AU MENU DU JOUR
Titre : Entraves
Auteur : Alexandra Coin
Éditeur : Aconitum (2016) / Autoédité en 2018
Parution : 2016
Origine : France
256 pages
De quoi ça cause ?
Emma, professeur de français au lycée, vit dans un mas retiré avec son mari, Illario, qui élève de cochons truffiers dans l’espoir de faire fortune dans la truffe. Ils ont une fille, Louise. Vue de l’extérieur c’est une famille sans histoire.
Mais Illario est en fait un pervers narcissique, dominateur et manipulateur. Il fait vivre à Emma un véritable enfer fait de brimades, reproches et autres humiliations psychologiques.
Exténuée, vidée de toute volonté, Emma tente de mettre fin à ses jours. Quand elle reprend connaissance, elle apprend qu’elle est internée en hôpital psychiatrique…
Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?
Ca faisait un moment que j’avais ce roman dans mon Stock à Lire Numérique, Alexandra, l’auteure, m’ayant proposé une lecture en SP j’ai sauté sur l’occasion pour lui faire gagner quelques échelons dans la (looongue) liste d’attente.
Ma chronique
Tout d’abord je tiens à remercier Alexandra Coin pour sa confiance.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais signaler que le visuel de la version autoéditée est beaucoup plus réussi que celui des éditions Aconitum. Je vous laisse juge en vous proposant les deux couvertures ci-dessous.
A en croire la locution latine « Verba volant, scripta manent« , les mots s’envolent, les écrits restent. Il faut croire que nos ancêtres, latinistes distingués, n’ont jamais été confrontés à des cas de perversion narcissique et autres formes de harcèlement moral. De fait aujourd’hui le Dr Marie-France Hirigoyen, psychiatre spécialisée dans les questions de harcèlement moral et d’aide aux victimes, pourrait leur rétorquer : « Il est possible de détruire quelqu’un juste avec des mots, des regards, des sous-entendus : cela se nomme violence perverse ou harcèlement moral. »
Pour un premier roman le moins que l’on puisse dire c’est que l’auteure, ne choisit pas de jouer la carte de la facilité. Le sujet (la perversion narcissique au sein du couple) est aussi glauque que sérieux (et malheureusement trop réel), du coup son roman est empreint de noirceur et de détresse.
Un roman où la dimension psychologique est primordiale et Alexandra excelle dans ce domaine, le processus de destruction est décrit avec un réalisme glaçant. On a vraiment l’impression de lire le témoignage d’Emma, un appel au secours qu’elle ne parvient pas à hurler, condamné à rester sans réponse…
La première partie, qui occupe plus des 2/3 du roman, alterne entre les flashbacks (rédigés à la troisième personne, mais centrés sur Emma) qui décrivent la descente aux enfers d’Emma et son quotidien à St John’s (écrits à la première personne), l’HP où elle a été internée et tente de se reconstruire. Une alternance de vues et de styles qui permet de suivre l’évolution (même si le terme évolution tendrait à faire penser à une situation qui va en s’améliorant, ce n’est pas le cas présentement) de la jeune femme.
Je ne vous parlerai pas des secondes et troisièmes parties du récit, non qu’elles soient sans intérêt, tant s’en faut, mais pour éviter tout spoiler qui nuirait à la découverte du récit. Je dirai simplement que le tunnel sera long et sombre pour Emma… Avec un espoir de voir la lumière au bout du chemin ? A vous de le découvrir !
Je ne vais pas vous décrire les différentes étapes du comportement d’Illario (et donc des pervers narcissiques en général), Alexandra le fait très bien dans son roman. Les plus curieux trouveront matière à méditer sur Internet (ne serait-ce que la page Wikipedia consacrée au sujet).
Une lecture éprouvante (dans le bon sens du terme), mais que je qualifierai presque d’utilité publique. Peut-être une passerelle pour permettre aux victimes de s’extraire de l’emprise des salopards qui font de leur quotidien un enfer. Peut-être aussi un moyen pour les autres d’identifier ses victimes silencieuses d’un mal invisible et insidieux, de leur tendre une main secourable et d’accorder une écoute bienveillante à leur détresse. Je sais que ça fait beaucoup de peut-être, mais j’ai quand même envie d’y croire…
Certains chapitres se terminent par un renvoi, sous forme d’un QR Code à scanner, vers un article sur le site de l’auteure. Si comme moi vos n’êtes pas un adepte de ces QR Codes (simplement parce que je n’utilise quasiment jamais mon smartphone pour aller sur Internet), je vous invite toutefois à vous rendre sur la page d’Alexandra Coin afin d’y lire les articles en question, ils sont en effet très bien documentés et apportent un vrai plus à la seule lecture du roman.
Le roman est préfacé par Dominique Barbier, un psychiatre qui a fait de l’aide aux victimes des pervers narcissiques son cheval de bataille. Son ouvrage, La Fabrique De L’Homme Pervers (Odile Jacob – 2013), semble avoir été le support de référence d’Alexandra pour la rédaction de son roman. Il a rejoint mon Stock à Lire Numérique à peine la lecture d’Entraves achevée.
Un petit bémol de rien du tout, presque du pinaillage, voire de l’enculage de mouches, pour terminer cette chronique. Un bémol purement typographique (j’vous avais prévenu… tant pis pour les mouches), l’utilisation intempestive des points de suspension n’apporte rien à la lecture.
Vous le savez je suis un tantinet maniaque en matière de code dans le fichier epub (viens-là saleté de mouche… j’en ai pas fini avec toi !), j’ai donc été fouiné dans les entrailles du fichier. Au final j’ai ajouté quelques insécables oubliés et fait le ménage dans les styles doublonnés (deux noms de classe distincts pour une même typographie).
Merci Lord Arsenik pour cette chronique. 😉 🙂
Merci à toi pour ce roman qui nous prend aux tripes et nous fait réfléchir.