[BOUQUINS] David Joy – Nos Vies En Flammes

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Titre : Nos Vies En Flammes
Auteur : David Joy
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : États-Unis (2020)
344 pages

De quoi ça cause ?

Veuf et retraité, Ray mène une vie tranquille et solitaire dans sa ferme des Appalaches. Outre une pauvreté galopante et un trafic de drogues en plein essor, la région doit aussi faire face à des incendies de forêts ravageurs.

Dans l’idéal, Ray souhaiterait que son fils, Ricky, le rejoigne. Mais ce-dernier préfère passer son temps à chercher un moyen de se faire un nouveau shoot…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que le duo Sonatine et David Joy a fait ses preuves plus d’une fois (deux en ce qui me concerne). C’est la promesse d’un roman absolument noir et totalement maîtrisé.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Sonatine et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Une fois de plus, sous la plume de David Joy la région des Appalaches n’a rien d’un décor de carte postale. On serait tenté de croire qu’il noircit la réalité mais il n’en est rien, il parle de ce qu’il connait puisqu’il y vit (la postface de l’auteur, un article publié en 2020, est édifiante et fait froid dans le dos).

Il n’y a donc pas que les forêts qui flambent dans la région (en grande partie à cause de l’activité humaine, soit dit en passant), la pauvreté et la drogue (parfois l’association des deux) consument aussi une partie de la population. Comme de bien entendu certains savent tirer profit de cette situation en profitant de la manne qu’offre ce vaste marché parallèle.

Souvent les personnages de David Joy sont à la dérive, et on en retrouve aussi dans le présent roman (qu’il s’agisse de Ricky ou de Denny, tous deux junkies en perpétuelle recherche d’un petit trafic pour s’offrir leur prochain shoot). À la différence des précédents romans, l’auteur offre aussi des rôles de premier ordre à des personnages que je qualifierai de plus stables, qu’il s’agisse de Ray (un retraité qui vit une vie sans histoire), Leah (fliquette au bureau du sheriff) ou des agents de la DEA.

À travers le personnage de Ray, David Joy souligne les dommages collatéraux de la drogue sur les proches et notamment leur impuissance à changer le cours des choses.

On suit une intrigue à trois voies, celle de Ray justement, père désabusé par les dérives de son fils et par un système qu’il juge inerte et impuissant, celle de Denny, junkie à la dérive dont les perspectives se résument à son prochain shoot et celle de Rodriguez, flic infiltré dans l’attente d’une vaste opération de la DEA. Inutile de préciser que quand ces trois voies vont se croiser la rencontre sera pour le moins explosive.

Une intrigue fortement teintée de noir mais que j’ai trouvé moins « désespérée » que celle des précédents romans, je n’ai pas ressenti ce sentiment de détresse et les émotions fortes qu’il procure. Ça n’empêche pas le bouquin d’être captivant de bout en bout, mais il ne m’a pas mis une grande claque dans la gueule.

Un roman sans concession ni jugement (comme toujours de la part de l’auteur), fortement ancré dans une triste réalité et servi par la justesse de la plume (ou du clavier) de David Joy. Avec ce quatrième roman, l’auteur confirme qu’il est une des plumes incontournables du roman noir.

MON VERDICT

[BOUQUINS] David Joy – Ce Lien Entre Nous

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D. Joy - Ce lien entre nous
Titre : Ce Lien Entre Nous
Auteur : David Joy
Éditeur : Sonatine
Parution : 2020
Origine : États-Unis (2018)
304 pages

De quoi ça cause ?

Alors qu’il braconne sur une propriété voisine, Darl Moody tire sur ce qu’il pensait être un sanglier. En s’approchant de sa proie, il réalise qu’il vient de tuer un homme, et pas n’importe quel homme : Carol ‘Sissy’ Brewer, le frère cadet d’une brute épaisse que tout le monde craint dans le comté de Jackson.

Avec l’aide de son ami de toujours, Calvin Hooper, Darl enterre à la va-vite le corps. Affaire classée ? Ce serait sans compter sur le poids de la culpabilité, mais aussi et surtout sur la détermination de Dwayne Brewer à comprendre la soudaine disparition de son jeune frère.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonatine, et parce que le précédent roman de David Joy, Le Poids Du Monde, m’avait vrillé les tripes et touché droit au cœur.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Sonatine et Net Galley pour leur confiance renouvelée. La crise sanitaire sans précédent (ou presque) liée à la pandémie de Covid-19, a poussé l’éditeur à décaler la sortie de ce roman au 20 mai ; le titre étant disponible via Net Galley, et après contrôle de la charte de l’éditeur sur la plateforme, je vous propose cette chronique en avant-première.

Comme dans son précédent roman, Le Poids Du Monde, c’est dans un comté rural des Appalaches que David Joy situe son action. Si la nature tient une place importante dans le récit, n’espérez pas des descriptions de paysages bucoliques et enchanteurs… ici Dame Nature aurait plutôt tendance à compliquer la vie des hommes. On serait tenté de dire qu’elle agit en état de légitime défense tant les hommes en questions s’acharnent à la transformer (défigurer ?) afin qu’elle réponde au mieux à leurs intérêts économiques.

De nouveau David Joy met en scène des personnages qui ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Des individus, tels Darl et Calvin, qui ont dû trimer (et triment encore) sang et eau pour essayer de s’en sortir. Quand ils n’ont pas, à l’image de Dwayne et Carol Brewer, eu à s’adapter à la violence qui les entourait, à affronter (chacun à sa façon, en baissant les yeux, ou en frappant le premier) les railleries et le mépris de leurs semblables.

Le titre ne saurait être mieux choisi tant les liens entre les personnages sont au coeur de l’intrigue. Qu’il s’agisse des liens du sang unissant les deux frères Brewer, un cadet que Dwayne s’était juré de protéger contre vents et marées. De l’amitié indéfectible unissant Darl et Calvin, une amitié qui poussera Calvin à couvrir ce qui aurait pu n’être qu’un tragique accident de chasse. De l’amour entre Calvin et sa copine, Angie, alors que cette dernière ne sait pas comment lui annoncer qu’elle est enceinte. De la rage omniprésente chez Dwayne, qui va se transformer en haine meurtrière contre ceux qui ont fait du mal à son frère, et, par extension, contre tous ceux qui se mettront à travers de son chemin.

Des personnages sur lesquels David Joy ne porte aucun jugement, et que le lecteur sera bien en peine de juger. Rien n’est tout blanc ou tout noir en ce bas monde, tout n’est que nuances de gris. L’auteur a un incroyable talent quand il s’agit de nous placer dans la peau de ses personnages, on en arrive même à comprendre (à défaut de la partager) la soif de revanche, de sang et de mort de Dwayne Brewer.

L’auteur annonce la couleur d’entrée de jeu en imposant le noir comme reading code, une noirceur à laquelle il ne renoncera quasiment jamais au fil de son récit, une noirceur qui ira crescendo, une noirceur glauque et poisseuse qui nous collera à la peau.

Une fois encore l’écriture de David Joy vous percute droit au cœur, une fois de plus son intrigue va vous passer les tripes au mixer… Et une fois de plus vous refermerez ce bouquin en pensant : « putain, quel talent il a ce mec ! ».

Un bouquin où tout est d’une incroyable justesse, un bouquin que vous aurez bien du mal à lâcher une fois qu’il vous aura happé dans son implacable mécanique, un bouquin qui vous laissera KO debout, mais que vous refermerez à regret.

MON VERDICT
Coup de poing

[BOUQUINS] David Joy – Le Poids Du Monde

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D. Joy - Le Poids du Monde

Titre : Le Poids Du Monde
Auteur : David Joy
Éditeur : Sonatine
Parution : 2018
Origine : USA (2017)
320 pages

De quoi ça cause ?

Little Canada, un bien joli nom pour un patelin paumé au pied des Appalaches. C’est là que Aiden McCall et Thad Broom, deux types blessés par la vie et amis depuis toujours, sont frères de galère. Ils vivotent tant bien que mal entre petits boulots et petits trafics.

Le jour où leur dealer se fait accidentellement sauter le caisson devant eux, les deux potes font main basse sur sa came, son fric et ses flingues. Un premier pas vers un nouveau départ ou vers une inexorable descente aux enfers ?

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonatine et que l’éditeur et Net Galley ont accepté de me faire découvrir ce titre en avant-première (parution le 30 août).

Pour la petite histoire j’ai sollicité simultanément, et en avant-première, La Disparition D’Adèle Bedeau et Le Poids Du Monde, dans l’espoir que l’une de mes demandes soit acceptée ; à ma grande surprise, et pour mon plus grand plaisir, mes deux demandes ont reçu une suite favorable.

Ma chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour cette nouvelle marque de confiance me permettant de découvrir ce roman en avant-première.

C’est ma première incursion dans l’univers littéraire de David Joy (à ma décharge, il n’a écrit, à ce jour, que deux romans et le premier est dans mon Stock à Lire Numérique) et le moins que l’on puisse dire c’est que ça secoue ; comme dirait notre regretté Johnny H. : « noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir« .

Bienvenue au cœur de l’Amérique profonde, par contre oubliez le fameux american dream en ouvrant les pages de ce bouquin ; la crise économique est passée par là et continue à tisser sa toile dévastatrice. En lisant ce roman je n’ai pu m’empêcher de penser au recueil Chiennes De Vies de Frank Bill qui m’avait déjà bien remué les tripes. Le cadre change, on abandonne l’Indiana du Sud pour la Caroline du Nord, mais la situation est plus ou moins la même avec le meth en toile de fond, histoire d’oublier les coups de pute de la vie de tous les jours !

Dès le prologue David Joy donne le ton : « Aiden McCall avait douze ans la seule fois où il entendit les mots « Je t’aime ». » ; c’est son père qui lui adressera ces mots du bout des lèvres. Que c’est bôôô ! Ça aurait pu l’être, sauf que le gars vient de flinguer sa femme sous les yeux de leur fils (Aiden) et va ensuite se faire exploser le caisson… y’a mieux pour démarrer dans la vie ! Mais hélas, comme dirait ce cher Francis C. : « Et ça continue, encore et encore, c’est que le début, d’accord, d’accord« .

Du côté de chez Thad les choses ne sont guère plus brillantes, il est revenu d’Afghanistan affligé d’un sévère syndrome de stress post-traumatique. Depuis il vit entre le passé et le présent, entre là-bas et ici, semblant se foutre du tout, surnageant vaguement entre les vapeurs d’alcool et les nuages de meth.

On pourrait simplement se dire que c’est l’histoire de deux gars que la vie n’a pas vraiment gâtée et du coup éprouver une réelle empathie pour eux. Sauf que nos gusses vont enchaîner les mauvais choix sans vraiment en mesurer les conséquences. Une cata en entraînant une autre, la situation va rapidement échapper à tout contrôle. Là encore il serait aisé de leur jeter la pierre et pourtant à aucun moment je n’ai eu envie de les juger (sans pour autant excuser leurs dérives).

Entre nos deux losers défoncés, on trouve April, la mère de Thad et l’amante d’Aiden. Elle non plus n’a pas été vernie par la vie et n’a guère d’illusion quant à l’avenir ; mais contrairement à Thad et Aiden elle essaye de garder la tête sur les épaules.

Un roman noir puissant qui vous prendra aux tripes dès les premières pages et ne cessera de les vriller en tout sens jusqu’au clap de fin ; et pourtant même en pleine tourmente il vous sera impossible de le lâcher. Une sacrée claque dans la gueule que vous ne refermerez qu’à regret.

David Joy ne s’égare pas en figures de style inutiles, il opte pour une écriture percutante qui va à l’essentiel pour toucher le lecteur en plein cœur.

MON VERDICT
Coup de poing