[BOUQUINS] Xavier De Moulins – Le Petit Chat Est Mort

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X. De Moulns - Le petit chat est mort

Titre : Le Petit Chat Est Mort
Auteur : Xavier De Moulins
Éditeur : Flammarion
Parution : 2020
Origine : France
128 pages

De quoi ça cause ?

« Le petit chat est mort », il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière d’annoncer à ses enfants que l’animal de compagnie du foyer est mort. C’est quand il n’est plus là que l’on réalise alors toute la place qu’il occupait et tout le bonheur qu’il apportait…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que j’ai connu trop de ces « petits chats » partis trop tôt.

Pour dire un gros merde à ceux et celles qui disent ou pensent  « ce n’était qu’un chat » !

Ma Chronique

Je vais faire court et aller à l’essentiel avec cette chronique. Non parce qu’il n’y a  pas grand-chose à dire sur le bouquin de Xavier De Moulins, mais plutôt parce qu’au travers de ces quelques pages, l’auteur dit tout ce qu’il y a dire sur le sujet. Et il le dit mieux que je ne pourrai jamais le faire.

Si le bouquin s’ouvre sur la mort du chat et l’annonce de la triste nouvelle à ses filles, au fil des pages Xavier De Moulins revient sur les jours heureux qui ont suivi l’arrivée du chaton à la maison, sur tout le bonheur qu’il a apporté à chacun des membres de la famille et bien entendu sur le terrible vide que sa disparition laisse.

Qu’il s’agisse du choix des mots ou du ton employé par l’auteur, tout est d’une incroyable justesse. Inévitablement cette lecture réveille de vieilles douleurs jamais totalement oubliées, mais surtout le texte nous prend véritablement au coeur et aux tripes.

Ce récit n’est aucunement un mode d’emploi pour faire le deuil de son animal de compagnie ni un guide pour apprendre à en parler avec ses enfants ; chacun réagira à la perte de son petit compagnon avec plus ou moins d’intensité en fonction de son propre vécu et de son ressenti.

Tout n’est pas noir dans ces pages, l’auteur partage aussi les bons souvenirs liés au passage du « petit chat » de leur famille, les moments de tendresse partagés, les rires et fous rires, les colères que l’on n’arrive finalement pas à avoir quand il fait une connerie… bref, tout ce qui fait que la perte d’un animal de compagnie peut être un véritable déchirement.

Un livre hommage au « petit chat » et à tous les petits chats partis trop vite, qu’ils aient été emportés par la maladie ou victimes d’un accident. Un hommage aussi brillant que vibrant qui se lit d’une traite.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Adrian McKinty – La Chaîne

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A. McKinty - La Chaîne

Titre : La Chaîne
Auteur : Adrian McKinty
Éditeur : Fayard
Parution : 2020
Origine : Irlande (2019)
400 pages

De quoi ça cause ?

Le monde de Rachel s’écroule quand elle apprend que sa fille a été enlevée. Pour la récupérer non seulement elle va devoir payer une rançon, mais aussi à son tour kidnapper un enfant et ainsi perpétuer la Chaîne…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est juste impossible de résister à un pitch pareil.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Fayard et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Je suppose que l’un des pires cauchemars que puisse vivre un parent est le kidnapping de son enfant. Présentement Adrian McKinty repousse les limites du cauchemar en obligeant le parent déjà fortement ébranlé à devenir lui-même un kidnappeur et ainsi à faire vivre la même épreuve à un autre parent. Difficile d’imaginer un scénario plus pervers et plus sadique.

La première partie du roman est une totale réussite. On y suit le parcours de Rachel, contrainte d’enlever un enfant si elle veut sauver sa propre fille. On vit intensément le cauchemar de Rachel et tout ce qui lui passe par la tête au fur et à mesure qu’elle met son plan en application. L’auteur dose avec justesse les phases d’action et celles de réflexion.

Malheureusement l’implacable mécanique, que l’on pensait pourtant bien rodée, se grippe dans la seconde partie du récit. Vouloir anéantir la Chaîne, après ce qu’elle leur a fait subir, est en soi légitime, mais on a parfois l’impression que Adrian McKinty veut en finir au plus vite, quitte à brûler des étapes. Les choses s’enchaînent trop rapidement, avec trop de facilité et de façon trop prévisible. Bref, le capital crédibilité de l’intrigue fond comme neige au soleil.

Il serait sévère et injuste pour le coup de considérer cette seconde partie comme bâclée, elle n’est simplement pas à l a hauteur des promesses que nous faisait miroiter une première partie tout simplement géniale. Du coup il est difficile de masquer sa déception, un peu comme si on te promet du caviar, mais qu’on te sert des œufs de lump premier prix.

Impossible de ne pas s’attacher au personnage de Rachel, divorcée depuis peu, elle reste toutefois en très bon terme avec son ex-mari. Mauvais karma, alors même que sa fille est enlevée, elle apprend que son cancer récidive et va de nouveau devoir subir les affres de la chimiothérapie.

Dans l’ensemble l’auteur apporte beaucoup de soins à ses personnages, mention spéciale aux jumeaux maléfiques qui vous feront froid dans le dos plus d’une fois.

Son intrigue est aussi pour l’auteur l’occasion de pointer du doigt l’importance que les réseaux sociaux a prise dans le quotidien de chacun (et pas uniquement des ados), et comment ils peuvent se retourner contre leurs utilisateurs.

George Orwell se trompait. Dans le futur, ce ne sera pas l’État qui aura l’œil sur chaque individu avec de gros systèmes de surveillance. Les gens se chargeront de ça eux-mêmes. Ils mâcheront le travail à l’État en mettant sans cesse en ligne les lieux où ils se trouvent, leurs centres d’intérêt, leurs goûts culinaires, leurs restaurants préférés, leurs idées politiques et leurs loisirs. Tout ça sur Facebook, Twitter, Instagram et les autres réseaux sociaux. Nous sommes notre propre police politique.

Je referme ce bouquin globalement satisfait par cette découverte, et ce malgré l’impression tenace que l’intrigue aurait pu être encore plus aboutie. Là où ça aurait pu être un excellent thriller, nous n’avons « qu’un » très bon thriller.

Avant de lire La Chaîne je n’avais jamais entendu parler d’Adrian McKinty, le bonhomme n’en est pourtant pas à son coup d’essai et à déjà quelques romans policiers à son actif. Il va falloir que je me penche plus attentivement sur la question…

MON VERDICT
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[BOUQUINS] Freeric Huginn – Spirale Interdite

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F. Huginn - Spirale Interdite

Titre : Spirale Interdite
Auteur : Freeric Huginn
Éditeur : Auto-édition
Parution : 2020
Origine : France
202 pages

De quoi ça cause ?

À la fin de son service au sein de la Légion et après une courte période d’activité au sein d’un abattoir, Steve ne voit aucune voie se profiler quant à son avenir.

C’est alors qu’il rencontre Lucie, une adolescente en passe de se suicider en se jetant du haut d’un pont. Le coup de foudre est immédiat, mais Lucie ne supporte plus vivre sous le joug d’un beau-père qui abuse d’elle.

Qu’à cela ne tienne, il suffit de se débarrasser du beau-père pervers. Une exécution qui va entraîner les deux « amants justiciers » dans une spirale meurtrière dont ils sont loin d’imaginer les sombres imbrications…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que Freeric Huginn, via son compte Facebook, cherchait des volontaires pour leur envoyer en SP son dernier roman. Le pitch peu dissert et ténébreux à souhait ayant titillé ma curiosité j’ai postulé.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement Freeric Huginn pour l’envoi de son roman et l’occasion de le découvrir en avant-première (sortie annoncée pour le 8 avril).

Vous le savez peut-être (ou pas), j’aime mettre en avant les romans auto-édités, surtout quand ceux-ci bénéficient d’une finition quasi-professionnelle (ce qui est le cas ici). Les journées ne faisant que 24 heures, les obligations du quotidien et le calendrier des sorties littéraires font que j’ai moins de temps que je ne le voudrais à consacrer à l’auto-édition.

En suivant le périple meurtrier de Steve et Lucie, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec un autre couple de célèbres amants criminels : Bonnie Parker & Clyde Barrow. Quitte à prendre certaines libertés avec la réalité des faits, je pense instinctivement au film d’Arthur Penn (avec Warren Beatty et Faye Dunaway dans les rôles-titres) ou encore à la chanson de Gainsbourg qu’il interprète en duo avec Brigitte Bardot. Bref une version édulcorée et idéalisée du couple maudit.

N’allez toutefois pas imaginer que je cautionne l’auto-justice en tant substitut aux lacunes du système judiciaire. Il n’en reste pas moins que, comme le disait fort justement Jean de la Fontaine (et plus tard Michel Sardou) : « Selon que vous serez puissant ou misérable Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. » J’aimerai croire que ce n’est plus vrai de nos jours, mais je n’évolue pas au pays des Bisounours.

Je ne vous cacherai toutefois pas que quand Steve et Lucie dézinguent du pédophile j’ai du mal à avoir une quelconque forme de pitié pour leurs victimes. Quant aux ordures qui tabassent leurs femmes ou leurs animaux, s’ils m’inspirent le plus profond des mépris, et parfois me donnent des envies de meurtres, je reconnais volontiers que cette solution serait sans doute un tantinet disproportionnée (ce qui n’enlève rien à son efficacité et empêche toute récidive).

Mais je m’égare et digresse, car tel n’est point le propos de Freeric Huginn. Vous connaissez le refrain, que l’auteur rappelle en préambule à son roman : « Les opinions exprimées par les personnages de ce roman leur appartiennent, elles ne reflètent en rien celles de l’auteur. » Je tiens d’ailleurs à confirmer qu’à aucun moment le bouquin ne prend la forme d’un pamphlet contre le système (hormis dans l’esprit de ses personnages) ou d’un plaidoyer favorable à l’auto-justice (idem).

Tout ça pour dire que sans aller jusqu’à approuver leurs actes, j’ai trouvé que les personnages de Steve et Lucie étaient attachants. Au-delà de leurs crimes, l’auteur nous les dépeint avec beaucoup d’humanité… même s’ils n’ont plus vraiment foi en l’humain.

À l’inverse le personnage de Franck Leboeuf, ex-flic qui reprend, officieusement, du service pour traquer nos « amants justiciers », passe de prime abord pour un con fini (il n’a même pas l’excuse d’être confiné) au vu des idées qu’il exprime. Il ne faut pas se limiter à la surface visible de l’iceberg, en l’occurrence à l’image qu’il renvoie (ce qui est aussi vrai dans la vraie vie, l’image que tu donnes de toi n’est pas forcément le reflet de ta personnalité réelle mais une image volontairement biaisée par un miroir déformant, voire une armure pour te protéger des autres).

L’intrigue imaginée par Freeric Huginn est à l’image de ses personnages, vous n’allez pas simplement embarquer pour un road trip sanglant, les choses vont se densifier et se complexifier au fur et à mesure que les rouages de son implacable mécanique se révéleront.

Le roman fait un peu d’office d’OLNI (Objet Littéraire Non Identifié), tout comme son auteur il ne se laissera pas facilement enfermer dans une catégorie trop normée ou formatée, comme aurait pu dire l’autre : « Vous n’aurez pas leur liberté de penser ! » (Florent, si tu me lis…).

J’ai passé un très agréable moment en compagnie de ce bouquin, dévoré le temps d’un week-end (c’est rare que je m’accorde le temps de lire le week-end, mais là je n’ai pas pu décrocher).

MON VERDICT

[BOUQUINS] Bram Stoker / Georges Bess – Dracula

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G. Bess - Dracula

Titre : Dracula
Auteur : Bram Stoker
Dessin : Georges Bess
Éditeur : Glénat
Parution : 2019
Origine : France
208 pages

De quoi ça cause ?

Jonathan Harker, jeune notaire anglais, est envoyé en Transylvanie afin d’y rencontrer le Comte Dracula pour affaire. Il est loin de se douter de la véritable nature de son hôte et de ses sombres desseins…

Ma Chronique

Avant d’entrer dans le vif du sujet je tiens à préciser que j’ai lu (et même relu) le roman de Bram Stoker. Dracula est en effet l’un des piliers de la littérature – et même, n’ayons pas peur des mots, du mythe et de la culture – vampirique, avant qu’elle ne soit pervertie par la sauce guimauve de la bit-lit.

Si dans la culture populaire l’image de Dracula est souvent associée à l’acteur Christopher Lee qui a incarné à de nombreuses reprises le plus célèbre des vampires, j’estime pour ma part que c’est (contre toute attente) Francis Ford Coppola qui a réalisé la version cinématographique la plus fidèle au roman, avec une interprétation magistrale de Gary Oldman dans le rôle-titre.

C’est curieux et un tantinet inquiet que je me suis lancé dans la redécouverte de l’histoire de Dracula sous forme de roman graphique. Force est de constater que mes doutes ont été balayés dès les premières planches, les dessins de Georges Bess sont tout bonnement somptueux (certaines planches sont de véritables chefs d’œuvres graphiques) et restituent parfaitement l’ambiance gothique du roman de Bram Stoker.

Au niveau de l’intrigue, Georges Bess suit fidèlement la trame de Bram Stoker en prenant soin d’aller à l’essentiel. La transposition d’un roman se présentant sous forme épistolaire en version graphique a dû donner bien du fil à retordre à l’auteur, mais le challenge est remporté haut la main. C’est une totale réussite.

Si vous souhaitez vous procurer ce roman graphique en version papier (ce que je ferai incessamment sous peu dans pas longtemps), il faut savoir qu’il existe deux éditions, une « classique » au format 21,5 x 29,3 (au prix de 25,5 €) et une « prestige » au format 27,5 x 36,8 (au prix de 39 €). Le format de l’édition prestige permet de profiter au mieux de la qualité exceptionnelle du dessin.

J’ai un peu plus de mal à comprendre l’intérêt de proposer deux éditions en version numérique (17,99 € pour la version « classique », 27,99 € pour la version « prestige »), pour une lecture à l’écran c’est bonnet blanc et blanc bonnet… Assertion que j’ai pu vérifier en téléchargeant via le site Chapitre.com un extrait de chacune de ces éditions, il n’y aucune différence à l’affichage (plein écran). De là à penser que c’est un choix purement marketing il n’y a qu’un pas… que je franchis sans vergogne !

MON VERDICT

Et la couv’ de l’édition prestige… que je trouve moins aboutie que celle de l’édition classique.

G. Bess - Dracula

[BOUQUINS] Laurent Loison – Coupables ?

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L. Loison - Coupable ?
Titre : Coupable ?
Auteur : Laurent Loison
Éditeur : Slatkine & Cie
Parution : 2020
Origine : France
349 pages

De quoi ça cause ?

Garges-lès-Gonesse, France. Il ne reste qu’une étape au jeune Ivan pour intégrer le gang des Frères de sang, s’introduire chez un inconnu et rapporter un précieux butin au gang. Ça aurait pu (et ça aurait dû) n’être qu’une formalité, mais la situation va rapidement échapper à tout contrôle…

Scottsdale, USA. Patrick commet un énième cambriolage, mais cette fois la mécanique pourtant bien huilée va s’enrayer jusqu’à provoquer l’irréparable…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Ma précédente (et première) lecture de Laurent Loison fut plutôt mitigée. Chimères était certes un bon roman mais le fichier numérique proposé était, n’ayons pas peur des mots, complétement pourri.

Ce nouveau roman sera pour moi l’occasion de voir si l’auteur confirme au niveau de la qualité de son intrigue, et si l’éditeur propose une version numérique correcte.

Ma Chronique

À moins de jouer à fond sur le cynisme du personnage me faire éprouver une quelconque empathie pour un criminel était loin d’être un pari gagné d’avance… plus encore quand ledit criminel n’a aucune circonstance atténuante à son actif (d’un autre côté si l’auteur avait trop insisté sur le côté pleurnichard du passé de son personnage ça m’aurait fait chier plus qu’autre chose). Contre toute attente Laurent Loison relève haut la main le défi, simplement en jouant la carte de l’humain.

L’auteur nous invite à suivre une intrigue qui va se jouer sur deux arcs narratifs, une séparation qui va se jouer aussi bien dans l’espace que dans le temps. Pas besoin de sortir de Normale Sup pour deviner le lien qui existe entre Ivan et Patrick, il s’impose comme une évidence quasiment d’entrée de jeu.

Si le lien entre les personnages ne devrait surprendre personne, Laurent Loison nous réserve toutefois quelques surprises dans le déroulé de son intrigue, notamment avec une ultime révélation qui vous laissera sur le cul (perso je n’ai rien vu venir).

Au vu de la couv’ je craignais que le bouquin ne dérive vers un énième plaidoyer contre la peine de mort, mais l’auteur contourne adroitement cet écueil. Si la question de la peine capitale va bel et bien se retrouver au cœur de l’intrigue, ce ne sera pas dans le cadre d’un débat pour ou contre, mais comme l’un des enjeux majeurs de l’intrigue.

Coupable ? Patrick Jones l’est sans le moindre doute et il est d’ailleurs le premier à le reconnaître. Mais entre un cambriolage qui tourne mal et un meurtre au premier degré, il y a un gouffre… et une sentence qui peut tout changer. Pas de bol pour Patrick les dés sont pipés, face à lui la veuve agit dans l’ombre (et tant pis si elle doit le payer de sa personne) pour que l’assassin de son mari écope de la peine maximale (la mort par injection létale).

Il serait facile de blâmer Julia Marks, la veuve en question, mais il suffit de s’imaginer à sa place pour remettre les choses en perspective. Un inconnu a foutu sa vie en l’air en la privant de son mari et en privant ses filles de leur père. Que ce soit par accident ou intentionnellement le résultat est le même, il apparaît donc légitime dans de pareilles circonstances de vouloir que ce salopard soit à son tour éliminé. Mais entre désirer la mort d’un homme et tout mettre en œuvre pour que son souhait se réalise, il y a un pas énorme, un pas que Julia Marks n’hésitera pas à franchir, tout comme elle n’hésitera pas à franchir la ligne rouge pour arriver à ses fins. Alors, coupable ?

Vous l’aurez deviné, Laurent Loison apporte beaucoup de soin à ses personnages, évitant ainsi de sombrer dans les affres d’un manichéisme facile. Il n’en reste pas moins que l’auteur peut aussi nous brosser le portrait de sombres connards que l’on aura plaisir à mépriser, je pense notamment au Dr Correy et au procureur Kingall.

C’est volontairement que je passe sous silence le rôle des autres personnages du roman, notamment celui de Kenza Longford, avocate commis d’office pour assurer la défense de Patrick Jones.

Au niveau de la qualité de son intrigue, Laurent Loison confirme le ressenti positif que j’avais déjà éprouvé à la lecture de Chimères. Soyons fou, je dirai même qu’il le sublime avec ce roman qui flirte avec l’excellence.

Sur la forme, la numérisation, bien que réalisée par un professionnel, pêche encore par de nombreuses lacunes même si beaucoup passeront inaperçues pour la plupart des lecteurs. Par contre les erreurs de mise en page (plusieurs sauts de ligne oublié dans les dialogues par exemple) et les coquilles résiduelles (debout dernière le siège au lieu de debout derrière le siège) sont un peu plus agaçantes. Ceci dit on est loin du brouillon (pour rester poli) qu’était la version numérique de Chimères.

MON VERDICT
Coup de poing

[BOUQUINS] Vincent Hauuy – Survivre

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V. Hauuy - Survivre

Titre : Survivre
Auteur : Vincent Hauuy
Éditeur : Hugo
Parution : 2020
Origine : France
424 pages

De quoi ça cause ?

2035, la Terre et l’humanité sont au plus mal, les dérèglements climatiques et les épidémies se multiplient.

Florian Starck, ex-légionnaire et ex-journaliste, vit reclus dans un coin perdu des Alpes françaises depuis la mort de sa femme et de sa fille.

La disparition de son frère Pierrick, alors qu’il enquêtait sur le projet Survivre, un programme de télé-réalité orchestrée par Alejandro Perez, un milliardaire expert dans le domaine de l’intelligence artificielle, va pousser Florian à sortir de son exil. Il va en effet participer à l’émission Survivre en tant que coach pour l’un(e) des candidat(e)s…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Il faut croire qu’en ce moment j’ai le vent en poupe pour découvrir les univers littéraires d’auteurs qui me font du pied depuis déjà quelque temps. Après Christian Blanchard et Michel Bussi, c’est au tour de Vincent Hauuy de passer sur le grill.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Hugo et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

À l’heure où le réchauffement climatique est plus que jamais une réalité (n’en déplaise aux éternels climato-sceptiques), à l’heure où l’épidémie liée au Covid19 vient d’être reconnue comme une pandémie par l’OMS (plus de 156 000 cas confirmés, dont pas loin de 6 000 morts à ce jour) et alors que la France entre en stade 3 de la contamination (grosso modo 4 500 cas confirmés, dont 79 décès), le roman de Vincent Hauuy s’inscrit malheureusement dans l’air du temps.

Bien que n’ayant encore jamais lu de roman de Vincent Hauuy, j’ai ses trois précédents titres dans mon Stock à Lire Numérique ; il semblerait que jusqu’à maintenant il se consacrait à des thrillers plus « classiques » (n’y voyez rien de péjoratif, j’aurai tout aussi bien pu dire « purs et durs »), avec ce nouveau roman l’auteur s’aventure sur le terrain du thriller d’anticipation (même si en l’occurrence ladite anticipation est tristement crédible).

Vous l’aurez compris le futur envisagé par Vincent Hauuy n’est pas franchement une vision optimiste de ce qui nous attend (d’un autre côté, peut-on vraiment être optimiste au vu de la situation actuelle ?). Dans ce contexte plutôt que d’opter pour une approche 100% survivaliste, l’auteur nous plonge au cœur d’un programme de télé-réalité combinant survie et hautes technologies.

Si la simple idée de télé-réalité vous donne des nausées, je vous rassure de suite, Vincent Hauuy n’est pas le clone féminin de Nabilla. Son intrigue et ses personnages ont une réelle profondeur et vous réserveront quelques belles surprises (contrairement à l’encéphalogramme plat de la bimbo au QI d’huître).

N’espérez donc pas suivre un programme télé qui se déroule sans la moindre anicroche, les choses vont rapidement prendre un tournant pour le moins inattendu… pour notre plus grand plaisir (sadique).

L’auteur apporte beaucoup de soins à ses personnages. À commencer bien entendu par Florian Starck, expert du survivalisme qui a perdu foi en l’espèce humaine sans pour autant se couper totalement des autres. La candidate qu’il devra coacher dans le cadre du programme Survivre, Zoé,  lui donnera bien du fil à retordre, mais les deux asociaux vont peu à peu apprendre à se faire confiance.

Les personnages secondaires ne sont pas pour autant laissés pour compte, à commencer par Sofia Lee, psychiatre consultante de l’émission, dont les premiers contacts avec Florian seront plutôt houleux. Sans oublier le lieutenant Phillip Newton, un policier chargé d’enquêter sur la mort d’un scientifique travaillant pour Alejandro Perez et ayant été en contact avec Pierrick, le frère de Florian.

Enfin le personnage le plus ambigu reste celui d’Alejandro Perez, milliardaire spécialisé dans l’Intelligence Artificielle. Il faudra vous contenter de ça, je ne dirai rien de plus sur le bonhomme et vous laisse vous faire votre propre opinion quant à sa vision de l’avenir. De la même façon, je passe volontairement sous silence le rôle d’autres personnages.

Un récit à la première personne qui nous place dans la peau de Florian Starck histoire de nous faire vivre l’intrigue aux premières loges.

Petit bémol de pure forme, je ne suis pas franchement des accroches de fin de chapitre du genre « Je ne pouvais pas savoir que les choses allaient empirer » ou encore « Dans deux jours la situation échapperait à tout contrôle » (ces exemples ne sont pas extraits du présent roman). Un détail insignifiant qui ne m’a nullement empêché de passer un très bon moment avec ce roman.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Michel Bussi – Au Soleil Redouté

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M. Bussi - Au Soleil Redouté
Titre : Au Soleil Redouté
Auteur : Michel Bussi
Éditeur : Presses de la Cité
Parution : 2020
Origine : France
432 pages

De quoi ça cause ?

Cinq lectrices qui se voient déjà romancières ont gagné un séjour à Hiva Oa, un archipel des Marquises. Un séjour qui sera aussi l’occasion d’ateliers d’écriture animés par Pierre-Yves François (PYF), un auteur à succès.

Quand PYF disparaît, les lectrices pensent à une mise en scène dans le cadre de leur atelier d’écriture du jour. Le jeu vire au cauchemar quand l’une des lectrices est retrouvée morte…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que ça fait déjà quelques années que chaque fois que je vois un roman de Michel Bussi paraître je me dis qu’il faudrait que je le lise… avant de renoncer. Peut-être que le cadre tropical de celui-ci a joué en sa faveur ; cette fois c’est la bonne !

Ma Chronique

Michel Bussi faisait de ces auteurs que j’avais envie de découvrir, mais pour étrange raison que je ne saurai expliquer à chaque fois que j’ai eu envie de lire un de ses romans, quelques jours plus tard, une petite voix me soufflait de laisser tomber et de passer à autre chose… J’aggraverai sûrement mon cas en vous disant que ça me fait ça depuis la sortie des Nymphéas Noirs en 2011 ; le gars entend des voix depuis bientôt dix ans et il ne consulte pas… y’en a qui ont fini serial killer pour moins que ça ! Qui vous dit que je ne consulte pas ? Je me consulte, je m’ausculte, je me diagnostique et je me soigne (ou pas)…

Je ne sais pas si le fait que le présent roman se déroule aux Marquises a contribué à faire taire cette petite voix. Si je pense marquise (sans la majuscule et au singulier), je vois un savoureux entremet au chocolat servi avec une crème anglaise. Si je pense aux Iles Marquises, c’est la voix de Jacques Brel qui me vient à l’esprit, Brel et ses magnifiques chansons définitivement inscrites au patrimoine de la chanson française (oui, je sais, il était belge ! Quand ça nous arrange, on annexe la Belgique).

Retour en Polynésie (après les Disparus De Pukatapu) pour une murder party tropicale orchestrée de main de maître par Michel Bussi. Comme Patrice Guirao, l’auteur nous propose un huis-clos à ciel ouvert. Une murder party fortement inspirée des romans d’Agatha Christie (il est d’ailleurs souvent fait référence aux Dix Petits Nègres).

Si l’intrigue ne brille pas forcément par son originalité, elle n’en reste pas moins rondement menée. Tant et si bien qu’à la fin du bouquin vous aurez envie de vous frapper le front en lâchant « Bon sang mais c’est bien sûr ! » sur un ton dépité. Nous avions en effet quasiment toutes les cartes en main dès les premiers chapitres ; par la suite l’auteur prendra un malin plaisir à les mélanger encore et encore. Pas la peine de revenir en arrière pour vérifier (je l’ai fait), aucun détail n’est laissé au hasard.

Une intrigue rythmée par les refrains de Jacques Brel, pas toujours tirés de ses chansons les plus connues soit dit en passant.

Au niveau des personnages, j’ai trouvé les cinq lectrices un peu trop clichés, tous les traits de leurs personnalités semblent surjoués, à en devenir presque caricaturaux. C’est encore plus flagrant quand il s’agit du personnage de PYF (pas le chien communiste, l’auteur du roman… non pas Michel Bussi, son personnage, écrivain de renom. Faut suivre !).

Les personnages qui sonnent le plus « vrai » sont Yann, le mari d’une des lectrices, capitaine de gendarmerie un peu effacé par l’aura et l’autorité de son épouse, et Maïma, la fille adolescente, marquisienne d’origine, d’une autre. Et c’est justement à cet improbable duo qu’incombera la lourde tâche de démasquer le Colonel Moutarde (à moins qu’il ne s’agisse de Mademoiselle Rose). Il serait injuste de ne pas citer Tanéa, l’hôtesse, qui reçoit tout ce beau monde dans son gîte et leur concocte de délicieux petits plats.

La palme revient toutefois à l’éditrice, Servane Astine, un monument d’arrogance dont les quelques apparitions seront l’occasion d’échanges qui font du bien aux zygomatiques.

Vous l’aurez compris j’ai passé un très agréable moment en compagnie de ce roman. Avant de clore le sujet je vais devoir m’entretenir avec ma petite voix, il est temps de remettre les pendules à l’heure ! Après quoi je me laisserai volontiers bercer par les chansons de l’album Quand on n’a que l’amour, un best-of (37 titres) du Grand Jacques.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Gabino Iglesias – Santa Muerte

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G. Iglesias - Santa Muerte
Titre : Santa Muerte
Auteur : Gabino Iglesias
Éditeur : Sonatine
Parution : États-Unis (2015)
Origine : 2020
192 pages

De quoi ça cause ?

Fernando est un clandestin mexicain arrivé à Austin pour fuir les réprésailles d’un cartel. Il travaille pour Guillermo, un caïd local, officiellement en tant que videur, officieusement c’est en tant que dealer qu’il officie.

Un job plutôt peinard jusqu’à ce qu’il soit enlevé par des membres de la Salvatrucha, un gang rival. Indio, le chef du gang, oblige Fernando à assister à la décapitation au couteau d’un pote avec qui il bossait régulièrement.

Fernando est épargné mais doit passer un message sans équivoque à Guillermo : désormais les rues appartiennent à la Salvatrucha.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonatine, et pis c’est tout. Enfin presque… la couv’ et le pitch m’ont tout de suite attiré, impossible dan ces conditions de résister à la tentation.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Sonatine et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Avec ce roman, Gabino Iglesias invente un nouveau genre littéraire : le barrio noir. Kézaco me demanderez-vous ? L’auteur le définit comme un roman noir dans lequel la violence est omniprésente mais dont l’intrigue doit aussi être fortement empreinte du multiculturalisme et du bilinguisme propre à l’exil. Ultime condition, et non des moindres, le récit doit intégrer une dimension mystique non négligeable, quitte à flirter avec le fantastique.

Voilà le cocktail détonant que vous aurez entre les mains en ouvrant Santa Muerte. Le multiculturalisme étant parfaitement représenté par le personnage principal, Fernando, un antihéros par excellence partagé entre les traditions de ses origines mexicaines et sa vie actuelle aux USA.

L’auteur opte pour un récit à la première personne afin de nous plonger au cœur de l’action dans la peau de Fernando. Bien que le gars soit un dealer notable, il est difficile de ne pas éprouver une certaine sympathie pour ce héros un peu dépassé par l’ampleur des événements, mais décidé à faire face au mieux, sans se dégonfler.

Un roman court mais intense au niveau de l’action. Gabino Iglesiais ne vous laissera guère le temps de reprendre votre souffle entre deux poussées d’adrénaline. Le rythme est assuré par des chapitres courts, une écriture sans fioritures et très visuelle. Après tout, nul besoin de prendre des gants quand on veut en foutre plein la tronche à son interlocuteur (le lecteur en l’occurrence).

Et c’est exactement ce que fait Gabino Iglesias avec Santa Muerte. Le bouquin se dévore d’une traite (pas en apnée, mais presque), vous le refermerez à bout de souffle, à la limite du KO technique.

Je pourrai modérer mon enthousiasme en vous disant que j’ai trouvé le bouquin un peu court ; et c’est vrai que j’aurai aimé prolonger l’expérience, mais tout est dit et bien dit, il n’y aurait pas grand chose (sinon rien) à ajouter.

En voulant faire un rapprochement cinématographique j’aurai été tenté de citer instinctivement Quentin Tarantino en pensant au film Reservoir Dogs, mais à la réflexion, le choix de son complice, Robert Rodriguez avec le film Desperado me semble bien plus adapté à l’esprit du roman.

Bref tout ça pour vous dire que ça dépote grave dans ce bouquin mais sans trop se prendre au sérieux. Les morts brutales seront légion au court de ces quelques pages, mais l’intrigue a un côté tellement barré qu’on ne peut la prendre pour argent comptant (un peu à la façon d’un Bourbon Kid).

Derrière cette débauche de violence se cache aussi une réflexion plus profonde sur l’envers du décor du fameux rêve américain pour tous les immigrés qui viennent tenter leur chance de l’autre côté de la frontière :

Quand tu traverses la frontière, tu laisses de côté une grande partie de ton identité et tu deviens quelque chose de différent, un spectre de chair composé de souvenirs brisés. Tu abandonnes ta famille, tes amis, ta langue et les rues que tu connais pour te retrouver dans un pays dont tu n’es pas citoyen, où tu n’as aucun droit, et où tu dois te terrer comme un rat par peur d’être découvert. Alors tu changes. Tu te transformes. Tu deviens autre chose. (…) Tu fais tout ce qui est en ton pouvoir pour devenir un gringo, pour t’intégrer, pour devenir aussi invisible que les fissures sur le trottoir. Ta démarche est hésitante, parce que tout est mystérieux, nouveau et effrayant, et que tu ne te sens jamais le bienvenu.
Quand tu traverses la frontière, celle-ci conserve une partie de toi. Elle te coupe jusqu’à l’os, t’empêchant de cicatriser. Elle perfore des endroits qu’aucune lame ni aucune balle ne peut atteindre et elle te mutile d’une manière que tu ne peux pas comprendre.
Traverser la frontière te bousille d’une manière que tu ne pouvais pas imaginer.

Je ne vous livre qu’un court extrait du chapitre 6 qui décrit de façon aussi abrupte que poignante ce que peuvent ressentir ces gens (sans non plus vouloir stigmatiser). N’en déplaise à Donald le nuisible !

Petite précision (histoire de finir sur une note plus optimiste) si besoin est, à ma connaissance Gabino Iglesias n’a aucun lien de parenté avec Julio, le crooner hispanique plus très frais. Je n’ai pas changé… Et toi non plus tu n’as pas changé…

Gabino Iglesias a publié un second roman, toujours fidèle à l’esprit du barrio noir, inutile de vous dire qu’il me tarde de le découvrir en français…

MON VERDICT
Coup de poing

[BOUQUINS] Christian Blanchard – Angkar

AU MENU DU JOUR


Titre : Angkar
Auteur : Christian Blanchard
Éditeur : Belfond
Parution : 2020
Origine : France
288 pages

De quoi ça cause ?

Champey élève seule sa fille de six ans, Mau. Elle a préféré faire croire à son enfant que son père était mort plutôt que de lui révéler quelle ignoble pourriture est son géniteur.

Face à des cauchemars récurrents, Champey décide de se rendre au Cambodge afin de remonter les traces de ses origines et de ses parents. Un pays qu’elle a quitté alors qu’elle était encore bébé, à une époque où les cambodgiens subissaient le joug de la folie destructrice des Khmers rouges de Pol Pot.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Ça fait un moment que j’ai envie de découvrir l’univers littéraire de Christian Blanchard, ses trois précédents romans figurent d’ailleurs dans mon Stock à Lire Numérique mais jusqu’à aujourd’hui j’avais toujours raté le coche. Avec son dernier titre en date, je vais enfin pouvoir assouvir ma curiosité…

Ma Chronique

Je remercie les éditions Belfond et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Peut-être vous demandez-vous, comme c’était mon cas avant de lire ce roman, ce qui peut se cacher derrière ce titre « Angkar ». La lecture du bouquin, agrémentée de quelques recherches, m’ont permis de découvrir que c’était un véritable fourre-tout (benne à ordures serait plus adapté au vu du contenu de la chose). Il désigne en effet aussi bien le parti révolutionnaire Khmer que la doctrine du parti en question, et accessoirement peut même englober ses « cadres ».

Vous l’aurez compris, pour construire (partiellement) son intrigue Christian Blanchard va puiser son inspiration dans les heures sombres de l’Histoire contemporaine en plongeant le lecteur dans le Cambodge des Khmers rouges et tout particulièrement dans les rouages destructeurs d’un camp de rééducation.

Autant vous le dire d’entrée de jeu les origines de Champey et la paternité de Mau sautent aux yeux du lecteur comme une évidence avant même que l’auteur ne lève le voile sur la question. Toutefois cela n’empêche nullement le lecteur d’apprécier pleinement le déroulé de l’intrigue.

J’ai beaucoup aimé le personnage de Champey, notamment dans sa dualité. D’un côté elle cherche à découvrir le secret de ses origines pour se protéger (se débarrasser de cauchemars récurrents qui l’épuisent inexorablement), de l’autre elle persiste à cacher à sa fille l’identité de son père, préférant lui inventer de toutes pièces un père idéal, un choix qu’elle justifie par le besoin de protéger son enfant.

Cette quête identitaire va être brutalement interrompue dans la seconde partie du roman pour faire place à une trame plus classique (ce qui ne l’empêche nullement d’être monstrueusement perverse) sur fond de vengeance. La tension monte de plusieurs crans en l’espace de quelques pages, pour ne plus retomber jusqu’au dénouement de cette partie de l’intrigue.

Si Christian Blanchard sait y faire pour rentre certains de ses personnages sympathiques, il est tout aussi habile quand il s’agit de nous en faire mépriser d’autres, la palme en la matière revenant incontestablement à Gilles Kerlat.

L’intrigue s’articule autour d’un juste équilibre entre les aspects psychologiques et l’action pure et dure. Selon les besoins de son récit, l’auteur jonglera avec ces deux leviers, privilégiant parfois la psychologie et les émotions, d’autres fois c’est l’action et l’adrénaline qui primeront.

C’est le premier roman de Christian Blanchard que je lis, je n’ai donc aucun élément de comparaison par rapport à ses titres précédents, le fait est qu’il m’a convaincu avec ce bouquin, et donné encore plus envie de prolonger l’exploration de ses univers littéraires.

Le problème n’est pas l’idéologie en elle-même mais les hommes qui la portent. Quel que soit le mode d’organisation de la société, le pouvoir pervertit méthodiquement l’âme humaine. Le communisme n’échappe pas à cette règle. L’anarchisme non plus.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Patrice Guirao – Les Disparus De Pukatapu

AU MENU DU JOUR

P. Guirao - Les disparus de Pukatapu

Titre : Les Disparus De Pukatapu
Série : Lilith Tereia – Tome 2
Auteur : Patrice Guirao
Éditeur : Robert Laffont
Parution : 2020
Origine : France
384 pages

De quoi ça cause ?

Pukatapu est un atoll isolé des Tuamotu, l’endroit parfait pour Lilith et Maema qui ont décidé de faire un reportage sur les conséquences du réchauffement climatique. Et surtout pour Lilith de prendre ses distances avec sa mère récemment revenue s’installer à Tahiti.

L’endroit pourrait passer pour idyllique jusqu’à ce que Lilith ne tombe sur une main coupée difforme, portée par le courant. Mais quand elle alerte le chef du village, ladite main est introuvable et le chef se donne beaucoup de mal pour tenter de la convaincre qu’elle a dû se tromper en prenant un quelconque débris marin pour une main humaine.

Quels sombres secrets se cachent sous les charmes de l’atoll de Pukatapu ? Lilith est bien déterminée à le découvrir, tant pis si elle doit pour cela se mettre les villageois à dos…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est la seconde enquête de Lilith Tereia et que le précédent roman, Le Bûcher De Moorea, m’avait emballé.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Robert Laffont et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Si le présent roman peut parfaitement se lire indépendamment du Bûcher De Moorea, je vous recommande toutefois de les lire dans l’ordre afin d’apprécier pleinement les personnages.

Escapade aux Tuamotu oblige, dans ce nouvel opus nous ne retrouvons que Lilith et Maema, mais rassurez-vous les deux amies auront fort à faire pour mettre à jour les plus sombres secrets de l’atoll. À condition toutefois de parvenir à faire se délier les langues des quelques villageois et du prêtre, tous préférant se murer dans le silence, voire les mensonges, plutôt que de se confier à deux « étrangères ».

Lilith et Maema sont loin de se douter des implications de leur quête vers la vérité. Les sombres secrets cachés de Pukatapu pourraient bien en effet n’être que la partie visible de l’iceberg. Un iceberg en lien direct avec les essais nucléaires français dans le Pacifique (46 essais aériens entre 1966 et 1974 et 147 tirs souterrains entre 1975 et 1996).

Heureusement nos deux enquêtrices ne seront pas complètement seules pour mener à bien leur mission. Tous les villageois ne se laisseront pas docilement museler, et elles pourront aussi compter sur un renfort (tardif) de l’extérieur, en la personne de Pascual Parua, un chercheur de l’IFREMER venu initialement pour être la caution scientifique des journalistes.

L’isolement de l’atoll de Pukatapu (tout droit sorti de l’imagination de Patrice Guirao) transforme l’intrigue principale en un huis clos en plein air (paradoxe ? vous avez dit paradoxe ?) mené de main de maître par l’auteur. La tension va crescendo tandis que les soupçons pèsent sur les uns ou les autres, plus encore quand un premier villageois est retrouvé mort.

Fidèle à l’esprit du « noir azur », la culture polynésienne est mise en avant tout au long du récit. Il faut dire que le cadre se prête particulièrement bien à la survivance des traditions et savoirs ancestraux… même si une certaine forme d’obscurantisme moderne voudrait bien étouffer ces traditions afin d’imposer sa vision du monde et de la foi (et paf, dans ta gueule le curé !).

En parallèle à l’enquête de Lilith et Maema le lecteur sera amené à suivre un second arc narratif au sujet duquel je préfère ne rien dire afin de laisser intact le plaisir de la découverte.

Comme dans Le Bûcher De Moorea, Patrice Guirao intègre un glossaire permettant de traduire les termes tahitiens employés au fil du récit. Même si on saisit sans mal le sens global (peut être que le fait de vivre sous les tropiques est un atout en ce sens), l’initiative est bienvenue.

Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, non seulement l’auteur annonce qu’un troisième opus, Le Tiaré Noir, sera publié en 2021, mais en plus il nous permet d’en découvrir le début. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça commence très fort ! L’attente va être longue !

MON VERDICT