15000 livres !

Si mon rythme de lecture s’est effondré depuis bientôt un an, cela ne réfrène en rien la croissance exponentielle de ma bibliothèque numérique… et tout particulièrement mon fameux Stock à Lire Numérique !

Aujourd’hui j’ai franchi le cap des 15 000 titres en bibliothèque (15 084 pour être exact), dont… 13 945 titres à lire !!! Mission impossible certes, mais cela ne m’empêchera pas de continuer à enrichir le stock dès que l’occasion se présentera (et les occasions ne manquent pas).

Sans surprise mon auteur fétiche reste Stephen King avec 75 titres en stock, dont 63 déjà lus (le cycle de La Tour Sombre, plombe mes stats). Pour être exhaustif concernant le King, il me faudrait ajouter 9 titres écrits à quatre mains.

Au niveau des genres littéraires, ce sont les polars et thrillers qui occupent la première marche du podium avec 7 231 titres (48% de ma bibliothèque), suivis par la science-fiction (1 190 titres, 8% du total) et le fantastique (1 165 titres, 8% du total).

Chez les éditeurs c’est Albin Michel qui arrive en tête de lice avec 831 titres (6% du total), suivis par Bragelonne (628 titres, 4%) et Rober Laffont (468 titres, 3% du total).

Que dire de plus ? Rien, sinon que je vous donne rendez-vous pour le passage du cap des 20 000 titres.

[BOUQUINS] Jérôme Camut & Nathalie Hug – Loin De La Fureur Du Monde

Massif des Pyrénées.
Alix vient d’être nommée policière municipale quand la disparition de son meilleur ami la pousse à s’aventurer seule dans la forêt primaire de la Mâchecombe. Une zone interdite qui jouit d’une sombre réputation. On raconte en effet que nombre de ceux qui s’y sont risqués n’en sont jamais revenus. Mais Alix ne craint pas la rumeur et, pour ceux qu’elle aime, elle braverait les pires dangers. Ce qu’elle ignore, c’est qu’elle s’apprête à entrer sur le territoire de John, un être sauvage et singulier qui manifeste une réelle hostilité envers les hommes…

Parce le couple Jérôme Camut et Nathalie Hug (les CamHug pour les habitués) n’hésite pas à sortir des sentiers battus et à proposer à chaque fois un roman qui impose sa propre griffe.

Comme cela faisait déjà un certain temps que ne m’étais pas frotté à leur plume, c’est l’occasion de réparer cette lacune.

Je remercie les éditions Fleuve et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Loin De La Fureur Du Monde ne déroge pas à ce qui pourrait la devise du couple CamHug : « Oser et surprendre ». Rapidement le roman impose sa griffe avec une intrigue dense (presque trop… on frôle même le too much parfois), des personnages soignés et un cadre qui ferait presque figure lui aussi de personnage à part entière tant son rôle sera prépondérant dans le déroulé de l’intrigue.

Commençons par le théâtre des opérations, la forêt de Mâchecombe, nichée au cœur des Pyrénées. Une forêt presque comme les autres, si ce n’est que l’on y recense un nombre anormalement élevé de disparitions mystérieuses sans qu’aucun corps ne soit retrouvé. Il n’en faut pas davantage pour que les gens du coin parlent de malédiction et pour que les légendes urbaines viennent ajouter une couche de sordide à l’endroit.

Le lecteur découvrira par la suite que ladite forêt cache bien un secret mais que celui-ci n’a aucun lien avec de quelconques phénomènes inexpliqués.

Ajoutez à cela un site d’orpaillage sauvage et quelques mafieux pas vraiment fréquentables… vous avouerez que ça commence à faire beaucoup pour un bled paumé au fin fond des Pyrénées.

C’est pourtant dans ce décor un tantinet chaotique que les auteurs vont dérouler leur intrigue. Si l’intrigue en question tient bien du thriller, elle jouera aussi à fond la carte de l’humain, aussi bien individuellement que dans les relations (et leur évolution) qui lient les différents acteurs.

Si le roman ne tient pas vraiment en haleine le lecteur, il est toutefois suffisamment bien construit pour que l’on ait envie de connaître la suite et découvrir le(s) fin(s) mot(s) de l’histoire. Pas de grands bouleversements non plus au fil de l’intrigue, même l’ultime révélation était prévisible ; nul besoin pour cela de se référer à la devise de ce brave Sherlock : « Lorsque vous avez éliminé l’impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité. »

Pour faire simple on va dire que le bouquin fait le job sans faire de zèle, avec en prime un rappel à quel point il est important de préserver notre environnement. De l’écologie au sens noble du terme, bien loin de sa déclinaison politique dénaturée et viciée.

Des retrouvailles avec les CamHug en demi-teintes donc, mais je ne prononce pas pour autant la rupture. Soit je vais extraire de mon Stock à Lire Numérique un de leurs précédents romans, soit j’attendrai sagement le prochain…

[JEUX VIDEO] Clair Obscur – Expedition 33

Système d’exploitation : Windows 10
Processeur : Intel i7-8700K ou Ryzen 5 1600X
RAM : 8 Go
Carte graphique : NVidia GTX 1060 6 Go ou AMD RX5600XT 6 Go
Espace disque : 55 Go

À la tête de l’Expédition 33, partez éliminer la Peintresse pour que plus jamais elle ne peigne la mort.

Explorez un monde rappelant la France de la Belle Époque et affrontez des ennemis uniques dans ce RPG au tour par tour avec mécaniques de temps réel.

Si vous vous intéressez un temps soit peu à l’univers du jeu vidéo, vous ne serez sans doute pas passer à côté du méga coup du cœur du moment, Clair Obscur – Expedition 33. Un jeu 100% made in France. Cocoricooo pour un tire qui bat tous les records ! Expedition 33 ce sont plus de deux millions d’exemplaires vendus (toutes plateformes confondues) en moins de 15 jours, et les retours des joueurs sont majoritairement dithyrambiques.

Impossible, pour le fan de jeu de rôles que je suis, de faire l’impasse sur ce titre. Il me fallait ensuite avoir une expérience de jeu suffisante (une quinzaine d’heures) pour vous proposer une chronique aussi objective que possible… Clairement, à chaud j’aurai pondu quelques lignes à 100% positives, alors que là je peux me permettre d’être plus critique : on va dire du positif à 99% !

Dès le prologue vous en prenez plein les mirettes, le décor fait effectivement penser au Paris de la Belle Époque… Profitez en, une fois sur le continent vous n’aurez guère le temps de vous extasier devant les paysages (ce qui ne vous empêchera de profiter pleinement de la qualité graphique irréprochable).

Ce prologue fait aussi office de tutoriel, notamment afin de vous initier au système de combat au tour par tour. Un choix audacieux qui prendra tout son sens au fur et à mesure de la progression de vos personnages. mais je reviendrais sur ce point ultérieurement.

Prenez votre temps lors de ce prologue pour faire le tour des possibilités et essayer de glaner quelques objets susceptibles de vous servir par la suite (notamment dans la seconde partie, sur la scène du Festival). En effet il n’y aura pas de retour en arrière possible une fois l’Expédition 33 partie.

Honnêtement je pense pouvoir affirmer que c’est la première fois que je trouve que la musique d’un jeu vidéo apporte un réel plus au scénario. Évidemment c’est indiscutable au cours des nombreuses cinématiques qui viendront s’insérer dans votre aventure, mais aussi dans les phases d’exploration. Elle vient en effet renforcer les émotions qui ne manqueront pas de vous traverser au fil du jeu.

Vous avez un doute sur ce dernier point ? Allez sur Youtube et cherchez Expédition 33 gommage Sophie, lancez l’extrait proposé par Momoterasu et osez me dire que ça vous laisse de marbre. Je peux vous assurer qu’en jeu, connaissant le lien et l’histoire de Sophie et Gustave, l’effet est décuplé.

À peine l’Expédition 33 posera-t-elle le pied sur le continent que vous comprendrez pourquoi personne n’est jamais revenu de ces expéditions. Votre aventure commence vraiment à cet instant… et Gustave sera votre seul personnage.

En terme d’exploration aussi les équipes de Sandfall Interactive naviguent à contre-courant. Pas de monde ouvert comme vous pouvez en trouver dans Skyrim ou Dragon Age Inquisition. Ici vous voyagerez sur un continent divisé en plusieurs zones de d’exploration, la quête principale vous invite à passer d’une zone à l’autre de façon relativement linéaire. Heureusement de nombreuses zones optionnelles vous permettront de diversifier votre expérience de jeu, et même dans les zones « passage obligé » vous aurez accès à de nombreuses quêtes secondaires.

Ces différentes zones d’exploration vous offrent une grande variété de décors, mais pas toujours évident de se repérer. Une carte qui se dessinerait progressivement, au fur et à mesure de notre parcours, eut été un plus appréciable. Heureusement des zones de repos permettent un voyage rapide de l’une à l’autre. Encore faut-il se souvenir d’où se trouve tel personnage ou tel lieu si besoin d’y retourner pour compléter une quête.

Au fil de l’aventure, Gustave va retrouver quelques compagnons d’infortune, votre équipe va ainsi progressivement se renforcer. Chaque personnage à sa propre technique de combat, à vous de faire évoluer ses points d’attributs, ses compétences et son équipement afin d’optimiser son efficacité. À ces critères d’évolution habituel du jeu de rôle, viendra s’ajouter l’utilisation de pictos et de points de lumina, maîtriser ces éléments deviendra rapidement impératif tant ils peuvent améliorer les performances au combat de vos personnages.

Comme indiqué précédemment Sandfall Interactive a tout misé sur le combat au tour à tour, adapter sa stratégie à son adversaire sera bien souvent la clé de la survie, pas question de foncer dans le tas comme un bourrin et détruire la barre d’espace du clavier afin d’enchaîner les coups. Utilisez les bonnes compétences de chacun de vos combattant et surtout ne négligez pas les parades et les contres. Vous serez rapidement convaincu par ce système de jeu qui impliquerez de réfléchir même au cœur de l’action.

Je pourrai encore vous parler du jeu pendant des plombes tant il y a de – bonnes – choses à dire, mais je suis convaincu que nombre de lecteurs ont déjà renoncé à lire ce post dans son intégralité. Je vous invite donc à découvrir sans plus tarder cette pépite afin de vous faire votre propre idée sur la chose.

Ah si, un dernier mot avant de vous laisser vaquer à vos occupations. Une fois la quête principale achevée vous pourrez continuer à explorer le continent et à faire progresser vos personnages pour affronter des ennemis jusqu’alors impossible à terrasser.

[BOUQUINS] Céline Cléber – Douce France – L’Étincelle

Tout commence un soir d’été, lorsqu’un jeune désœuvré, proche du milieu islamiste, allume l’étincelle qui manquait pour embraser une France divisée et anxieuse. Progressivement, sous les coups de boutoir d’une petite minorité d’extrémistes violents, tout le pays entre en guerre civile. Les autorités, partagées entre le cynisme, la lâcheté et l’incompréhension, ne parviennent pas à endiguer le conflit qui voit des territoires entiers entrer en sécession. Quelques individus tentent cependant, jours après jours, d’enrayer la chute, mais y parviendront-ils ?

Le lecteur entre dans les coulisses du pouvoir, en découvre les ressorts et s’interroge sur les risques pesant sur les capacités de réaction d’institutions qui n’ont que l’apparence de la solidité, fragilisées par la conjugaison de la lâcheté et de l’irresponsabilité des individus qui les constituent.

Parce que c’est un nouveau scénario de l’effondrement de la France. L’auteure évoluant en contact direct avec les hautes sphères du pouvoir on peut légitimement supposer que les réactions politiques et les décisions qui suivront s’inscrivent dans un arbre des possibles… pas franchement rassurant dans tous les cas.

Quelques mots sur l’auteure avant d’entrer dans le vif du sujet. Céline Cléber est un pseudonyme, elle est haut fonctionnaire et, dans le cadre de ses fonctions, est amenée à côtoyer les « têtes pensantes » du pouvoir en France. De fait elle connaît parfaitement les rouages de la machine étatique, si elle admet volontiers, en avant-propos, avoir retenu la pire des hypothèses ce n’est pas pour autant que celle-ci est hautement improbable… surtout quand on voit la mollesse de nos politiques.

À l’image de Laurent Obertone (Guérilla) et de Franck Poupart (Demain Les Barbares), l’étincelle qui fera tout basculer est allumée par un proche des milieux islamistes… J’imagine déjà certains bien-pensants au bord de la nausée, prêts à hurler à la stigmatisation et à l’islamophobie (exactement comme certains acteurs du présent roman). Enlevez vos œillères messieurs dames, bien que latente, la menace n’en est pas moins réelle.

Un drame récupéré par les milieux islamistes pour dénoncer l’islamophobie grandissante de la société française et appeler les musulmans à se protéger par tous les moyens. Un exécutif timoré qui ne veut froisser personne et jouer, quel que soit le prix à payer, la carte de l’apaisement. Des forces de l’ordre et une des forces armées bridées par les consignes de ce même exécutif. Tous les signaux sont au vert pour que les choses aillent de mal en pis.

C’est justement cette escalade que Céline Cléber va s’efforcer de détailler, étape par étape, compromission après compromission… la mécanique de l’embrasement se met en branle, et rien ne semble pouvoir l’arrêter.

Certaines voix s’élèveront contre les décisions de l’exécutif, certaines actions seront même entreprises (Bevet Breizh ! Vive la Bretagne ! Fidèle à sa devise régionale : Kentoc’h mervel eget bezan saotret – Plutôt la mort que la souillure). Mais le mal est déjà profondément ancré et l’exécutif ne verra pas d’un très bon œil ces initiatives contraires à ses consignes d’apaisement (renoncement ?).

L’auteure apporte beaucoup de soins à la personnalité des ses acteurs et leurs relations / interactions. Des personnages plus complexes que l’on pourrait le penser de prime abord. Il y a ceux qui exploiteront les failles du système pour maintenir la tension à son comble tout en s’autoproclamant victimes du système. Ceux qui devront faire un choix entre leurs obligations professionnelles et leurs convictions. Puis il y a tout le cercle politique, on abat ses cartes lentement mais sûrement, sans jamais perdre de vue les possibilités de booster sa carrière.

Comme le précise fort justement Céline Cléber, certaines de ses créations politiques pourraient vous faire penser à de véritables personnalités politique de premier plan. Ce n’est pas un choix totalement fortuit.

Plus les chapitres défilaient et plus je me disais qu’un seul opus ne suffirait pas pour trouver une voie de sortie, quelle qu’elle soit. Effectivement on referme le bouquin sur une situation plus explosive que jamais, j’espère que l’auteure nous offrira une suite très prochainement.

Petit bémol à l’intention des équipes de correction des éditions Toucan. Vous ne vous êtes pas trop foulé sur ce coup les gars, il reste pas mal de coquilles qui piquent les yeux et la mise en page serait perfectible (je ne supporte pas ces phrases ajoutées immédiatement à la suite d’un dialogue, sans saut de page).

Quand Laurent Obertone nous plongeait dans le feu de l’action avec sa trilogie Guérilla, Céline Cléber nous invite dans les coulisses (d’un côté comme de l’autre) en se reposant sur son expérience et sa connaissance des milieux. Une approche différente, plus inédite, mais tout aussi intéressante.

Une mise en bouche prometteuse mais je serai tenté de dire que le plus dur reste à faire : trouver une sortie de crise tout aussi convaincante que cette étincelle. Je suis confiant, on verra si la suite me donnera raison…

[BOUQUINS] Alma Katsu – Hurlements

Juin 1846. Un convoi de pionniers traverse les Rocheuses en direction de la Californie, malgré les nombreuses mises en garde contre les dangers d’un tel périple. À sa tête, George Donner et James Reed, représentants des familles les plus éminentes, se partagent la gestion des ressources et du bétail. Tandis que le petit groupe s’enfonce dans un territoire de plus en plus sauvage, les personnalités s’affirment, les alliances se créent et le passé que les uns et les autres ont cherché à fuir ne cesse de revenir les hanter.

Une nuit, un des enfants du convoi disparaît. On ne retrouve de lui que des restes, parfaitement nettoyés. Est-ce l’œuvre des Indiens ? Une meute de loups est-elle sur leurs traces ? À moins que cette mort brutale soit signée de l’un d’entre eux… Dans ce cas, comment expliquer cette sensation d’être observés constamment, et les murmures qu’ils entendent sur leur passage ?

À mesure que les réserves s’amenuisent, la tension monte au sein de la communauté. Bientôt, d’autres incidents ont lieu. Pour les pionniers, il est désormais impossible de nier que quelque chose les suit. Et que cette chose a visiblement encore plus faim qu’eux.

D’abord parce que les équipes des éditions Sonatine ont le don de dénicher des pépites.

Ensuite, je dois bien avouer que la quatrième de couverture a titillé ma curiosité.

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée. Désolé pour ce retour de lecture tardif dû à un emploi du temps personnel et professionnel des plus chargés (en plus du contexte calédonien encore tendu).

À l’instar de Dan Simmons et son roman Terreur, Alma Katsu s’inspire d’une expédition bien réelle qui a mal tourné. Hasard de l’Histoire, les fait se déroulent la même année, 1846. Hasard de la fiction, les deux auteurs ont donné une tournure fantastique / horrifique à leurs romans.

Pour faire simple l’expédition Donner suit un groupe de pionniers partis de Springfield (Illinois) pour rejoindre le Californie qui faisait alors figure de nouvel Eldorado plein de promesses. Mauvaise préparation avant le départ, choix d’itinéraire plus que discutable et mauvais choix au cours de l’expédition vont transformer leur traversée en cauchemar.

Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à consulter la page Wikipedia consacrée à ladite expédition, pour plus de détails la page en anglais est beaucoup plus loquace.

Alma Katsu combine des personnages ayant réellement pris part à l’expédition et d’autres issus de son imagination pour tisser son intrigue. Une intrigue qui va rapidement imposer une tension psychologique qui s’apaisera que très rarement. Au contraire, elle ira plutôt crescendo au fur et à mesure que les relations entre les uns et les autres se dégraderont et que les drames s’enchaîneront.

La dimension humaine joue en effet un rôle essentiel dans le déroulé du récit, laissant parfois les éléments horrifiques au second plan sans toutefois les éclipser. Les tensions entre les personnages contribueront autant à l’échec de l’expédition que ce qui les menace.

Mais justement quelle est donc cette menace ? Des loups, des indiens, autre chose ? C’est la question qui taraudera nos braves pionniers avant que la réalité ne s’impose à eux, une réalité bien plus redoutable que tout ce qu’ils auraient pu imaginer.

Et vous, vous voulez un indice ? Conservez le titre et cherchez un film de Joe Dante sorti en 1981. C’est ça sans être tout à fait ça… L’occasion d’ailleurs de saluer l’audace de l’auteure pour le revirement de situation quant à la source du mal.

Alma Katsu ne cède toutefois pas à la facilité, sous sa plume implacable vous découvrirez que les monstres peuvent prendre bien des visages…

Bonne idée aussi ces chapitres en forme de flashback permettant de comprendre les motivations qui ont poussé les principaux acteurs du récit à prendre part à l’expédition.

Ce roman nous offre un huis-clos à ciel ouvert, pas besoin de murs pour isoler nos pionniers, c’est une nature particulièrement hostile qui s’en chargera. Elle sera de fait bien aidée par la nature humaine de certains personnages.

L’auteure nous impose un rythme lent, comme les chariots surchargés des pionniers, tirés par des bœufs au bord de l’épuisement et de la famine. Un rythme qui contribue à nimber le récit d’une aura oppressante à souhait.

Nul besoin de multiplier les effets gores pour que le lecteur ressente l’angoisse grandissante des personnages. Que les amateurs d’hémoglobine se rassurent, ils auront aussi leur lot… et ce ne sera pas un lot de consolation.

Un roman totalement addictif que vous aurez bien du mal à lâcher. Pour ses premiers pas dans la littérature fantastico-horrifique, Alma Katsu tire magistralement son épingle du jeu. J’espère que Sonatine nous fera rapidement découvrir les deux autres romans du même genre de l’auteure.

Un cocktail audacieux entre western et horreur qui respecte les codes de ces deux genres tout en nous offrant une saveur unique.

[BOUQUINS] Maxime Chattam – Prime Time

Alors que des millions de téléspectateurs regardent le 20h sur la chaîne nationale, un homme masqué, la voix déformée, prend en otage le présentateur vedette.

Si le direct est coupé, il le tue.

Parce que c’est Maxime Chattam, une raison suffisante pour me faire craquer.

Imaginez le topo : vous êtes devant la télé, en attente du 20 heures de TF1 (je prends la première comme référence du fait de la proximité avec le nom de la chaîne dans le roman, MD1). Générique, les titres présentés par Gilles Boulleau et le déroulé du journal commence comme tous les jours. Soudain un individu masqué, sorti de nulle part, braque son arme sur ce brave Gilles et le prend en otage. Son premier ultimatum donne le ton, si la chaîne coupe le direct, le journaliste sera abattu.

Ça jette un froid n’est-il point ? Et maintenant posez-vous la question de savoir quelle sera votre réaction et surtout répondez-y en toute honnêteté. Est-ce que vous éteignez le poste et passez à autre chose ou est-ce que vous attendez la suite, scotché à votre écran ?

C’est le point de départ du dernier roman de Maxime Chattam, vous l’aurez compris il sera beaucoup question du poids des médias dans la société contemporaine, leur influence sur le public et leur « moralité ». Jusqu’où peut-on aller pour satisfaire son audience ? Et accessoirement les actionnaires.

Pour donner un maximum de crédibilité à son intrigue, l’auteur s’est immergé dans les coulisses d’un journal télévisé. A l’image des icebergs, ce que l’on voit (le JT à l’écran) n’est qu’une infime partie de tout ce qui se joue avant (préparation et ordonnancement des reportages), pendant (en coulisse toute une équipe est mobilisée) et après (en l’occurrence nous ne le verrons pas dans le déroulé de l’intrigue du roman mais le sujet est abordé lors d’échanges entre les personnages).

Il est de coutume qu’une œuvre de fiction démarre par l’avertissement suivant : « Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence. » Difficile cependant de ne pas faire le rapprochement entre Paul Daki-Ferrand, journaliste vedette et charismatique de la chaîne MD1, avec PPDA à la grande époque de TF1. Plus encore compte tenu des événements qui suivront dans le roman. Fortuite coïncidence ? Hmouais, faut le dire vite alors.

Sur ce point l’auteur s’explique dans un entretien à Télé-Loisirs : « (…) l’avantage de la fiction, c’est qu’elle permet de dire ce qu’on veut et ce qu’on pense. Des choses qu’on a envie de dire, que l’on ressent, qu’on a en soi, et après, chacun les interprète comme il veut. »

En plus des médias, le second grand acteur du roman de Maxime Chattam est le GIGN, notamment la cellule de médiation. Là encore l’auteur a pu bénéficier d’une immersion au sein du groupe d’élite de la Gendarmerie Nationale afin de coller au mieux à leur réalité. À ce titre le roman peut être perçu comme un légitime hommage au GIGN.

L’auteur tisse une intrigue qui va se densifier au fil des événements, une grande partie se joue à huis-clos dans les coulisses du JT. Devant l’ampleur de l’affaire le GIGN et la Section de Recherche (SR) de la Gendarmerie vont être amenés à collaborer étroitement. Ce sont les investigations de la SR qui nous permettent de sortir des studios de MD1… mais question pour autant de souffler un peu, eux-aussi vont être sur la brèche.

Pour tisser son intrigue Maxime Chattam se repose sur un binôme constitué de Charléne, cheffe d’édition chez MD1, et Yanis, négociateur du GIGN. Ce-dernier va en effet servir de mentor à la jeune femme qui va devenir leur lien avec le preneur d’otage, Kratos.

Bien entendu d’autres personnages auront leur mot à dire et leur rôle à jouer. L’auteur ne laisse rien au hasard pour rendre son récit redoutablement addictif. Et la sauce prend rapidement, une fois ferré, vous aurez bien du mal à lâcher le roman.

Un très bon cru ce Maxou 2024 !

[BOUQUINS] Emil Ferris – Moi, Ce Que J’Aime C’est Les Monstres – Livre Deuxième

Le meurtre d’Anka Silverberg, la muse sombre et survivante de l’Holocauste de Karen Reyes n’a toujours pas été élucidé. L’arrestation de son voisin, la gangster Kiri Jack Gronan, a soulevé un coin du voile noir qui flotte sur son quartier, dans les années 1960, laissant entrevoir un monde en ébullition constitué de prostituées et de truands, d’êtres fantomatiques et de hippies. Et la mort de sa tendre maman a laissé un vide sidéral dans l’âme déjà chamboulée de Karen. Mais Uptown n’attend pas…

Notre petite artiste doit désormais faire face à une vie nouvelle où tout tremble et vacille, et dans laquelle même les quelques certitudes qu’elle avait semblent sur le point de voler en éclats. Mais Karen est un être farouche – 1/3 loup-garou, 1/3 détective, 1/3 enflammée. Toute de curiosité, d’imagination et de compassion, elle veut désormais bannir de son existence les tabous et les mensonges censés la protéger mais qui ont fini par empoisonner ses rêves.

Comme annoncé à la fin de ma chronique du premier opus du roman graphique Moi Ce Que J’Aime C’Est Les Monstres, j’enchaîne rapidement avec le second volume.

Ce second livre est la suite directe du précédent même s’il se concentre davantage sur Karen et son entourage. A commencer par elle-même qui assume pleinement son orientation sexuelle – et ce malgré les protestations posthumes de maman. C’est d’ailleurs peut-être une conséquence directe du décès de sa mère, si la jeune fille se referme moins sur elle-même.

Si elle entretenait déjà une relation privilégiée avec son grand frère, Deeze, elle va s’investir encore davantage dans cette relation. Si elle se doutait bien que le frangin n’était pas un enfant de chœur, elle était loin d’imaginer jusqu’à quel point il s’était embourbé. Pour échapper à la conscription et à l’envoi au Vietnam, il fait office d’homme de main – plus main de fer que gant de velours – pour un caïd du milieu.

Ce second opus accorde aussi une plus grande place aux personnages secondaires, certains déjà croisés dans le premier livre (le Cerveau et Franklin) prendront une place plus importante dans l’intrigue ou révèleront une facette inattendue de leur personnalité. D’autres feront leur apparition, la plus importante, pour Karen en tout cas, étant certainement Shelley.

Et Anka Silverberg, la belle voisine prétendument suicidée, dans tout ça ? Si le mystère autour de sa mort semble se dévoiler progressivement, il subsiste toutefois quelques zones d’ombre dans le déroulé exact des faits. Nous n’apprendrons par grand-chose de plus sur son passé au cœur de l’Allemagne nazie… et pourtant on se doute bien qu’il y a encore beaucoup à découvrir.

On pourrait penser que cette absence de continuité frustrerait le lecteur, mais il n’en est rien. Les autres aspects du récit, que ce soit par leur densité ou leurs thématiques, comblent sans mal ce vide. On comprend sans mal que Karen a d’autres chats à fouetter, même si elle n’oublie pas totalement la promesse qu’elle s’est faite de découvrir toute la vérité sur la mort d’Anka.

Je ne reviendrai pas sur la qualité du dessin et la claque visuelle qui en ressort, je me suis suffisamment étendu sur le sujet lors de ma chronique du précédent opus.

Il y a toutefois un élément visuel que j’avais oublié de mentionner et qui a pourtant son importance puisqu’il s’agit du chapitrage du récit. Afin de rester dans la thématique chère à Karen, chaque chapitre s’ouvre sur la représentation (fictive) de la couverture d’un magazine Pulp.

Vous l’aurez compris en lisant ma chronique, ce second livre n’est pas le dernier de la série (contrairement à ce que j’imaginais), il reste pas mal de points en suspens et de questions sans réponses. Il va donc falloir s’armer de patience (moins de 7 ans ? on y croit) pour découvrir la suite. J’espère que le tome 3 restera la priorité d’Emil Ferris, plutôt que le prequel annoncé.

Encore une fois je tiens à remercier les éditions Monsieur Toussaint Louverture qui nous offrent une version française qui fait honneur à l’original.

[BOUQUINS] Thomas Cantaloube – Les Mouettes

Depuis un drame personnel, le capitaine Yannick Corsan est relégué à un simple rôle de formateur à la DGSE. Mais au sein du Service Action, le retour sur le terrain n’est jamais loin, surtout quand on a la confiance du directeur des opérations, Marcel Gaingouin.

À la suite du sabotage d’une usine d’armement conduit par ses soins en Serbie, le renseignement français acquiert la conviction que le groupe djihadiste GSIM prépare une attaque d’envergure au Mali. Une situation d’autant plus préoccupante que Canaque, un jeune agent clandestin, est parvenu à infiltrer l’organisation terroriste, et qu’il est hors de question que celui-ci participe à un attentat. La DGSE n’a pas le choix : elle doit lancer l’exfiltration secrète de Canaque sous les ordres de Corsan.

Confronté à des enjeux diplomatiques et géopolitiques majeurs, ce dernier réussira-t-il sa mission fantôme avant de se faire rattraper par les siens ?

Le pitch me semblait prometteur, même si la référence à la série Le Bureau Des Légendes m’a laissé quelque peu dubitatif.

Je n’ai rien contre cette série qui jouit par ailleurs d’une excellente réputation, disons simplement que je ne l’ai jamais regardée et que je ne la regarderai sans doute jamais. Un refus qui tient à un nom : Kassovitz. Je ne peux pas l’encadrer, à ce niveau c’est viscéral, si je vois sa tronche je coupe le son et l’image.

Je remercie sincèrement les éditions Fleuve et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée. Et accessoirement pour leur patience au vu du temps que j’ai mis pour enfin proposer un retour de lecture.

D’ores et déjà je tiens à préciser que le fait de ne pas avoir vu Le Bureau Des légendes n’est en rien un obstacle. Si on retrouve dans le roman des personnages présents dans la série (notamment les cadres du Service Action), l’intrigue du bouquin est complétement dissociée de celle de la série et aucune allusion n’est faite au show télévisé.

Thomas Cantaloube nous invite à une immersion dans les arcanes de la DGSE – et tout particulièrement de son Service Action – bluffante de réalisme. Oubliez l’image véhiculée par James Bond et consorts, la vie d’espion est vachement moins glamour, et parfois bien moins trépidante (sauf au cœur d’une opération clandestine forcément).

L’essentiel de l’intrigue est porté par le capitaine Yannick Corsan, un agent qui réintègre le SA après un passage à vide lié à la disparition de son épouse. Un officier qui a déjà fait ses preuves sur le terrain mais qui a tendance à se comporter parfois en électron libre. Heureusement son supérieur et mentor, Marcel Gaingouin, directeur des Opérations, accepte de couvrir ses élans d’improvisation.

L’on découvre aussi au fil des pages et des événements les rouages internes de la DGSE avec notamment cette obsession pour compartimenter l’information ; rares sont ceux à connaître l’ensemble des tenants et des aboutissants d’une opération, chacun sait ce qu’il a besoin de savoir pour mener sa mission à bien.

Le cœur de l’action se situera au Mali après le départ des forces armées française de l’Opération Barkhane, sur place de nombreux signaux laissent à penser qu’un gros coup se prépare, les différents groupes djihadistes et autonomistes semblant prêts à oublier leur différents pour une attaque conjointe contre Bamako.

Dans ce milieu dégoulinant de testostérone, la touche féminine est apportée par le personnage de Mélanie Mathis de la Direction Technique, une jeune recrue qui va faire ses premiers pas sur le terrain auprès de l’équipe de Corsan.

Plus j’avançais dans ma lecture, plus je me disais que Thomas Cantaloube avait de quoi faire de son équipe des personnages récurrents. En refermant le bouquin je suis convaincu qu’il ne peut en être autrement, l’auteur ne peut décemment pas laisser ses lecteurs devant une telle révélation sans y apporter des réponses.

Un roman richement documenté qui parvient, plus ou moins, à démythifier la DGSE, ou tout au moins lui donner un visage humain à travers une galerie de portraits particulièrement soignée. Une fois plongé au cœur de l’action, vous aurez bien du mal à lâcher ce bouquin.

Un peu de vocabulaire made in DGSE pour clore cette chronique. Une légende est un agent infiltré sous une fausse identité dans une structure ou d’une organisation souvent hostile. Une mouette est un agent impliqué dans une opération clandestine.

[BOUQUINS] Paul Clément – Même Pas Peur

Vous avez peur du noir ? De l’inconnu ? De la Mort ?
Du haut de ses dix ans, Ethan, lui, n’a peur de rien. D’absolument rien.
Pas même du monstre qui, un soir, apparaît dans sa chambre.
Face à cette abomination venue de nulle part, aucun effroi ne l’envahit ; il ne ressent que de la curiosité… Une curiosité que rien ou presque, ne saurait arrêter. Une curiosité qui pourrait pourtant entraîner la fin de l’Humanité…

Parce que c’est Paul Clément, un auteur que je suis depuis son premier roman, Les Décharnés – Une Lueur Au Crépuscule. Même Pas Peur est le cinquième roman de l’auteur que je lis ; j’ai fait l’impasse sur sa série Les Orphelins De Windrasor, pour me concentrer sur ses titres horrifiques.

Avec Même Pas Peur Paul Clément continue d’explorer les vastes territoires de la littérature horrifique, si l’on considère le diptyque Les Décharnés comme un titre unique, pas un roman de l’auteur ne ressemble aux précédents, c’est encore le cas avec ce nouvel opus qui va entraîner le lecteur vers un nouvel univers anxiogène.

J’avoue qu’à la lecture des premiers chapitres j’ai été un peu décontenancé, ça ressemble plus à une histoire pour grands enfants façon Chair De Poule qu’à un véritable récit d’horreur. C’est au seizième chapitre à l’occasion d’un repas de famille particulièrement animé, que Paul Clément abat ses atouts et plonge son récit dans une ambiance nettement plus gore et glauque.

À partir de là les choses vont aller crescendo, l’auteur n’offrira que peu de répit à ses jeunes héros et à ses lecteurs. Il faut dire que le double terrain de jeu qu’il a imaginé lui ouvre bien des portes, surtout quand il s’agit de découvrir et de parcourir le monde des monstres. Un monde qui obéit à ses propres règles et n’exclut quelques mauvaises rencontres.

Pour la première fois Paul Clément fait le choix de mettre en avant des enfants, ou plus exactement des jeunes adolescents. Ethan pourra ainsi compter sur le soutien indéfectible de ses trois amis de toujours, il devra aussi s’occuper de son jeune frère. Tous vont se retrouver dans une aventure qui le dépasse et dont les enjeux vont bien au-delà de leur seule sécurité. Si Ethan ne connait pas la peur, il demeure un enfant et sera amené à prendre de mauvaises décisions lourdes de conséquences.

Au niveau des personnages j’ai aussi eu un faible pour les « gentils » monstres que sont Malheur et Diogène. Ils vont accepter d’aider Ethan malgré leurs craintes (l’absence de peur et les poussées de colère de l’adolescent sont des armes mortelles contre les monstres) pour préserver l’équilibre entre les deux mondes.

Ce roman est certainement le plus sombre dans la jeune bibliographie de Paul Clément, déjà parce qu’il confronte l’innocence de l’enfance à la mort et à la destruction, souvent à des morts qui impactent directement les personnages. Ainsi sur tous les plans – famille et amis – Ethan va payer le prix fort face aux événements qui vont le frapper de plein fouet.

Je ne vous dirai rien sur la fin du roman si ce n’est que, pour ma part, je suis convaincu qu’elle est la meilleure des options envisagées.

Encore une fois Paul Clément tire parfaitement son épingle du jeu, peut-être quelques longueurs et redondances dans le monde des monstres, un bémol noyé dans les masses des nombreux aspects positifs du roman.

[BOUQUINS] Emil Ferris – Moi, Ce Que J’Aime C’est Les Monstres – Livre Premier

Chicago, fin des années 1960. Karen Reyes, dix ans, adore les fantômes, les vampires et autres morts-vivants. Elle s’imagine même être un loup-garou : plus facile, ici, d’être un monstre que d’être une femme.

Le jour de la Saint-Valentin, sa voisine, la belle Anka Silverberg, se suicide d’une balle en plein cœur. Mais Karen n’y croit pas et décide d’élucider ce mystère. Elle va vite découvrir qu’entre le passé d’Anka dans l’Allemagne nazie, son propre quartier prêt à s’embraser et les secrets tapis dans l’ombre de son quotidien.

Les monstres, bons ou mauvais, sont des êtres comme les autres, ambigus, torturés et fascinants.

Attention OLNI (objet littéraire non identifié) en approche. Attention chef d’œuvre.

Ça fait déjà quelques années que ce roman fait partie de ma bédéthèque, j’attendais simplement la sortie du second tome pour pouvoir enchaîner sans attendre (il aura quand même fallu patienter sept ans pour découvrir le diptyque dans son intégralité).

Pour un premier essai Emil Ferris a placé la barre haut, très haut même ! Il lui a fallu six ans de travail pour venir à bout de son roman graphique, un pavé de plus de 800 pages. La genèse du bouquin, expliquée sur le rabat de la quatrième de couverture, est aussi extraordinaire que le bouquin lui-même. Je n’en dirai pas plus, les plus curieux – et accessoirement les plus fainéants – peuvent toutefois aller sur la page Wikipédia de l’auteure pour en apprendre davantage.

Avant de découvrir le fond, c’est d’abord la forme qui frappe le lecteur. Ça envoie du lourd (au sens propre, comme au figuré). Emil Ferris opte en effet pour un dessin presque exclusivement réalisé au stylo-bille (un choix d’autant plus audacieux qu’il laisse peu de marge pour les corrections… un loupé et c’est toute la planche qu’il faut redessiner) et donne vie à ses illustrations à grand renfort de hachures. D’autre part l’auteure revendique sa volonté de casser les codes de la bande dessinée traditionnelle, optant pour une mise en page qui peut, de prime abord, paraître chaotique, avant de s’avérer parfaitement réfléchie.

Au fil des pages nous suivrons Karen Reyes, une jeune fille pas forcément très bien dans sa peau qui cache son mal-être sous un déguisement de loup-garou. Le bouquin se présente comme un mix entre journal intime et carnet de croquis, Karen nous raconte pêlemêle son quotidien auprès de sa mère et de son frère Deeze, son « enquête » sur la mort de la voisine, Anka Silverberg, qui va la plonger au cœur de l’Allemagne nazie et ses réflexions sur la société américaine. Là encore ça peut paraître un peu fourre-tout, mais à aucun moment le lecteur ne se sentira perdu.

Difficile de ne pas ressentir d’empathie pour le personnage de Karen, son histoire est plaidoyer pour le droit à la différence, ou plus exactement pour le droit d’être soi-même, sans avoir à se soucier de ce qu’en penseront les autres. J’ai aussi eu un faible pour le frangin, Deeze, un curieux mélange de bad boy et de Dom Juan.

Au fil des pages on trouvera de nombreuses références à l’art, avec notamment des reproductions de l’auteure de toiles existantes. J’avoue que je n’ai pu résister à l’envie de comparer les œuvres originales avec les reproductions de l’auteure et son style graphique très particulier, force est de constater que le résultat est bluffant.

Dès sa publication le bouquin a connu un énorme succès public et critique mais il a aussi été salué par de grands noms de la bande dessinée contemporaine (notamment part Art Spiegelman, l’auteur du roman graphique Maus). Il s’est aussi imposé dans de nombreux festivals dédiés à la BD, raflant plusieurs prix, dont Eisner en 2018 (meilleur album, meilleur auteur et meilleure colorisation) et le Fauve d’or (distinction qui récompense le meilleur album) au festival d’Angoulême 2019.

Un grand merci aux éditions Monsieur Toussaint Louverture qui nous livre une véritable œuvre d’art, grâce à leur travail, le contenant est à la hauteur du contenu.

Je m’en vais de ce pas (ou presque) me lancer dans la lecture du second opus.