[BOUQUINS] Anonyme (Bourbon Kid) – Noir Comme L’Enfer

Dans la petite ville de Désespoir, trois jeunes femmes ont été kidnappées. La police arrête un suspect. Surprise : son ADN correspond en tout point à celui de Jack l’Éventreur. Avant d’être interrogé, l’homme disparaît mystérieusement. Une seule personne semble en mesure de le retrouver : le Bourbon Kid, le tueur le plus impitoyable que la terre ait jamais porté.

Pendant ce temps, une femme-robot ressemblant trait pour trait à Jasmine, l’ex-prostituée tueuse de démons, commet des vols à main armée dans toute la région. Appelés à la rescousse, les Dead Hunters, vénérable confrérie de chasseurs sanguinaires, entrent dans la danse.

Toutes les pistes les conduisent bientôt vers le mystérieux strip-club d’une ville nommée Ténèbres, où plane l’ombre d’un revenant inattendu : Adolf Hitler himself !

Bourbon Kid, what else ?

D’autant que la quatrième de couv’ nous promet une intrigue encore plus barrée qu’à l’accoutumée.

Ami(e)s lecteurs et lectrices, préparez-vous : ce roman va vous révéler des vérités qu’aucun manuel d’Histoire n’osera jamais raconter. Et pour cause — même les historiens les plus chevronnés ignorent ces révélations explosives ! Imaginez un peu : vous allez enfin découvrir qui se cache derrière le cold case le plus célèbre du monde… Oui, Jack l’Éventreur en personne ! Et si cela ne suffisait pas à piquer votre curiosité, sachez que vous apprendrez aussi toute la vérité sur le suicide d’Hitler, et sur celui d’Eva Braun. Rien que ça.

Vous l’aurez compris : pour ce nouvel opus, notre mystérieux auteur Anonyme, alias le Bourbon Kid, place la barre très haut dans le grand art du portnawak assumé. Et c’est tant mieux, car c’est exactement ce que l’on vient chercher en ouvrant un roman de cette saga : du chaos jubilatoire, de l’action débridée et une bonne dose d’humour noir. Le côté complètement barré est non seulement assumé, mais fièrement revendiqué.

Quel plaisir de retrouver le Bourbon Kid, l’équipe des Dead Hunters au grand complet, Sanchez et Flake en tête, sans oublier Jacko, le gardien du Purgatoire et de l’Enfer, dont le rôle continue de s’étoffer au fil des tomes. L’auteur joue à fond la carte du fan service sans jamais tomber dans la redite : on retrouve le même cocktail explosif d’action (énormément d’action — et non, jamais trop !) et d’humour, qu’il s’agisse de dialogues lunaires ou de situations totalement improbables.

Dans le précédent roman, Kill the Rich, le thème du voyage dans le temps faisait déjà une apparition remarquée. Ici, il devient le cœur même de l’intrigue, avec un choix audacieux : renvoyer les personnages à la Fête de la Lune de Santa Mondega, six ans plus tôt. Autrement dit, pile au moment où tout a commencé, dans Le Livre sans Nom. Un retour aux sources malin et réjouissant, qui permet de revisiter les événements fondateurs avec un nouveau regard.

On constate aussi une évolution du Bourbon Kid : s’il reste fidèle à sa devise — « on tire d’abord, on discute après ! » — il semble s’être quelque peu assagi… ou du moins, plus réfléchi (tout est relatif).

Et puis vient la fin. Ce fameux mot, FIN (peut-être), qui clôt la plupart des romans du cycle et nous laisse toujours avec la même question : vraiment la fin ? À en juger par les dernières pages et la place grandissante du voyage temporel, on peut parier sans trop se tromper qu’Anonyme nous réserve encore quelques surprises infernales.

Bref, Noir Comme L’Enfer est un pur concentré de ce que la saga Bourbon Kid fait de mieux : du fun, du sang, et une bonne dose de déraison. Un défouloir littéraire aussi absurde qu’irrésistible, à consommer sans modération.

[BOUQUINS] Alma Katsu – Hurlements

Juin 1846. Un convoi de pionniers traverse les Rocheuses en direction de la Californie, malgré les nombreuses mises en garde contre les dangers d’un tel périple. À sa tête, George Donner et James Reed, représentants des familles les plus éminentes, se partagent la gestion des ressources et du bétail. Tandis que le petit groupe s’enfonce dans un territoire de plus en plus sauvage, les personnalités s’affirment, les alliances se créent et le passé que les uns et les autres ont cherché à fuir ne cesse de revenir les hanter.

Une nuit, un des enfants du convoi disparaît. On ne retrouve de lui que des restes, parfaitement nettoyés. Est-ce l’œuvre des Indiens ? Une meute de loups est-elle sur leurs traces ? À moins que cette mort brutale soit signée de l’un d’entre eux… Dans ce cas, comment expliquer cette sensation d’être observés constamment, et les murmures qu’ils entendent sur leur passage ?

À mesure que les réserves s’amenuisent, la tension monte au sein de la communauté. Bientôt, d’autres incidents ont lieu. Pour les pionniers, il est désormais impossible de nier que quelque chose les suit. Et que cette chose a visiblement encore plus faim qu’eux.

D’abord parce que les équipes des éditions Sonatine ont le don de dénicher des pépites.

Ensuite, je dois bien avouer que la quatrième de couverture a titillé ma curiosité.

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée. Désolé pour ce retour de lecture tardif dû à un emploi du temps personnel et professionnel des plus chargés (en plus du contexte calédonien encore tendu).

À l’instar de Dan Simmons et son roman Terreur, Alma Katsu s’inspire d’une expédition bien réelle qui a mal tourné. Hasard de l’Histoire, les fait se déroulent la même année, 1846. Hasard de la fiction, les deux auteurs ont donné une tournure fantastique / horrifique à leurs romans.

Pour faire simple l’expédition Donner suit un groupe de pionniers partis de Springfield (Illinois) pour rejoindre le Californie qui faisait alors figure de nouvel Eldorado plein de promesses. Mauvaise préparation avant le départ, choix d’itinéraire plus que discutable et mauvais choix au cours de l’expédition vont transformer leur traversée en cauchemar.

Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à consulter la page Wikipedia consacrée à ladite expédition, pour plus de détails la page en anglais est beaucoup plus loquace.

Alma Katsu combine des personnages ayant réellement pris part à l’expédition et d’autres issus de son imagination pour tisser son intrigue. Une intrigue qui va rapidement imposer une tension psychologique qui s’apaisera que très rarement. Au contraire, elle ira plutôt crescendo au fur et à mesure que les relations entre les uns et les autres se dégraderont et que les drames s’enchaîneront.

La dimension humaine joue en effet un rôle essentiel dans le déroulé du récit, laissant parfois les éléments horrifiques au second plan sans toutefois les éclipser. Les tensions entre les personnages contribueront autant à l’échec de l’expédition que ce qui les menace.

Mais justement quelle est donc cette menace ? Des loups, des indiens, autre chose ? C’est la question qui taraudera nos braves pionniers avant que la réalité ne s’impose à eux, une réalité bien plus redoutable que tout ce qu’ils auraient pu imaginer.

Et vous, vous voulez un indice ? Conservez le titre et cherchez un film de Joe Dante sorti en 1981. C’est ça sans être tout à fait ça… L’occasion d’ailleurs de saluer l’audace de l’auteure pour le revirement de situation quant à la source du mal.

Alma Katsu ne cède toutefois pas à la facilité, sous sa plume implacable vous découvrirez que les monstres peuvent prendre bien des visages…

Bonne idée aussi ces chapitres en forme de flashback permettant de comprendre les motivations qui ont poussé les principaux acteurs du récit à prendre part à l’expédition.

Ce roman nous offre un huis-clos à ciel ouvert, pas besoin de murs pour isoler nos pionniers, c’est une nature particulièrement hostile qui s’en chargera. Elle sera de fait bien aidée par la nature humaine de certains personnages.

L’auteure nous impose un rythme lent, comme les chariots surchargés des pionniers, tirés par des bœufs au bord de l’épuisement et de la famine. Un rythme qui contribue à nimber le récit d’une aura oppressante à souhait.

Nul besoin de multiplier les effets gores pour que le lecteur ressente l’angoisse grandissante des personnages. Que les amateurs d’hémoglobine se rassurent, ils auront aussi leur lot… et ce ne sera pas un lot de consolation.

Un roman totalement addictif que vous aurez bien du mal à lâcher. Pour ses premiers pas dans la littérature fantastico-horrifique, Alma Katsu tire magistralement son épingle du jeu. J’espère que Sonatine nous fera rapidement découvrir les deux autres romans du même genre de l’auteure.

Un cocktail audacieux entre western et horreur qui respecte les codes de ces deux genres tout en nous offrant une saveur unique.

[BOUQUINS] David Joy – Les Deux Visages Du Monde

Après quelques années passées à Atlanta, Toya Gardner, une jeune artiste afro-américaine, revient dans la petite ville des montagnes de Caroline du Nord d’où sa famille est originaire. Déterminée à dénoncer l’histoire esclavagiste de la région, elle ne tarde pas à s’y livrer à quelques actions d’éclat, provoquant de violentes tensions dans la communauté.

Au même moment, Ernie, un policier du comté, arrête un mystérieux voyageur qui se révèle être un suprémaciste blanc. Celui-ci a en sa possession un carnet dans lequel figurent les noms de notables de la région. Bien décidé à creuser l’affaire, Ernie se heurte à sa hiérarchie.

Quelques semaines plus tard, deux crimes viennent endeuiller la région. Chacun va alors devoir faire face à des secrets enfouis depuis trop longtemps, à des mensonges entretenus parfois depuis plusieurs générations.

Parce que le duo Sonatine / David Joy a déjà fait ses preuves, avant même d’ouvrir le roman on sait que c’est une lecture qui nous prendra aux tripes et nous remuera les méninges.

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Dans ce roman David Joy aborde de front les thèmes du racisme et des traditions, deux thématiques qui s’opposeront dans cette bourgade de Caroline du Nord en apparence si paisible. En effet pour certains la statue d’un soldat confédéré est une insulte et une ode au suprémacisme Blanc, pour d’autres ce n’est qu’un rappel historique sans aucune arrière-pensée.

Le meurtre brutal d’une jeune étudiante noire et l’agression d’un adjoint du sheriff va exacerber les tensions entre les communautés. S’il y a un racisme affiché et revendiqué dans les mots et dans les faits par certains, il en est un plus insidieux fait de mots anodins pour celui qui les prononce mais qui peuvent blesser celui qui les entend. Il est parfois plus facile d’adopter la politique de l’autruche plutôt que d’affronter la vérité en face, mais quoi qu’il en soit, ce n’est pas parce qu’on ne parle pas de quelque chose que cette chose n’existe pas.

Une fois de plus David Joy trouve les mots justes afin que les lecteurs puissent avoir les deux sons de cloche sans aucun parti pris de sa part (inutile, les faits parlent d’eux-mêmes). Il parvient avec intelligence à nous pousser à nous questionner sur ces réflexions qui ressemblent davantage à des clichés de péquenots incultes qu’à de véritables jugements de valeur ; je doute fort que nous soyons nombreux à ne pas être, au moins une fois, tombé dans le piège de ces raccourcis réducteurs.

Si l’auteur ne néglige pas son intrigue, il faut bien reconnaître que ce sont les échanges entre les différents personnages qui nous interpellent plus que les faits eux-mêmes. Des échanges souvent vifs au cours desquels certains semblent découvrir un fossé qu’ils préféraient ignorer.

L’intrigue à proprement parler va se tisser à travers les deux enquêtes, l’une pour meurtre, menée par l’inspectrice Leah Green, l’autre pour agression dirigée par le sheriff Coggins. Pour la seconde nul besoin d’être le fils illégitime d’Hercule Poirot et de Miss Marple pour deviner qui est à l’origine de l’attaque… mais encore faut-il parvenir à le faire tomber et à identifier ses nombreux complices. Le meurtre en revanche donnera plus de fil à retordre, c’est presque par manque de suspects que l’on viendra à s’interroger sur le véritable rôle d’un personnage.

Pour servir son intrigue David Joy va s’appuyer sur des personnages forts, certains seront d’emblée attachants (je pense aux trois générations de la famille Jones/Gardner, Vess, Dayna et Toya), d’autres méprisables au plus haut point (tels William Dean Cawthorn ou Ash Slade, qui représentent les deux faces d’une même pièce). N’allez surtout pas croire que l’auteur va jouer la carte de la facilité manichéenne, dans leur grande majorité les personnages ne sont ni tout noirs, ni tout blancs, mais plutôt en nuances (plus ou moins foncées) de gris.

Un roman noir qui vous prendra aux tripes et vous fera passer par un large panel d’émotions. Un sujet grave et plus que jamais d’actualité avec la réélection de Donald Trump, traité avec intelligence et beaucoup d’humanité.

[BOUQUINS] Tarn Richardson – Les Ressuscités

1917. Les temps n’ont jamais été plus sombres. La guerre déchire le continent européen. En Russie, les premiers brasiers de la révolution s’enflamment ; du côté de l’Ukraine, ce sont des flammes bien réelles qui dévorent les églises consacrées aux archanges. Et il semblerait que loups-garous et inquisiteurs déchus fassent concorde pour former une nouvelle armée. L’Apocalypse se profile. Le Vatican est dévoré à son tour par des luttes intestines. D’obscurs secrets dissimulés dans ses caves depuis la nuit des temps refont surface. Pire encore, les Prophétesses sont assaillies de visions annonçant l’ascension imminente de l’Antéchrist.

Une seule personne semble susceptible de s’opposer aux forces du mal qui triomphent de tous côtés : l’inquisiteur Poldek Tacit. Mais depuis sa disparition sur le plateau du Karst, deux ans auparavant, personne n’est parvenu à lui mettre la main dessus. Or les secondes deviennent précieuses, quand on approche la fin des temps.

C’te question, j’te jure ! Parce que c’est la conclusion de la trilogie La Main Noire, ultime Opportunité pour Poldek Tacit et ses amis de contrecarrer les plans maléfiques de leurs ennemis.

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

À la fin du précédent opus notre inquisiteur préféré était avalé par les eaux tumultueuses de l’Isonzo après une chute vertigineuse. Il n’y a pas dire, Poldek Tacit a un véritable don quand il s’agit de se retrouver dans des situations inconfortables.

Pas le temps de pleurer leur ami disparu pour Isabella, Henry et Sandrine. Le combat continue, plus âpre que jamais. Ne pouvant se battre que sur un front, c’est le cardinal et ses loups qu’ils traquent. Pendant ce temps la Main Noire étend inexorablement son emprise sur le Vatican.

Comme dans les précédents opus Tarn Richardson combine avec brio la grande Histoire (je salue au passage le formidable travail de documentation de l’auteur) et la fiction. Ainsi l’épidémie de grippe espagnole qui s’est abattue sur le monde en 1918 trouve ici une explication qui ne figure pas dans les livres d’Histoire. Soit dit en passant d’ailleurs que nos fameux manuels tendent à minimiser – voire à ignorer purement et simplement – le rôle pourtant décisif de cette épidémie dans la fin du conflit.

Ce troisième et dernier opus lève donc le voile sur l’identité de l’Antéchrist, au vu de la haute considération que j’ai pour les hommes d’église dans leur ensemble, je n’ai pas été surpris outre mesure par cette révélation. Compte tenu de la position de notre gugusse au sein du Vatican, il va sans dire que le Saint Siège va subir les affres d’un vent réformateur et corrupteur.

Pour livrer son ultime combat, Poldek Tacit apparaîtra plus torturé que jamais. Tiraillé entre son amour pour Isabella et sa « destinée » (ou plus exactement celle que d’autres ont choisi pour lui), il va devoir se battre contre ses démons intérieurs et ces voix qui le tourmentent. Par moments il en apparaîtrait presque fragile, mais ne vous fiez pas aux apparences : ça reste Poldek et le gars ne fait pas vraiment dans la dentelle quand il s’agit de régler un problème.

Une conclusion en apothéose pour une trilogie qui n’en méritait pas moins. De loin le tome le plus sombre de la série mais bon quand un Antéchrist est de la partie on ne peut pas vraiment s’attendre à autre chose. Ce n’est pas à grand renfort de Pater Noster ou d’Ave Maria qu’on va le renvoyer dans ses 22 mètres ! Un bon coup de latte dans les burnes est parfois plus persuasif qu’une giclée d’eau bénite dans la tronche.

Comme dans le précédent tome, au fil des pages les alliances se font et se défont, quitte à défier parfois l’ordre naturel (spirituel ?) des choses. Il faut toutefois bien reconnaître qu’il n’y a pas d’énormes révélations lors de cette ultime confrontation.

« Petite » nouveauté du présent opus, certains personnages vont être amenés à voyager hors des frontières européennes pour mener à bien leur plan.

Une trilogie plutôt audacieuse et originale qui tire bien son épingle du jeu malgré quelques longueurs et redondances. Pour ma part Tarn Richardson fait désormais partie des auteurs à suivre de près (son prochain titre devrait être une revisite de l’histoire de Jack L’Eventeur, titre temporaire : Ripped).

Pour info en version originale une nouvelle – préquelle de la trilogie –, The Hunted, est disponible à titre gratuit. Juste pour boucler la boucle ce serait sympa que Sonatine nous la mette aussi à disposition.

[BOUQUINS] Harry Grey – Il Était Une Fois En Amérique

New York, années 1920. Noodles traîne dans le Lower East Side avec sa bande : Patsy, Cockeye, Max et Dominick. Simples gamins des rues, ils gravissent peu à peu les échelons d’une mafia qui s’organise en Syndicat du crime. Leur temps est celui de la Prohibition, de l’opium et des gangsters juifs et italiens qui s’apprêtent à refaçonner à tout jamais le visage de l’Amérique.

Parce que je souhaitais découvrir le roman qui a inspiré Sergio Leone pour son ultime et cultissime film, Il Était Une Fois En Amérique sorti en 1984.

Je remercie chaleureusement les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Si je vous dis Il Était Une Fois En Amérique vous penserez certainement à l’inoubliable film de Sergio Leone avec Robert De Niro (David « Noodles » Aaronson), James Wood (Max Bercovicz), James Hayden (Patrick « Patsy » Goldberg) et William Forsythe (Philip « Cockeye » Stein) dans le rôle des quatre truands de l’East Side. Un incontournable parmi les grands films de gangsters.

Le film est une (très) libre adaptation de l’autobiographie romancée de Harry Grey, The Hoods, parue en 1952. Le bouquin aurait été écrit alors que l’auteur purgeait une peine de prison à Sing-Sing. Difficile, voire impossible, de faire la part entre la réalité brute, la réalité plus ou moins volontairement embellie et la fiction dans le récit de Noodles. Harry Grey ne pourra jamais éclairer notre lanterne, ce dernier est en effet décédé en octobre 1980.

Le bouquin s’ouvre sur une préface de Sergio Leone dans laquelle il expose les raisons qui l’ont poussé à réaliser Il Était Une Fois En Amérique, et notamment son attachement au personnage de David « Noodles » Aaronson.

Le récit à proprement parler débute un peu avant la Première Guerre Mondiale, Noodles et ses amis, Max, Patsy et Cockeye, sont des gamins issus de familles pauvres établies dans le Lower East Side. Ils rêvent de faire fortune, et pour eux la voie la plus évidente est celle du crime.

Quelques années plus tard, la Prohibition leur offrira un terrain de jeu à la hauteur de leurs ambitions. Peu à peu ils graviront les échelons du crime organisé jusqu’à se faire une place parmi les plus grands du Milieu.

La plume de Harry Grey nous plonge en totale immersion dans les États-Unis soumis à la Prohibition, c’est d’un réalisme bluffant malgré un style plutôt minimaliste (chapeau bas à la traductrice, Caroline Nicolas).

Le roman est avant tout l’histoire d’une amitié indéfectible entre nos quatre héros qui se connaissent depuis l’enfance et se sont fait la promesse de gravir les échelons ensemble. Nous les suivrons au rythme de petits larcins qui deviendront rapidement des braquages de plus en plus audacieux. Au sein de la Coalition (une organisation criminelle qui entend fédérer les différents gangs de New York), ils seront parfois amenés à se salir les mains dans des opérations plus expéditives et plus sanglantes.

L’auteur décortique avec précision les liens entre le crime organisé et les milieux d’apparence plus honorable (police, justice ou encore politique), corruption, manipulation, usage de faux, intimidation… tout y passe pour asseoir son pouvoir et s’assurer d’être quasiment intouchable en cas de pépin. On y découvre aussi l’implication du crime organisé dans la montée en force et l’organisation des syndicats, véritable contre-pouvoir des employeurs.

Bien que le récit soit censé se dérouler pour l’essentiel entre les années 20 et 30 et ait été écrit en 1952, l’attitude et les propos de Noodles et ses amis sur les femmes sont d’un machisme parfois à peine supportable. Dans le même ordre d’idée, je vais passer sous silence leur approche de l’homosexualité.

Globalement j’ai trouvé ce roman totalement addictif et bien construit. Une lecture qui aura eu pour effet secondaire de me donner l’envie de revoir la trilogie du temps de Sergio Leone – Il Était Une Fois Dans L’Ouest (1968), Il Était Une Fois La Révolution (1971) et Il Était Une Fois En Amérique (1984). Trois excellents films sublimés par les bandes originales d’Ennio Morricone.

[BOUQUINS] Tarn Richardson – Les Déchus

1915. Sur le front austro-hongrois, un jeune soldat surveillé par de mystérieux prêtres rejoint les troupes italiennes sur les hauteurs inquiétantes du Karst. Au même moment, au Vatican, la rumeur prétend que certains hauts dignitaires se sont livrés à des rituels sataniques et de la magie noire. Et le nombre de possessions démoniaques ne cesse d’augmenter. Un seul homme semble en mesure de régler la situation : l’Inquisiteur Poldek Tacit. Mais celui-ci est incarcéré à Toulouse. Et il n’a que peu de temps pour agir : déjà, les loups-garous errent dans les rues de Rome, plus dangereux que jamais.

Parce que c’est Sonatine, ceux et celles qui me lisent depuis déjà quelque temps savent que je signe les yeux fermés pour tout roman provenant de cette maison d’édition.

Parce que le premier opus, Les Maudits, m’avait fait forte impression. Il me tardait de retrouver Poldek Tacit, Isabella et les autres et d’en apprendre davantage sur la menace qui pèse sur le monde.

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

A la fin du précédent opus, Les Maudits, notre nouvel inquisiteur préféré, Poldek Tacit, se retrouvait dans une situation laissant peu d’espoir quant à son avenir. Situation dans laquelle il s’est lui-même engagé afin de protéger Isabella.

Quand on le retrouve au début du présent roman, on comprend effectivement que son séjour entre les mains des tortionnaires de l’Inquisition pourrait bien lui être fatal. Et pourtant, alors qu’un danger bien plus grand que le retour des loups-garous menace le monde, il semblerait que ce brave Tacit soit le seul à pouvoir enrayer le chaos en marche… Oui, mais non ! Parce que personne ne s’est jamais évadé des cachots de l’Inquisition, les prisonniers quittent la prison de Toulouse les pieds devant et après avoir subi bien des tourments.

Avec ce second opus, Tarn Richardson rebat les cartes de son intrigue, les loups ne constituent plus la plus grosse menace pour l’humanité. Au contraire, Sandrine et Henry vont même s’allier à Isabella pour contrecarrer le plan de la Main Noire (rien à voir avec la Mano Negra, le groupe de rock alternatif français).

La fameuse Main Noire est un groupe de satanistes qui préparent activement le retour de l’Antéchrist (rien que ça ! ils n’y vont pas de main morte). Mais avant le grand avènement de Satan, il faut d’abord invoquer les sept princes des enfers… et justement, les tueries liées au conflit mondial qui fait rage pourraient bien offrir le cadre idéal pour accomplir ce rituel maléfique.

Et pendant ce temps-là, au Vatican, les cardinaux restent fidèles à eux-mêmes. Ça complote à tout-va, certains préféreront tirer dans les pattes de leurs pairs, d’autres se voileront la face et d’autres se pisseront dessus sans pour autant se sortir les doigts du cul. Un vrai panier de crabes vérolés !

Les loups seront bel et bien de la partie, si les intentions de ceux menés par Sandrine sont claires (ce qui ne les empêche pas d’être du genre plutôt expéditif lors de leurs raids), il n’en va pas de même de celles d’un second meneur dont je tairais le nom, longtemps son objectif restera trouble.

Pour le reste Tarn Richardson reprend les ingrédients qui ont fait le succès du premier opus. Un rythme d’enfer servi par des chapitres courts, de la castagne à tout-va, des cadavres à la pelle, conséquence directe de mises à mort aussi brutales que sanglantes. Pour autant l’auteur ne surjoue pas avec ses effets, les événements s’intègrent parfaitement à l’intrigue pour donner un tout cohérent.

Au niveau historique, il situe une grande partie de son récit sur un front oublié de la Première Guerre mondiale, direction la Slovénie, sur le front de l’Isonzo et la bataille du Karst. Les armées italiennes et austro-hongroises vont se livrer une guerre impitoyable sur un terrain des plus inhospitalier.

Que vous dire de plus ? Pas grand-chose, sinon qu’il me tarde d’être au mois d’avril afin de découvrir Les Ressuscités, troisième et dernier tome de la série. Force est de reconnaitre qu’en refermant ce second tome, de nombreuses questions restent sans réponses et l’incertitude plane sur le sort de certains personnages.

[BOUQUINS] Adam Cesare – Frendo Est Vivant

Sortie tout juste indemne de l’enfer de Kettle Springs, où elle a échappé aux velléités homicides d’un clown démoniaque, Quinn peut enfin reprendre une vie normale en allant poursuivre ses études à l’université. Mais le répit est de courte durée. Un soir, lors d’une fête étudiante, un clown fait irruption pour s’attaquer à la jeune fille. Au même moment, un autre clown s’en prend à son père, resté à Kettle Springs.

Quinn décide alors de retourner au milieu des champs de maïs, là où tout a commencé. Drôle de décision quand on sait l’horreur qui l’attend là-bas…

Sonatine + Adam Cesare + Frendo = BINGO !!!

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Dans l’un des films de la saga Scream, l’un des personnages, lors d’une énième discussion autour des films d’horreur (qui est quand même la thématique récurrente de la série), affirme qu’au cinéma les suites sont toujours moins réussies que le premier film. Globalement j’aurai tendance à partager son avis, du simple fait déjà que l’effet de surprise n’est plus au rendez-vous.

Adam Cesare évite partiellement l’écueil du déjà-vu en ancrant encore davantage son slasher dans l’univers 2.0. Au lieu de se contenter d’un retour de la vengeance d’Arthur Hill, l’auteur surfe sur les travers de ses contemporains et des réseaux sociaux. Course au sensationnalisme, business à tout prix, négationnisme et complotisme vont donc s’inviter dans les champs de maïs de Kettle Springs.

L’auteur (sur)exploite parfaitement la notion politique de l’« idiot utile » pour construire son intrigue. Un des personnages expliquera d’ailleurs ce concept à Quinn, sans réaliser qu’il en est un lui-même.

Comme dans le premier opus, l’auteur prend le temps de poser le retour à une vie presque normale des rescapés de Kettle Spring. Les blessures psychologiques et physiques ne sont pas encore totalement refermées un an après la tuerie. Pas évident aussi quand sur Internet les théories complotistes fleurissent, faisant de Quinn, Cole et Rust, les véritables instigateurs du massacre.

Au niveau des nouveaux personnages, Adam Cesare s’attarde surtout sur la jeune Jerri, et c’est plutôt une bonne chose, car on s’attache rapidement à cette gamine un peu paumée. Deux autres nouvelles têtes joueront un rôle important dans le déroulé du récit, la shérif Marta Lee, chef de la police de Kettle Springs et Izzy Reyes, propriétaire du cinéma et petite amie de Glenn Maybrook.

Mais que les fans d’horreur et d’hémoglobine se rassurent, les choses vont rapidement déraper et échapper à tout contrôle. Les morts violentes et sanguinolentes ne tarderont pas à faire partie intégrante du décor… Je n’irai pas jusqu’à dire que ce retour de Frendo est plus soft que son aîné, mais il est incontestablement moins gore.

Si les codes du slasher sont respectés et que l’intrigue est globalement bien ficelée, j’avoue toutefois avoir été moins emballé par cette suite. Sans doute à cause de l’inévitable sentiment de déjà-vu, mais aussi par le fait que j’ai trouvé le déroulé des événements beaucoup trop improbable. C’est juste too much pour être crédible.

 Le côté divertissement horrifique est certes assuré mais je n’ai pas retrouvé ce clin d’œil au cinéma d’horreur qui était pourtant la griffe du premier opus. Cela ajouté au côté un tantinet surjoué de l’intrigue fait que cette suite m’a moins emballé. Elle aura toutefois eu le mérite de clore définitivement un des volets de l’intrigue.

[BOUQUINS] Julia Bartz – La Reine Du Noir

Pour beaucoup de lectrices, Roza Vallo est une romancière de génie, et peut-être plus encore, une sorte de gourou. Grâce à elle et à son livre La Langue du démon, nombre de jeunes filles et de femmes ont cessé de se considérer comme de petites créatures fragiles pour explorer leur côté sombre, pulsionnel, sexuel. Aussi, quand la grande prêtresse du roman d’horreur féministe décide d’offrir à cinq d’entre elles un séminaire d’écriture dans son manoir de Blackbriar, isolé au milieu des monts Adirondacks, les candidatures affluent.

Peu importe que Vallo soit une figure controversée et que l’endroit traîne une sinistre réputation. Lorsqu’elle est sélectionnée, Alex, une jeune autrice, y voit la chance de sa vie. Mais quand Roza Vallo décide d’instaurer une compétition acharnée, les tensions sont rapidement exacerbées entre les concurrentes. Jusqu’au jour où l’une d’entre elles disparaît…

Parce que c’est Sonatine et l’opportunité de découvrir une nouvelle auteure.

Si la couv’ a immédiatement su capter mon attention, c’est la promesse d’un « huis clos haletant, gothique et féministe » qui aura été l’élément déclencheur à l’acquisition de ce roman.

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Commençons par ce qui fâche : la quatrième de couverture. À la fois mensongère (il n’y a pas vraiment de tensions entre les concurrentes, au contraire, elles sont plutôt solidaires dans le défi qui leur est imposé) et beaucoup trop bavarde (la disparition d’une candidate ne survient que dans la deuxième moitié du roman).

Heureusement cette maladresse est partiellement compensée pour une couv’ que je trouve superbe. Le ton est donné avant même d’ouvrir le bouquin.

Le mal étant fait, le roman se divise donc en deux parties. Dans la première on fait connaissance avec les cinq participantes à la retraite littéraire organisée par Roza Vallo. On voit leurs relations évoluer tandis qu’elles se plient aux règles draconiennes imposées par la maîtresse de cérémonie. Un huis clos littéraire plutôt paisible même si l’on peut s’interroger sur le comportement et les intentions de Roza Vallo.

C’est au lendemain d’une soirée particulièrement agitée que tout ce petit monde va s’apercevoir qu’une des participantes manque à l’appel. Et ce n’est que le début d’une descente aux enfers vertigineuse. Clairement, l’ambiance et le rythme de l’intrigue changent du tout au tout. On entre alors effectivement dans la phase huis clos haletant, et ce jusqu’à son dénouement.

Les personnages peuvent se diviser en deux groupes, avec les habitants du domaine (Roza Vallo, la cuisinière et la gouvernante) d’un côté, et les participantes à cette fameuse retraite littéraire (par ordre d’apparition : Alex, Poppy, Taylor, Keira et Wren) de l’autre. Sans vouloir en dire trop, là encore ne tenez rien pour acquit, les cartes pourraient être rebattues, et pas qu’une fois… Là encore la promesse féministe est tenue, avec parfois le côté revendicatif du terme.

Le domaine de Blackbriar pourrait presque faire office de personnage à part entière, coupé du monde (c’est encore plus vrai au cœur de l’hiver) et au passé douloureux (les précédents propriétaires ont été retrouvés morts sans que la lumière ait été totalement faite sur ce drame… juste une version officielle bancale à plus d’un titre). C’est justement le domaine et son histoire qui apportent la touche gothique.

La promesse d’un huis clos haletant et oppressant est donc largement tenue. Cerise sur le gâteau, bien souvent indissociable d’un bon huis clos, la dimension psychologique est parfaitement maîtrisée. La tension monte crescendo jusqu’à pousser les personnages (et accessoirement les lecteurs) dans leurs ultimes retranchements.

Le récit est rédigé à la première personne, c’est Alex qui nous fait vivre le déroulé des événements. Si son côté Caliméro m’a parfois agacé (surtout dans la première partie du roman), je reconnais que la construction est bien ficelée, on est en totale immersion au cœur de l’intrigue.

Pour un premier roman, Julia Bartz réussit à imposer sa griffe dans l’univers du noir. Certes on pourrait lui reprocher quelques invraisemblances, mais elles sont rapidement emportées par le déroulé de l’intrigue.

Attention, Madame Bartz, je ne serai pas aussi conciliant avec vos prochains romans…

[BOUQUINS] Gretchen Felker-Martin – Chasse À L’Homme

Une épidémie a transformé les êtres humains à haut niveau de testostérone en des créatures uniquement mues par leurs besoins les plus primaires : se nourrir, violer, tuer. Tous les individus masculins sont ainsi devenus de dangereux zombies.

Beth et Fran, deux femmes trans, sont chasseuses d’hommes : elles ont en effet besoin d’absorber les œstrogènes contenus dans leurs testicules pour éviter la contagion.

Bientôt, elles vont devoir affronter des ennemis plus impitoyables encore : une armée de féministes radicales, qui haïssent les femmes trans encore davantage que les hommes.

Parce que c’est Sonatine, ce qui pourrait une raison suffisante. Mais pas que…

Impossible de rester de marbre face à cette couille couv’. Mais encore…

Il faut bien répondre à la question en accroche de la quatrième de couv’ : « Le roman le plus dérangeant de l’année ? »

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Commençons par le commencement avant de reprendre depuis le début. Dérangeant ? Oui et non. Oui pour la thématique de la transsexualité et la question du genre, une question qui bien souvent pousse l’individu lambda à faire la politique de l’autruche : « Ça ne me concerne pas, alors je m’en fous ! ». Mais ceux-là ne sont pas les plus dangereux, les pires sont les tenants de la « bien-pensance » qui prônent une tolérance absolue jusqu’à ce qu’ils soient directement confrontés à la question et retournent leur veste de façon radicale.

Pour ma part je revendique mon statut d’individu genré et racisé : je suis un homme blanc hétérosexuel et j’en suis fier. Ce n’est pas pour autant que je ferme ma porte (et mon esprit) aux autres, du moment qu’ils respectent mon identité autant que je respecte la leur.

Pour être tout à fait franc, ce qui m’a le plus dérangé dans ce bouquin est le recours à l’écriture inclusive. Certes ça sert le propos de l’auteure et ça peut même se comprendre, mais il n’en reste pas moins que ça pique méchamment les yeux… avec le temps qu’il faut pour avoir un rencart chez un ophtalmo, c’est sadique comme démarche.

Dérangeant sur la forme ? Non, il faut plus que ça pour m’empêcher de dormir ou me choquer. Il n’en reste pas moins que c’est un bouquin à réserver à un « public averti ». C’est trash, cru et explicite ; qu’il s’agisse de décrire la violence où la sexualité, l’auteur n’y va pas par quatre chemins.

Revenons au début donc. Tout commence par une épidémie baptisée T. Rex – juste avec le nom, tu devines que ça ne va pas une être simple grippe. Kezaco exactement ? Je laisse la parole à Gretchen Felker-Martin pour un point épidémiologique :

Sympathique, non ?

Pour les quelques hommes épargnés par le virus, la protection passe par la consommation massive d’œstrogènes. Et la meilleure source d’œstrogènes se trouve être les coucougnettes de ces mâles mutants… sauf qu’ils ne se laisseront pas castrer sans opposer une vive résistance.

C’est ainsi que l’on fait connaissance avec Beth et Fran, des transsexuelles, chasseuses d’hommes et préleveuses de couilles. Deux amies réunies par la nécessité de survivre au caractère diamétralement opposé, alors que Fran laisse libre cours à son côté féminin, Beth apparaît plus rugueuse, brute de décoffrage.

Dans ce monde de demain pas très accueillant, un danger pire que les nouveaux mâles guette les survivant(e)s transgenres. Les TERF, des milices de femmes qui vouent une haine farouche aux trans. Pour elles il n’y a pas à tortiller du cul, un bon trans est un trans mort.

Voilà pour ce qui est de poser le décor de ce roman post-apocalyptique qui ne ressemble à nul autre. Un pari audacieux de la part de Gretchen Felker-Martin (qui est américaine comme vous l’aurez certainement deviné) pour un premier roman… ça passe ou ça casse, selon les lecteurs.

J’ai la chance d’appartenir à la première catégorie, même si je suis bien loin de considérer ce bouquin comme une œuvre majeure du genre. J’ai aimé le côté très glauque – presque poisseux – qui se dégage du roman et un style à l’image du décor…

Le fait de ne n’avoir éprouvé de réelle empathie pour aucun des personnages ne m’a pas dérangé outre mesure ; je me suis davantage positionné en tant que lecteur / spectateur de l’intrigue plutôt que de lecteur / acteur.

Outre nos deux chasseuses de couilles sur pattes, vous ferez aussi la connaissance du Dr Indi Varma qui, en plus de réparer les petits et gros bobos de sa communauté, synthétise les œstrogènes. Chez les TERF c’est le personnage de Ramona Pierce qui est de loin le plus intéressant du fait de ses contradictions entre son devoir et ses sentiments.

À aucun moment je n’ai eu envie d’abandonner ma lecture, au contraire, chapitre après chapitre, rebondissement après rebondissement, il me tardait de savoir comment allait se terminer cette foire d’empoigne version XXL.

Je ne chercherai pas à convaincre ceux et celles qui seraient réticents à l’idée de se lancer dans ce bouquin, c’est vrai que cela reste une lecture très spéciale. Peut-être que moi-même, dans un autre état d’esprit, j’aurai pu avoir un ressenti totalement différent… Allez savoir, avec les OLNI (Objets Littéraires Non Identifiés) tout est possible.

[BOUQUINS] Tarn Richardson – Les Maudits

Arras, 1914. Sur la ligne de front, le lieutenant Henry Frost donne l’assaut. À sa grande surprise, sa troupe ne rencontre aucune résistance. Dans la tranchée adverse, les soldats allemands ont été tués, leurs corps atrocement déchiquetés.

Au même moment, le père Andreas est retrouvé sauvagement assassiné dans la cathédrale. Le Vatican décide d’envoyer l’inquisiteur Poldek Tacit. Sa mission : protéger l’Église de ceux qui cherchent à lui nuire. À n’importe quel prix.

Parce que c’est Sonatine et que ce titre est le second avec lequel la maison d’édition ouvre ses portes à une collection horreur d’une apparence kitsch délicieusement trompeuse.

Je remercie chaleureusement les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Et si je vous disais que, alors que la Grande Guerre embrasait l’Europe, les soldats des fronts britanniques et allemands étaient décimés par des hordes de loups-garous ? Je suppose que vous me regarderiez légèrement de travers… mais ce n’est pas tout, pour éradiquer ces méchantes bestioles, le Vatican envoie sur place un inquisiteur impitoyable. Cette fois pas de doutes, j’ai une araignée au plafond ! Il faut appeler les hommes en blanc !!!

Et si je vous disais que derrière un scénario aux allures de grand portnawak digne d’un film de série Z des années 70, se cachait une intrigue bien plus profonde que ne le laissent présager les apparences. Et si en plus les personnages avaient une réelle profondeur. Ça semble fortement improbable, et pourtant, Tarn Richardson l’a fait !

L’auteur situe le cœur de son intrigue sur le front nord de la France, à Arras et ses environs pour être précis. Les troupes britanniques et allemandes se font face, embourbées dans leurs tranchées, subissant tour à tour bombardements et assauts. Un face à face qui va prendre une toute autre toute tournure quand une troisième force va s’inviter dans ce jeu de massacre… Et en la matière le les loups-garous sont experts, teutons ou britishs c’est du pareil au même, juste de la barbaque sur pattes.

D’emblée le personnage de Poldek Tacit, l’inquisiteur, vous apparaîtra comme détestable à tout point de vue. Au fil des chapitres des flashbacks permettent de revivre son parcours personnel et professionnel, un parcours pour le moins éprouvant. Je n’irai pas jusqu’à dire que l’on en arrive à l’apprécier et à le comprendre, mais ça temporise tout de même notre première impression.

Je reste intimement convaincu que Tacit s’est fait enfumer (pour être poli) par l’Église concernant le drame ultime qui a forgé son personnage froid, violent et implacable – à confirmer par la suite. C’est dans l’alcool qu’il trouvera son refuge, boire pour oublier et ne jamais oublier de boire.

Il faut dire que l’Église catholique et le Vatican n’ont pas vraiment le beau rôle dans le roman de Tarn Richardson. Un vrai nid de frelons asiatiques ! J’avoue sans complexe que j’ai pris un réel plaisir à découvrir leurs magouilles, conspirations, manipulations et autres coups bas. Une approche qui permet à Tarn Richardson de revisiter l’origine des loups-garous, et force est de reconnaître que cela colle parfaitement à son intrigue.

Dans son combat contre les loups-garous de Fampoux, Tacit pourra compter sur une alliée de poids en la personne de sœur Isabella, une religieuse pour le moins atypique initialement mandatée pour enquêter – à charge – sur l’inquisiteur.

Parmi les autres personnages phares de l’intrigue, on peut citer le lieutenant Henry Frost, un officier britannique engagé sur le front d’Arras, ainsi que la mystérieuse et irrésistible Sandrine Prideux.

Les amateurs d’hémoglobine y trouveront aussi leur compte, les loups-garous ne faisant pas vraiment dans la dentelle quand ils décident de se faire un gueuleton entre potes. Toutefois le gore est bien dosé, inutile d’en faire des tonnes pour appuyer son propos.

Les Maudits est le premier opus d’une trilogie (The Darkest Hand en VO), le second opus est d’ores et déjà annoncé par Sonatine pour le mois d’octobre ; c’est avec grand plaisir que je répondrai présent à l’appel des loups.

Je note que les démons semblent faire une fixette sur les MILF adeptes de fellations infernales. Si vous avez vu ou lu L’Exorciste, vous n’avez certainement pas oublié la scène dans laquelle l’entité démoniaque lance au père Karras, venu exorciser Regan, que sa « mère suce des bites en enfer ». Notre cher inquisiteur Tacit, au cours d’un exorcisme particulièrement éprouvant, apprendra que sa défunte mère est elle aussi une fervente pratiquante de cette activité peu commune.  Le monde des enfers est petit…