[BOUQUINS] Guillaume Musso – Quelqu’un D’Autre

Côte d’Azur – Printemps 2023.
Au large de Cannes, un yacht dérive entre les îles de Lérins. À son bord repose Oriana Di Pietro, éditrice italienne et héritière d’une célèbre famille milanaise. Agressée sauvagement, elle succombera après dix jours de coma.

Qui a tué Oriana ?
Un homme et trois femmes livrent leur version de l’histoire : Adrien, le mari de la victime, pianiste de jazz séduisant et mystérieux ; l’insaisissable Adèle, sa jeune maîtresse ; Justine, la policière locale chargée de l’enquête et Oriana enfin, à travers le récit bouleversant des dernières semaines de sa vie.
Personne ne ment.
Mais personne n’est d’accord sur la vérité…

Parce que c’est Guillaume Musso et qu’il fait partie de mes auteurs incontournables, d’autant plus qu’il s’est fait désirer pour ce nouveau roman (occupé sur d’autres projets, dont l’excellente adaptation en roman graphique de La Vie Secrète Des Écrivains).

Pour tout vous dire, il a même grillé la priorité à Stephen King dans mon Stock à Lire Numérique ! Peu d’auteurs peuvent se targuer d’un tel exploit…

Retour sur les côtes méditerranéennes pour le nouveau roman de Guillaume Musso. Semblerait que les terres françaises l’inspirent davantage ces dernières années.

La première partie s’ouvre sur l’agression d’Oriana Di Pietro, suivront différents articles de presse relatant l’évolution de l’affaire jusqu’au décès de la victime une dizaine de jours plus tard. Cette première partie se clôt sur un ultime rebondissement, plus d’un an après les faits qui pourrait bien constituer un tournant décisif dans l’avancée de l’enquête.

Le temps d’une garde à vue le lecteur découvrira le déroulé des évènements ayant conduit au drame selon trois protagonistes. Avec Oriana Di Pietro nous verrons défiler les dix-huit derniers mois de son existence et la mise en place d’un plan un brin insensé afin d’assurer un avenir des plus radieux pour son mari et ses deux enfants. Adrien Delaunay, propulsé suspect n°1 par un revirement de l’enquête, va nous livrer sa propre version des faits. Enfin Adèle Keller, la mystérieuse maîtresse d’Adrien, aura, elle aussi, sa propre vérité à partager.

Au fil des interrogatoires, des indices et des découvertes, Justine Taillandier, la policière en charge de l’affaire va devoir démêler le vrai du faux afin d’essayer d’avoir une vision la plus objective possible de la vérité. Problème : si les différents sons de cloche ne s’accordent pas toujours, aucun ne semble totalement dissonant…

Et voilà ami lecteur, tu as mordu à l’hameçon. C’est foutu, tu auras bien du mal à lâcher prise avant d’avoir le fin mot de l’histoire. C’est en tout cas ce qui s’est passé avec moi, commencé un matin juste pour voir… Je n’ai pas pu lâcher l’affaire de connaître toute la vérité et rien que la vérité. Une lecture dévorée en une journée !

Au fil des pages Guillaume Musso nous balade au rythme de ses revirements de situation, coupable ou innocent le mari ? Parfois vous serez-convaincu qu’il a tout manigancé, d’autres fois vous aurez l’absolue certitude qu’il est lui aussi une victime dans cette histoire. Je peux juste vous assurer que le final dépassera tout ce que vous avez pu imaginer !

Certains diront que c’est un peu tiré par les cheveux, pour ma part je trouve que cela s’accorde parfaitement à l’intrigue, à tel point que l’on aurait presque envie de revenir en arrière afin de découvrir les indices que l’auteur a disséminé çà et là.

Je n’entrerai pas dans les détails afin de ne pas spoiler la fin mais vérification faite les explications données à Justine Taillandier sont tout à fait plausibles d’un point de vue purement « technique » (le terme n’est pas forcément le plus adapté, mais si j’employais une formule plus juste je lâcherai un indice majeur).

Il n’y a pas que le personnage d’Adrien Delaunay qui suscitera des sentiments contradictoires au fur et à mesure de la lecture. Ce sont quasiment tous les acteurs de cette intrigue qui souffleront le chaud et le froid.

Un micro bémol sur la toute fin du roman (après la résolution du meurtre d’Oriana) qui ne s’imposait pas vraiment. D’un autre côté ce serait malhonnête de prétendre que ça gâche tout le reste.

Une fois de plus Guillaume Musso a fait mouche en osant jouer avec les codes du thriller. Il manque toutefois un soupçon d’adrénaline pour égaler les maîtres du genre (même si je doute fort que ce soit l’objectif que vise l’auteur).

[BOUQUINS] Guillaume Musso & Miles Hyman – La Vie Secrète Des Écrivains

Après avoir publié trois romans devenus cultes, le célèbre écrivain Nathan Fawles annonce qu’il arrête d’écrire et se retire à Beaumont, une île sauvage et sublime au large des côtes de la Méditerranée.

Vingt ans après, alors que ses romans continuent de captiver les lecteurs, Mathilde Monney, une jeune journaliste, débarque sur l’île, bien décidée à percer son secret. Commence entre eux un dangereux face-à-face, où se heurtent vérités et mensonges, où se frôlent l’amour et la peur…

Je n’ai pas pour habitude de relire un bouquin déjà lu, d’une part parce que je n’en vois pas forcément l’intérêt, d’autre part parce que mon Stock à lire Numérique ne cesse d’enfler plus vite que je ne lis.

Bien qu’ayant déjà lu La Vie Secrète Des Écrivains (lien vers ma chronique), j’étais curieux de découvrir ce que pouvait donner son adaptation graphique. Raconter la même histoire sur moins de 200 pages (le roman compte tout de même 352 pages) sans la dénaturer me semblait être un sacré challenge.

Autre challenge, plus personnel cette fois : comment écrire la chronique d’un roman déjà chroniqué sans radoter ? En relisant mon billet concernant le roman de Guillaume Musso j’ai constaté que j’avais fait l’impasse sur le personnage de Mathilde, me concentrant sur le binôme Nathan / Raphaël. Du coup la réponse s’est imposée d’elle-même, non seulement rendre à Mathilde la place qui lui appartient, mais aussi me centrer davantage sur l’aspect policier du bouquin.

Force est de reconnaître une première impression des plus positives, d’emblée j’ai retrouvé l’ambiance du roman, avec en bonus un visuel du plus bel effet.

Nathan Fawles était un écrivain à succès qui a mis fin à sa carrière du jour au lendemain il y a une vingtaine d’années. Depuis il s’est retiré sur l’île de Beaumont où il coule des jours heureux. Mais ça, c’était avant…

Coup sur coup il va recevoir la visite de Raphaël Bataille, un écrivain en herbe qui veut à tout prix lui soumettre son manuscrit et de Mathilde Monney, une jeune et séduisante journaliste suisse sans pas si innocente qu’elle ne le laisse à penser. Pour essayer de percer les secrets de Mathilde, Nathan va devoir, à son grand désarroi, faire appel à Raphaël.

Cerise sur le gâteau, v’là t’y pas qu’un cadavre est retrouvé, le corps exposé dans une mise en scène macabre. Du coup les autorités décrètent un blocus de l’île.

Dans le roman chaque chapitre s’ouvre sur une citation d’un auteur (Umberto Eco, Margaret Atwood, Agatha Christie, Milan Kundera…), le principe est repris et magnifié ici puisque ladite citation est enrichie d’une illustration mettant en avant son auteur.

On retrouve bien les ingrédients du thriller psychologique dans le face-à-face entre Mathilde et Nathan. Il a beau soupçonner que cette femme peut être dangereuse, voire lui être fatale, il va entrer dans son jeu de séduction sans toutefois baisser totalement sa garde.

Chacun cherche la vérité, mais laquelle ? Comme le dit Nathan : « La vérité n’existe pas. Ou plutôt si, elle existe, mais elle est toujours en mouvement, toujours vivante, toujours changeante. » Une affirmation qui va prendre tout son sens dans la dernière partie du roman.

Le lecteur va quant à lui se balader au cœur d’une intrigue riche en rebondissements, certes si vous avez déjà lu le roman vous n’apprendrez rien de nouveau, mais cela ne m’a pas dérangé outre mesure. À vrai dire je n’ai pas eu l’impression d’une relecture, mais plus de la lecture d’une réécriture, à la fois fidèle à l’original tout en proposant une construction différente.

Le trait et le choix des couleurs de Miles Hyman collent parfaitement au récit. On en viendrait presque à regretter que cette île de Beaumont soit fictive, les illustrations nous donnent vraiment envie d’y passer des vacances… et plus si affinités.

Résultat des courses, j’ai dévoré cette lecture d’une traite. Revenant même parfois en arrière pour le seul plaisir de profiter pleinement des illustrations. Une belle (re)découverte qui pourrait bien me pousser vers d’autres adaptations graphiques de romans déjà lus.

[BOUQUINS] James S. Murray & Darren Wearmouth – Le Passager De Trop

AU MENU DU JOUR


Titre : Le Passager De Trop
Auteur : James S. Murray & Darren Wearmouth
Éditeur : Calmann-Lévy
Parution : 2023
Origine : États-Unis (2021)
300 pages

De quoi ça cause ?

Maria Fontana espérait passer un moment tranquille en famille en embarquant sur l’Atlantia, un paquebot tout confort qui assure la liaison entre New York et Southampton.

Il faut dire qu’elle était jurée dans le procès particulièrement éprouvant et ultra médiatisé d’un tueur en série, procès à l’issue duquel l’accusé est ressorti libre, faute de décision unanime du jury. Un verdict qui a suscité la vindicte des familles et des médias.

Quelques jours après l’embarquement, des trucs pas nets semblent se passer à bord. Et si un tueur comptait parmi les passagers ou l’équipage…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que l’idée d’un huis clos au milieu de l’océan Atlantique me semblait idéalement oppressante ; la toile de fond idéale pour un thriller.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Calmann-Lévy et la plate-forme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Oubliez La Croisière S’Amuse, ici le paquebot va s’avérer être le théâtre d’un jeu mortel orchestré par un tueur insaisissable. Un tueur au modus operandi qui ressemble un peu trop à celui de Wyatt Butler, le présumé tueur en série remis en liberté à l’issue de son procès.

Si Maria Fontana relève rapidement ces similitudes, elle n’est prise au sérieux ni par son compagnon qui la traite gentiment de parano, ni par l’équipe de sécurité du paquebot qui serait même limite à la trouver suspecte.

Le huis clos annoncé tient toutes ses promesses, le paquebot, bien que vaste, n’offre aucune échappatoire aux victimes tout en permettant au tueur de se fondre dans la foule. Si vous êtes thalassophobique, nul doute que ce roman ne contribuera pas à votre guérison.

Le mutisme des équipes chargées de la sécurité du paquebot n’aura pas vraiment l’effet apaisant escompté, il sera prétexte à des rumeurs, certaines proches de la réalité, d’autres complétement farfelues. Il n’en faudra pas davantage pour créer un sentiment de malaise parmi les passagers. Il suffirait d’une étincelle pour que le malaise se transforme en peur panique, et notre tueur sadique adore attiser les braises.

Maria est psychologue de métier, son expertise de la psyché humaine – et tout particulièrement celle de Wyatt Butler – pourrait bien être son principal atout pour arrêter le massacre.

Un roman qui s’adresse bien entendu aux fans de thrillers, mais que je réserverai à un public averti ; notre tueur cible principalement les enfants et fait preuve d’une brutalité extrême dans ses mises en scènes morbides. L’écriture est très visuelle et force est de reconnaître que les auteurs ne laissent que peu de place à l’imagination des lecteurs quant à leurs scènes de crimes.

Les différents personnages sont bien travaillés avec un profil psychologique particulièrement soigné, l’intrigue est rondement menée avec son lot de rebondissements et de fausses pistes, mais l’ensemble reste relativement conventionnel dans son approche. Ça n’en reste pas moins un très bon thriller, mais avec une touche plus personnelle il aurait pu être un excellent thriller.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Pierre Lemaitre – Le Silence Et La Colère

AU MENU DU JOUR


Titre : Le Silence Et La Colère
Série : Les Années Glorieuses – Livre 2
Auteur : Pierre Lemaitre
Éditeur : Calmann-Lévy
Parution : 2023
Origine : France
592 pages

De quoi ça cause ?

1952. François Pelletier s’est fait un nom à la rubrique faits-divers du Journal du soir, mais il voit plus loin pour son avenir en tant que journaliste. Une ambition qui pourrait bien être contrariée par la place de plus en plus grande que prend sa sœur, Hélène, au sein de la rédaction.

De son côté Jean entreprend de se lancer dans une affaire commerciale ambitieuse. Rongé par les doutes face à un défi qu’il n’est pas sûr de pouvoir relever, perpétuellement invectivé par une épouse plus acariâtre que jamais, il trouve du réconfort en présence de leur fille, Colette.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est le second opus de la tétralogie Les Années Glorieuses de Pierre Lemaitre, malgré un premier tome, Le Grand Monde, un tantinet en deçà de la trilogie Les Enfants Du Désastre, on se laisse volontiers porté par le talent narratif de l’auteur.

Ma Chronique

C’est avec un plaisir non dissimulé que j’ai retrouvé la famille Pelletier quatre ans après les événements racontés dans Le Grand Monde. Pierre Lemaitre poursuit son exploration des Trente Glorieuses en privilégiant les approches humaines et sociales plutôt que d’opter pour une vision strictement historique.

Il n’empêche que pour les besoins de son intrigue (« ses intrigues » serait plus approprié tant le roman est vaste) la fiction s’inspire de la réalité historique. Ainsi l’histoire du village de Chevrigny, condamné à disparaître à la suite de l’édification d’un barrage hydro-électrique, est une libre adaptation de celle du village de Tignes inondé en 1952 et reconstruit plus haut dans la vallée. C’est Hélène, envoyée sur place par son patron pour une série de reportages, qui nous fera vivre les derniers jours de Chevrigny.

C’est encore le personnage d’Hélène qui donnera à l’auteur l’occasion de se pencher sur la condition féminine au début des années 50. Enceinte « par accident », elle va faire le choix d’avorter. Un choix pénalement répréhensible et dont les conséquences peuvent parfois être dramatiques – voire mortelles – pour celles qui ne trouvent de personnel qualifié (médecin ou sage-femme) pour les assister.

Petit aparté historique et féminin si vous le permettez (d’ailleurs même si vous ne me le permettez pas, non mais, c’est chez moi ici). Il faudra attendre la fin de l’année 1967 pour que la contraception médicale (la pilule) soit légalisée… sur le papier, dans les faits le texte ne sera applicable qu’à partir de 1971. C’est la ténacité de Simone Veil – et d’autres avant elle – qui permettra de dépénaliser l’avortement en 1975, un droit élargi et simplifié au fil des années suivantes.

Les femmes sont à l’honneur dans ce roman… leurs combats surtout. Inutile de préciser qu’au début des années 50 il n’est pas question de parité, d’égalité professionnelle ou encore d’équité salariale (même si, aujourd’hui encore, dans de trop nombreuses entreprises ces notions demeurent très théoriques). C’est Jean qui va être confronté à la colère de ses ouvrières face à un gérant trop zélé et misogyne.

Je terminerai mon élan féministe par l’inénarrable et incontournable Geneviève, l’épouse de Jean. Si dans Le Grand Monde j’ai eu envie de lui foutre des baffes quasiment à chacune de ses interventions, cette fois on grimpe au niveau supérieur, ce sont des envies de meurtres qui me passaient par la tête. J’en venais franchement à espérer que les pulsions meurtrières de Jean se retournent contre elle… et Dieu sait qu’il ne manque pas d’arguments pour la zigouiller, un jury populaire pourrait même lui trouver des circonstances atténuantes !

De son côté François relance, au grand dam de son frère, l’affaire Mary Lampson. En parallèle il découvre peu à peu que la femme qu’il aime semble avoir un jardin secret bien plus vaste qu’il ne l’imaginait.

Et pendant ce temps-là, au Liban, Louis, le patriarche du clan Pelletier, se prend d’une soudaine passion pour la boxe. Au point de manager un jeune boxeur, ouvrier de la savonnerie, dont les victoires doivent plus à la chance qu’à de véritables talents pugilistiques.

Bien entendu ce roman vous fera aussi découvrir de nouveaux personnages, j’ai pour ma part eu un coup de cœur pour Petit Louis, un enfant du village de Chevrigny qui va se prendre d’affection pour Hélène. C’est aussi à Chevrigny que nous découvrirons Lambert, un jeune correspondant de presse chargé d’assister Hélène, et Destouches, ingénieur chez Électricité de France chargé de superviser l’évacuation / expulsion des villageois. Un village condamné qui va fortement intéresser le très zélé inspecteur Palmari qui fait de la traque aux médecins avorteurs et autres faiseuses d’anges une affaire personnelle.

Retour à Paris où j’ai eu un faible pour Nine, la très secrète fiancée de Philippe. Ne vous fiez pas à son air effacé, la jeune damoiselle ne manque ni de caractère ni de détermination.

Comme vous pouvez le constater ça part dans tous les sens mais sans jamais embrouiller le lecteur. Pierre Lemaitre tient fermement les rênes de son roman et nous entraîne sur des pentes dûment choisies au rythme adapté à l’intrigue. Selon les situations le ton se fera tantôt sérieux, tantôt plus léger.

Avec ce roman, le formidable talent narratif de Pierre Lemaitre fait mouche, il mène la danse en véritable chef d’orchestre virtuose. Inutile de préciser (mais je le fais quand même) que j’ai déjà hâte de retrouver le clan Pelletier pour la suite de leurs aventures.

Et pendant ce temps-là, tout va bien pour ce brave Joseph…

MON VERDICT

[BOUQUINS] Guillaume Musso – Angélique

AU MENU DU JOUR


Titre : Angélique
Auteur : Guillaume Musso
Éditeur : Calmann-Lévy
Parution : 2022
Origine : France
320 pages

De quoi ça cause ?

Hospitalisé à la suite d’un malaise cardiaque Mathias Taillefer est surpris – et irrité – de découvrir une jeune inconnue dans sa chambre. Louise Collange est une étudiante en médecine qui joue bénévolement de la musique auprès des patients hospitalisés.

Quand Louise apprend que Mathias était flic elle lui demande d’enquêter sur la mort de sa mère. Officiellement elle est décédée par suite d’une chute (Accident ? Suicide ?) depuis son balcon du cinquième étage. Mais Louise doute de la version officielle.

D’abord réticent – et irrité –, Mathias accepte de jeter un œil au dossier…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Je ne vais pas vous refaire le coup du « What else ? » même si ce serait parfaitement adapté à ce roman et à son auteur.

Cela fait plus de 10 ans que je suis fidèle au rendez-vous littéraire avec Guillaume Musso, aucune de ces « rencontres » ne m’ayant déçu, je ne vois de raison de déroger à la règle en cette année 2022.

Ma Chronique

En France Guillaume Musso est souvent cité comme le plus gros vendeur de livres (même si en 2021 il termine sur la troisième marche du podium derrière le dernier album d’Astérix et L’Anomalie de Hervé Le Tellier), mais au-delà des chiffres c’est surtout un auteur qui a su imposer sa griffe dans le monde du polar/thriller. Un succès qui lui vaut d’être nommé chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2012.

Un succès qui dépasse largement les frontières hexagonales (ses romans sont traduits en quarante-deux langues… excusez du peu) reconnu aussi bien par la presse internationale que par ses pairs. En 2021, en Italie, il remporte le prix Raymond Chandler qui couronne la carrière d’un maître du thriller et du roman noir (parmi les précédents titulaires de cette récompense on peut citer John Grisham, Michael Connelly, Don Winslow, Henning Mankell, Margaret Atwood ou encore Jo Nesbo).

Je sais bien que ces quelques rappels ne suffiront pas à rabattre le caquet aux mussophobes de tout poil… même si je dois bien reconnaître que ceux-ci sont moins vindicatifs depuis quelques années. Tout ça pour vous dire que Guillaume Musso a une totale maîtrise des règles du polar et du roman noir doublé d’un incontestable talent de conteur.

Pour son nouveau roman Guillaume Musso décide de jouer la carte du duo atypique. Dans le coin droit, Mathias, ex flic bourru et un tantinet dépressif. À 45 ans, il a passé l’âge de jouer les héros surtout après avoir subi une greffe du cœur. Dans le coin gauche, Louise, 17 ans, étudiante en deuxième année de médecine. Une collaboration imposée à mi-chemin entre alliance et méfiance réciproque.

Et Angélique alors ? Il faudra attendre la seconde partie du récit pour faire sa connaissance et découvrir son parcours. Ne vous fiez surtout pas à son prénom, sous une apparence angélique peut se cacher une personnalité démoniaque, prête à tout pour arriver à ses fins. Si elle n’est pas le personnage central de l’intrigue, tout le scénario imaginé par l’auteur va se construire autour d’elle.

Il faudra aussi compter avec les morts, à commencer par Stella Petrenko (la mère de Louise), mais aussi Marco Sabatini, un peintre voisin et ami de Stella, décédé quelques jours plus tôt. Deux macchabées dans le même immeuble, voilà de quoi mettre la puce à l’oreille à notre ex flic grincheux.

Une intrigue ancrée dans son temps, en 2021 la crise du Covid est encore au cœur de l’actualité. L’occasion pour Guillaume Musso de se moquer gentiment (pas tant que ça finalement) des complotistes antivax. Il faudra toutefois faire quelques retours dans le passé pour comprendre les tenants et les aboutissants du récit.

Une intrigue riche en rebondissements qui tiendra le lecteur en haleine jusqu’à son dénouement. Si le noir reste de rigueur au niveau de l’ambiance générale, il n’interdit pas quelques touches d’humour.

Si l’essentiel du récit se déroule à Paris, un voyage à Venise s’imposera pour connaître la conclusion de l’intrigue principale. La dernière partie du récit apporte un complément d’information sur le déroulé des événements avant et une conclusion bienvenue – et méritée – à l’histoire.

Chaque partie du récit (4 au total) s’ouvre sur une illustration de Matthieu Forichon. Un bonus visuel fort sympathique qui n’est pas sans rappeler les romans de Marc Levy (j’dis ça, j’dis rien… j’voudrais pas foutre la merde).

La qualité narrative de Guillaume Musso nous fait facilement accepter quelques situations peu crédibles, voire carrément too much ; on se laisse porter par une intrigue qui ne révolutionnera certes pas le genre mais n’en pas moins très bien construite. Sans doute pas le meilleur (ni le plus inspiré) roman de Guillaume Musso mais un page-turner d’une redoutable efficacité (dévoré en une journée pour ma part).

MON VERDICT

Palmarès du classico Marc Levy vs Guillaume Musso depuis 2012

2022 : Marc Levy (Noa)
2021 : Marc Levy (Le Crépuscule Des Fauves)
2020 : Marc Levy (C’Est Arrivé La Nuit)
2019 : Guillaume Musso (La Vie Secrète Des Écrivains)
2018 : Guillaume Musso (La Jeune Fille Et La Nuit)
2017 : Marc Levy (La Dernière Des Stanfield)
2016 : Marc Levy (L’Horizon A L’Envers)
2015 : Guillaume Musso (L’Instant Présent)
2014 : Guillaume Musso (Central Park)
2013 : Guillaume Musso (Demain)
2012 : Marc Levy (Si C’Était À Refaire)

Marc Levy : 6 – Guillaume Musso : 5
Avantage Levy

[BOUQUINS] Jacques Expert – Le Carnet Des Rancunes

AU MENU DU JOUR


Titre : Le Carnet Des Rancunes
Auteur : Jacques Expert
Éditeur : Calmann-Lévy
Parution : 2022
Origine : France
414 pages

De quoi ça cause ?

Depuis des années, Sébastien Desmichelles note soigneusement dans un petit carnet rouge chaque offense, chaque affront, chaque blessure qu’on lui inflige. Il l’appelle son « Carnet des rancunes ».

Aujourd’hui Sébastien fête ses 50 ans, l’heure de la vengeance a sonné. Il ouvre son précieux carnet et prépare minutieusement ses ripostes.

Pour l’homme qui lui a fait le plus de mal, il a prévu un châtiment exemplaire.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Jacques Expert, si qualitativement ses titres sont inégaux, aucun ne m’a réellement déçu.

Je suis passé à côté de son précédent roman (qui est aussi celui du changement d’éditeur, Calmann-Lévy remplace Sonatine), pas question de rater celui-ci.

Ma Chronique

Je ne sais pas si vous êtes rancunier mais moi oui, beaucoup… du moins c’est ce que je pensais avant de lire le dernier roman de Jacques Expert. Si je n’ai pas le pardon facile, je ne tiens pas non plus un registre dans lequel je répertorie toutes les vacheries que l’on a pu me faire. De même, si je reconnais volontiers que « la vengeance est un plat qui se mange froid », je n’attendrai pas non plus des années pour rendre la monnaie…

Pendant plus de vingt ans Sébastien Desmichelles, le personnage principal du présent roman, a minutieusement rédigé un compte rendu détaillé des coups foireux, arnaques, petits et gros tracas… que les autres lui ont fait subir. Il s’était fait la promesse d’attendre son cinquantième anniversaire pour commencer à se venger. Et ça tombe bien puisque le bouquin s’ouvre alors que le nouveau héros de jacques Expert souffle ses cinquante bougies.

Même si le pitch avait de quoi titiller ma curiosité, j’avoue que je craignais un peu d’assister à une succession de petites et grosses vengeances. Chose qui aurait pu rapidement se révéler lassante, voire indigeste.

Heureusement Jacques Expert évite cet écueil en nous proposant un fil rouge, tout en exécutant ses représailles, Sébastien Desmichelles peaufine sa plus grosse vengeance. Celle-ci vise Yannick Lefèvre, un homme d’affaires à qui tout semble réussir. Une vengeance que Sébastien va faire grimper en intensité sans épargner personne dans la famille de sa « victime ».

Même si ce brave Sébastien donne parfois l’impression de se la jouer Caliméro, on se doute bien que le différend qui l’oppose à Yannick Lefèvre est énorme et lui a causé une douleur infinie. Il faudra se montrer patient, très patient même, pour découvrir le fin mot de l’histoire.

Le récit suit essentiellement Sébastien dans sa traque vengeresse mais l’auteur s’offre aussi quelques encarts dans lesquels il donne la parole à Yannick Lefèvre. De haut de sa toute-puissance, le gars ne comprend ce qui lui arrive, qui est ce mystérieux inconnu qui prend un malin plaisir à lui pourrir la vie ? Même en prenant fait et cause pour Sébastien, le lecteur finira par douter face à l’incompréhension de Lefèvre.

Le lecteur (sadique par essence) va suivre avec délectation ce machiavélique jeu du chat et de la souris, une traque dans laquelle celui qui a l’habitude de tenir le rôle de prédateur va se retrouver dans la peau d’une proie.

Jacques Expert sait y faire pour nous faire partager les pensées de ses personnages, que l’on vive les événements par les yeux de Sébastien ou par ceux de Yannick, il nous manque toujours le mobile. Et pourtant c’est bien LE détail qui pourrait faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre.

L’auteur ne laisse rien au hasard, on comprendra en temps et en heure pourquoi il était si important que ce fameux mobile reste caché. Et sur ce coup j’avoue bien volontiers que je n’ai rien vu venir. Bien malin celui ou celle qui découvrira le fin mot de l’histoire avant qu’il ne vous soit dévoilé.

Même s’il ne vous laissera sans doute pas un souvenir impérissable, le bouquin s’avèrera malgré tout un bon page-turner, presque à l’insu de notre plein gré on se retrouve pris au piège, rongé par l’envie de comprendre le pourquoi du comment de cette intrigue. Ne serait-ce que pour ça, j’ai envie de dire que le contrat est rempli.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Pierre Lemaitre – Le Grand Monde

AU MENU DU JOUR


Titre : Le Grand Monde
Auteur : Pierre Lemaitre
Éditeur : Calmann-Lévy
Parution : 2022
Origine : France
592 pages

De quoi ça cause ?

Les fils Pelletier ont quitté la famille et le Liban pour suivre leur propre voie.

Jean est un modeste employé qui ne sait pas vraiment ce qu’il veut faire de sa vie. Il vit à Paris avec une épouse qui lui mène la vie dure. Pas étonnant qu’avec une telle mégère à la maison, il lui arrive de craquer et de laisser libre cours à ses pulsions.

François aussi est installé à Paris. Pour ses parents il est étudiant à l’école Normale, dans les faits il rêve de se faire une place dans le milieu du journalisme. Et justement, il va se retrouver, par le plus grand des hasards, aux premières loges d’un fait divers à même de défrayer la chronique.

Etienne est parti à Saigon dans l’espoir de retrouver son grand amour. Employé de banque il va découvrir les rouages d’un trafic dont tout le monde s’accommode. Un trafic dont il va lui-même profiter avant de creuser certaines pistes suspectes.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Pierre Lemaitre et qu’il n’était pas question de passer à côté de cette nouvelle saga non-historique (l’auteur se défend d’écrire des romans historiques) consacrée aux trente glorieuses (1945-1975).

Ma Chronique

Après la trilogie Les Enfants Du Désastre qui se déroulait sur la période de l’entre-deux guerres, Pierre Lemaitre fait un bond en avant de quelques années pour initier sa nouvelle saga, Les Années Glorieuses. Comme son nom l’indique fort justement, c’est la période des trente glorieuses qui servira de toile de fond à ce nouveau cycle.

On fait table rase des Maillard, Périncourt et consorts (quoique, vous verrez que le bougre – Pierre Lemaitre – nous réserve quelques étonnantes surprises en lien direct avec sa précédente trilogie) pour faire place à la famille Pelletier.

Et niveau surprises le Pierrot est généreux, il n’y va pas avec le dos de la cuillère pour renverser une situation ou lever le voile sur un mystère. Il n’y a rien à redire, vous en aurez pour votre argent et plus d’une fois vous vous retrouverez les yeux comme des soucoupes et la gueule ouverte tant vous serez pris de court.

Les talents de narrateur de Pierre Lemaitre ne sont plus à démontrer, mais j’ai trouvé qu’il s’était surpassé dans ce roman. Que ce soit dans les dialogues, dans le portrait de ses personnages ou dans la déroulé de l’intrigue, rien n’est laissé au hasard. Et forcément le style et la verve font mouche.

Il faut dire qu’avec la famille Pelletier, l’auteur s’offre un terrain de jeu aux possibilités quasiment illimitées, et il ne se prive de l’exploiter à fond et pour le plus grand plaisir des lecteurs.

Les parents, Louis et Angèle, vivent à Beyrouth où ils ont fait prospérer leur affaire, une savonnerie reconnue dans tout le Liban. À leur grand dam, les enfants ne veulent pas reprendre le flambeau de l’entreprise familiale… il y en a bien un (Jean l’aîné de la fratrie) qui a essayé, mais le moins que l’on puisse dire c’est que ce ne fut pas concluant.

Il faut dire que Jean n’a pas la fibre industrielle… d’ailleurs on se demande – et lui aussi – quelle pourrait bien être sa fibre et de quel avenir il rêve. Jean, plus ou moins affectueusement surnommé Bouboule, à deux mains gauches et autant de force de caractère qu’une huitre au bord d’une autoroute en pleine canicule. Pour couronner le tout, jean doit supporter les sautes d’humeur et les reproches de son épouse acariâtre, Geneviève.

Pour ses parents Philippe suit un cursus à Normale Sup’, dans les faits il se rêve journaliste. Et par un heureux (allez dire ça à la malheureuse victime) hasard, il va se retrouver au cœur d’un fait divers qui pourrait bien lancer sa carrière. Côté cœur, Philippe est plutôt du genre à papillonner et à butiner çà et là.

Etienne part pour Saigon où la guerre d’Indochine fait rage. C’est qu’il a hâte de rejoindre son beau légionnaire, Raymond. Mais sur place point de Raymond, où qu’il s’adresse on lui oppose une omerta angoissante. Embauché à l’Agence des monnaies, Etienne découvre un trafic lucratif connu de tous (ce qui deviendra, quelques années plus tard, l’affaire des piastres) et décide donc d’en profiter tout en poursuivant ses recherches à propos de Raymond.

Hélène, la petite – dix-huit ans, bientôt dix-neuf – dernière est restée à Beyrouth. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle s’emmerde ferme chez les parents et rêve d’indépendance. Elle aussi souhaite couper le cordon et tracer sa voie…

Beyrouth, Paris, Saigon, ce bouquin est une invitation au voyage (en période de pandémie et de restrictions en tout genre – notamment sur les voyages, ça met du baume au cœur). C’est aussi et surtout le portrait d’une famille et d’une époque de désillusions (après la liesse de la Libération, la dure réalité reprend ses droits). Une saga familiale qui se teinte parfois d’un soupçon de roman policier… même si l’enquête en question est menée par un juge qui a dû trouver son diplôme dans une pochette surprise.

Fidèle à ses habitudes, Pierre Lemaitre apporte le même soin à ses personnages secondaires, une impressionnante galerie de portraits aussi disparates les uns des autres qui contribue largement à donner vie à son intrigue.

Un premier tome tout simplement magistral qui donne vraiment envie de découvrir la suite, nul doute que les Pelletier ont encore beaucoup à nous raconter… à moins que l’auteur ne parte sur une autre piste afin de poursuivre le décryptage des trente glorieuses.

Amis lecteurs, amies lectrices, qui avez lu ce fabuleux roman, oserez-vous avouer que vous aussi vous avez tremblé pour ce pauvre Joseph ? C’est le moment où ceux qui n’ont pas lu le bouquin mais se sont coltinés ma chronique se demandent de quoi je cause. Putain, mais c’est qui ce Joseph ?

MON VERDICT