[BOUQUINS] Graeme Macrae Burnet – Une Patiente

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Titre : Une Patiente
Auteur : Graeme Macrae Burnet
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : Ecosse (2021)
301 pages

De quoi ça cause ?

La narratrice est convaincue que le suicide de sa sœur aînée, Veronica, est directement imputable à ses consultations chez Collins Braithwaite, un psychothérapeute aux méthodes controversées par ses pairs.

Pour s’en convaincre, elle va elle-même consulter Braithwaite en endossant une fausse identité afin qu’il ne puisse faire le rapprochement entre les deux sœurs…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonatine et parce que j’avais beaucoup aimé les deux précédents romans de Graeme Macrae Burnet. Il me tardait donc de le découvrir dans un autre registre.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Sonatine et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

 Une fois de plus Graeme Macrae Burnet invente une genèse à son nouveau roman, il semblerait que le procédé fasse partie intégrante de sa griffe littéraire.

Le roman se présente sous la forme de cinq cahiers prétendument rédigés par la narratrice. Cahiers dans lesquels elle cherche à faire progresser son enquête à charge contre Collins Braithwaite. Concrètement on la voit plutôt se débattre avec cette fausse identité qu’elle s’est construite, il faut dire que ce double lui permet d’outrepasser ses propres limites et faiblesses.

Chaque cahier est suivi par des éléments biographiques concernant Braithwaite, éléments regroupés par l’auteur au terme de ses soi-disant « longues recherches » sur le personnage, son parcours et son œuvre.

La construction de l’ensemble est plutôt bien menée et ne saurait souffrir d’aucune critique quant à la qualité rédactionnelle, au contraire c’est même agréable à lire. Si la dimension psychologique est bel et bien présente dans l’intrigue, mais je m’attendais à un véritable bras-de-fer psychologique entre la narratrice et le psychothérapeute (c’est plus ou moins ce que nous promettait la quatrième de couv’) alors que dans les faits, les échanges sont bien souvent à sens unique. C’est davantage la personnalité de la narratrice qui est décortiquée en profondeur.

Pour étayer son aspect vrai-faux documentaire, Graeme Macrae Burnet n’hésite pas à faire intervenir dans ses recherches de nombreuses personnalités – scientifiques ou artistiques – ayant bel et bien existées et à les faire interagir avec son fameux Collins Braithwaite. Là encore les éléments s’emboitent bien et viennent consolider la crédibilité au récit.

L’auteur ne fait rien pour nous rendre le personnage de Braithwaite sympathique, ce type est puant de vanité, imbu de lui-même, prétentieux et orgueilleux. Inutile de préciser que l’on attend avec impatience le moment où il tombera de son piédestal.

Pas grand-chose à dire de la narratrice sinon qu’on a une forte envie de lui gueuler de se sortir les doigts du cul plutôt que de se planquer derrière un double fictif qui va peu à peu la bouffer de l’intérieur.

Bref, aucune empathie pour les deux personnages qui portent le récit. Ajoutez à cela une pointe de déception quant au déroulé même de l’intrigue, et vous comprendrez que je referme ce bouquin avec un sentiment mitigé. Je ne peux toutefois pas ignorer l’incontestable talent de narrateur de Graeme Macrae Burnet, jusqu’à la dernière phrase de son roman, il veut nous faire croire à sa supercherie.

Je serai tenté de dire que c’est la quatrième de couverture qui saborde partiellement le roman, sans cette promesse – non tenue – d’un intense face à face psychologique, nul doute que j’aurai été nettement plus emballé par cette lecture.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Carole Johnstone – Mirrorland

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Titre : Mirrorland
Auteur : Carole Johnstone
Éditeur : Fleuve Éditions
Parution : 2021
Origine : Écosse
448 pages

De quoi ça cause ?

Cat est partie s’installer à Los Angeles, loin de sa ville natale d’Édimbourg, et de sa sœur jumelle, El, dont elle est sans nouvelles depuis de longues années. La première partie de sa vie semble effacée de sa mémoire. Mais le jour où elle apprend la disparition inquiétante de sa sœur, elle décide de rentrer en Écosse.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que le pitch me semblait prometteur.

Je me méfie des accroches commerciales, mais quand je vois que Stephen King juge le bouquin « diablement intelligent »,  ça ne fait que booster ma curiosité.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Fleuve et Net Galley pour leur confiance.

J’avoue que la prise de contact avec ce roman ne s’est pas forcément passée aussi bien que je l’espérais, j’ai en effet eu beaucoup de mal à me plonger dans l’intrigue et à accrocher aux personnages.  Heureusement le mix réussi entre le thriller psychologique et la chasse au trésor et l’ambiguïté grandissante de certains protagonistes ont fini par me faire oublier ces débuts difficiles.

Il faut dire que Carole Johnstone sait y faire quand il s’agit de nous faire douter de ses personnages (le lecteur aura bien du mal à démêler le vrai du faux autour de El, Ross et même Cat). Qu’est-il réellement arrivé à El ? Pourquoi les deux sœurs étaient-elles brouillées depuis plus de dix ans ? Et surtout que s’est-il passé cette nuit du 4 septembre 1998 où tout a basculé ?

À travers un jeu de piste macabre (sous forme d’une chasse au trésor parsemé d’indices) orchestré par sa sœur, Cat va redécouvrir le Mirrorland, un monde imaginaire que les deux sœurs avaient créé pour échapper à la réalité ; un voyage dans le passé qui va faire remonter les souvenirs refoulés des traumatismes de leur enfance.

Le récit à la première personne nous permet de suivre l’intrigue du point de vue de Cat, avec elle on redécouvre son passé pour dénouer les événements du présent (la disparition en mer de sa sœur… accident, suicide ou homicide ?).

Au départ la situation paraît très embrouillée, mais heureusement les choses se précisent peu à peu. Ce qui ne signifie pas pour autant que tout devient limpide comme de l’eau de roche, au contraire le lecteur n’a pas fini de douter et de s’interroger. Les multiples rebondissements rebattent totalement les cartes, trop peut-être… j’ai trouvé en effet que l’ultime retournement de situation était un peu (beaucoup) too much, idem pour les explications qui suivront ; du coup la crédibilité de l’intrigue prend du plomb dans l’aile.

Pour qu’un thriller psychologique fonctionne, il faut que les personnages soient particulièrement crédibles, c’est heureusement le cas ici. Le trio formé par Cat, El et Ross est très réussi et vous donnera  bien du fil à retordre. Les personnages secondaires ne sont pas pour autant laissés pour compte, je pense notamment au duo d’enquêteurs formé par Rafiq et Logan.

L’intrigue est plutôt bien ficelée (machiavélique parfois) malgré quelques bémols. L’idée de combiner le passé et le présent est une idée plutôt bien trouvée et bien exploitée, idem pour l’essentiel de l’intrigue qui se joue quasiment à huis clos.

Force est toutefois de reconnaître que pour son premier roman Carole Johnstone n’a pas fait le choix de la simplicité, ça force le respect.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Graeme Macrae Burnet – L’Accident De L’A35

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G. Macrae Burnet - L'Accident de l'A35

Titre : L’Accident De L’A35
Auteur : Graeme Macrae Burnet
Éditeur : Sonatine
Parution : 2019
Origine : Ecosse (2017)
336 pages

De quoi ça cause ?

L’inspecteur Gorski est dépêché sur un accident de la route survenu sur l’A35. La victime, Bertrand Barthelme, est un notaire réputé de Saint Louis. Rien ne laisse à penser qu’il puisse s’agir d’autre chose qu’un simple accident. Pourtant quand la veuve (jeune et jolie) demande à Gorski de creuser la question, ce-dernier va accepter.

Que faisait Bertrand Barthelme sur l’A35 alors qu’il était sensé dîner en ville avec ses associés ?

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que j’avais bien aimé le précédent roman de l’auteur mettant e scène l’inspecteur Gorski, La Disparition D’Adèle Bedeau ; le plus français des écrivains écossais a l’art de nous surprendre avec des polars qui prennent le genre à contre-pied.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Sonatine et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Comme pour La Disparition D’Adèle Bedeau, Graeme Macrae Burnet s’amuse à inventer de toutes pièces une genèse factice à son roman. Genèse restant dans la continuité de la précédente avec Raymond Brunet comme auteur et Gaspard-Moreau comme éditeur. Il s’offre même le luxe d’une postface rapprochant l’auteur, Raymond Brunet, du personnage de Raymond Barthelme, le fils de la victime. On finirait presque par y croire !

La pseudo enquête de Gorski est surtout prétexte pour l’auteur de brosser des portraits psychologiques des plus convaincants de ses personnages, et de nous décrire le quotidien d’une petite ville de province où tout le monde, ou presque, se connaît et se « surveille ». À défaut d’une intrigue boostée à l’adrénaline, le récit s’attache à l’humain, chacun ayant ses forces et ses faiblesses.

Au cours de ses investigations Gorski va être amené à côtoyer Lambert, un inspecteur de Strasbourg qui enquête sur le meurtre d’une jeune femme. Le contraste entre les deux personnages est saisissant, d’un côté Gorski tout en réserve et de l’autre Lambert qui serait plutôt tout en exubérance. Les méthodes et la conscience professionnelle aussi séparent nos deux flics.

Mais Gorski n’est pas le seul à mener l’enquête, Raymond Barthelme va lui aussi essayer de percer les secrets de son père. Pas tant pour lui rendre justice que pour échapper à un quotidien qui l’étouffe et donner un peu de piment à sa vie. Au final il perdra surtout le sens des réalités et se comportera souvent comme un sinistre con !

Une fois de plus l’auteur ne nous livre aucun indice permettant de situer son intrigue, on peut toutefois déduire de certains éléments du récit qu’elle pourrait se dérouler dans les années 80. De fait il s’en dégage une ambiance rétro et kitsch fort sympathique.

Même si ‘ai trouvé la fin un peu abrupte je dois reconnaître que je n’avais pas vu venir l’ultime (pour ne pas dire la seule) révélation. Malgré tout l’écriture de Graeme Macrae Burnet et son sens de la mise en scène font de cette lecture un agréable moment ; du coup même en l’absence d’action et de réel suspense on n’est jamais pris de bâillements d’ennui. L’intérêt est ailleurs et l’auteur sait tirer les meilleurs atouts de son jeu.

Un troisième opus devrait venir clore cette trilogie écossaise consacrée à Saint-Louis (Alsace) et à l’inspecteur Gorski. Mais pour l’heure Graeme Macrae Burnet planche sur un autre roman, donc les fans de Gorski vont devoir prendre leur mal en patience…

MON VERDICT

[BOUQUINS] Graeme Macrae Burnet – La Disparition D’Adèle Bedeau

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G. Macrae Burnet - La Disparition D'Adèle Bedeau

Titre : La Disparition D’Adèle Bedeau
Auteur : Graeme Macrae Burnet
Éditeur : Sonatine
Parution : 2018
Origine : Écosse (2013)
288 pages

De quoi ça cause ?

Quand Adèle Bedeau, la jeune et jolie serveuse du restaurant de la Cloche, disparaît, l’inspecteur Gorski, chargé de l’enquête, s’intéresse de près aux habitués de l’établissement. Et tout particulièrement à Manfred Baumann, un jeune homme timide et réservé, voire taciturne.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

A la base parce que c’est Sonatine, donc une valeur sûre. Un titre sollicité et obtenu via Net Galley en avant-première (parution le 30 août 2018).

Ma chronique

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley d’avoir donné une suite favorable à ma sollicitation et me permettre ainsi de découvrir ce titre en avant-première.

A en croire la préface de l’auteur, le roman La Disparition D’Adèle Bedeau, écrit par un modeste auteur français, Raymond Brunet et édité par Gaspard-Moreau, est paru en 1982. Puis ça a été un film réalisé par Claude Chabrol en 1989. En 2013, l’auteur écossais, Graeme Macrae Burnet, sort une traduction anglaise du roman sous le titre The Disappearance Of Adèle Bedeau. Et donc en 2018 Sonatine nous propose de découvrir ce titre (re)traduit par Julie Sibony.

Quelle histoire ! Et quel parcours hors du commun… Stooop ! On arrête de s’extasier et de superlater (qui a dit que ce mot n’existait pas ?), tout ça, c’est du vent, du bidon, du concentré de portnawak. C’était un peu gros comme une maison cette histoire et pourtant je suis moi aussi tombé dans le panneau avant d’appeler mon ami Google à la rescousse et de découvrir le poteau rose (oui je sais, on dit pot aux roses, mais j’avais envie de changer un peu). Et pourtant l’auteur (le vrai, Graeme Macrae Burnet) nous donne un indice relatif à sa supercherie à la fin de sa préface…

Bien malin le lecteur, ou la lectrice, qui pourra avec certitude situer ce récit dans le temps. Pour ma part je dirai que l’intrigue ne se déroule pas de nos jours (il manque notamment trop de technologies modernes qui font aujourd’hui partie intégrante de notre quotidien), je serai tenté de la situer entre la fin des années 70 et le début des années 80 (ce qui collerait plutôt bien avec la vraie fausse histoire du roman). Une impression renforcée par le charme suranné qui se dégage de l’écriture de Graeme Macrae Burnet.

Bienvenu à Saint-Louis, petite ville (bien réelle) du Haut-Rhin (Alsace), frontalière de la Suisse et de l’Allemagne. Un petit bled provincial où il n’arrive jamais rien, alors pensez bien qu’une serveuse qui disparaît du jour au lendemain ça défraye la chronique et ça fait jaser la populace… Forcément dans ces petits bourgs très (trop ?) tranquilles tout se sait, à défaut de savoir, laissons la rumeur faire son office.

Si la pseudo genèse du bouquin est pour le moins atypique, le roman en lui-même l’est tout autant. Pas tout à fait un roman noir, pas tout à fait un roman policier et un peu des deux en même temps. À la fois thriller psychologique et chronique provinciale socio-psychologique.

Une histoire qui ne prête pourtant pas à sourire, mais traitée avec un certain humour (noir) et beaucoup de savoir-faire. Mais ce bouquin est aussi et surtout la rencontre entre deux personnages qui semblent avoir bien du mal à trouver leur place dans la société, mais se fondent parfaitement dans le décor et l’intrigue imaginés par l’auteur.

Manfred Baumann est un jeune cadre d’un naturel très réservé, il vit sa vie dans son coin avec des principes et des rituels immuables. Sa timidité maladive le pousse à prendre ses distances avec les autres aux yeux de qui il passe au mieux pour un asocial, au pire pour un type imbu de lui même. Du coup quand la police s’intéresse d’un peu trop près à lui suite à la disparition d’Adèle, il devient d’une paranoïa quasi maladive.

Georges Gorski est inspecteur à Saint-Louis hanté par une affaire de meurtre survenue vingt ans plus tôt ; une enquête considérée pourtant comme résolue, mais le policier est convaincu que le véritable assassin est passé entre les mailles de la justice. Quelque part pour lui la disparition d’Adèle est l’occasion de s’absoudre de cette « erreur ».

Graeme Macrae Burnet signe là un premier roman (même s’il a été publié en France après son second roman) comparable à nul autre, un bouquin qui bénéficie d’un cachet unique, baigné d’une ambiance à la fois kitsch et sombre. Une lecture qui ne devrait laisser personne indifférent.

Pour la petite histoire, le personnage de Georges Gorski sera de retour dans le prochain roman de l’auteur (non encore disponible en français).

MON VERDICT