AU MENU DU JOUR
Titre : Flots
Auteur : Patrick Senécal
Éditeur : Alire
Parution : 2021
Origine : Canada (Québec)
365 pages
De quoi ça cause ?
Quand Josée vient rendre visite à sa sœur, Maryline, elle ne trouve que sa nièce, Florence, 8 ans, seule dans la maison. Après avoir attendu un éventuel retour des parents, Josée, inquiète, finit par contacter la police. Pendant tout ce temps, Florence reste mutique.
Nul n’imagine encore l’indicible vérité, celle que Florence raconte par le détail dans son journal intime…
Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?
Parce que c’est Patrick Senècal, après avoir lu Faims, je m’étais promis de poursuivre ma découverte de son univers littéraire. J’ai raté le coche à plusieurs reprises avant de réussir à m’accrocher à son dernier wagon en date.
Parce que je n’ai pu résister à l’attrait de cette couv’ plus que prometteuse.
Ma Chronique
Tant qu’à lire un auteur québécois, autant opter pour une édition québécoise de son roman histoire de profiter pleinement de verbe chantant à l’accent de Caribou. Il est vrai que pour les amateurs il n’y a pas souvent d’autres options, sur la vingtaine de titres écrits par Patrick Senécal seuls quatre ont bénéficié d’une édition made in France (Aliss, Les 7 Jours Du Talion, Le Vide et Hell.com). Pas de regrets pour ma part, cette couleur « locale » supplémentaire apporte un vrai plus à la lecture… et l’on s’y habitue très rapidement sans effort (si vraiment ça coince sur certains termes ou expressions, je vous invite à consulter le lexique proposé par le site dufrançaisaufrancais).
J’ai remarqué, même cela reste un ressenti purement personnel, que les auteurs québécois étaient davantage décomplexés par rapport à la littérature horrifique que nos auteurs français ; peut-être est-ce dû à l’influence des auteurs américains qui assument totalement ce genre. Quand je vois des séries comme Cobayes ou Les Contes Interdits (les deux attendent leur tour dans les méandres de mon Stock à Lire Numérique), ou même le présent roman, j’ai du mal à imaginer la même chose écrite par un auteur français… en tout cas pas de manière aussi « libérée ».
Il faut dire que Patrick Senècal fait un choix plutôt audacieux pour son nouveau roman, son héroïne, Florence, est une enfant de 8 ans qui a un mode de pensée dénué de toute empathie et qui, de fil en aiguille, va la transformer en véritable psychopathe.
Une gamine d’apparence tout ce qu’il de plus banale et innocente qui vit dans une famille qui semble tout aussi normale. C’est vrai que papa et maman se chicanent de temps en temps et que Florence trouve ça plate. Parfois le ton monte, et Papa cogne maman, ça fait chier Florence, mais finalement pas tant que ça.
Maryline, la mère, est nostalgique de son ancienne carrière de mannequin, elle noie parfois son chagrin dans l’alcool, mais cela ne l’empêche pas de surprotéger Florence et d’entretenir une relation très complice avec elle.
Sebastien, le père, gère tant bien que mal la supérette (dépanneur en québécois dans le texte) située au rez-de-chaussée de la maison familiale, mais les temps sont durs. Un brin parano à tendance complotiste, l’émergence de la crise sanitaire du Covid-19 n’arrangera pas son humeur.
Le reste de l’univers de Florence tourne autour de l’école et de ses amies, ainsi que de ses cours de piano, assurés par Mme Lemaire, une vieille dame aveugle. Normal, quoi.
Le roman s’ouvre donc sur l’arrivée de tante Josée qui vient rendre visite à sa sœur (Maryline) inquiète d’être sans nouvelles depuis plusieurs jours. Sauf qu’en arrivant elle trouve Florence seule à la maison, prostrée dans le canapé et mutique.
La structure du roman alterne entre les chapitres « actuels » relatant l’intrigue depuis l’arrivée de Josée chez sa sœur et le journal intime de Florence qui décrit avec force détails les événements qui se sont déroulés les jours précédents.
L’auteur passe donc d’une vue à la troisième personne écrite dans un style et une vision des événements très adultes, à une vue à la première personne (Florence) qui raconte son quotidien avec un curieux mélange d’innocence propre à son âge et sa perception très personnelle des faits. Un exercice de style que Patrick Senècal maîtrise à la perfection, on y croit à 200% !
Pour en revenir à ce que je disais en ouverture de cette chronique quant au choix de lire ce roman dans sa version d’origine, il me semble encore plus important présentement. L’emploi du québécois retranscrit au plus juste les émotions de Florence.
Les personnages sont traités avec beaucoup d’attention, le plus frappant étant de loin le gouffre qu’il y a entre les perceptions de Florence et celles de ses copines et copains. D’un autre côté heureusement que tous les gamins ne fonctionnent pas comme Florence !
Dès le départ on se doute bien que quelque chose a mal tourné et que Florence n’y est pas totalement étrangère, au fil des chapitres on découvre que la « réalité » va bien au-delà de tout ce que l’on avait pu imaginer. Le déroulé et le rythme de l’intrigue sont menés d’une main de maître, on est entraîné dans une spirale infernale dont on ne peut se détacher.
Un récit horrifique totalement assumé à l’ambiance délicieusement malsaine (dérangeante, déstabilisante… les qualificatifs ne manquent pas). À ne pas mettre entre toutes les mains (âmes sensibles s’abstenir) car Patrick Senécal n’y va pas avec le dos de la cuillère. Les lecteurs friands du genre (dont je suis) se régaleront et dévoreront sans retenue le roman (ce que j’ai fait).
À la fin du roman, j’ai tiqué en voyant apparaître un personnage qui me semblait familier. Vérification faite Michelle Beaulieu est bien l’un des personnages du roman Faims ; c’est même un personnage plus ou moins récurrent dans les romans de Patricck Senècal depuis 5150, Rue Des Ormes, selon les circonstances elle peut jouer un rôle majeur dans le récit, ou se contenter d’un discret caméo.
MON VERDICT