[BOUQUINS] Nick Cutter – Little Heaven

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N. Cutter - Little Heaven
Titre : Little Heaven
Auteur : Nick Cutter
Éditeur : Denoël
Parution : 2018
Origine : Canada (2017)
592 pages

De quoi ça cause ?

Quand Petty, la fille de Micah, est enlevé en pleine nuit, il sait qu’il ne pourra pas vaincre seul la chose qui lui a pris sa fille. Il fait appel aux seules personnes capables de l’aider face à cet ennemi, Eb et Minerva, des mercenaires, comme lui. Tous trois vont reprendre la route de Little Heaven dans l’espoir de sauver Petty et d’en finir avec cette abomination.

Quinze ans plus tôt, les trois amis ont déjà eu à affronter cette chose au cœur même de Little Heaven, une petite communauté religieuse qui vit coupée du monde. Un paradis qui se révélera rapidement ressembler davantage à une antichambre de l’Enfer plutôt qu’au jardin d’Eden…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

J’ai découvert Nick Cutter en 2016 à l’occasion de la parution de son roman Troupe 52. Les auteurs qui brillent dans la littérature horrifique sont rares, du coup quand on en trouve un, on n’a plus trop envie de le lâcher.

Ma chronique

Nick Cutter (Craig Davidson de son vrai nom) m’avait bluffé avec son précédent roman, Troupe 52, pour une première incursion dans la littérature horrifique, on peut dire qu’il avait fait fort, très fort même. Il en remet une couche avec Little Heaven ; sera-t-il à la hauteur de son aîné ?

Incontestablement la réponse est un OUI franc et massif. L’auteur parvient à aller encore plus loin dans l’horreur sans jamais donner l’impression de faire dans la surenchère gratuite. C’est trash, c’est gore, mais c’est pour les besoins de l’intrigue ; là où d’autres sombreraient dans le ridicule (voire le risible) à vouloir en faire des caisses, Nick Cutter évite cet écueil et nous propose un récit parfaitement maîtrisé. Essai transformé donc, la littérature horrifique peut s’enorgueillir de recevoir un nouveau cador du genre en ses rangs.

Je pense que vous l’aurez compris : âmes sensibles s’abstenir !

Une réussite qui doit beaucoup à son trio de héros pour le moins atypique. Et Dieu sait pourtant que réunir ces trois-là n’était pas une mince affaire ; en effet lors de leur première rencontre ils tentent vainement de s’entretuer. Blessés, ils se retrouveront dans une infirmerie de fortune en attendant que la police ne vienne les prendre en charge… sauf qu’ils ne l’entendent pas vraiment de cette oreille et seront contraints de faire équipe pour échapper à la prison.

C’est volontairement que je ne m’attarderai pas sur les personnages, pour faire simple on va dire qu’ils valent vraiment le détour, même s’ils loin d’être des saints, je suis sûr que vous les adopterez aussi vite que je l’ai fait. Pour le reste, à vous de le découvrir.

D’autres personnages sont appelés à jouer un rôle essentiel dans le déroulé de l’intrigue. Deux noms me viennent spontanément à l’esprit : Ellen et Amos. Vous ne pourrez qu’apprécier la première, tout comme vous ne pourrez que haïr le second. Sans oublier bien sûr les multiples entités qui hantent les bois voisins de Little Heaven.

Le récit alterne entre les événements présents (1980) et les flashbacks (1965-1966). C’est un trio vieillissant qui se retrouve pour affronter un mal qu’ils ne connaissent que trop bien. En examinant le découpage du bouquin, j’ai été étonné par l’importance (en nombre de pages) des événements passés (entre 75 et 80% du récit) par rapport à ceux du présent ; je craignais que l’intrigue actuelle soit quelque peu bâclée… J’ai été rapidement rassuré, tout s’imbrique impeccablement et même la fin apparaît alors comme la seule issue possible.

La désinvolture (parfois rien qu’apparente) des personnages et l’aspect décalé de certains dialogues apportent quelques touches d’humour bienvenues au milieu de ce déferlement de monstruosités en tout genre (dont certaines étant du seul fait des humains).

Le roman, dans son ensemble, dégage une ambiance très western, à commencer par ses héros qui font beaucoup penser aux cowboys solitaires chers au western spaghetti (bin oui, on est loin de notre brave poor lonesome cowboy qui tire plus vite que son ombre). Un western glauque et oppressant à souhait, mais aussi particulièrement riche en hémoglobine ; un cocktail détonnant (et étonnant) entre les univers de Sergio Leone et de Lovecraft.

Les amateurs du genre du genre se régaleront alors que les autres passeront leur chemin (à moins d’être franchement maso). Pour ma part je me suis régalé sans modération et j’espère bien avoir l’occasion de savourer d’autres écrits de Nick Cutter (il reste deux titres non encore disponibles en français).

Cerises (et oui, il y en a plusieurs) sur le gâteau, les superbes illustrations d’Adam Gorham disséminées au fil des chapitres. Je ne résiste d’ailleurs pas au plaisir de vous faire découvrir un trombinoscope de nos trois héros (Micah, Minerva et Eb).

Little Heaven

Pour l’anecdote j’ai découvert Troupe 52 dans son édition québécoise (publiée par les éditions Alto), pour Little Heaven c’est l’édition française (publiée par Denoël) que j’ai lue. Dans les deux cas je trouve les couv’ de Denoël (sans aucun chauvinisme déplacé) nettement plus réussies (ci-dessous la couv’ des éditions Alto de Little Heaven).

Little Heaven (ALto)

MON VERDICT

[BOUQUINS] Nick Cutter – Troupe 52

N. Cutter - Troupe 52Un roman qui m’a été gracieusement offert par une amie qui fréquente les mêmes lieux de perdition virtuels que moi. Comme le pitch m’inspirait je me suis rapidement lancé dans la lecture de Troupe 52 de Nick Cutter.
Comme tous les ans à la même époque, le chef scout Tim Riggs emmène son équipe (5 garçons âgés entre 14 et 15 ans) sur l’île de Falstaff pour trois jours de survie. Un soir un inconnu débarque dans le campement, il a faim, très faim. Mais surtout Tim, médecin de profession, remarque rapidement que l’homme est malade sans toutefois pouvoir identifier le mal qui semble le ronger de l’intérieur. En voulant aider cet inconnu, Tim ignore encore qu’il se met, lui et ses protégés, en danger de mort…
A priori le nom de Nick Cutter ne devrait pas vous dire grand chose, peut être que celui de Craig Davidson vous est plus familier. Non ? Et si je vous dis Un Goût De Rouille Et D’Os, porté à l’écran par Jacques Audiard en 2012 sous le titre De Rouille Et D’Os avec les interprétations magistrales de Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts. C’est sous le pseudo de Nick Cutter que l’auteur libère le côté obscur de son imaginaire…
Âmes sensibles s’abstenir ! L’auteur n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il s’agit d’en faire voir de toutes les couleurs à ses personnages (rappelons-le, des gamins de 14/15 ans), tout comme il n’est pas avare en descriptions détaillées. Gore c’est gore, il nous reste qu’à vomir… aurait pu chanter notre Johnny national. On est clairement dans le registre horrifique parfaitement assumé (et même revendiqué), mais construit intelligemment (l’auteur évite de surjouer au risque de basculer dans la mauvaise série B, voire série Z).
Nick Cutter soigne ses personnages (ce qui ne l’empêche pas de leur faire subir les pires tourments par la suite) en dressant des portraits psychologiques soignés. Chaque ado a sa propre personnalité, on passe ainsi de la star du collège (le beau gosse musculeux mais dont le vide neuronal est abyssal) au nerd obèse qui fait office de souffre douleur idéal pour ses camarades, en passant par le sociopathe à tendance psychopathe. Chacun réagira à sa façon face au danger ; et tant pis si ce n’est pas toujours dans l’intérêt de tous…
L’intrigue est bien construite, jouant habilement sur les variations de rythme (sans jamais totalement faire tomber la pression) afin de laisser le temps au lecteur de reprendre son souffle avant la prochaine déferlante. Entre les chapitres on trouve des extraits de procès-verbaux et autres « documents officiels » permettant au lecteur d’avoir une vision plus large du phénomène qui menace l’île.
Le style est soigné mais sans fioritures, l’idée étant de privilégier l’action et de maintenir une certaine tension nerveuse de la première à la dernière page. C’est gore mais paradoxalement je n’ai pas trouvé le récit flippant (même si l’idée de base à de quoi faire froid dans le dos). Il n’en reste pas moins que la prochaine fois que des vers viendront me titiller le trou de balle certaines images pourraient bien me revenir en pleine tronche…
Pour une première incursion dans la littérature horrifique on peut dire que l’auteur s’en sort brillamment, il me tarde de découvrir ses prochains titres (un autre est d’ores et déjà disponible en anglais)…

MON VERDICT
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La couverture qui illustre ce post est celle des éditions Alto (Québec).
En France c’est Denoël qui assure la publication du roman, la couv’ ressemble à ça :
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