[BOUQUINS] Daniel Keyes – Algernon, Charlie Et Moi

C’est la première fois que je consacre deux posts à un même bouquin, ou presque, ayant reçu la version enrichie Des Fleurs Pour Algernon de Daniel Keyes, je n’ai pu résister à l’envie de me plonger dans la lecture des « bonus », à savoir l’essai Algernon, Charlie & Moi et la nouvelle originale. A livre exceptionnel, chronique exceptionnelle, logique non ? Et puis il peut presque faire office d’invité surprise dans mon challenge 100% SF.
Pour info la couverture qui illustre ce post est celle d’une précédente édition regroupant l’essai et la nouvelle proposée par J’Ai Lu.

D. Keyes - Algernon, Charlie Et MoiAlgernon, Charlie Et Moi
Dans cet essai autobiographique l’auteur revient sur son parcours personnel et professionnel (de la marine marchande à l’enseignement universitaire en passant par divers boulots) mais surtout sur tout le processus qui a conduit à la nouvelle, puis au roman, qui lui vaudront une reconnaissance internationale. S’il a écrit cet essai plus de quarante ans après la sortie du roman c’est dire si le personnage de Charlie Gordon l’a marqué.
Le moins que l’on puisse dire c’est que ça ne s’est pas fait en un jour, il y a d’abord eu un nom qui a retenu son attention (Algernon), puis une idée (qu’est-ce que ça ferait de devenir plus intelligent ?) qu’il a fallu étoffer (notamment avec l’idée de la régression) et mettre en forme et enfin le nom de son personnage principal (Charlie Gordon) ; une fois que tout s’est mis en place (ça a quand même pris pas loin d’une quinzaine d’années), Daniel Keyes a dû lutter becs et ongles contre les éditeurs qui demandaient des coupes franches ou, pire encore, un happy end.
Une fois la nouvelle parue et saluée unanimement, l’auteur a rapidement eu envie d’en faire un roman, certains passages ont été retouchés, d’autres ajoutés, mais tout à été fait (même si ça peut paraître bizarre de à imaginer) dans « l’intérêt de Charlie Gordon » ; m’est d’avis que rarement un auteur s’est autant identifié à son personnage pour créer l’univers qui l’entoure. Après de nouvelles prises de bec avec les éditeurs, le roman voit le jour et est salué presque unanimement (une seule critique négative).
L’auteur mentionne diverses adaptation Des Fleurs Pour Algernon : un téléfilm (1967, avec Cliff Robertson dans le rôle de Charlie) suivi d’un film (Charly, 1968 avec de nouveau Cliff Robertson, oscarisé pour son interprétation) et même une comédie musicale. En 2000 l’auteur donnera son accord pour un nouveau téléfilm, le rôle de Charlie sera tenu par Matthew Modine. Depuis il y en eu d’autres (plus ou moins réussies il semblerait) : un téléfilm franco-suisse (2006, avec Julien Boisselier) et une pièce de théâtre (2012, avec Grégory Gadebois). En 2009/2010 il était même question d’une nouvelle adaptation menée par Will Smith (comme producteur et acteur) et Gabriele Muccino (à la réalisation) ; mais depuis je ne saurai vous dire si l’idée poursuit son chemin ou a été abandonnée.
Le fait que Daniel Keyes ait ressenti le besoin d’écrire cet essai 40 ans après la parution de la nouvelle en dit long sur la place qu’occupent Charlie Gordon et Algernon dans sa vie.

Des Fleurs Pour Algernon (nouvelle)
La lecture de la nouvelle après avoir lu le roman n’apporte strictement rien, sinon de se rendre compte des changements et évolutions apportées par le roman, par définition ce dernier est beaucoup plus riche. Toutefois j’ai apprécié de découvrir le texte original, en quelques pages il distille une charge émotionnelle impressionnante.

Cette lecture n’a fait que confirmer mon engouement pour ce roman exceptionnel, je pense prochainement me pencher sur deux autres titres de l’auteur consacrés à Billy Milligan, un criminel des années 70 qui présente la particularité d’abriter plusieurs personnalités (pas moins de 24) dans un même corps.

[BOUQUINS] Daniel Keyes – Des Fleurs Pour Algernon

D. Keyes - Des Fleurs Pour AlgernonIl aura fallu que je me fixe un challenge 100% SF pour me décider enfin à découvrir Des Fleurs Pour Algernon de Daniel Keyes, un incontournable du genre il semblerait ; depuis le temps que j’en entends parler et avec toutes les louanges lues ou entendues il fallait bien que je me fasse ma propre opinion de la chose.
Charlie Gordon, un jeune adulte attardé mental, subit une intervention chirurgicale qui triple son QI. Il est le premier patient humain à bénéficier de cette prouesse médicale testée auparavant sur la souris de laboratoire Algernon. L’opération est un succès, mais si Charlie a désormais le QI d’un génie il a le vécu et le ressenti d’un attardé mental ; l’intelligence dont il avait tant espéré peut s’avérer une arme à double tranchant…
L’auteur a d’abord publié son récit sous forme de nouvelle (en 1960) et récompensée par le prix Hugo avant de l’enrichir pour en faire un roman qui sera publié en 1966 et obtiendra le prix Nebula. Si je mentionne ces dates c’est pour vous dire que même après quasiment un demi-siècle le bouquin n’a pas pris une ride, le style est intemporel, je suis convaincu que même dans 50 ans les lecteurs auront le même ressenti. Le bouquin se présente comme le journal intime de Charlie, commencé quelques jours avant l’opération et poursuivi aussi longtemps qu’il a pu le compléter. A travers les comptes rendus que Charlie rédige on suit son évolution, si les premiers passages sont écrits quasiment en phonétique, l’orthographe se corrige et s’enrichit peu à peu, idem pour le contenu de ses rapports.
Rapidement on oublie le côté SF pour privilégier le côté humain et en la matière on peut dire que le livre frappe fort et réussit admirablement à nous faire partager les émotions de Charlie, on a vraiment l’impression d’être lui et de voir le monde par ses yeux. En plus de sa soif d’apprendre il renoue avec des souvenirs d’une enfance qu’il avait oublié, une période difficile et traumatisante. L’innocence envolée il voit aussi les gens sous leur véritable jour et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a toujours été mal entouré. Mais heureusement tout n’est pas sombre pour le jeune homme, il va aussi faire l’apprentissage de l’amour (et là encore rien n’est simple pour Charlie).
Attention risque de spoilers dans ce qui va suivre, mais chroniquer ce bouquin sans parler des différentes phases que va traverser Charlie ne présenterait aucun intérêt, je ne dirai rien de la fin et je peux d’ores et déjà vous assurer que ces quelques lignes ne vous gâcheront pas la lecture du roman (la preuve j’ai adoré alors que j’en connaissais la trame de A à Z).
Ce bouquin propose, à sa façon, une réflexion sur la tolérance, cette fois la différence est l’intelligence ; si vous en manquez cruellement vous deviendrez immanquablement le souffre-douleur d’une bande d’abrutis, si vous en avez trop on se méfiera de vous. Et le comble c’est que, dans un premier temps, Charlie commettra la même erreur face à ses pairs. Alors finalement est-ce que l’intelligence fait le bonheur ? Charlie va découvrir (et nous faire découvrir) que ce n’est pas forcément une évidence, attardé ou génial il sera toujours aussi seul. Et pourtant face au processus de régression, annoncé par le déclin d’Algernon il va tout mettre en oeuvre pour lutter contre l’inexorable. Et à ce moment là le bouquin devient encore plus poignant.
Franchement ce roman m’a laissé sur le cul, rarement il m’a été donné de lire un bouquin possédant une telle charge émotionnelle. A noter que les éditions J’ai Lu proposent une version enrichie par l’essai Algernon, Charlie Et Moi et par la nouvelle originale ; présentement j’ai lu le roman au format numérique mais je me suis d’ores et déjà précipité à la librairie pour commander cette version enrichie (c’est sa couverture qui illustre ce post), nul doute que c’est un bouquin que je relirai à l’occasion. C’est vraiment une expérience de lecture unique et touchante, je pourrai en parler pendant des pages et des pages mais au lieu de ça, et avant que vous n’abandonniez lâchement cette chronique, je me contenterai de vous le recommander chaudement même si vous n’êtes pas attiré par la SF.