ; trois récits distincts reliés par un fil rouge. Des personnages aux personnalités taillées au scalpel (il faut bien ça pour survivre dans un pareil contexte), une écriture brute (voire brutale) sans fioriture, mais tout en puissance. Tout est fait pour vous plonger au cœur de l’action, et ça fonctionne impeccablement. Il y a même quelque chose de lyrique (de presque beau oserai-je dire) qui sublime cette noirceur.

Un roman court tout en intensité ; on en vient même à se demander comment l’auteur fait tenir un tel concentré de sensations en une centaine de pages. Un grand merci à Antoine Chainas, le traducteur, qui restitue parfaitement cette ambiance oppressante qui nous prend aux tripes dès la première page et ne nous lâche pas avant le clap de fin.

Je découvre la collection Equinox avec ce titre, d’autres sont d’ores et déjà présents dans mon Stock à Lire Numérique ; il me tarde de les découvrir s’ils sont tous aussi intenses.

MON VERDICT
Coup de poing

 

[BOUQUINS] Don Winslow – Corruption

AU MENU DU JOUR

D. Winslow - Corruption

Titre : Corruption
Auteur : Don Winslow
Éditeur : Harper Collins
Parution : 2018
Origine : USA (2017)
592 pages

De quoi ça cause ?

Denny Malone est le chef de la Task Force, une unité d’élite du NYPD, chargée de lutter contre les gangs et les trafics de drogues et d’armes dans North Manhattan. Une mission qui nécessite parfois d’être borderline, voire de franchir la ligne jaune, mais on ne fait d’omelette sans casser des œufs.

Denny Malone vient d’être arrêté par le FBI. Les gros bonnets tremblent… des deux côtés de la barrière. S’il chute, Malone ne tombera pas seul…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que ça fait un moment que j’ai envie de découvrir l’univers littéraire de Don Winslow. J’ai failli franchir le cap lors de la parution de Cartel, mais j’ai remis à plus tard en découvrant que c’était la suite de La Griffe Du Chien.

Corruption étant un one-shot j’ai sauté sur l’occasion…

Ma chronique

Magique. C’est le premier mot qui me vient à l’esprit si je devais définir la plume de Don Winslow. En quelques lignes à peine j’ai été en totale immersion dans le récit, en immersion dans l’équipe de la Task Force. J’ai eu l’impression de patrouiller avec eux dans les rues de Manhattan, de partager leurs (nombreux) succès, mais aussi leurs (rares) échecs. De faire partie intégrante de cette équipe qui pourrait quasiment se définir comme une Fraternité, dans le sens le plus noble du terme, vu la force des liens qui unissent ces hommes.

Denny Malone était bien le dernier homme au monde que l’on pouvait s’attendre à voir finir dans une cellule du Metropolitan Correctional Center, sur Park Row.
Vous auriez dit le maire, le président des États-Unis, le pape… Les habitants de New York auraient parié qu’ils les verraient derrière les barreaux avant l’inspecteur-chef Dennis John Malone.
Un héros de la police.
Le fils d’un héros.
Un vétéran de l’unité d’élite du NYPD.
La Manhattan North Special Task Force.
Et, surtout, un type qui savait où étaient cachés tous les squelettes, car il en avait lui-même enterré la moitié.

Ainsi commence Corruption, le dernier roman de Don Winslow. Comment Malone s’est-il retrouvé dans une prison fédérale ? Quels sont les enjeux ? Qui tire les ficelles ? C’est que nous allons découvrir au fil des chapitres suivants.

Rarement dans un roman j’ai croisé un type aussi charismatique que Denny Malone, et pourtant le gars n’est pas un saint, loin s’en faut ! S’il franchit parfois (souvent ?) la ligne jaune, ce n’est pas uniquement pour satisfaire les ambitions de ses supérieurs ; après tout c’est lui et son équipe qui patrouillent dans les rues et n’hésitent pas à mettre les mains dans le cambouis tandis que des ronds de cuir attendent des résultats, le cul vautré dans de confortables bureaux. Alors, pourquoi ne pas en tirer quelques profits quand l’occasion se présente ?

Il a fallu du temps, du forcing et de l’influence, mais la Manhattan North Special Task Force a vu le jour.
Sa mission est simple : reprendre possession des rues.
Malone en connaît la devise cachée : on se fout de ce que vous faites, et de comment vous le faites (du moment que ça ne se retrouve pas dans les journaux), mais empêchez les animaux de sortir de leurs cages.

C’est ainsi que les illusions s’envolent, pas après pas Malone et son équipe franchissent la ligne de démarcation, chaque pas les éloigne davantage du droit chemin… Alors oui on est bel et bien en présence de flics corrompus, des ripoux, mais des ripoux que l’on ne peut s’empêcher de comprendre, voire même d’approuver. Comme le dit fort justement l’accroche du bouquin en quatrième de couv’ : « Quand tout le système est pourri, autant jouer selon ses propres règles« .

L’écriture de Don Winslow est pour beaucoup dans cette profonde empathie que l’on ressent pour ses personnages, et tout particulièrement pour Malone. Bien qu’écrit à la troisième personne, l’auteur nous place dans la tête de son héros, nous invitant même à partager ses impressions à chaud.

Et en matière de coups de chaud, Malone va avoir le droit à la totale. Au fil des chapitres il accumule les coups durs et s’empêtre dans un sac de nœuds de plus en plus inextricable. On se demande comment il va se dépêtrer de ce merdier, parce que oui, on a envie qu’il s’en sorte et pas seulement lui, ses équipiers aussi.

Dans un polar « classique » on aurait tendance à prendre parti pour les agents du FBI qui traquent les flics corrompus, ici on a plutôt envie de les considérer comme les derniers des enfoirés. Il faut dire que la corruption est présente à tous les niveaux dans ce bouquin, du coup les flics de la Task Force ne sont sans doute pas les pires.

Don Winslow signe un polar très noir, mais cela ne l’empêche pas de placer çà et là quelques touches d’humour ; l’ensemble est parfaitement dosé.

Au-delà de la fiction, on devine un gros travail de documentation sur les conditions de vie des policiers, mais surtout on sent que l’auteur parle d’un monde qu’il connait bien et pour lequel il a un énorme respect. Certes il y a des bavures, et il n’est pas question de faire l’impasse dessus ou de les excuser, mais la police paie aussi un lourd tribut humain à la société pour la servir et la protéger.

Un énorme coup de cœur pour ce roman et une magistrale claque dans la gueule. Je craignais de boucler cette année de lecture sans avoir eu LE coup de cœur (même si La Mort Selon Turner aurait pu tenir ce rôle), après la lecture de Corruption mes craintes se sont envolées.

MON VERDICT
Coup double

[BOUQUINS] Jo Nesbo – Macbeth

AU MENU DU JOUR

J. Nesbo - Macbeth

Titre : Macbeth
Auteur : Jo Nesbo
Éditeur : Gallimard
Parution : 2018
Origine : Norvège
624 pages

De quoi ça cause ?

Après une opération de police réussie, Macbeth, le chef de la Garde, unité d’élite de la police, est promu à la tête de la Brigade du Crime Organisé. Pour l’ambitieuse, Lady, l’épouse de Macbeth, ce n’est que la première marche de leur ascension vers de plus hautes responsabilités ; elle suggère à son époux de viser le poste de préfet. La meilleure façon d’y parvenir étant d’assassiner l’actuel préfet.

L’ambition de Lady et son emprise sur Macbeth semblent ne connaître aucune limite, au risque d’entraîner le couple dans une spirale destructrice dont nul ne sortira indemne…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Jo Nesbo et que j’étais franchement curieux de découvrir ce que deviendrait l’une des plus célèbres tragédies de Shakespeare entre les mains d’un des maîtres du polar nordique.

La rentrée littéraire 2018 a été particulièrement riche, avec, dans le lot, plusieurs auteurs que j’apprécie tout particulièrement et plusieurs titres qui se bousculent au portillon ; il faut faire des choix et prioriser les uns et les autres…

Ma chronique

Macbeth est la réponse de Jo Nesbo au Hogarth Shakespeare Project, l’éditeur Hogarth Press a en effet mis au défi les auteurs contemporains d’adapter et de moderniser l’oeuvre de William Shakespeare. Plusieurs auteurs ont déjà relevé le défi (dont Margaret Atwood qui a choisi de revisiter La Tempête), d’autres titres sont en préparation (dont une revisite de Hamlet par Gillian Flynn). Un pari un peu fou qui ne pouvait que titiller la curiosité de l’inconditionnel de Jo Nesbo que je suis…

N’étant pas naturellement porté vers la littérature classique, je ne connaissais Macbeth, la pièce de Shakespeare, que de nom. Avant de me lancer à la découverte de cette revisite j’ai voulu me faire une idée un peu plus précise de la chose sans pour autant me farcir sa lecture (je ne dis pas que c’est désagréable à lire, juste que je n’en ai pas envie) ; à l’aide de mes amis Google et Wikipedia c’est désormais chose faite.

Soit dit en passant la démarche ne s’impose pas, le roman de Jo Nesbo se suffisant à lui-même. Si toutefois vous souhaitez une rapide comparaison avec la pièce de Shakespeare, je ne saurai que trop vous conseiller (pour des raisons évidentes) de le faire après la lecture du bouquin…

Difficile de situer l’intrigue dans le temps et dans l’espace, quelques repères chronologiques permettent toutefois de se positionner dans les années 70, la mention, à plusieurs reprises, du comté de Fife fait référence à l’Écosse (ce qui paraît logique, la pièce de Shakespeare se déroulant en Écosse). Une métropole anonyme relativement importante, mais économiquement sur le déclin et rongée par la corruption et le trafic de drogue… Partout et nulle part en quelque sorte.

Force est de reconnaître que j’ai eu un peu de mal à enter dans l’histoire, il faut dire que pour se prêter au jeu de cette revisite Jo Nesbo adopte un style totalement différent de celui qu’il emploie pour ses autres romans (je pense notamment à la série Harry Hole). C’est déconcertant, mais surtout ça semble manquer de naturel ; il faut dire que, histoire de corser le challenge, l’auteur intègre çà et là des citations (plus ou moins réécrites pour la circonstance) de la pièce de Shakespeare.

Mais au fil des chapitres on s’adapte pour ne se concentrer que sur l’intrigue et se laisser guider par la plume de l’auteur. Il faut dire que Jo Nesbo ne nous laisse pas vraiment profiter du paysage avant de nous plonger au cœur de l’action. Sa revisite moderne de Macbeth s’écrit clairement en rouge et noir, rouge comme le sang qui coule à flots, noir comme l’ambiance qui plombe le bouquin de la première à la dernière page.

Au risque de spoiler (quoique, ce n’est pas pour rien que ça s’appelle une tragédie… au fil des chapitres on comprend que les choses ne peuvent qu’aller de mal en pis et très mal se finir) je serai tenté de comparer la destinée de Macbeth à un soufflé réalisé par un apprenti cuisinier qui ne maîtrise pas la cuisson de son appareil. Ça monte, ça monte, ça monte, mais juste avant d’attendre le firmament ça s’écrase comme une merde (je confirme, c’est du vécu la tragédie du soufflé au fromage)…

Je serai tenté de dire quel gâchis. En effet Macbeth, comme chef de la Garde, était un mec bien, plutôt intègre, un leader efficace apprécié par ses hommes. La sagesse populaire prétend que l’amour rend aveugle, en l’occurrence il a rendu notre Macbeth très con. Il se laisse contaminer par l’ambition de Lady, puis, empoisonné par le retour d’un de ses vieux démons sombre jusqu’au point de non-retour.

Au pays de Macbeth, celui qui voulu devenir calife à la place du calife, tout n’est que mensonges, complots et trahisons, un joli foutoir dans lequel il est bien difficile de distinguer ses amis de ses ennemis. Noir c’est noir, mais heureusement certains croient encore en des lendemains meilleurs.

Le pari de la revisite est relevé et remporté haut la main, mais je ne sors pas complètement béat de cette lecture. On va dire que c’est une sympathique mise en bouche en attendant de savourer le douzième volume de la saga Harry Hole (annoncé en VO pour 2019).

Comme indiqué plus haut l’intrigue se déroule en Écosse, et pourtant lorsque Lady parle de son casino elle mentionne une mise en couronnes (la monnaie norvégienne, patrie de Jo Nesbo) ; une maladresse qu’il eut pourtant été facile d’éviter (ou, à défaut, de corriger). C’est un détail certes, mais quand même ça fait négligé.

MON VERDICT

[BOUQUINS] David Joy – Le Poids Du Monde

AU MENU DU JOUR

D. Joy - Le Poids du Monde

Titre : Le Poids Du Monde
Auteur : David Joy
Éditeur : Sonatine
Parution : 2018
Origine : USA (2017)
320 pages

De quoi ça cause ?

Little Canada, un bien joli nom pour un patelin paumé au pied des Appalaches. C’est là que Aiden McCall et Thad Broom, deux types blessés par la vie et amis depuis toujours, sont frères de galère. Ils vivotent tant bien que mal entre petits boulots et petits trafics.

Le jour où leur dealer se fait accidentellement sauter le caisson devant eux, les deux potes font main basse sur sa came, son fric et ses flingues. Un premier pas vers un nouveau départ ou vers une inexorable descente aux enfers ?

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonatine et que l’éditeur et Net Galley ont accepté de me faire découvrir ce titre en avant-première (parution le 30 août).

Pour la petite histoire j’ai sollicité simultanément, et en avant-première, La Disparition D’Adèle Bedeau et Le Poids Du Monde, dans l’espoir que l’une de mes demandes soit acceptée ; à ma grande surprise, et pour mon plus grand plaisir, mes deux demandes ont reçu une suite favorable.

Ma chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour cette nouvelle marque de confiance me permettant de découvrir ce roman en avant-première.

C’est ma première incursion dans l’univers littéraire de David Joy (à ma décharge, il n’a écrit, à ce jour, que deux romans et le premier est dans mon Stock à Lire Numérique) et le moins que l’on puisse dire c’est que ça secoue ; comme dirait notre regretté Johnny H. : « noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir« .

Bienvenue au cœur de l’Amérique profonde, par contre oubliez le fameux american dream en ouvrant les pages de ce bouquin ; la crise économique est passée par là et continue à tisser sa toile dévastatrice. En lisant ce roman je n’ai pu m’empêcher de penser au recueil Chiennes De Vies de Frank Bill qui m’avait déjà bien remué les tripes. Le cadre change, on abandonne l’Indiana du Sud pour la Caroline du Nord, mais la situation est plus ou moins la même avec le meth en toile de fond, histoire d’oublier les coups de pute de la vie de tous les jours !

Dès le prologue David Joy donne le ton : « Aiden McCall avait douze ans la seule fois où il entendit les mots « Je t’aime ». » ; c’est son père qui lui adressera ces mots du bout des lèvres. Que c’est bôôô ! Ça aurait pu l’être, sauf que le gars vient de flinguer sa femme sous les yeux de leur fils (Aiden) et va ensuite se faire exploser le caisson… y’a mieux pour démarrer dans la vie ! Mais hélas, comme dirait ce cher Francis C. : « Et ça continue, encore et encore, c’est que le début, d’accord, d’accord« .

Du côté de chez Thad les choses ne sont guère plus brillantes, il est revenu d’Afghanistan affligé d’un sévère syndrome de stress post-traumatique. Depuis il vit entre le passé et le présent, entre là-bas et ici, semblant se foutre du tout, surnageant vaguement entre les vapeurs d’alcool et les nuages de meth.

On pourrait simplement se dire que c’est l’histoire de deux gars que la vie n’a pas vraiment gâtée et du coup éprouver une réelle empathie pour eux. Sauf que nos gusses vont enchaîner les mauvais choix sans vraiment en mesurer les conséquences. Une cata en entraînant une autre, la situation va rapidement échapper à tout contrôle. Là encore il serait aisé de leur jeter la pierre et pourtant à aucun moment je n’ai eu envie de les juger (sans pour autant excuser leurs dérives).

Entre nos deux losers défoncés, on trouve April, la mère de Thad et l’amante d’Aiden. Elle non plus n’a pas été vernie par la vie et n’a guère d’illusion quant à l’avenir ; mais contrairement à Thad et Aiden elle essaye de garder la tête sur les épaules.

Un roman noir puissant qui vous prendra aux tripes dès les premières pages et ne cessera de les vriller en tout sens jusqu’au clap de fin ; et pourtant même en pleine tourmente il vous sera impossible de le lâcher. Une sacrée claque dans la gueule que vous ne refermerez qu’à regret.

David Joy ne s’égare pas en figures de style inutiles, il opte pour une écriture percutante qui va à l’essentiel pour toucher le lecteur en plein cœur.

MON VERDICT
Coup de poing

[BOUQUINS] Graeme Macrae Burnet – La Disparition D’Adèle Bedeau

AU MENU DU JOUR

G. Macrae Burnet - La Disparition D'Adèle Bedeau

Titre : La Disparition D’Adèle Bedeau
Auteur : Graeme Macrae Burnet
Éditeur : Sonatine
Parution : 2018
Origine : Écosse (2013)
288 pages

De quoi ça cause ?

Quand Adèle Bedeau, la jeune et jolie serveuse du restaurant de la Cloche, disparaît, l’inspecteur Gorski, chargé de l’enquête, s’intéresse de près aux habitués de l’établissement. Et tout particulièrement à Manfred Baumann, un jeune homme timide et réservé, voire taciturne.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

A la base parce que c’est Sonatine, donc une valeur sûre. Un titre sollicité et obtenu via Net Galley en avant-première (parution le 30 août 2018).

Ma chronique

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley d’avoir donné une suite favorable à ma sollicitation et me permettre ainsi de découvrir ce titre en avant-première.

A en croire la préface de l’auteur, le roman La Disparition D’Adèle Bedeau, écrit par un modeste auteur français, Raymond Brunet et édité par Gaspard-Moreau, est paru en 1982. Puis ça a été un film réalisé par Claude Chabrol en 1989. En 2013, l’auteur écossais, Graeme Macrae Burnet, sort une traduction anglaise du roman sous le titre The Disappearance Of Adèle Bedeau. Et donc en 2018 Sonatine nous propose de découvrir ce titre (re)traduit par Julie Sibony.

Quelle histoire ! Et quel parcours hors du commun… Stooop ! On arrête de s’extasier et de superlater (qui a dit que ce mot n’existait pas ?), tout ça, c’est du vent, du bidon, du concentré de portnawak. C’était un peu gros comme une maison cette histoire et pourtant je suis moi aussi tombé dans le panneau avant d’appeler mon ami Google à la rescousse et de découvrir le poteau rose (oui je sais, on dit pot aux roses, mais j’avais envie de changer un peu). Et pourtant l’auteur (le vrai, Graeme Macrae Burnet) nous donne un indice relatif à sa supercherie à la fin de sa préface…

Bien malin le lecteur, ou la lectrice, qui pourra avec certitude situer ce récit dans le temps. Pour ma part je dirai que l’intrigue ne se déroule pas de nos jours (il manque notamment trop de technologies modernes qui font aujourd’hui partie intégrante de notre quotidien), je serai tenté de la situer entre la fin des années 70 et le début des années 80 (ce qui collerait plutôt bien avec la vraie fausse histoire du roman). Une impression renforcée par le charme suranné qui se dégage de l’écriture de Graeme Macrae Burnet.

Bienvenu à Saint-Louis, petite ville (bien réelle) du Haut-Rhin (Alsace), frontalière de la Suisse et de l’Allemagne. Un petit bled provincial où il n’arrive jamais rien, alors pensez bien qu’une serveuse qui disparaît du jour au lendemain ça défraye la chronique et ça fait jaser la populace… Forcément dans ces petits bourgs très (trop ?) tranquilles tout se sait, à défaut de savoir, laissons la rumeur faire son office.

Si la pseudo genèse du bouquin est pour le moins atypique, le roman en lui-même l’est tout autant. Pas tout à fait un roman noir, pas tout à fait un roman policier et un peu des deux en même temps. À la fois thriller psychologique et chronique provinciale socio-psychologique.

Une histoire qui ne prête pourtant pas à sourire, mais traitée avec un certain humour (noir) et beaucoup de savoir-faire. Mais ce bouquin est aussi et surtout la rencontre entre deux personnages qui semblent avoir bien du mal à trouver leur place dans la société, mais se fondent parfaitement dans le décor et l’intrigue imaginés par l’auteur.

Manfred Baumann est un jeune cadre d’un naturel très réservé, il vit sa vie dans son coin avec des principes et des rituels immuables. Sa timidité maladive le pousse à prendre ses distances avec les autres aux yeux de qui il passe au mieux pour un asocial, au pire pour un type imbu de lui même. Du coup quand la police s’intéresse d’un peu trop près à lui suite à la disparition d’Adèle, il devient d’une paranoïa quasi maladive.

Georges Gorski est inspecteur à Saint-Louis hanté par une affaire de meurtre survenue vingt ans plus tôt ; une enquête considérée pourtant comme résolue, mais le policier est convaincu que le véritable assassin est passé entre les mailles de la justice. Quelque part pour lui la disparition d’Adèle est l’occasion de s’absoudre de cette « erreur ».

Graeme Macrae Burnet signe là un premier roman (même s’il a été publié en France après son second roman) comparable à nul autre, un bouquin qui bénéficie d’un cachet unique, baigné d’une ambiance à la fois kitsch et sombre. Une lecture qui ne devrait laisser personne indifférent.

Pour la petite histoire, le personnage de Georges Gorski sera de retour dans le prochain roman de l’auteur (non encore disponible en français).

MON VERDICT

[BOUQUINS] Alexandra Coin – Entraves

AU MENU DU JOUR

A. Coin - Entraves

Titre : Entraves
Auteur : Alexandra Coin
Éditeur : Aconitum (2016) / Autoédité en 2018
Parution : 2016
Origine : France
256 pages

De quoi ça cause ?

Emma, professeur de français au lycée, vit dans un mas retiré avec son mari, Illario, qui élève de cochons truffiers dans l’espoir de faire fortune dans la truffe. Ils ont une fille, Louise. Vue de l’extérieur c’est une famille sans histoire.

Mais Illario est en fait un pervers narcissique, dominateur et manipulateur. Il fait vivre à Emma un véritable enfer fait de brimades, reproches et autres humiliations psychologiques.

Exténuée, vidée de toute volonté, Emma tente de mettre fin à ses jours. Quand elle reprend connaissance, elle apprend qu’elle est internée en hôpital psychiatrique…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Ca faisait un moment que j’avais ce roman dans mon Stock à Lire Numérique, Alexandra, l’auteure, m’ayant proposé une lecture en SP j’ai sauté sur l’occasion pour lui faire gagner quelques échelons dans la (looongue) liste d’attente.

Ma chronique

Tout d’abord je tiens à remercier Alexandra Coin pour sa confiance.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais signaler que le visuel de la version autoéditée est beaucoup plus réussi que celui des éditions Aconitum. Je vous laisse juge en vous proposant les deux couvertures ci-dessous.

A en croire la locution latine « Verba volant, scripta manent« , les mots s’envolent, les écrits restent. Il faut croire que nos ancêtres, latinistes distingués, n’ont jamais été confrontés à des cas de perversion narcissique et autres formes de harcèlement moral. De fait aujourd’hui le Dr Marie-France Hirigoyen, psychiatre spécialisée dans les questions de harcèlement moral et d’aide aux victimes, pourrait leur rétorquer : « Il est possible de détruire quelqu’un juste avec des mots, des regards, des sous-entendus : cela se nomme violence perverse ou harcèlement moral. »

Pour un premier roman le moins que l’on puisse dire c’est que l’auteure, ne choisit pas de jouer la carte de la facilité. Le sujet (la perversion narcissique au sein du couple) est aussi glauque que sérieux (et malheureusement trop réel), du coup son roman est empreint de noirceur et de détresse.

Un roman où la dimension psychologique est primordiale et Alexandra excelle dans ce domaine, le processus de destruction est décrit avec un réalisme glaçant. On a vraiment l’impression de lire le témoignage d’Emma, un appel au secours qu’elle ne parvient pas à hurler, condamné à rester sans réponse…

La première partie, qui occupe plus des 2/3 du roman, alterne entre les flashbacks (rédigés à la troisième personne, mais centrés sur Emma) qui décrivent la descente aux enfers d’Emma et son quotidien à St John’s (écrits à la première personne), l’HP où elle a été internée et tente de se reconstruire. Une alternance de vues et de styles qui permet de suivre l’évolution (même si le terme évolution tendrait à faire penser à une situation qui va en s’améliorant, ce n’est pas le cas présentement) de la jeune femme.

Je ne vous parlerai pas des secondes et troisièmes parties du récit, non qu’elles soient sans intérêt, tant s’en faut, mais pour éviter tout spoiler qui nuirait à la découverte du récit. Je dirai simplement que le tunnel sera long et sombre pour Emma… Avec un espoir de voir la lumière au bout du chemin ? A vous de le découvrir !

Je ne vais pas vous décrire les différentes étapes du comportement d’Illario (et donc des pervers narcissiques en général), Alexandra le fait très bien dans son roman. Les plus curieux trouveront matière à méditer sur Internet (ne serait-ce que la page Wikipedia consacrée au sujet).

Une lecture éprouvante (dans le bon sens du terme), mais que je qualifierai presque d’utilité publique. Peut-être une passerelle pour permettre aux victimes de s’extraire de l’emprise des salopards qui font de leur quotidien un enfer. Peut-être aussi un moyen pour les autres d’identifier ses victimes silencieuses d’un mal invisible et insidieux, de leur tendre une main secourable et d’accorder une écoute bienveillante à leur détresse. Je sais que ça fait beaucoup de peut-être, mais j’ai quand même envie d’y croire…

Certains chapitres se terminent par un renvoi, sous forme d’un QR Code à scanner, vers un article sur le site de l’auteure. Si comme moi vos n’êtes pas un adepte de ces QR Codes (simplement parce que je n’utilise quasiment jamais mon smartphone pour aller sur Internet), je vous invite toutefois à vous rendre sur la page d’Alexandra Coin afin d’y lire les articles en question, ils sont en effet très bien documentés et apportent un vrai plus à la seule lecture du roman.

Le roman est préfacé par Dominique Barbier, un psychiatre qui a fait de l’aide aux victimes des pervers narcissiques son cheval de bataille. Son ouvrage, La Fabrique De L’Homme Pervers (Odile Jacob – 2013), semble avoir été le support de référence d’Alexandra pour la rédaction de son roman. Il a rejoint mon Stock à Lire Numérique à peine la lecture d’Entraves achevée.

Un petit bémol de rien du tout, presque du pinaillage, voire de l’enculage de mouches, pour terminer cette chronique. Un bémol purement typographique (j’vous avais prévenu… tant pis pour les mouches), l’utilisation intempestive des points de suspension n’apporte rien à la lecture.

Vous le savez je suis un tantinet maniaque en matière de code dans le fichier epub (viens-là saleté de mouche… j’en ai pas fini avec toi !), j’ai donc été fouiné dans les entrailles du fichier. Au final j’ai ajouté quelques insécables oubliés et fait le ménage dans les styles doublonnés (deux noms de classe distincts pour une même typographie).

MON VERDICT
Coup de poing

[BOUQUINS] Bryan Reardon – Jake

AU MENU DU JOUR

B. Reardon - Jake

Titre : Jake
Auteur : Bryan Reardon
Éditeur : Gallimard
Parution : 2018
Origine : USA (2015)
352 pages

De quoi ça cause ?

La vie de Simon Connolly bascule le jour où une fusillade éclate dans le lycée de ses enfants. Sur place il retrouve sa fille, Laney, mais son aîné, Jake, est introuvable.

Le tireur, Doug, a tué treize jeunes avant de se suicider. Un élève asocial qui pour seul ami Jake, lui même d’un naturel plutôt réservé, ce dernier peut-il être mêlé, de près ou de loin, à cette fusillade ?

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

La couv’ et le pitch ont tout de suite titillé ma curiosité. L’enthousiasme quasi unanime de la blogosphère a fait le reste…

Ma chronique

Il est des bouquins qui vous prennent aux tripes par le rythme effréné de leur intrigue, d’autres vous feront tout autant d’effet en misant uniquement sur les personnages. Jake, de Bryan Reardon, s’inscrit incontestablement dans la seconde catégorie ; il m’a rarement été donné de lire un roman dont les personnages dégagent une telle humanité. Impossible de ne pas éprouver une sincère empathie pour la famille Connolly face à l’épreuve qu’ils traversent, en particulier pour Simon.

L’intrigue n’est pas pour autant laissée pour compte, mais elle reste relativement classique et, osons le dire haut fort, tristement banale (c’est d’autant plus vrai qu’elle colle a l’actualité du moment, trois semaines après la fusillade survenue dans un lycée Parkland qui a fait 17 morts). C’est plutôt dans son traitement que l’intrigue se démarque, ici le sensationnalisme ou le voyeurisme n’ont pas leur place, de nouveau c’est le côté humain qui est mis en avant.

Le récit est à la première personne, c’est Simon qui nous raconte le drame que lui et sa famille subissent. Il faut dire que la situation familiale des Connolly est un peu atypique, le couple a en effet décidé, d’un commun accord, que Simon resterait à la maison pour s’occuper des enfants, tandis que Rachel, son épouse, poursuivrait sa brillante carrière professionnelle.

Nul besoin d’être soi-même père de famille pour partager la détresse de Simon, une détresse faite d’inquiétudes pour son fils disparu, mais aussi de doutes et de colère alors que les médias et une partie du voisinage désignent sans la moindre hésitation Jake comme complice et pointent du doigt la responsabilité des parents.

Si l’on s’identifie aisément au personnage de Simon, c’est parce qu’il n’a rien du héros nourri à la testostérone ; ce serait plutôt monsieur Tout-le-Monde, un type réservé qui s’efforce d’élever au mieux ses enfants et qui, du jour au lendemain, se retrouve confronté au plus inconcevable des cauchemars.

Les chapitres alternent entre le présent et les souvenirs de Simon, des flashbacks relatifs à Jake bien entendu, mais qui impliquent aussi Rachel et Laney. En puisant dans le passé, Simon essaye de comprendre le présent.

La grande force du roman reste la formidable écriture de Bryan Reardon, une écriture criante de vérité par son authenticité, mais aussi une écriture chargée d’une énorme intensité émotionnelle. Si vous avez encore ne serait-ce qu’une once d’empathie, impossible que ce roman vous laisse de marbre ! C’est une lecture qui vous prendra au coeur et aux tripes ; je parierai même que vous ne refermerez pas ce bouquin sans avoir versé une larme.

Il me semble donc parfaitement légitime de saluer le travail de la traductrice, Flavia Robin, qui a su retranscrire ce tourbillon d’émotions avec beaucoup de justesse. Une profession de la chaîne du livre trop souvent oubliée malgré son rôle essentiel.

Bon, et Jake dans tout ça ? Ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler la clé de l’intrigue. Je dirai juste que j’ai rapidement pressenti le fin mot de l’histoire ; mais ça ne m’a nullement empêché de profiter pleinement de ce bouquin.

Nous ne sommes qu’en mars, mais je peux d’ores et déjà affirmer que Jake sera certainement l’une de mes lectures les plus marquantes de cette année 2018.

MON VERDICT
Coup double

[BOUQUINS] Samuel Sutra – Coupable[s]

AU MENU DU JOUR

S. Sutra - Coupable[s]

Titre : Coupable[s]
Auteur : Samuel Sutra
Éditeur : Flamant Noir
Parution : 2018
Origine : France
272 pages

De quoi ça cause ?

Jean-Raphaël Deschanel, agent du renseignement, est appelé en renfort par la Crim’ de Paris. La brigade du commandant Blay sèche en effet sur une série de crimes faisant jusqu’alors l’objet d’enquêtes distinctes. Or, le dernier corps retrouvé semble faire un lien entre les différentes victimes et orienter l’enquête vers un assassin originaire d’Haïti.

Jean-Raph’ étant lui aussi d’origine haïtienne, il est apparu que son concours pouvait être un atout pour Blay et son équipe…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Flamant Noir et que Nathalie m’a généreusement proposé de lire le roman en avant-première (parution le 5 mars 2018). Une offre pareille, ça ne se refuse pas !

Ayant pris beaucoup de plaisir à lire Kind Of Black, j’étais curieux de retrouver l’auteur dans le même registre (polar noir).

Ma chronique

Je tiens avant tout à remercier les éditions Flamant Noir et tout particulièrement Nathalie pour sa confiance renouvelée (ça me va droit au coeur, sincèrement). Et bien entendu aussi pour l’occasion qui m’est donnée de découvrir le dernier roman de Samuel Sutra, Coupable[s], en avant-première.

Même si généralement je m’efforce d’éviter tout spoiler en rédigeant mes chroniques (parfois il vaut mieux rester concis plutôt que de prendre le risque trop en dire), c’est un impératif encore plus présent quand je dois parler d’un bouquin lu en avant-première.

Nous voilà donc en présence d’un agent du renseignement natif d’Haïti, mais adopté dès son plus jeune âge par un couple français et ayant quasiment tout le temps vécu en France. Quand une série de crimes semblant avoir pour fil rouge Haïti met la Crim’ dans l’impasse, c’est donc à lui que l’on fait appel pour venir leur prêter main-forte.

Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais moi personnellement quand on me dit Haïti, je pense immédiatement au tremblement de terre de 2010 qui a frappé l’île, détruisant quasiment sa capitale, Port-au-Prince, et faisant plus de 300 000 morts et autant de blessés. Je reconnais volontiers que c’est un peu réducteur comme vision d’un pays et d’un peuple, mais ça n’en reste pas moins vrai.

Du séisme il sera justement question dans ce roman, ou plus exactement de l’aide humanitaire internationale, notamment en matière de reconstruction. Je n’en dirai pas plus, mais on comprend rapidement ce que cache le fameux « Kenscoff ». J’aimerai pouvoir affirmer que ce n’est que fiction, mais ça ne m’étonnerait pas que certaines ordures peu scrupuleuses aient eu recours aux mêmes procédés pour s’en mettre plein les fouilles.

Si Haïti fait office de fil rouge entre les différentes scènes de crime, toute l’intrigue se déroule quant à elle sur le sol français, à Paris et alentours pour être exact. Quatre scènes de crimes qui se distinguent par l’extrême violence des mises à mort. Et une enquête qui va lancer la Crim’ sur la piste d’un cinquième homme, reste à découvrir s’il est la prochaine victime ou l’assassin…

L’essentiel du récit (hormis quelques apartés, un pour chaque victime) est rédigé à la première personne, on vit l’intrigue par le biais de Jean-Raph’, un « administratif » qui va, pour la première fois de sa carrière, se frotter à une enquête de terrain. Forcément ça va le changer et il ne sera pas toujours à l’aise avec les méthodes de ses nouveaux coéquipiers.

Samuel Sutra apporte un soin tout particulier à ses personnages, un exercice de style pas toujours évident dans un récit à la première personne, la personnalité des autres n’est alors que le reflet de ce que le narrateur perçoit. Heureusement pour nous Jean-Raph’ est plutôt perspicace quand il s’agit de cerner ses interlocuteurs.

Je ne vous ferai pas l’affront de dresser un rapide portrait de chacun, autant laisser entier le plaisir de la découverte. Disons que j’ai eu un faible pour le commandant Blay, le flic bourru par excellence, revenu de tout, mais toujours aussi professionnel, un chef respecté (vénéré ?) par ses hommes. Ce serait manquer de galanterie que de ne pas mentionner Vanessa Dubreuil, psychocriminologue qui fera office de « profileuse » sur cette enquête ; la touche de charme de l’équipe, mais elle prouvera rapidement qu’elle n’est pas là pour se contenter de jouer les potiches.

Pour ma part j’ai rapidement des soupçons quant à l’identité du tueur, puis la présomption est devenue certitude. Par contre je tiens à préciser qu’à aucun moment ça n’a gâché mon plaisir de lecture, j’ai même pris beaucoup de plaisir à suivre la progression de l’enquête, à voir comment l’auteur amènerait ses enquêteurs à la même conclusion.

Avec Kind Of Black, Samuel Sutra avait déjà démontré que le polar noir ne lui faisait pas peur, qu’il maîtrisait les règles du genre. Avec Coupable[s] c’est désormais une certitude, l’auteur est une brillante plume de la scène littéraire noire francophone.

Je terminerai cette chronique par un aspect qui peut sembler plus futile, mais qui a toutefois un rôle non négligeable dans la « vie » d’un livre : sa couverture. Je l’avais découverte sur la page Facebook de Flamant Noir et ça a tout de suite fait tilt, je la trouve tout simplement magnifique.

C’est le dixième roman des éditions Flamant Noir que je lis et je ne peux que m’incliner devant la qualité de leur catalogue, non seulement je n’ai jamais été déçu, mais j’ai même eu le droit à quelques belles claques dans la gueule. De quoi m’inciter à suivre leurs prochaines publications, mais aussi, à condition de trouver le temps, de me pencher sur les titres que je n’ai pas encore eu l’occasion de lire (j’en ai déjà trois en stock, c’est un bon début).

MON VERDICT
Coup de poing