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Titre : Chien 51
Auteur : Laurent Gaudé
Éditeur : Actes Sud
Parution : 2022
Origine : France
304 pages
De quoi ça cause ?
Zem Sparak a fui la Grèce peu avant son effondrement et son rachat par la puissante multinationale GoldTex. Trente ans plus tard, il officie comme chien – flic de terrain – dans la zone 3, le secteur le plus glauque de Magnapole.
Appelé sur une scène de crime, il découvre qu’il va devoir enquêter avec, et sous les ordres de, Salia Malberg, une jeune inspectrice en poste dans la zone 2 (une zone intermédiaire / chic). Une collaboration forcée qui n’enchante aucun des deux partenaires, mais tous les deux sont mû par la même envie de découvrir la vérité sur ce crime.
Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?
En toute franchise j’ai d’abord flashé sur la couv’ qui est tout simplement magnifique. Une création de l’artiste chinois Xiaohui Hu (vous pouvez consulter sa page sur le site artstation pour découvrir son travail).
Ensuite l’idée de découvrir une dystopie made in France, écrite par un auteur qui fait sa première incursion dans la science-fiction, a sérieusement titillé ma curiosité. Le pitch a fait le reste.
Ma Chronique
Avant de découvrir ce roman je ne connaissais pas du tout Laurent Gaudé, bien que l’auteur n’en soit pas vraiment à son coup d’essai : avec Chien 51, il signe son douzième roman et est aussi l’auteur de dix-sept pièces de théâtre. Ce roman est toutefois sa première incursion dans le vaste monde des littératures de l’imaginaire (ou encore SFFF pour science-fiction, fantastique et fantasy).
Chien 51 s’inscrit clairement dans le registre de la science-fiction et plus précisément dans la dystopie en proposant une vision plutôt pessimiste de notre avenir. Pessimiste certes, mais pas pour autant totalement inconcevable… Après tout l’auteur ne fait que pousser à l’extrême des maux déjà présents aujourd’hui (tensions sociales, crise économique, conflits divers et variés mais aussi dérèglement climatique entre autres).
Dans le monde imaginé par Laurent Gaudé ce sont de puissantes multinationales qui contrôlent les États et détiennent les rênes du pouvoir. L’intrigue nous roman nous plonge au cœur de Magnapole, une mégapole contrôlée par la société GoldTex. Une ville divisée en trois zones : la 1 est réservée à l’élite, la 2 peut être considérée comme intermédiaire / chic et la 3 est la plus pauvre. Des inégalités existent certes entre les zones 1 et 2 mais elles sont encore plus flagrantes entre la zone 3 et les autres.
Un équilibre fragile qui s’est construit à force de violentes répressions face à la protestation des citoyens de la zone 3. Un équilibre qui pourrait bien être remis en cause à l’approche des élections. Élections qui verront s’affronter deux candidats et deux visions d’avenir que tout oppose.
Le roman s’ouvre sur l’effondrement de la Grèce à la suite d’une OPA de GoldTex, Zem Sparak a eu la chance d’embarquer à bord d’un navire peu avant qu’une série de violentes explosions ne sèment un peu plus de chaos et la mort. On retrouve Sparak trente ans plus tard, alors qu’il est appelé sur une scène de crime.
Et oui, parce que Chien 51 est aussi un roman policier avec une enquête qui deviendra la clé de l’intrigue.
Les choses vont se compliquer pour Zem Sparak quand il va découvrir que pour cette enquête il est « verrouillé » à un enquêteur de la zone 2. Non seulement il va devoir collaborer avec un binôme mais aussi être placé sous ses ordres.
Le binôme en question est Salia Malberg, jeune et ambitieuse inspectrice de la zone 2. Dans le genre duo dépareillé, ils font la paire ! Et cette collaboration forcée n’enchante aucune des deux parties.
Vous allez faire ce que je vous dis de faire. Et dès maintenant. Que cela vous plaise ou non. Vous allez marcher à mes côtés, comme un bon chien, et renifler où je vous dirai de renifler. Si vous ne voulez pas que je fasse sauter votre accréditation, vous allez apprendre à faire ce que je vous demande et même à me lécher la main.
Le ton est donné dès leur seconde rencontre. Il faut dire que demander à Zem Sparak de filer droit c’est un peu comme demander à un végan de manger un steak tartare sans son accompagnement… et avec le sourire !
Le roman est ponctué de flashbacks permettant de découvrir le parcours de Zem Sparak et comment le jeune homme engagé et militant est devenu un flic bourru et désabusé de la zone 3. Un rappel du passé pas complètement innocent comme nous le découvrirons par la suite.
Rien n’est laissé au hasard dans ce roman : le contexte est mûrement réfléchi, l’intrigue totalement maîtrisée, les personnages bien travaillés… Un roman aussi audacieux qu’intelligent, Laurent Gaudé se sert de la science-fiction pour emmener le lecteur à s’interroger sur le présent… parce qu’il n’est – peut-être – pas encore trop tard pour inverser la tendance.
MON VERDICT