[BOUQUINS] Douglas Adams – H2G2 : L’Intégrale…

D. Adams - H2G2Ca faisait un moment que ce fameux Guide du Voyageur Galactique me faisait de l’oeil, grâce á France Loisirs qui propose L’Intégrale H2G2 de Douglas Adams en un seul volume j’ai enfin pu l’inscrire á mon tableau de chasse comme invité surprise de mon challenge SF.
Arthur Dent, un anglais flegmatique, est sauvé in extremis de la destruction de la Terre par son ami Ford Prefect qui est en fait un habitant de Bételgueuse. Au cours de leur périple ils vont croiser Zaphod Beeblebrox, le président de la galaxie, en fuite après le vol d’un vaisseau expérimental qu’il devait inaugurer. Il voyage avec Trillian, une terrienne qui a accepté de le suivre et Marvin, un robot aussi performant que dépressif…
Après lecture de cette loufoque trilogie en cinq volumes, je n’ai pas été surpris d’apprendre que Douglas Adams avait été scénariste (et acteur) pour les Monty Python ; on retrouve dans le bouquin le même type d’humour déjanté, les situations les plus improbables et une galerie de personnages hauts en couleurs (et c’est peu de le dire). Un style qui peut plaire ou déplaire, pour ma part je me positionne sans hésitation dans la première catégorie.
Contrairement aux apparences les péripéties de notre petite troupe ont un sens, il ne s’agit pas de trouver le pourqoui du comment du « sens de la vie, de l’univers et du reste », ils connaissent la réponse (42), leur mission est de trouver la question qui appelle cette fameuse réponse.
Pour moi la grande question serait plutôt de savoir s’il vaut mieux lire l’intégrale d’une traite ou prendre les cinq volumes un à un. D’instinct je dirai que l’on peut lire les trois premiers opus les uns à la suite des autres et éventuellement laisser un certain laps de temps avant d’attaquer les deux derniers (et la nouvelle offerte en bonus). J’apprécie cet univers complétement azimuté mais je dois reconnaître qu’au bout d’un moment on sature, un petit break, le temps d’un autre bouquin, est le bienvenu pour savourer pleinement la saga (un pavé de 1112 pages tout de même).
Pour la petite histoire la saga H2G2 a démarré sous la forme d’un feuilleton radio diffusé entre 1978 et 1980. La version écrite devait se limiter á une trilogie (publiée entre 1979 et 1982), c’est sur insistance de son éditeur que l’auteur a ecrit deux tomes de plus (en 1984 et 1994). Le dernier se terminant de façon plutôt abrupte, au grand dam de ses fans. Ce qui explique sans doute la décision de confier, après la mort de Douglas Adams (en 2001), l’écriture d’un sixième et dernier opus à Eoin Colfer (Encore Une Chose, publié en 2009… que je ne pense pas lire).
Par ailleurs la saga a connu de nombreuses adaptations sur des supports divers et variés (BD, série TV, théâtre, comédie musicale, film et jeu video). J’ai vu le film il y a quelques années, on ne peut pas vraiment dire qu’il m’ait laissé un souvenir impérissable, marrant mais pas indispensable…
Pour les curieux qui voudraient en savoir plus sur la saga H2G2 et son auteur, je vous invite à visiter l’excellent fan-site Le Voyageur Galactique, mais attention, il contient de nombreux spoilers, donc à utiliser avec modération si vous comptez lire le(s) bouquin(s)…

[BOUQUINS] Aldous Huxley – Le Meilleur Des Mondes

A. Huxley - Le Meilleur Des MondesLes nombreuses sorties littéraires de ces dernières semaines m’ont quelque peu écarté de mon challenge 100% SF mais ce n’est pas pour autant que j’y ai renoncé. Histoire de se remettre sur les rails on  va dépoussiérer un bon vieux classique, à savoir Le Meilleur Des Monde d’Aldous Huxley.
Quatrième de couv’ : La technologie et la science ont remplacé la liberté et Dieu. La vie humaine, anesthésiée, est une suite de satisfactions, les êtres naissent in vitro, les désirs s’assouvissent sans risque de reproduction, les émotions et les sentiments ont été remplacés par des sensations et des instincts programmés. Chaque être, rangé par catégorie, a sa vocation, ses capacités et ses envies, maîtrisées, disciplinées, accomplies…
Ecrit en  1931 et publié en 1932, ce roman est considéré par beaucoup comme un des piliers de la SF, un incontournable du genre. Il m’est donc apparu indispensable de me faire ma propre opinion, quitte à flinguer un classique (ce ne sera pas une première de ma part et je l’assume totalement).
Le bouquin commence par une nouvelle préface de l’auteur écrite en 1946. La douche froide, c’est assommant, sans le moindre intérêt (ça n’engage que moi)… Après quelques lignes je décide de la lire en diagonale sinon je sens que je vais expédier le bouquin direct à la corbeille.
La première partie du bouquin (les trois premiers chapitre, soit un peu moins du quart) plantent le décor sous forme d’une visite d’un Centre d’Incubation et de Conditionnement. C’est soporifique, la sauce a du mal à prendre (voire ne prend pas du tout)… Ca commence mal ! D’autant que le troisième chapitre est un véritable foutoir où s’entre-mêlent différents dialogues.
Alors que je cherchais déjà des tournures incendiaires pour une exécution en bonne et due forme j’ai dû ravaler mon fiel. La découverte du quotidien des habitants de ce monde civilisé supposé idéal où tout est formaté et conditionné, donne un nouveau souffle au bouquin, enfin mon intérêt est tiré de sa torpeur. La bonne surprise étant que ledit intérêt ne retombera pas avant les dernières pages du roman, finalement ça valait la peine de s’accrocher (malgré quelques longueurs).
Je ne vous gratifierai pas d’une critique plus étoffée, l’avantage des classiques c’est qu’ils ont fait l’objet d’études approfondies par des gens bien plus doués que moi dans ce genre d’exercice.
Certaines lacunes technologiques frapperont le lecteur d’aujourd’hui habitué aux ordinateurs, téléphones portables et autres tablettes tactiles, ne perdons pas de vue que le bouquin a été écrit en 1931 ; même l’auteur le plus imaginatif de l’époque n’aurait pu imaginer une telle déferlante technologique (sans parler des réseaux wi-fi, 3G, 4G… et autres permettant de se connecter à Internet où que l’on se trouve).
A défaut d’avoir été totalement emballé par ce Meilleur des Mondes je reconnais volontiers qu’il est un précurseur du genre (dystopie ou contre-utopie) et qu’il a dû inspirer bien des auteurs qui ont perpétué (et perpétuent encore) le genre. En cela je m’incline devant le titre d’oeuvre majeure de la SF. Pour moi ça restera une expérience intéressante, comme je suppose que ce sera le cas des autres classiques inscrits au programme de mon challenge ; pas indispensable mais utile à ma culture générale.
Pour la petite histoire l’an zéro de ce « meilleur des mondes » démarre l’année du lancement de la Ford T, soit 1908 ; une touche d’uchronie donc puisque l’auteur modifie le passé avant de nous propulser dans le futur. L’intrigue du bouquin se déroule en l’an 632 NF, ce qui nous placerait en l’an 2540 selon notre calendrier.

[BOUQUINS] Bernard Werber – Les Micro-Humains

B. Werber - Les Micro-HumainsLa lutte pour le sommet de mon Stock à Lire Numérique fut rude entre Bernard Werber et Franck Thilliez ; deux titres que j’attendais de pieds fermes et finalement j’ai décidé de privilégier mon challenge SF en optant pour Les Micro-Humains, la suite (ce qui a aussi beaucoup pesé dans mon choix) de Troisième Humanité, de Bernard Werber donc.
Un an après le succès de l’opération de sauvetage à Fukushima la société Pygmée Prod et ses Emachs ont le vont en poupe, les micro-humains sont loués pour des interventions diverses et variées là où l’homme ne peut intervenir. Une vidéo diffusée sur Youtube, montrant un adolescent torturant et tuant des micro-humaines va complétement changer la donne, les Emachs n’étant pas considérés comme des créatures humaines vont remettre en question leur soumission aux Grands…
On retrouve tous les personnages déjà rencontrés dans le premier opus, dont Emma 109, l’Emach « affranchie » et bien entendu la Terre qui continue à nous raconter son histoire et celle de l’humanité. Les chapitres sont entrecoupés par des articles de l’ESRA, tantôt drôles, tantôt sérieux mais toujours instructifs.
Le décor étant planté on plonge directement au coeur de l’action dans un récit plus mouvementé et plus rythmé que le précédent, les rebondissements ne manquent pas. Les chapitres courts, associés au style de l’auteur, assurent une lecture fluide, c’est d’autant plus agréable que le bouquin devient très vite addictif.
J’aime beaucoup le jugement de l’auteur (ou du moins de ses personnages) sur la religion des hommes qu’il qualifie de « truc artificiel pour soumettre les hommes faibles et leur faire renoncer à leurs responsabilités et leur libre arbitre« . C’est d’ailleurs ainsi que l’auteur imagine la naissance des grandes religions, des dogmes imposés aux petits humains (nous) par leurs créateurs, des géants atlantes, afin de les soumettre. Même le nom du Pape est un pied de nez à la religion : Pie 3.14.
Je terminerai cette chronique par une énigme récurrente (apparue dans Les Fourmis et reprise ici) extraite de l’ESRA : comment faire un carré avec seulement trois allumettes ? Sans les casser cela va de soi… Pour information il y a deux solutions. Vous trouverez facilement la réponse sur le Net mais triturez vous un peu les méninges avant.
Et bin voilà, il n’y a plus qu’à attendre la suite… La fin est moins abrupte que dans le premier tome, l’attente devrait être plus supportable.

[BOUQUINS] Koushun Takami – Battle Royale

K. Takami - Battle RoyaleCa faisait un moment que j’avais laissé en plan mon challenge 100% SF, j’y reviens donc avec un invité surprise : Battle Royale de Koushun Takami. En fait à la base je pensais m’attaquer à Hunger Games mais j’ai bifurqué sur l’auteur japonais qui a, semble-t-il, pas mal inspiré Suzanne Collins ; honneur aux anciens donc (le roman date de 1999 mais est sorti en français seulement en 2006) mais aussi et surtout à une intrigue que je suppose plus mature.
Tous les ans une classe de troisième de la République de Grande Asie est sélectionnée pour participer au programme. Les élèves sont lâchés, armés, sur une île où ils doivent s’entretuer jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un seul survivant. En cette année 1997, c’est la 3ème B du collège Shiroiwa qui a été désignée. Shûya, l’un des 42 adolescents pris dans ce jeu macabre, espère convaincre un maximum d’élèves de refuser les règles imposées, de faire jouer leur solidarité afin de se soulever contre les militaires qui encadrent l’épreuve ; mais pour certains de ses camarades le « jeu » a déjà commencé…
Vous l’aurez compris on est en pleine uchronie (une autre « version » de notre monde), ce qui de fait justifie pleinement le  label SF. La République de Grande Asie est en fait le Japon, devenu un régime totalitaire d’inspiration fasciste régi d’une main de fer par le Reichsführer (si j’ai bien tout compris ça a dû se produire dans les années 20). En passant j’adore les noms données aux deux Corée : la Semi République de Corée pour le Sud et la République Impopulaire et Dictatoriale de Corée pour le Nord.
La longue intro qui présente certains des élèves, encore ignorants de leur triste sort, peut être décourageante au vu des nombreux noms japonais mais d’un autre côté elle s’impose car c’est la dernière fois que Shûya porte un regard d’ado sur le monde qui l’entoure. Pour le lecteur occidental il peut paraître difficile de ne pas s’emmêler les pinceaux entre tous les personnages mais au final il n’en est rien, on identifie vite les personnages principaux et les relations qui lient les uns aux autres. Une fois passée l’intro on est plongé au coeur de l’action, le rythme imposé par l’auteur nous scotche irrémédiablement à son intrigue pleine de surprises, d’autant que ce rythme ne faiblira jamais… Par contre c’est à réserver à un public averti, c’est violent et gore, pas gratuitement, c’est juste imposé par la nature même de l’intrigue.
Qui plus est le style de l’auteur rend la lecture aisée, on avale les 864 pages (en version poche) sans s’en rendre compte. Les chapitres sont courts, percutants, et tous s’achèvent par le sinistre décompte des survivants, [Reste : n]. Si l’essentiel du bouquin se concentre sur le groupe de Shûya, les autres personnages ne sont pas pour autant oublié, certains développent leur propre stratégie de survie (soit en s’engageant pleinement dans le jeu, soit en cherchant à éviter l’affrontement). D’ailleurs ce n’est pas Shûya qui a la plus forte personnalité dans le récit, deux noms s’imposent : Kawada et Kiriyama (mais je vous en dirai pas plus).
Visiblement l’univers de Battle Royale a pas mal inspiré les produits dérivés puisque l’on compte deux films (réalisés par Kinji Fukasaku) et une série de manga (avec Koushun Takami au scénario et Masayuki Taguchi au dessin). Je passe mon tour pour les mangas, par contre j’avoue que les films m’intriguent (je me demande s’ils réussiront à restituer la même ambiance oppressante que le bouquin, et surtout pourquoi une suite ?), à voir si l’occasion se présente.
A ce jour c’est le seul roman de l’auteur, un second serait en chantier mais je ne trouve aucune info quant à son contenu…
Comme le bouquin m’a vraiment plu je me suis dit naïvement que j’allais me l’offrir, sauf que aucune librairie de la place ne l’a en stock ; plutôt que de le commander avec des frais de transport en sus je vais plutôt passer par Amazon, qui plus est ça me permettra de choisir l’édition que je souhaite acheter. Par contre ça m’aurait arrangé de disposer d’une version papier pour corriger l’epub que j’ai récupéré, outre de nombreuses erreurs d’OCR facilement réparables, on tombe parfois (à quatre ou cinq reprises sur l’ensemble du bouquin) il manque des fins de phrase, à défaut j’ai complété les blancs à partir d’un epub en anglais (mise en page complétement pourrie mais bien utile pour le texte manquant).

[BOUQUINS] Daniel Keyes – Algernon, Charlie Et Moi

C’est la première fois que je consacre deux posts à un même bouquin, ou presque, ayant reçu la version enrichie Des Fleurs Pour Algernon de Daniel Keyes, je n’ai pu résister à l’envie de me plonger dans la lecture des « bonus », à savoir l’essai Algernon, Charlie & Moi et la nouvelle originale. A livre exceptionnel, chronique exceptionnelle, logique non ? Et puis il peut presque faire office d’invité surprise dans mon challenge 100% SF.
Pour info la couverture qui illustre ce post est celle d’une précédente édition regroupant l’essai et la nouvelle proposée par J’Ai Lu.

D. Keyes - Algernon, Charlie Et MoiAlgernon, Charlie Et Moi
Dans cet essai autobiographique l’auteur revient sur son parcours personnel et professionnel (de la marine marchande à l’enseignement universitaire en passant par divers boulots) mais surtout sur tout le processus qui a conduit à la nouvelle, puis au roman, qui lui vaudront une reconnaissance internationale. S’il a écrit cet essai plus de quarante ans après la sortie du roman c’est dire si le personnage de Charlie Gordon l’a marqué.
Le moins que l’on puisse dire c’est que ça ne s’est pas fait en un jour, il y a d’abord eu un nom qui a retenu son attention (Algernon), puis une idée (qu’est-ce que ça ferait de devenir plus intelligent ?) qu’il a fallu étoffer (notamment avec l’idée de la régression) et mettre en forme et enfin le nom de son personnage principal (Charlie Gordon) ; une fois que tout s’est mis en place (ça a quand même pris pas loin d’une quinzaine d’années), Daniel Keyes a dû lutter becs et ongles contre les éditeurs qui demandaient des coupes franches ou, pire encore, un happy end.
Une fois la nouvelle parue et saluée unanimement, l’auteur a rapidement eu envie d’en faire un roman, certains passages ont été retouchés, d’autres ajoutés, mais tout à été fait (même si ça peut paraître bizarre de à imaginer) dans « l’intérêt de Charlie Gordon » ; m’est d’avis que rarement un auteur s’est autant identifié à son personnage pour créer l’univers qui l’entoure. Après de nouvelles prises de bec avec les éditeurs, le roman voit le jour et est salué presque unanimement (une seule critique négative).
L’auteur mentionne diverses adaptation Des Fleurs Pour Algernon : un téléfilm (1967, avec Cliff Robertson dans le rôle de Charlie) suivi d’un film (Charly, 1968 avec de nouveau Cliff Robertson, oscarisé pour son interprétation) et même une comédie musicale. En 2000 l’auteur donnera son accord pour un nouveau téléfilm, le rôle de Charlie sera tenu par Matthew Modine. Depuis il y en eu d’autres (plus ou moins réussies il semblerait) : un téléfilm franco-suisse (2006, avec Julien Boisselier) et une pièce de théâtre (2012, avec Grégory Gadebois). En 2009/2010 il était même question d’une nouvelle adaptation menée par Will Smith (comme producteur et acteur) et Gabriele Muccino (à la réalisation) ; mais depuis je ne saurai vous dire si l’idée poursuit son chemin ou a été abandonnée.
Le fait que Daniel Keyes ait ressenti le besoin d’écrire cet essai 40 ans après la parution de la nouvelle en dit long sur la place qu’occupent Charlie Gordon et Algernon dans sa vie.

Des Fleurs Pour Algernon (nouvelle)
La lecture de la nouvelle après avoir lu le roman n’apporte strictement rien, sinon de se rendre compte des changements et évolutions apportées par le roman, par définition ce dernier est beaucoup plus riche. Toutefois j’ai apprécié de découvrir le texte original, en quelques pages il distille une charge émotionnelle impressionnante.

Cette lecture n’a fait que confirmer mon engouement pour ce roman exceptionnel, je pense prochainement me pencher sur deux autres titres de l’auteur consacrés à Billy Milligan, un criminel des années 70 qui présente la particularité d’abriter plusieurs personnalités (pas moins de 24) dans un même corps.

[BOUQUINS] Stéphane Beauverger – Le Déchronologue

S. Beauverger - Le DéchronologueRetour à mon challenge 100% SF avec un titre qui m’a été chaudement recommandé par Gruz (que je remercie pour cette excellente suggestion), j’ai nommé Le Déchronologue de Stéphane Beauverger.
XVIIème siècle, le capitaine Henri Villon et son équipage de flibustiers sillonnent les Caraïbes à bord de leur bâtiment le Déchronologue, en quête de galions espagnols à couler ou de quelques maravillas, ces trésors venus du futur, à glaner. Toutefois le Déchronologue est aussi investi d’une mission bien particulière, renvoyer dans leurs siècles les excursions ennemies venues d’autre temps, passés ou futurs, pour se faire l’équipage peut compter sur ses canons temporels. Sa rencontre avec un bâtiment de guerre venu du futur va totalement changer la donne…
Le bouquin se présente comme le journal de bord du Capitaine Villon, écrit en 1640 et 1653, mais ne se présente pas dans l’ordre chronologique d’écriture, on saute ainsi du chapitre 1 (1640) à 16 (1646) et ainsi de suite on fait des bonds en avant et des sauts en arrière ; ça pourrait paraître déconcertant mais finalement les chapitres s’enchaînent naturellement sans jamais casser le rythme de l’intrigue. Un pari osé pour l’auteur, que je ne connaissais pas du tout, mais au final l’auteur nous offre un véritable coup de génie plus que convaincant ; je suis même persuadé qu’en lisant le bouquin dans l’ordre chronologique il perdrait de sa magie (ne serait-ce que parce que c’est contraire à la volonté de son auteur mais aussi parce que ce choix vient souligner les distorsions temporelles).
L’intrigue démarre comme une vulgaire histoire de flibusterie avant de virer en uchronie où le passé, le présent et l’avenir s’affrontent, où le roman d’aventure croise la science-fiction. Un mélange plutôt étonnant et détonnant mais, une fois encore, l’auteur réussit un tour de force en rendant l’ensemble cohérent, on adhère sans se poser plus de questions que ça. Il faut dire que le style contribue beaucoup à cette cohésion, ne perdons pas de vue que notre héros vit au XVIIème siècle, il était donc important de restituer un style et un vocabulaire conforme à l’époque.
Au niveau des personnages le récit se concentre sur le capitaine Villon (et pour cause nous sommes sensés lire son journal) et son équipage, ou plutôt ses équipages au fil du temps et des bâtiments qu’il a commandé. Plus exotiques que les Espagnols, les Français et autres colons européens, on croise une étrange tribu d’indiens, les Itza (on apprendra plus loin ce qu’ils sont), mais surtout les mystérieux Targui, des êtres dont tout le monde se méfient mais dont on ne sait pas grand chose au final. La géographie du monde et plus particulièrement des Caraïbes évolue aussi au fil des tempêtes temporelles de plus en plus fréquentes, mais je vous laisse découvrir si cette évolution est positive ou négative.
Bien que n’étant pas un spécialiste, loin s’en faut, les Caraïbes du XVIIème siècle ainsi que la flibusterie semblent correspondre à la réalité (du moins à l’idée que je m’en fais) ; je suppose que l’auteur a dû sérieusement potasser le sujet (ce qui est confirmé par la bibliographie à la fin du roman) afin de combiner au mieux la réalité et la fiction. Uchronie oblige, l’Histoire suit un cours totalement différent de celui que nous connaissons (plus ou moins).
Sorti en 2009, Le Déchronologue peut se targuer d’afficher un joli palmarès de prix littéraires des genres S3F (Science-Fiction, Fantasy et Fantastique) dont le grand prix de l’Imaginaire 2010 et très honnêtement c’est plus que mérité. Outre une incontestable originalité le roman devient rapidement addictif, on brûle de découvrir les réponses aux multiples questions que l’on est amené à se poser au fil des pages et à force de patience notre curiosité sera satisfaite sur quasiment tous les points. Pour ceux qui, comme moi, se demanderaient la signification de CIRCA qui figure avant une année dans nombreux chapitres (ex. CIRCA 1653), sachez que cela signifie simplement non daté ou à différentes dates ; bin voilà je me coucherai moins con ce soir.
L’auteur a aussi à son actif une trilogie de SF, Chromozone, parue en 2005 mais qui semble avoir bénéficié d’un accueil nettement plus mitigé ; du coup je pense plutôt que je vais attendre son prochain roman en espérant faire le bon choix…

[BOUQUINS] Richard Matheson – Je Suis Une Légende

R. Matheson - Je Suis Une LégendeInvité surprise (et surtout un oubli) de mon challenge 100% SF, considéré par beaucoup comme un classique du genre et lecture hommage (l’auteur étant décédé, à l’âge de 87 ans, le 23 juin 2013), rien que ça ! Tout ça pour vous dire que je me suis enfin (le bouquin date tout de même de 1954) lancé dans la lecture de Je Suis Une Légende de Richard Matheson.
1976, Robert Neville est le dernier humain sur Terre suite à une pandémie mondiale, ceux qui n’ont pas été tués par le virus sont devenus des vampires. Le jour Robert Neville organise sa survie (entretien et protection de sa maison, récupération des denrées et matériels dont il a besoin), la nuit il se terre chez lui en se protégeant tant bien que mal des vampires qui le harcélent. Parmi euix son ancien voisin et ami, Ben Cortman.
Ma première surprise est venue de la taille du bouquin (à peine 200 pages), allez savoir pourquoi je l’imaginais plus épais. Il semblerait que Richard Matheson ait été le premier à imaginer une métamorphose vampirique provoquée par une bactérie ou un virus (idée reprise par Guillermo Del Toro et Justin Cronin, entre autres) ; par contre les moyens de combattre ces sales bestioles restent bien ancrées dans le folklore vampire (soleil, ail, crucifix et pieu en bois). Il faut attendre les dernières pages du roman pour en apprendre d’avantage sur ces vampires.
On partage donc le quotidien, les pensées et les souvenirs de Robert Neville, ainsi que sa quête pour comprendre rationnellement les vampires, non pour faire copain-copain avec les suceurs de sang mais pour pouvoir les éliminer le plus efficacement possible. C’est bien écrit, pas forcément palpitant d’action mais jamais ennuyeux, du coup le bouquin se lit d’une traite.
Encore un récit totalement intemporel, il suffit de déplacer cette uchronie de quelques années pour se prendre à imaginer que c’est ce qui nous attend dans quelques années. Si certains appareils utilisés par l’auteur paraissent aujourd’hui totalement dépassés on peut les remplacer par des ustensiles plus contemporain (un lecteur CD ou un lecteur MP3 remplace ainsi le vieux tourne-disque de Neville). Je crois que c’est là l’une des marques de fabrique d’un bon roman de SF, et sans doute même d’un bon roman tout court : une histoire qui ne prend pas une ride au fil du temps.
Cette histoire a  fait l’objet de trois versions pour le cinéma, Robert Neville ayant été interprété successivement par Vincent Price (1964), Charlton Heston (1971) et Will Smith (2007), toutefois il s’agit d’adaptations très libres ; je n’ai vu que les deux dernières mais il est clair qu’elles dénaturent l’original, le roman est en effet nettement plus sombre et pessimiste quant à la survie de l’humanité ; en reprenant les théories darwiniennes on peut résumer la chose ainsi : les plus forts s’adaptent, les autres meurent… Et en l’occurence les plus forts ne sont pas forcément les humains, qui plus est quand il ne reste qu’un seul et unique représentant de l’espèce.
Je vais certainement me pencher sur les autres titres de Richard Matheson, il n’est jamais trop tard pour élargir ses horizons…

[BOUQUINS] Paolo Bacigalupi – La Fille Automate

P. Bacigalupi - La Fille AutomateC’est d’abord la couverture qui m’a attiré (en l’occurence la couv’ originale francisée par Les Hérétiques, ô combien plus réussie que la couv’ française officielle), la quatrième de couv’ étant plutôt sympa, il n’en fallait pas moins pour que La Fille Automate de Paolo Bacigalupi finisse dans mon Stock à Lire ;  quelques critiques enthousiastes (dont celle de Gruz) et un challenge 100% SF remettront le titre à l’ordre du jour.
Quatrième de couv’ : « Dans un futur proche où le tarissement des énergies fossiles a radicalement modifié la géopolitique mondiale, la maîtrise de la bio-ingénierie est devenue le nerf d’une guerre industrielle sans merci. Anderson Lake travaille à Bangkok pour le compte d’un géant américain de l’agroalimentaire. Il arpente les marchés à la recherche de souches locales au coeur de bien des enjeux. Son chemin croise celui d’Emiko, la fille automate, une créature étrange et belle, créée de toutes pièces pour satisfaire les caprices décadents des puissants qui la possèdent, mais désormais sans plus d’attaches. »
Si j’ai opté pour la solution de facilité en proposant un copier-coller ce n’est pas par fainéantise mais plutôt parce que ce bouquin est d’une incroyable richesse de part les multiples thèmes qu’il aborde (politique, écologie, génétique, religion, corruption, tolérance…). Par contre pour entrer dans l’univers de l’auteur il falloir vous accrocher, les premiers chapitres pourront rebuter les moins tenaces mais, même si je reconnais que la prise en main est laborieuse au début, je vous invite à persévérer, le récit devient rapidement addictif et vous ne devriez pas le regretter.
La première surprise vient justement de l’univers du roman, une vision plutôt sombre de notre devenir, une Terre ravagée par les catastrophes naturelles, les épidémies et les guerres, le terrain est dorénavant franchement hostile ; on se retrouve au coeur d’un décor à la fois futuriste et passéiste (certaines technologies appartiennent clairement au futur alors que d’autres, de notre présent, semblent avoir disparues). D’autre part c’est plutôt original de choisir pour cadre la Thaïlande, devenue un avant poste de la biogénétique, seule chance de survie de l’humanité, mais instable sur le plan politique ; exotique certes mais en contrepartie ça complique un peu la donne pour retenir les noms propres ainsi que certains termes locaux.
La densité du bouquin tient autant dans le nombre de ses personnages que dans les différentes intrigues qui semblent, de prime abord, sans rapport les unes avec les autres mais finissent par se lier en un tout particulièrement soigné (même si certains personnages subissent l’intrigue plus qu’ils n’y prennent part activement). Si l’intrigue peine un peu à se mettre en branle je peux vous garantir que par la suite on a l’impression d’être au coeur d’un thriller tant le rythme est soutenu et les rebondissements ne manquent pas (jusqu’au dernier chapitre vous serez surpris).
Contrairement à ce que pourrait laisser supposer son nom l’auteur est américain, La Fille Automate est son premier roman, publié en 2009 aux USA (2012 en France) il a été récompensé des prix les plus prestigieux Nebula (meilleur roman en 2009), Hugo (meilleur roman en 2010) et Locus (meilleur premier roman en 2010) pour ne citer qu’eux ; pas mal pour un coup d’essai. Depuis l’auteur a publié deux autres titres, encore inédits en français, mais je suis curieux de les découvrir tant celui-ci m’aura mis l’eau à la bouche…

[BOUQUINS] Daniel Keyes – Des Fleurs Pour Algernon

D. Keyes - Des Fleurs Pour AlgernonIl aura fallu que je me fixe un challenge 100% SF pour me décider enfin à découvrir Des Fleurs Pour Algernon de Daniel Keyes, un incontournable du genre il semblerait ; depuis le temps que j’en entends parler et avec toutes les louanges lues ou entendues il fallait bien que je me fasse ma propre opinion de la chose.
Charlie Gordon, un jeune adulte attardé mental, subit une intervention chirurgicale qui triple son QI. Il est le premier patient humain à bénéficier de cette prouesse médicale testée auparavant sur la souris de laboratoire Algernon. L’opération est un succès, mais si Charlie a désormais le QI d’un génie il a le vécu et le ressenti d’un attardé mental ; l’intelligence dont il avait tant espéré peut s’avérer une arme à double tranchant…
L’auteur a d’abord publié son récit sous forme de nouvelle (en 1960) et récompensée par le prix Hugo avant de l’enrichir pour en faire un roman qui sera publié en 1966 et obtiendra le prix Nebula. Si je mentionne ces dates c’est pour vous dire que même après quasiment un demi-siècle le bouquin n’a pas pris une ride, le style est intemporel, je suis convaincu que même dans 50 ans les lecteurs auront le même ressenti. Le bouquin se présente comme le journal intime de Charlie, commencé quelques jours avant l’opération et poursuivi aussi longtemps qu’il a pu le compléter. A travers les comptes rendus que Charlie rédige on suit son évolution, si les premiers passages sont écrits quasiment en phonétique, l’orthographe se corrige et s’enrichit peu à peu, idem pour le contenu de ses rapports.
Rapidement on oublie le côté SF pour privilégier le côté humain et en la matière on peut dire que le livre frappe fort et réussit admirablement à nous faire partager les émotions de Charlie, on a vraiment l’impression d’être lui et de voir le monde par ses yeux. En plus de sa soif d’apprendre il renoue avec des souvenirs d’une enfance qu’il avait oublié, une période difficile et traumatisante. L’innocence envolée il voit aussi les gens sous leur véritable jour et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a toujours été mal entouré. Mais heureusement tout n’est pas sombre pour le jeune homme, il va aussi faire l’apprentissage de l’amour (et là encore rien n’est simple pour Charlie).
Attention risque de spoilers dans ce qui va suivre, mais chroniquer ce bouquin sans parler des différentes phases que va traverser Charlie ne présenterait aucun intérêt, je ne dirai rien de la fin et je peux d’ores et déjà vous assurer que ces quelques lignes ne vous gâcheront pas la lecture du roman (la preuve j’ai adoré alors que j’en connaissais la trame de A à Z).
Ce bouquin propose, à sa façon, une réflexion sur la tolérance, cette fois la différence est l’intelligence ; si vous en manquez cruellement vous deviendrez immanquablement le souffre-douleur d’une bande d’abrutis, si vous en avez trop on se méfiera de vous. Et le comble c’est que, dans un premier temps, Charlie commettra la même erreur face à ses pairs. Alors finalement est-ce que l’intelligence fait le bonheur ? Charlie va découvrir (et nous faire découvrir) que ce n’est pas forcément une évidence, attardé ou génial il sera toujours aussi seul. Et pourtant face au processus de régression, annoncé par le déclin d’Algernon il va tout mettre en oeuvre pour lutter contre l’inexorable. Et à ce moment là le bouquin devient encore plus poignant.
Franchement ce roman m’a laissé sur le cul, rarement il m’a été donné de lire un bouquin possédant une telle charge émotionnelle. A noter que les éditions J’ai Lu proposent une version enrichie par l’essai Algernon, Charlie Et Moi et par la nouvelle originale ; présentement j’ai lu le roman au format numérique mais je me suis d’ores et déjà précipité à la librairie pour commander cette version enrichie (c’est sa couverture qui illustre ce post), nul doute que c’est un bouquin que je relirai à l’occasion. C’est vraiment une expérience de lecture unique et touchante, je pourrai en parler pendant des pages et des pages mais au lieu de ça, et avant que vous n’abandonniez lâchement cette chronique, je me contenterai de vous le recommander chaudement même si vous n’êtes pas attiré par la SF.

[BOUQUINS] George R.R. Martin – Le Volcryn

GRR Martin - Le VolcrynSi j’ai inscrit Le Volcryn au programme de mon challenge 100% SF ce n’est pas forcément dans l’espoir de découvrir un roman exceptionnel (même s’il a remporté le prix Locus du meilleur roman court en 1981) mais plutôt pour découvrir George R. R. Martin dans un autre style que la fantasy (au cas où vous ayez quitté la planète Terre ces dernières années il est l’auteur du Trône De Fer).
Un équipage de neuf experts triés sur le volet décolle d’Avalon à bord du vaisseau Armageddon, commandé par Royd Eris, leur mission est d’entrer en contact avec les volcryns, une race extra-terrestre supposée beaucoup plus évoluée que les humains qui se déplace aux confins de l’espace connu dans de gigantesques vaisseaux-cités. Au fil du voyage, le confinement aidant, des tensions et autres frustrations apparaissent ; quand le télépathe du groupe fait état d’une menace intérieure l’ambiance devient encore plus tendue…
Quand le premier tome du Trône De Fer est paru, en 1996, George R. R. Martin avait 48 ans, on peut donc légitimement supposer qu’il ait eu une vie littéraire avant et c’est effectivement le cas puisque son premier roman (hors nouvelles), L’Agonie De La Lumière, a été publié en 1977, si l’on prend en compte les nouvelles les débuts littéraires de l’auteur datent de 1971. Le Volcryn est son second roman (même si j’avoue avoir un peu de mal à m’y retrouver entre les nouvelles, les nouvelles longues, les romans courts et les romans).
La chose se présente donc au format roman court (160 pages), réédité en 2010 par Actusf, histoire de surfer sur le succès du Trône De Fer. Au-delà de l’aspect purement marketing (il est vendu moins de 10 €) c’est une bonne chose car ce roman est bien plus riche que ne pourrait le laisser penser son épaisseur. Le voyage spatial est prétexte pour l’auteur de nous offrir un huis-clos plus que convaincant, comme il se doit l’ambiance à bord du vaisseau devient de plus en plus étouffante au fur et à mesure que les personnages s’interrogent, de fait les tensions, les soupçons et les non-dits se multiplient ; il faut dire que le fait que le commandant du vaisseau ne se présente à eux que sous forme d’un hologramme n’aide pas à établir une relation de confiance. Dans un premier temps on se demande si la menace est réelle ou non, puis qui se cache derrière tout ça ; bien entendu je ne répondrai à aucune de ces questions !
Pour un roman aussi court la psychologie des personnages est plutôt approfondie, parmi l’équipage deux leaders s’imposent, Karoly D’Branin et Melantha Jhirl, ils sont sans doute un peu moins « bras cassés » que les autres ; mais c’est surtout le commandant de bord qui retient toute notre attention, lui aussi est-il bien réel ? Joue-t-il franc jeu avec l’équipage ? Qui est-il exactement ? Les questions le concernant ne manquent pas et les réponses ne manqueront pas de vous surprendre. Et ces fameux volcryns qui sont ils donc ? Vous aurez la réponse en lisant ce court mais très bon roman.
Le bouquin se lit d’une traite, une fois pris dans sa spirale infernale vous ne pourrez plus le lâcher (d’autant que le rythme monte crescendo) ; je me suis lancé de cette lecture sans grande conviction et j’en ressors agréablement surpris et même franchement comblé ; du coup ça m’a donné envie de découvrir les deux autres titres de George R. R. Martin que l’éditeur propose dans son catalogue (il s’agit de Skin Trade, un polar teinté fantastique, et de Dragons De Glace, un recueil de nouvelles).