[BOUQUINS] Jo Nesbo – Le Téléphone Carnivore

Richard Elauved, quatorze ans et mal dans sa peau, est recueilli, après la mort de ses parents, par son oncle et sa tante dans une petite ville où il s’ennuie ferme, ne fréquentant que Tom, bègue et moqué de tous.

Le jour où ce dernier se volatilise, on accuse Richard de l’avoir poussé dans la rivière. Personne ne le croit quand il raconte que le téléphone de la cabine publique où il avait entraîné son camarade pour faire des blagues a dévoré l’oreille, puis la main, le bras et… le reste du corps de Tom. Personne sauf l’énigmatique Karen, qui l’encourage à mener une investigation jugée superflue par la police.

Envoyé en centre de redressement, Richard réussit à s’enfuir avec la complicité de jumeaux maléfiques et aboutit à un manoir abandonné dans la forêt, où se succèdent des phénomènes paranormaux qui semblent tous dirigés contre lui.

Je suis fan de Jo Nesbo et, bien entendu, de son personnage fétiche de Harry Hole. Point de Harry dans le présent roman – laissons le savourer un repos bien mérité avec son précieux Jim Beam –, l’auteur vient surprendre ses lecteurs en s’essayant à la littérature horrifique.

Si on m’avait dit qu’un jour Jo Nesbo allait se frotter à la littérature horrifique, qui plus est à de l’horreur façon série B (voire Z) qui connut ses heures de gloires dans les années 80, j’aurai sans doute ricané en secouant la tête devant une telle aberration (oui, je sais, j’aurai eu l’air très con). Et pourtant, c’est chose faite avec Le Téléphone Carnivore.

Commençons par le visuel avec une couv’ délicieusement kitsch et tape à l’œil qui n’est pas sans rappeler la cultissime collection Gore des éditions Fleuve. La quatrième de couv’ est tout autant racoleuse (quoiqu’un peu trop disserte)… Ça promet !

Reste à savoir si le ramage se rapporte au plumage.

Dès les premières pages on peut d’ores et déjà affirmer que oui. Tous les ingrédients du genre sont là, un ado mal dans sa peau au passé tourmenté et sa bonne copine compréhensive qui veut l’aider, des scènes horrifiques bien détaillées riches en hémoglobine, un scénario qui part un peu dans tous les sens, faisant fi de la cohérence et de la vraisemblance… On plonge de plein pied dans un récit délicieusement régressif (pour les anciens qui ont connu cette littérature des années 80).

Que les choses soient claires, n’espérez pas le grand frisson et les sueurs froides, à moins d’être un ado prépubère en mal de sensations fortes. Comme souvent avec ce genre de romans, nous sommes davantage dans le divertissement horrifique qu’autre chose, il manque une réelle dimension psychologique pour que la peur vous prenne aux tripes.

Les personnages, adolescents comme adultes, font souvent un peu clichés mais ça colle parfaitement au contenu. Des ados un peu paumés (outre Richard, on peut aussi citer Tom et Jack), d’autres imbus d’eux-mêmes, sûrs de leur prétendue supériorité (la palme revient ici à Oscar), sans oublier l’énigmatique Karen, la seule qui semble disposée à croire Richard. Des adultes plutôt incrédules (à l’image de Frank et Jenny, les parents adoptifs de Richard), d’autres franchement soupçonneux (tels le sheriff McClelland ou l’agent Dale).

Si Jo Nesbo semble véritablement prendre plaisir dans ce nouveau registre inattendu, il reste toutefois le maître du jeu et va finalement rebattre les cartes de son récit dans la dernière partie du roman. À l’image du Canada Dry, il ne faut pas se fier aux apparences. Certains regretteront sans doute cet ultime revirement, les plus rationnels seront plutôt soulagés… Pour ma part je suis mi-figue mi-raisin, certes j’aurai aimé que le final soit à l’image du reste du bouquin, mais le choix de l’auteur s’inscrit dans une certaine logique.

Un titre qui n’aurait pas dépareillé dans la défunte collection Gore, une collection et un genre que les éditions Faute de Frappe se font un plaisir de remettre en avant. Il n’en reste pas moins que Jo Nesbo rafle la mise avec son pari un peu fou, force est de reconnaître que j’en suis le premier surpris.

[BOUQUINS] Paul Clément – Même Pas Peur

Vous avez peur du noir ? De l’inconnu ? De la Mort ?
Du haut de ses dix ans, Ethan, lui, n’a peur de rien. D’absolument rien.
Pas même du monstre qui, un soir, apparaît dans sa chambre.
Face à cette abomination venue de nulle part, aucun effroi ne l’envahit ; il ne ressent que de la curiosité… Une curiosité que rien ou presque, ne saurait arrêter. Une curiosité qui pourrait pourtant entraîner la fin de l’Humanité…

Parce que c’est Paul Clément, un auteur que je suis depuis son premier roman, Les Décharnés – Une Lueur Au Crépuscule. Même Pas Peur est le cinquième roman de l’auteur que je lis ; j’ai fait l’impasse sur sa série Les Orphelins De Windrasor, pour me concentrer sur ses titres horrifiques.

Avec Même Pas Peur Paul Clément continue d’explorer les vastes territoires de la littérature horrifique, si l’on considère le diptyque Les Décharnés comme un titre unique, pas un roman de l’auteur ne ressemble aux précédents, c’est encore le cas avec ce nouvel opus qui va entraîner le lecteur vers un nouvel univers anxiogène.

J’avoue qu’à la lecture des premiers chapitres j’ai été un peu décontenancé, ça ressemble plus à une histoire pour grands enfants façon Chair De Poule qu’à un véritable récit d’horreur. C’est au seizième chapitre à l’occasion d’un repas de famille particulièrement animé, que Paul Clément abat ses atouts et plonge son récit dans une ambiance nettement plus gore et glauque.

À partir de là les choses vont aller crescendo, l’auteur n’offrira que peu de répit à ses jeunes héros et à ses lecteurs. Il faut dire que le double terrain de jeu qu’il a imaginé lui ouvre bien des portes, surtout quand il s’agit de découvrir et de parcourir le monde des monstres. Un monde qui obéit à ses propres règles et n’exclut quelques mauvaises rencontres.

Pour la première fois Paul Clément fait le choix de mettre en avant des enfants, ou plus exactement des jeunes adolescents. Ethan pourra ainsi compter sur le soutien indéfectible de ses trois amis de toujours, il devra aussi s’occuper de son jeune frère. Tous vont se retrouver dans une aventure qui le dépasse et dont les enjeux vont bien au-delà de leur seule sécurité. Si Ethan ne connait pas la peur, il demeure un enfant et sera amené à prendre de mauvaises décisions lourdes de conséquences.

Au niveau des personnages j’ai aussi eu un faible pour les « gentils » monstres que sont Malheur et Diogène. Ils vont accepter d’aider Ethan malgré leurs craintes (l’absence de peur et les poussées de colère de l’adolescent sont des armes mortelles contre les monstres) pour préserver l’équilibre entre les deux mondes.

Ce roman est certainement le plus sombre dans la jeune bibliographie de Paul Clément, déjà parce qu’il confronte l’innocence de l’enfance à la mort et à la destruction, souvent à des morts qui impactent directement les personnages. Ainsi sur tous les plans – famille et amis – Ethan va payer le prix fort face aux événements qui vont le frapper de plein fouet.

Je ne vous dirai rien sur la fin du roman si ce n’est que, pour ma part, je suis convaincu qu’elle est la meilleure des options envisagées.

Encore une fois Paul Clément tire parfaitement son épingle du jeu, peut-être quelques longueurs et redondances dans le monde des monstres, un bémol noyé dans les masses des nombreux aspects positifs du roman.

[BOUQUINS] Adam Cesare – Frendo Est Vivant

Sortie tout juste indemne de l’enfer de Kettle Springs, où elle a échappé aux velléités homicides d’un clown démoniaque, Quinn peut enfin reprendre une vie normale en allant poursuivre ses études à l’université. Mais le répit est de courte durée. Un soir, lors d’une fête étudiante, un clown fait irruption pour s’attaquer à la jeune fille. Au même moment, un autre clown s’en prend à son père, resté à Kettle Springs.

Quinn décide alors de retourner au milieu des champs de maïs, là où tout a commencé. Drôle de décision quand on sait l’horreur qui l’attend là-bas…

Sonatine + Adam Cesare + Frendo = BINGO !!!

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Dans l’un des films de la saga Scream, l’un des personnages, lors d’une énième discussion autour des films d’horreur (qui est quand même la thématique récurrente de la série), affirme qu’au cinéma les suites sont toujours moins réussies que le premier film. Globalement j’aurai tendance à partager son avis, du simple fait déjà que l’effet de surprise n’est plus au rendez-vous.

Adam Cesare évite partiellement l’écueil du déjà-vu en ancrant encore davantage son slasher dans l’univers 2.0. Au lieu de se contenter d’un retour de la vengeance d’Arthur Hill, l’auteur surfe sur les travers de ses contemporains et des réseaux sociaux. Course au sensationnalisme, business à tout prix, négationnisme et complotisme vont donc s’inviter dans les champs de maïs de Kettle Springs.

L’auteur (sur)exploite parfaitement la notion politique de l’« idiot utile » pour construire son intrigue. Un des personnages expliquera d’ailleurs ce concept à Quinn, sans réaliser qu’il en est un lui-même.

Comme dans le premier opus, l’auteur prend le temps de poser le retour à une vie presque normale des rescapés de Kettle Spring. Les blessures psychologiques et physiques ne sont pas encore totalement refermées un an après la tuerie. Pas évident aussi quand sur Internet les théories complotistes fleurissent, faisant de Quinn, Cole et Rust, les véritables instigateurs du massacre.

Au niveau des nouveaux personnages, Adam Cesare s’attarde surtout sur la jeune Jerri, et c’est plutôt une bonne chose, car on s’attache rapidement à cette gamine un peu paumée. Deux autres nouvelles têtes joueront un rôle important dans le déroulé du récit, la shérif Marta Lee, chef de la police de Kettle Springs et Izzy Reyes, propriétaire du cinéma et petite amie de Glenn Maybrook.

Mais que les fans d’horreur et d’hémoglobine se rassurent, les choses vont rapidement déraper et échapper à tout contrôle. Les morts violentes et sanguinolentes ne tarderont pas à faire partie intégrante du décor… Je n’irai pas jusqu’à dire que ce retour de Frendo est plus soft que son aîné, mais il est incontestablement moins gore.

Si les codes du slasher sont respectés et que l’intrigue est globalement bien ficelée, j’avoue toutefois avoir été moins emballé par cette suite. Sans doute à cause de l’inévitable sentiment de déjà-vu, mais aussi par le fait que j’ai trouvé le déroulé des événements beaucoup trop improbable. C’est juste too much pour être crédible.

 Le côté divertissement horrifique est certes assuré mais je n’ai pas retrouvé ce clin d’œil au cinéma d’horreur qui était pourtant la griffe du premier opus. Cela ajouté au côté un tantinet surjoué de l’intrigue fait que cette suite m’a moins emballé. Elle aura toutefois eu le mérite de clore définitivement un des volets de l’intrigue.

[BOUQUINS] Adam Cesare – Un Clown Dans Un Champ De Maïs

Quand ils viennent s’installer à Kettle Springs, un patelin paumé du Missouri, le Dr Maybrook et sa fille, Quinn, découvrent une bourgade en plein crise générationnelle. D’un côté les adultes défendent les traditions, de l’autre, les jeunes ne pensent qu’à faire la fête et à dénigrer leurs aînés.

Alors que les jeunes organisent une soirée « clandestine » à proximité d’une ferme perdue au cœur des immenses champs de maïs qui entourent la ville, un clown s’invite à la fête, bien décidé à y mettre de l’ambiance à sa façon…

Parce que c’est Sonatine mais pas que… avec ce titre l’éditeur inaugure une nouvelle collection dédiée à l’horreur.

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Les clowns n’ont pas toujours été des personnages de cirque faisant rire les petits (et parfois les grands). C’est aux États-Unis qu’a sévit le plus tristement célèbre clown criminel, John Wayne Gacy, surnommé « le clown tueur », a en effet été condamné (1980) et exécuté (1994) pour 33 meurtres commis entre 1972 et 1978.

Dans la fiction on pense bien sûr assurément au célébré Grippe-Sou créé par Stephen King dans son roman Ça (1986). Mais le clown n’a pas attendu le King pour commencer à répandre la terreur (sur papier), le Joker apparait pour la première fois en 1940 dans l’univers de DC Comics sous les crayons de Bill Finger et Bob Kane ; il reste à ce jour l’un des méchants les plus emblématiques de la culture populaire. Plus récemment les jeux vidéo PayDay (2011 et 2013) vous permettent d’incarner une équipe de braqueurs de banque portant des masques de clown.

Un tueur un peu zinzin qui poursuit des jeunes un peu concons et les zigouille un à un n’est pas vraiment un concept nouveau. Qu’importe que ledit tueur soit un clown, seul l’emballage change. Pour le reste on demeure dans l’univers du slasher, popularisé au cinéma par des sagas telles que Vendredi 13, Halloween, Scream, Les Griffes De la Nuit et bien d’autres.

Connaissant les exigences de qualité des éditions Sonatine, je me suis laissé dire que s’ils avaient invité Adam Cesare et son mystérieux clown dans leur catalogue, c’est qu’il y avait certainement plus de matière à découvrir que l’on pouvait le supposer de prime abord.

Commençons par l’aspect strictement visuel de la chose avec sa couverture. Perso je ne peux que craquer devant ce clown armé d’une hache et au costume maculé de sang. Et en arrière-plan la nana qui s’enfuit en courant, façon ombre chinoise. Je valide !!!

La première surprise vient du fait que l’auteur prend son temps pour poser le cadre et ses personnages. On découvre ainsi, en même que Quinn, une petite bourgade de campagne qui vivote dans l’espoir d’un nouvel élan économique. Mais sous cette apparente léthargie se terrent des tensions larvées entre les générations.

Dès lors il suffira d’une mauvaise blague qui tourne mal (même si le bilan aurait pu être bien plus sévère) pour mettre le feu aux poudres (sans mauvais jeu de mot).

Si les jeunes de Kettle Springs sont prompts à faire des conneries 2.0 (ces fameux pranks – des canulars d’un goût parfois douteux, filmés et mis en ligne – qui font le bonheur des réseaux sociaux), ils ne sont toutefois pas aussi superflus et stupides que bien des jeunes victimes de slasher du grand écran (ou de la petite lucarne pour les amateurs de DVD / Blu Ray / Streaming).

Au fil des chapitres l’intrigue s’étoffe, on s’éloigne du slasher brut de décoffrage pour entrer dans un véritable scénario. Scénario dont je ne vous dirai rien, cela va de soi.

Les amateurs d’hémoglobine et de chair fraîche se demanderont sans doute si l’horreur est au rendez-vous, eh bien oui. Vous aurez le droit à votre lot de morts brutales, et en la matière il y en aura pour tous les goûts. Mais le tout est exposé sans vulgarité, sans voyeurisme inutile et sans trop de second degré. Brut et efficace !

Par contre pour le grand frisson vous repasserez, je n’ai pour ma part jamais été effrayé par les slashers. Tout au plus Maniac (William Lustig, 1980) dégageait quelque chose de vraiment malsain, les premiers épisodes de Scream et Des Griffes De la Nuit étaient vraiment réussis mais demeuraient dans le registre du divertissement horrifique. Le roman se classe honorablement dans cette seconde catégorie.

Un bouquin qui se dévore quasiment d’une traite, qui parvient à la fois à faire honneur aux règles du genre et à ancrer son récit dans notre univers bercé par les nouvelles technologies (pour le meilleur et pour le pire). De quoi satisfaire les amateurs – et les nostalgiques – du genre.

Et que les plus gourmands se rassurent, quand y en a plus il y en a encore (et je ne parle pas de liquide vaisselle)… Frendo will be back ! Et je répondrai présent à l’appel du clown.

[BOUQUINS] Patrick Senècal – Flots

AU MENU DU JOUR


Titre : Flots
Auteur : Patrick Senécal
Éditeur : Alire
Parution : 2021
Origine : Canada (Québec)
365 pages

De quoi ça cause ?

Quand Josée vient rendre visite à sa sœur, Maryline, elle ne trouve que sa nièce, Florence, 8 ans, seule dans la maison. Après avoir attendu un éventuel retour des parents, Josée, inquiète, finit par contacter la police. Pendant tout ce temps, Florence reste mutique.

Nul n’imagine encore l’indicible vérité, celle que Florence raconte par le détail dans son journal intime…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Patrick Senècal, après avoir lu Faims, je m’étais promis de poursuivre ma découverte de son univers littéraire. J’ai raté le coche à plusieurs reprises avant de réussir à m’accrocher à son dernier wagon en date.

Parce que je n’ai pu résister à l’attrait de cette couv’ plus que prometteuse.

Ma Chronique

Tant qu’à lire un auteur québécois, autant opter pour une édition québécoise de son roman histoire de profiter pleinement de verbe chantant à l’accent de Caribou. Il est vrai que pour les amateurs il n’y a pas souvent d’autres options, sur la vingtaine de titres écrits par Patrick Senécal seuls quatre ont bénéficié d’une édition made in France (Aliss, Les 7 Jours Du Talion, Le Vide et Hell.com). Pas de regrets pour ma part, cette couleur « locale » supplémentaire apporte un vrai plus à la lecture… et l’on s’y habitue très rapidement sans effort (si vraiment ça coince sur certains termes ou expressions, je vous invite  à consulter le lexique proposé par le site dufrançaisaufrancais).

J’ai remarqué, même cela reste un ressenti purement personnel, que les auteurs québécois étaient davantage décomplexés par rapport à la littérature horrifique que nos auteurs français ; peut-être est-ce dû à l’influence des auteurs américains qui assument totalement ce genre. Quand je vois des séries comme Cobayes ou Les Contes Interdits (les deux attendent leur tour dans les méandres de mon Stock à Lire Numérique), ou même le présent roman, j’ai du mal à imaginer la même chose écrite par un auteur français… en tout cas pas de manière aussi « libérée ».

Il faut dire que Patrick Senècal fait un choix plutôt audacieux pour son nouveau roman, son héroïne, Florence, est une enfant de 8 ans qui a un mode de pensée dénué de toute empathie et qui, de fil en aiguille, va la transformer en véritable psychopathe.

Une gamine d’apparence tout ce qu’il de plus banale et innocente qui vit dans une famille qui semble tout aussi normale. C’est vrai que papa et maman se chicanent de temps en temps et que Florence trouve ça plate. Parfois le ton monte, et Papa cogne maman, ça fait chier Florence, mais finalement pas tant que ça.

Maryline, la mère, est nostalgique de son ancienne carrière de mannequin, elle noie parfois son chagrin dans l’alcool, mais cela ne l’empêche pas de surprotéger Florence et d’entretenir une relation très complice avec elle.

Sebastien, le père, gère tant bien que mal la supérette (dépanneur en québécois dans le texte) située au rez-de-chaussée de la maison familiale, mais les temps sont durs. Un brin parano à tendance complotiste, l’émergence de la crise sanitaire du Covid-19 n’arrangera pas son humeur.

Le reste de l’univers de Florence tourne autour de l’école et de ses amies, ainsi que de ses cours de piano, assurés par Mme Lemaire, une vieille dame aveugle. Normal, quoi.

Le roman s’ouvre donc sur l’arrivée de tante Josée qui vient rendre visite à sa sœur (Maryline) inquiète d’être sans nouvelles depuis plusieurs jours. Sauf qu’en arrivant elle trouve Florence seule à la maison, prostrée dans le canapé et mutique.

La structure du roman alterne entre les chapitres « actuels » relatant l’intrigue depuis l’arrivée de Josée chez sa sœur et le journal intime de Florence qui décrit avec force détails les événements qui se sont déroulés les jours précédents.

L’auteur passe donc d’une vue à la troisième personne écrite dans un style et une vision des événements très adultes, à une vue à la première personne (Florence) qui raconte son quotidien avec un curieux mélange d’innocence propre à son âge et sa perception très personnelle des faits. Un exercice de style que Patrick Senècal maîtrise à la perfection, on y croit à 200% !

Pour en revenir à ce que je disais en ouverture de cette chronique quant au choix de lire ce roman dans sa version d’origine, il me semble encore plus important présentement. L’emploi du québécois retranscrit au plus juste les émotions de Florence.

Les personnages sont traités avec beaucoup d’attention, le plus frappant étant de loin le gouffre qu’il y a entre les perceptions de Florence et celles de ses copines et copains. D’un autre côté heureusement que tous les gamins ne fonctionnent pas comme Florence !

Dès le départ on se doute bien que quelque chose a mal tourné et que Florence n’y est pas totalement étrangère, au fil des chapitres on découvre que la « réalité » va bien au-delà de tout ce que l’on avait pu imaginer. Le déroulé et le rythme de l’intrigue sont menés d’une main de maître, on est entraîné dans une spirale infernale dont on ne peut se détacher.

Un récit horrifique totalement assumé à l’ambiance délicieusement malsaine (dérangeante, déstabilisante… les qualificatifs ne manquent pas). À ne pas mettre entre toutes les mains (âmes sensibles s’abstenir) car Patrick Senécal n’y va pas avec le dos de la cuillère. Les lecteurs friands du genre (dont je suis) se régaleront et dévoreront sans retenue le roman (ce que j’ai fait).

À la fin du roman, j’ai tiqué en voyant apparaître un personnage qui me semblait familier. Vérification faite Michelle Beaulieu est bien l’un des personnages du roman Faims ; c’est même un personnage plus ou moins récurrent dans les romans de Patricck Senècal depuis 5150, Rue Des Ormes, selon les circonstances elle peut jouer un rôle majeur dans le récit, ou se contenter d’un discret caméo.

MON VERDICT

Coup de poing

[TV NEWS] American Horror Story – 1984

AU PROGRAMME DU JOUR


Titre : American Horror Story – 1984
Saison : 9
Création : Brad Falchuk & Ryan Murphy
Production : 20th Century Fox
Chaine d’origine : FX
Diffusion France : Canal+ / Netflix
Origine : Etats-Unis
Format : 9 épisodes de 42 minutes

Casting

Emma Roberts : Brooke Thompson
Billie Lourd : Montana Duke
Leslie Grossman : Margaret Booth
Cody Fern : Xavier Plympton
Matthew Morrison : Trevor Kirchner
Gus Kenworthy : Chet Clancy
John Carroll Lynch : Benjamin Richter
Angelica Ross : Rita Chambers
Zach Villa : Richard Ramirez

Le pitch

Un soir d’été 1970, les vacances des pensionnaires du camp Redwood sont abrégées dans le sang par l’irruption de M. Jingle, un tueur psychopathe qui assassine neuf adolescents dans leur dortoir avant d’être appréhendé par la police.

Quatorze ans plus tard, alors qu’un groupe de jeunes moniteurs participe à la réouverture du camp, M. Jingle s’évade de prison…

Ma chronique

Comme à l’accoutumée les saisons de American Horror Story se suivent et ne se ressemblent pas. Nouveau changement de cap à l’occasion de cette neuvième saison ; on hésite entre hommage et parodie aux slasher movies (on pense notamment aux franchises Vendredi 13 et Halloween), mais aussi à toute la culture pop des années 80.

Au fil de ses neuf épisodes, cette nouvelle saison nous fait voyager dans le temps. Les cinq premiers épisodes nous embarquent pour 1984 (avec quelques flashbacks en prime), les trois suivants nous plongent en 1989 et le dernier est contemporain puisqu’il se déroule en 2019. Trois périodes et trois ambiances distinctes.

Malgré l’absence au casting d’Evan Peters et de Sarah Paulson (qui ont été présents au cours des huit saisons précédentes), les acteurs sont convaincants dans les personnages et leur évolution au fil du temps. Une interprétation souvent exagérément surjouée mais on sent que c’est voulu, voire même revendiqué.

Si les premiers épisodes respectent plus ou moins scrupuleusement les codes du slasher movie, les choses se corsent dès le quatrième épisode avec un revirement de situation pour le moins inattendu… voire inapproprié. Ce qui pourrait passer pour du grand portnawak dans un autre contexte, est accepté ici. Cette saison semble résolument placée sous le signe de la surenchère et de la dérision, alors amusons nous sans prise de tête, tout simplement.

Une saison nettement plus légère que ce à quoi nous étions habitués, déconcertant certes mais après tout pourquoi pas. Ne vous y trompez pas, avec des références comme Vendredi 13 ou Halloween, l’hémoglobine est bien de la partie mais sans réelle volonté de créer le grand frisson.

Certainement pas l’une des meilleures saisons de la saga American Horror Story, cette neuvième saison a toutefois le mérite de rester divertissante sans véritable fausse note. Les puristes et fan des eighties auraient sans doute apprécié un hommage plus « sérieux » aux slasher movies ; mais à bien y réfléchir, vous avez déjà eu la trouille en matant un Vendredi 13 ? C’est gore oui, mais niveau tension psychologique on est plutôt au ras des pâquerettes.

Que les fans de la série se rassurent, une dixième saison a bien été commandée par FX, mais, crise sanitaire oblige, le tournage a été reporté à une date ultérieure. La chaîne serait même partante pour trois saisons complémentaires, à condition que Ryan Murphy et Brad Falchuk suivent.

♥♥♥½

[BOUQUINS] Paul Clément – Elle Est La Nuit

AU MENU DU JOUR

P. Clément - Elle est la Nuit

Titre : Elle Est La Nuit
Auteur : Paul Clément
Éditeur : Auto-édition
Parution : 2020
Origine : France
438 pages

De quoi ça cause ?

Lewiston, Montana.

Pour les frères Reed, c’est un point de chute idéal pour se faire oublier après un braquage qui a mal tourné.

Pour Laurel Foster, c’est la promesse d’un nouveau départ, loin du tumulte de Los Angeles et surtout loin de ses parents qui l’étouffent.

Pour Elle, c’est le terrain d’un Jeu mortel qu’elle renouvelle nuit après nuit… Mais ça les frères Reed et Laurel ne pouvaient pas le deviner, avant d’être confrontés à la folie meurtrière de la nuit à Lewiston…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que j’ai beaucoup aimé les deux premiers romans de Paul Clément, un jeune auteur auto-édité qui a tous les atouts pour jouer dans la cour des grands.

Ma Chronique

J’ai découvert Paul Clément à l’occasion de la sortie de son premier roman, Les Décharnés, une histoire de zombies qui proposait un cadre et des personnages plutôt inédits dans un genre qui a pourtant été exploité (et parfois surexploité) à toutes les sauces. Un coup d’essai transformé avec un second roman, Creuse La Mort, qui jouait sur un autre registre de la littérature horrifique.

Après une escapade dans un tout autre genre (un mix entre aventures et fantastique, orienté vers un public young adult) avec son roman-feuilleton en 8 épisodes, Les Orphelins De Windrasor (dans mon Stock à Lire Numérique, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de me pencher sur la question) l’auteur revient à l’horreur avec ce nouveau roman.

Un retour aux sources que j’attendais avec impatience !

Un mot sur le visuel avant d’entrer dans le vif du sujet, je trouve que la couv’ du bouquin est superbe et annonce la couleur quant à son contenu.

Rien à redire non plus quant à la façon dont Paul Clément mène sa barque et son intrigue. Le déroulé et le rythme de l’intrigue restent sous contrôle, même si parfois le lecteur se laissera entraîner par le courant plutôt que d’essayer de comprendre tous les tenants et les aboutissants du récit.

Dans un premier temps les chapitres alternent entre deux axes narratifs distincts, la cavale des frères Reed d’un côté, et l’installation de Laurel dans son nouveau milieu personnel et professionnel d’un autre côté. Sans surprise ces deux axes vont se croiser et fusionner pour ne faire qu’un.

Le bât blesse parfois dans la longueur des chapitres, à force de détails pas forcément nécessaires au déroulé de l’intrigue, on finit par perdre le fil. Rien de rédhibitoire, mais il est vrai que le récit aurait pu gagner en fluidité avec quelques coupes franches dans le texte.

Les amateurs de littérature horrifique, dont je suis, trouveront leur compte avec ce roman. Pas franchement LE grand frisson, mais suffisamment d’action et d’hémoglobine pour satisfaire même les plus exigeants.

Bien que le roman soit indéniablement une réussite, il n’a pas suscité l’enthousiasme que j’espérais. J’en attendais sans doute trop… ce qui n’enlève rien à ses nombreuses qualités, et ne m’empêchera pas de répondre présent pour le prochain roman de Paul Clément.

Le code du fichier epub aurait mérité un petit nettoyage afin de l’optimiser mais rien qui vienne impacter directement la lecture. Le genre de truc sur lequel je ferme les yeux quand j’ai entre les mains un roman auto-édité.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Nick Cutter – Little Heaven

AU MENU DU JOUR

N. Cutter - Little Heaven
Titre : Little Heaven
Auteur : Nick Cutter
Éditeur : Denoël
Parution : 2018
Origine : Canada (2017)
592 pages

De quoi ça cause ?

Quand Petty, la fille de Micah, est enlevé en pleine nuit, il sait qu’il ne pourra pas vaincre seul la chose qui lui a pris sa fille. Il fait appel aux seules personnes capables de l’aider face à cet ennemi, Eb et Minerva, des mercenaires, comme lui. Tous trois vont reprendre la route de Little Heaven dans l’espoir de sauver Petty et d’en finir avec cette abomination.

Quinze ans plus tôt, les trois amis ont déjà eu à affronter cette chose au cœur même de Little Heaven, une petite communauté religieuse qui vit coupée du monde. Un paradis qui se révélera rapidement ressembler davantage à une antichambre de l’Enfer plutôt qu’au jardin d’Eden…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

J’ai découvert Nick Cutter en 2016 à l’occasion de la parution de son roman Troupe 52. Les auteurs qui brillent dans la littérature horrifique sont rares, du coup quand on en trouve un, on n’a plus trop envie de le lâcher.

Ma chronique

Nick Cutter (Craig Davidson de son vrai nom) m’avait bluffé avec son précédent roman, Troupe 52, pour une première incursion dans la littérature horrifique, on peut dire qu’il avait fait fort, très fort même. Il en remet une couche avec Little Heaven ; sera-t-il à la hauteur de son aîné ?

Incontestablement la réponse est un OUI franc et massif. L’auteur parvient à aller encore plus loin dans l’horreur sans jamais donner l’impression de faire dans la surenchère gratuite. C’est trash, c’est gore, mais c’est pour les besoins de l’intrigue ; là où d’autres sombreraient dans le ridicule (voire le risible) à vouloir en faire des caisses, Nick Cutter évite cet écueil et nous propose un récit parfaitement maîtrisé. Essai transformé donc, la littérature horrifique peut s’enorgueillir de recevoir un nouveau cador du genre en ses rangs.

Je pense que vous l’aurez compris : âmes sensibles s’abstenir !

Une réussite qui doit beaucoup à son trio de héros pour le moins atypique. Et Dieu sait pourtant que réunir ces trois-là n’était pas une mince affaire ; en effet lors de leur première rencontre ils tentent vainement de s’entretuer. Blessés, ils se retrouveront dans une infirmerie de fortune en attendant que la police ne vienne les prendre en charge… sauf qu’ils ne l’entendent pas vraiment de cette oreille et seront contraints de faire équipe pour échapper à la prison.

C’est volontairement que je ne m’attarderai pas sur les personnages, pour faire simple on va dire qu’ils valent vraiment le détour, même s’ils loin d’être des saints, je suis sûr que vous les adopterez aussi vite que je l’ai fait. Pour le reste, à vous de le découvrir.

D’autres personnages sont appelés à jouer un rôle essentiel dans le déroulé de l’intrigue. Deux noms me viennent spontanément à l’esprit : Ellen et Amos. Vous ne pourrez qu’apprécier la première, tout comme vous ne pourrez que haïr le second. Sans oublier bien sûr les multiples entités qui hantent les bois voisins de Little Heaven.

Le récit alterne entre les événements présents (1980) et les flashbacks (1965-1966). C’est un trio vieillissant qui se retrouve pour affronter un mal qu’ils ne connaissent que trop bien. En examinant le découpage du bouquin, j’ai été étonné par l’importance (en nombre de pages) des événements passés (entre 75 et 80% du récit) par rapport à ceux du présent ; je craignais que l’intrigue actuelle soit quelque peu bâclée… J’ai été rapidement rassuré, tout s’imbrique impeccablement et même la fin apparaît alors comme la seule issue possible.

La désinvolture (parfois rien qu’apparente) des personnages et l’aspect décalé de certains dialogues apportent quelques touches d’humour bienvenues au milieu de ce déferlement de monstruosités en tout genre (dont certaines étant du seul fait des humains).

Le roman, dans son ensemble, dégage une ambiance très western, à commencer par ses héros qui font beaucoup penser aux cowboys solitaires chers au western spaghetti (bin oui, on est loin de notre brave poor lonesome cowboy qui tire plus vite que son ombre). Un western glauque et oppressant à souhait, mais aussi particulièrement riche en hémoglobine ; un cocktail détonnant (et étonnant) entre les univers de Sergio Leone et de Lovecraft.

Les amateurs du genre du genre se régaleront alors que les autres passeront leur chemin (à moins d’être franchement maso). Pour ma part je me suis régalé sans modération et j’espère bien avoir l’occasion de savourer d’autres écrits de Nick Cutter (il reste deux titres non encore disponibles en français).

Cerises (et oui, il y en a plusieurs) sur le gâteau, les superbes illustrations d’Adam Gorham disséminées au fil des chapitres. Je ne résiste d’ailleurs pas au plaisir de vous faire découvrir un trombinoscope de nos trois héros (Micah, Minerva et Eb).

Little Heaven

Pour l’anecdote j’ai découvert Troupe 52 dans son édition québécoise (publiée par les éditions Alto), pour Little Heaven c’est l’édition française (publiée par Denoël) que j’ai lue. Dans les deux cas je trouve les couv’ de Denoël (sans aucun chauvinisme déplacé) nettement plus réussies (ci-dessous la couv’ des éditions Alto de Little Heaven).

Little Heaven (ALto)

MON VERDICT

[BOUQUINS] Maxime Chattam – Le Signal

AU MENU DU JOUR

M. Chattam - Le Signal

Titre : Le Signal
Auteur : Maxime Chattam
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2018
Origine : France
752 pages

De quoi ça cause ?

Pour fuir le tumulte de la vie new-yorkaise, la famille Spencer, Tom, Olivia, leurs deux adolescents, Chad et Owen, et la petite dernière, Zoey, décident de s’installer dans la paisible bourgade de Mahingan Falls ; se mettre au vert histoire de prendre un nouveau départ.

Paisible ? Rien n’est moins sûr. En effet, peu après leur installation les Spencer notent une succession d’événements troublants. Et si une menace invisible, mais néanmoins bien réelle, planait sur Mahingan Falls…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Maxime Chattam.

Parce que la quatrième de couv’ nous promet LE grand frisson.

Ma chronique

J’apprécie tout particulièrement les auteurs qui osent s’aventurer au-delà de leur zone de confort, nul ne pourrait nier que Maxime Chattam fait partie de ces auteurs/baroudeurs. Plutôt que de se confiner au thriller, genre dans lequel il n’a plus rien à prouver, il n’hésite pas à sortir des sentiers battus pour explorer de nouveaux horizons.

Qui l’eut cru capable de nous offrir une saga de fantasy post-apocalyptique ? Et pourtant il l’a fait avec Autre-Monde, et le résultat a été plus que convaincant. S’essayer au roman noir était certes un pari moins risqué, il n’en reste pas moins qu’il a brillamment tiré son épingle du jeu avec Que ta Volonté Soit Faite. Au risque de désarçonner ses lecteurs, il a été encore plus loin dans le noir avec Le Coma Des Mortels, et effectivement l’accueil fut mitigé même si, pour ma part, j’ai été sous le charme.

Avec Le Signal, l’auteur s’essaye à la littérature horrifique ; un genre à part entière, n’en déplaise à certains intégristes culturels. Un genre qui fut véritablement initié par Mary Shelley (Frankentstein) et Bram Stoker (Dracula) et qui aujourd’hui fait bien des émules aussi bien chez les lecteurs que chez les auteurs. Dans cette vaste écurie littéraire, pour son roman Maxime Chattam puise vraisemblablement son inspiration chez H.P. Lovecraft et Stephen King ; inutile de vous dire qu’avec de telles références la barre est haute…

N’est pas Lovecraft ou King qui veut. Dès les premières pages du bouquin, on sent que Maxime Chattam n’est pas dans son élément, ça manque de corps, comme si l’auteur cherchait à écrire comme ses modèles plutôt que de s’approprier totalement son intrigue.

Si les différentes scènes horrifiques sont plutôt bien foutues, il manque un liant ou plus exactement un background. Le gore fait incontestablement son effet, mais au niveau de l’ambiance générale du récit la sauce a du mal à prendre. Il manque cette impression de malaise et/ou d’oppression qui est la marque des grands récits d’horreur. Du coup on frémit sur le coup (certaines mises à mort sont franchement vicieuses), mais on ne flippe pas réellement. Pour le grand frisson, c’est raté.

Il n’en reste pas moins que Maxime Chattam est un grand auteur, malgré ces quelques imperfections, il parvient à rendre son récit addictif, difficile de lâcher prise avant de connaître le fin mot de l’histoire. Sur ce point, j’ai un moment craint le pire devant la dimension technologique des événements qui frappent Mahingan Falls, mais au final ça s’intègre plutôt bien à l’ensemble (et ça justifie le titre du roman, soit dit en passant).

Certes pas le meilleur cru de Maxime Chattam mais la dernière partie du récit, franchement haletante, ferait presque oublier ces petits défauts. Si l’auteur souhaite persévérer dans le genre (ce que j’espère), je lui conseillerai (très modestement cela va sans dire) d’oser s’affirmer davantage ; garder à l’esprit les maîtres du genre est une bonne chose, mais il faut qu’il trouve et impose sa propre voie.

À défaut d’avoir ressenti le grand frisson, j’ai passé un agréable moment en compagnie de la famille Spencer, mais aussi des autres personnages (mention spéciale à Connor, un adolescent qui ne manque pas de ressources, mais aussi à Gemma, la baby-sitter et à Ethan Cobb, un lieutenant qui n’hésitera pas à s’opposer à son abruti de chef). N’allez pas croire que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, si les entités qui s’acharnent sur Mahingan Falls sont franchement néfastes, chez les humains aussi il y a des individus hautement nuisibles (je citerai par exemple Derek Cox et Warden, le chef -l’abruti dont il est question plus haut – de la police).

J’ai refermé ce bouquin avec une question qui me turlupinait : qu’est-il donc arrivé à Milo ? Avec le recul je me dis qu’il vaut mieux peut-être ne pas le savoir ; surtout quand on connait le triste sort réservé à son prédécesseur…

Le bouquin est truffé de clins d’œil à la littérature et au cinéma horrifique, à commencer bien entendu par l’oeuvre de Stephen King (certaines références étant très lourdement appuyées) ; si je devais n’en retenir qu’une, ce serait la présence de la ville d’Arkham et plus particulièrement son hôpital psychiatrique (Arkham Asylum en langue de là-bas). Si, à l’origine, la ville d’Arkham (Massachusetts) a été imaginée par H.P. Lovecraft pour être le théâtre de certains de ses écrits, notamment dans le cadre du Mythe de Cthulhu, et abrite bien un hôpital psychiatrique ; l’Arkham Asylum a surtout été popularisé par DC Comics, c’est en effet là que sont détenus les pires criminels de Gotham City que combat Batman (dont l’incontournable Joker).

D’un point de vue strictement visuel, je trouve la couv’ très réussie. Si je ne connaissais pas Maxime Chattam, elle m’aurait très certainement donné envie de me pencher sur ce bouquin. Et j’aurai tout aussi certainement craqué après avoir lu la quatrième de couv’.

Petite digression sportive si vous le permettez…

Ils étaient sonnés.
Comme s’ils avaient pris un uppercut en pleine tempe.

Pour un amateur de boxe, cette phrase pique les yeux et défie toute logique.
Un uppercut en pleine tempe c’est juste impossible… ou alors c’est un uppercut raté. L’uppercut est un puissant coup de poing porté de bas en haut qui vise principalement le menton de l’adversaire ; un uppercut réussi laissera l’adversaire complètement sonné, voire même KO. S’il touche la tempe, il ne fera guère que l’effleurer en fin de course.
Par contre si on veut déstabiliser (et plus si affinités) son adversaire en le frappant à la tempe, c’est le crochet le coup le plus approprié.

MON VERDICT

[BOUQUINS] L.P. Sicard – Au Nom De L’Horreur

AU MENU DU JOUR

L.P. Sicard - Au Nom De L'Horreur

Titre : Au Nom De L’Horreur
Auteur : L.P. Sicard
Éditeur : AdA
Parution : 2018
Origine : Canada (Québec)
268 pages

De quoi ça cause ?

Philippe Durand gagne un séjour d’une semaine dans un manoir du XIXème siècle situé au cœur des Pré-alpes provençales. Une bâtisse d’époque, sans électricité ni eau courante, coupée du monde.

Il quitte sans hésitation Montréal pour vivre cette aventure. Sur place, il retrouve sept autres invités, venant tous d’horizons différents et ayant remporté le même « séjour de rêve ».

Un rêve qui vire au cauchemar quand une première convive est retrouvée morte, égorgée. Et que son corps disparaît peu après…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Ça faisait déjà un moment que le catalogue des éditions AdA me faisait de l’œil avec ses titres horrifiques, alors pourquoi ne pas se laisser tenter par le grand frisson ?

Au départ je pensais me laisser séduire par Les Contes Interdits, un collectif d’auteurs revisite, de façon très trash les classiques du conté de fée. Finalement mon choix s’est porté sur le roman de L.P. Sicard, mais ce n’est que partie remise pour Les Contes Interdits !

Ma chronique

Est-ce bien utile de commencer cette chronique par l’avertissement de rigueur, âmes sensibles s’abstenir ? A priori on jetant son dévolu sur ce roman on sait grosso modo à quoi s’attendre (pas vraiment un road-trip sauce guimauve sur fond de Bisounours). Et force est de reconnaître que le résultat est à la hauteur, c’est de la littérature horrifique pure et dure, avec son côté ouvertement gore assumé.

À la lecture on devine que L.P. Sicard est très à l’aise avec les différents mécanismes de l’horreur, mais il manque toutefois une réelle dimension psychologique pour assurer le grand frisson. Oui l’hémoglobine coule à flots, oui les morts brutales se succèdent, mais on assiste à ce jeu de massacre avec une certaine distance.

Le récit à la première personne devrait pourtant tendre à dynamiser l’intrigue, mais la sauce a du mal à prendre à ce niveau. La faute essentiellement à un style trop alambiqué, c’est agréable à lire, mais ça manque cruellement de naturel, que ce soit dans le choix des mots ou les tournures de phrases. Les envolées lyriques ne collent pas au genre horrifique ; ça donne au contraire au récit un aspect artificiel qui empêche le lecteur de s’impliquer dans le déroulé de l’intrigue. Un sentiment renforcé par la multiplication de sentences dignes d’une philosophie de comptoir tant elles sont d’une affligeante banalité.

Un récit à la première personne se fait souvent au détriment des personnages, c’est le cas ici. On partage les états d’âme (et états d’esprit) du narrateur (Philippe Durand), mais la personnalité des autres convives est à peine esquissée. Ça reflète plutôt bien le choix narratif, mais un peu plus de profondeur eut toutefois été un plus appréciable.

Il n’en reste pas moins que le huis clos fonctionne plutôt bien (huit convives et autant de victimes potentielles, isolées dans un manoir coupé du monde au coeur de l’hiver). On n’en finit pas de se poser des questions sur la nature des meurtres qui s’enchaînent. Plus les cadavres s’empilent (sauf qu’ils ont la fâcheuse manie de disparaître peu après leur mise à mort), plus on se triture les méninges à essayer de comprendre ce qui se cache derrière ces meurtres sauvages : un criminel humain, un monstre quelconque, une force maléfique ??? Le mystère reste entier jusqu’à ce que l’auteur vous dévoile le fin mot de l’histoire ; rien à redire au niveau de l’énigme et de sa résolution, c’est brillant de bout en bout.

Louis-Pier Sicard est un jeune auteur québécois, il a commencé sa carrière littéraire par la poésie avant de se lancer dans la littérature jeunesse. C’est avec le collectif Contes Interdits qu’il s’essayera à la littérature adulte et horrifique en revisitant l’histoire de Blanche-Neige, un autre conte devrait par ailleurs sortir d’ici la fin de l’année.

Au final je dirai que l’auteur fait montre d’une belle maîtrise du genre sur le fond, mais il gagnerait à soigner la forme en adoptant un style narratif plus naturel. Je mentirai en disant que je me suis ennuyé en lisant ce bouquin, j’ai pris plaisir à le lire, mais je le referme avec l’impression d’être passé à côté de quelque chose qui aurait pu être beaucoup plus percutant si mieux exploité…

MON VERDICT