[BOUQUINS] Maxime Chattam – Le Signal

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M. Chattam - Le Signal

Titre : Le Signal
Auteur : Maxime Chattam
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2018
Origine : France
752 pages

De quoi ça cause ?

Pour fuir le tumulte de la vie new-yorkaise, la famille Spencer, Tom, Olivia, leurs deux adolescents, Chad et Owen, et la petite dernière, Zoey, décident de s’installer dans la paisible bourgade de Mahingan Falls ; se mettre au vert histoire de prendre un nouveau départ.

Paisible ? Rien n’est moins sûr. En effet, peu après leur installation les Spencer notent une succession d’événements troublants. Et si une menace invisible, mais néanmoins bien réelle, planait sur Mahingan Falls…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Maxime Chattam.

Parce que la quatrième de couv’ nous promet LE grand frisson.

Ma chronique

J’apprécie tout particulièrement les auteurs qui osent s’aventurer au-delà de leur zone de confort, nul ne pourrait nier que Maxime Chattam fait partie de ces auteurs/baroudeurs. Plutôt que de se confiner au thriller, genre dans lequel il n’a plus rien à prouver, il n’hésite pas à sortir des sentiers battus pour explorer de nouveaux horizons.

Qui l’eut cru capable de nous offrir une saga de fantasy post-apocalyptique ? Et pourtant il l’a fait avec Autre-Monde, et le résultat a été plus que convaincant. S’essayer au roman noir était certes un pari moins risqué, il n’en reste pas moins qu’il a brillamment tiré son épingle du jeu avec Que ta Volonté Soit Faite. Au risque de désarçonner ses lecteurs, il a été encore plus loin dans le noir avec Le Coma Des Mortels, et effectivement l’accueil fut mitigé même si, pour ma part, j’ai été sous le charme.

Avec Le Signal, l’auteur s’essaye à la littérature horrifique ; un genre à part entière, n’en déplaise à certains intégristes culturels. Un genre qui fut véritablement initié par Mary Shelley (Frankentstein) et Bram Stoker (Dracula) et qui aujourd’hui fait bien des émules aussi bien chez les lecteurs que chez les auteurs. Dans cette vaste écurie littéraire, pour son roman Maxime Chattam puise vraisemblablement son inspiration chez H.P. Lovecraft et Stephen King ; inutile de vous dire qu’avec de telles références la barre est haute…

N’est pas Lovecraft ou King qui veut. Dès les premières pages du bouquin, on sent que Maxime Chattam n’est pas dans son élément, ça manque de corps, comme si l’auteur cherchait à écrire comme ses modèles plutôt que de s’approprier totalement son intrigue.

Si les différentes scènes horrifiques sont plutôt bien foutues, il manque un liant ou plus exactement un background. Le gore fait incontestablement son effet, mais au niveau de l’ambiance générale du récit la sauce a du mal à prendre. Il manque cette impression de malaise et/ou d’oppression qui est la marque des grands récits d’horreur. Du coup on frémit sur le coup (certaines mises à mort sont franchement vicieuses), mais on ne flippe pas réellement. Pour le grand frisson, c’est raté.

Il n’en reste pas moins que Maxime Chattam est un grand auteur, malgré ces quelques imperfections, il parvient à rendre son récit addictif, difficile de lâcher prise avant de connaître le fin mot de l’histoire. Sur ce point, j’ai un moment craint le pire devant la dimension technologique des événements qui frappent Mahingan Falls, mais au final ça s’intègre plutôt bien à l’ensemble (et ça justifie le titre du roman, soit dit en passant).

Certes pas le meilleur cru de Maxime Chattam mais la dernière partie du récit, franchement haletante, ferait presque oublier ces petits défauts. Si l’auteur souhaite persévérer dans le genre (ce que j’espère), je lui conseillerai (très modestement cela va sans dire) d’oser s’affirmer davantage ; garder à l’esprit les maîtres du genre est une bonne chose, mais il faut qu’il trouve et impose sa propre voie.

À défaut d’avoir ressenti le grand frisson, j’ai passé un agréable moment en compagnie de la famille Spencer, mais aussi des autres personnages (mention spéciale à Connor, un adolescent qui ne manque pas de ressources, mais aussi à Gemma, la baby-sitter et à Ethan Cobb, un lieutenant qui n’hésitera pas à s’opposer à son abruti de chef). N’allez pas croire que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, si les entités qui s’acharnent sur Mahingan Falls sont franchement néfastes, chez les humains aussi il y a des individus hautement nuisibles (je citerai par exemple Derek Cox et Warden, le chef -l’abruti dont il est question plus haut – de la police).

J’ai refermé ce bouquin avec une question qui me turlupinait : qu’est-il donc arrivé à Milo ? Avec le recul je me dis qu’il vaut mieux peut-être ne pas le savoir ; surtout quand on connait le triste sort réservé à son prédécesseur…

Le bouquin est truffé de clins d’œil à la littérature et au cinéma horrifique, à commencer bien entendu par l’oeuvre de Stephen King (certaines références étant très lourdement appuyées) ; si je devais n’en retenir qu’une, ce serait la présence de la ville d’Arkham et plus particulièrement son hôpital psychiatrique (Arkham Asylum en langue de là-bas). Si, à l’origine, la ville d’Arkham (Massachusetts) a été imaginée par H.P. Lovecraft pour être le théâtre de certains de ses écrits, notamment dans le cadre du Mythe de Cthulhu, et abrite bien un hôpital psychiatrique ; l’Arkham Asylum a surtout été popularisé par DC Comics, c’est en effet là que sont détenus les pires criminels de Gotham City que combat Batman (dont l’incontournable Joker).

D’un point de vue strictement visuel, je trouve la couv’ très réussie. Si je ne connaissais pas Maxime Chattam, elle m’aurait très certainement donné envie de me pencher sur ce bouquin. Et j’aurai tout aussi certainement craqué après avoir lu la quatrième de couv’.

Petite digression sportive si vous le permettez…

Ils étaient sonnés.
Comme s’ils avaient pris un uppercut en pleine tempe.

Pour un amateur de boxe, cette phrase pique les yeux et défie toute logique.
Un uppercut en pleine tempe c’est juste impossible… ou alors c’est un uppercut raté. L’uppercut est un puissant coup de poing porté de bas en haut qui vise principalement le menton de l’adversaire ; un uppercut réussi laissera l’adversaire complètement sonné, voire même KO. S’il touche la tempe, il ne fera guère que l’effleurer en fin de course.
Par contre si on veut déstabiliser (et plus si affinités) son adversaire en le frappant à la tempe, c’est le crochet le coup le plus approprié.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Ron Carlson – Le Signal

R. Carlson - Le SignalChangement de registre pour cette nouvelle chronique littéraire, l’heureux élu est en effet Le Signal de Ron Carlson ; choisi par curiosité afin découvrir un autre éditeur publié par Gallmeister (éditeur de David Vann).
Bien que séparés Mack et Vonnie décident de partager leur ultime randonnée dans les montagnes du Wyoming, ce rituel qui a ponctué leur dix années de vie commune est pour eux une façon comme une autre de se quitter en bons termes. Mais pour Mack cette balade est aussi l’occasion de remonter la pente et de sauver le ranch où il a grandi et rencontré Vonnie, pour se faire il doit récupérer une balise GPS égarée lors d’un survol de la région…
Pour la petite histoire l’éditeur souhaite faire connaître le nature writing en France, un genre très populaire aux USA qui met l’accent sur les relations, pas toujours idéales, entre l’homme et la nature. Si vous avez lu Sukkwan Island ou Désolations vous aurez deviné que, chez David Vann, la nature est avant tout hostile pour quiconque s’y aventurerait sans préparation. Dans Le Signal Ron Carlson mais plutôt l’accent sur la beauté de la nature « sauvage ».
SI vous vous attendez à un thriller palpitant vous allez tomber de haut, il ne se passe pas grand chose, même le fameux signal n’est exploité que dans la dernière partie du bouquin. On suit simplement la randonnée de six jours de Mack et Vonnie avec quelques retours en arrière sur leur rencontre, leur vie commune et les raisons de leur séparation. Sur ce dernier point Mack a 100% des torts mais son errance est somme toute assez classique, les emmerdes s’accumulent jusqu’au moment où on pète une durite et où l’on fait la (ou les) connerie(s) de trop. Le truc qui peut arriver à tout le monde.
Pour être tout à fait clair les trois premiers jours et le début du quatrième sont une balade bucolique au coeur de paysages magnifiques. Au cours du quatrième jour les promeneurs font une mauvaise rencontre, le cinquième jour le signal apparait enfin, et le sixième jour est nettement plus mouvementé. Le bouquin est court (200 et quelques pages), bien écrit, il se lit d’une traite en quelques heures. Dommage que la fin, et l’intervention de Kent, soit un peu brouillonne (on ne pige pas vraiment le pourquoi du comment de sa réaction).
Sur le bandeau une critique du NY Times annonce « Un roman au suspense à couper le souffle » c’est à se demander si celui (ou celle) qui a écrit ce truc a lu le bouquin, ou alors il (ou elle) s’est gouré d’article. La critique du Washington Post (qui figure aussi sur le bandeau), « Le Signal vous emportera comme une avalanche« , est nettement plus appropriée, même si le rythme imposé par l’auteur est lent on se laisse toutefois entraîner par le récit.
Paru en 2009 Le Signal est le premier roman de Ron Carlson a être publié en français (en 2011), depuis Gallmeister à assuré la diffusion de son roman précédent Cinq Ciels (paru en 2007).