[BOUQUINS] L.P. Sicard – Au Nom De L’Horreur

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L.P. Sicard - Au Nom De L'Horreur

Titre : Au Nom De L’Horreur
Auteur : L.P. Sicard
Éditeur : AdA
Parution : 2018
Origine : Canada (Québec)
268 pages

De quoi ça cause ?

Philippe Durand gagne un séjour d’une semaine dans un manoir du XIXème siècle situé au cœur des Pré-alpes provençales. Une bâtisse d’époque, sans électricité ni eau courante, coupée du monde.

Il quitte sans hésitation Montréal pour vivre cette aventure. Sur place, il retrouve sept autres invités, venant tous d’horizons différents et ayant remporté le même « séjour de rêve ».

Un rêve qui vire au cauchemar quand une première convive est retrouvée morte, égorgée. Et que son corps disparaît peu après…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Ça faisait déjà un moment que le catalogue des éditions AdA me faisait de l’œil avec ses titres horrifiques, alors pourquoi ne pas se laisser tenter par le grand frisson ?

Au départ je pensais me laisser séduire par Les Contes Interdits, un collectif d’auteurs revisite, de façon très trash les classiques du conté de fée. Finalement mon choix s’est porté sur le roman de L.P. Sicard, mais ce n’est que partie remise pour Les Contes Interdits !

Ma chronique

Est-ce bien utile de commencer cette chronique par l’avertissement de rigueur, âmes sensibles s’abstenir ? A priori on jetant son dévolu sur ce roman on sait grosso modo à quoi s’attendre (pas vraiment un road-trip sauce guimauve sur fond de Bisounours). Et force est de reconnaître que le résultat est à la hauteur, c’est de la littérature horrifique pure et dure, avec son côté ouvertement gore assumé.

À la lecture on devine que L.P. Sicard est très à l’aise avec les différents mécanismes de l’horreur, mais il manque toutefois une réelle dimension psychologique pour assurer le grand frisson. Oui l’hémoglobine coule à flots, oui les morts brutales se succèdent, mais on assiste à ce jeu de massacre avec une certaine distance.

Le récit à la première personne devrait pourtant tendre à dynamiser l’intrigue, mais la sauce a du mal à prendre à ce niveau. La faute essentiellement à un style trop alambiqué, c’est agréable à lire, mais ça manque cruellement de naturel, que ce soit dans le choix des mots ou les tournures de phrases. Les envolées lyriques ne collent pas au genre horrifique ; ça donne au contraire au récit un aspect artificiel qui empêche le lecteur de s’impliquer dans le déroulé de l’intrigue. Un sentiment renforcé par la multiplication de sentences dignes d’une philosophie de comptoir tant elles sont d’une affligeante banalité.

Un récit à la première personne se fait souvent au détriment des personnages, c’est le cas ici. On partage les états d’âme (et états d’esprit) du narrateur (Philippe Durand), mais la personnalité des autres convives est à peine esquissée. Ça reflète plutôt bien le choix narratif, mais un peu plus de profondeur eut toutefois été un plus appréciable.

Il n’en reste pas moins que le huis clos fonctionne plutôt bien (huit convives et autant de victimes potentielles, isolées dans un manoir coupé du monde au coeur de l’hiver). On n’en finit pas de se poser des questions sur la nature des meurtres qui s’enchaînent. Plus les cadavres s’empilent (sauf qu’ils ont la fâcheuse manie de disparaître peu après leur mise à mort), plus on se triture les méninges à essayer de comprendre ce qui se cache derrière ces meurtres sauvages : un criminel humain, un monstre quelconque, une force maléfique ??? Le mystère reste entier jusqu’à ce que l’auteur vous dévoile le fin mot de l’histoire ; rien à redire au niveau de l’énigme et de sa résolution, c’est brillant de bout en bout.

Louis-Pier Sicard est un jeune auteur québécois, il a commencé sa carrière littéraire par la poésie avant de se lancer dans la littérature jeunesse. C’est avec le collectif Contes Interdits qu’il s’essayera à la littérature adulte et horrifique en revisitant l’histoire de Blanche-Neige, un autre conte devrait par ailleurs sortir d’ici la fin de l’année.

Au final je dirai que l’auteur fait montre d’une belle maîtrise du genre sur le fond, mais il gagnerait à soigner la forme en adoptant un style narratif plus naturel. Je mentirai en disant que je me suis ennuyé en lisant ce bouquin, j’ai pris plaisir à le lire, mais je le referme avec l’impression d’être passé à côté de quelque chose qui aurait pu être beaucoup plus percutant si mieux exploité…

MON VERDICT