[BOUQUINS] Jacques Saussey – Invisible

Le terrain de jeu de ce tueur en série ? Les autoroutes…

L’appel radio a mentionné le cadavre d’une femme retrouvé sur une aire de l’autoroute 43, près d’Albertville. « Un truc de malade », a précisé le militaire de liaison.

Alice Pernelle, fraîchement sortie de l’école de gendarmerie, est la première à arriver sur les lieux avec sa brigade. Face à elle, la victime est nue, à genoux, les bras ballants. Empalée. Ses yeux grands ouverts ne voient que le vide.

Alors que, sous le choc, la militaire recule d’un pas, Loulou, lui, est déjà loin au volant de son camion. Ce soir, il passera la frontière allemande. Mais avant il rachètera des sacs poubelles, des gants Mapa et un bidon d’eau de Javel.

Pour la prochaine fois.

Parce que c’est Jacques Saussey, une valeur sure de la scène noire française.

Parce qu’il nous permet de retrouver Alice Pernelle que nous avions rencontré dans le roman Ce Qu’Il Faut De Haine.

Ah, mais elle en fait du chemin, la jeune Alice Pernelle ! Depuis Ce Qu’Il Faut De Haine, elle poursuit sa route avec détermination et fait désormais ses premiers pas à la gendarmerie d’Albertville. Et pour inaugurer cette nouvelle étape de sa carrière, elle se retrouve plongée dans une affaire d’une noirceur absolue : une jeune femme a été assassinée et son corps exposé dans une mise en scène d’une macabre précision.

Sur cette aire d’autoroute très fréquentée, aucun indice exploitable. Rien. Le vide total. Pourtant, Alice est convaincue d’avoir affaire à un tueur expérimenté. Un meurtrier qui n’en est pas à son premier forfait. Mais les fichiers restent muets, aucune scène similaire ne remonte à la surface.

La gendarmerie d’Albertville n’a toutefois pas le temps de se focaliser sur cette affaire : une nouvelle intervention, sans lien apparent avec la précédente, vient frapper l’équipe en plein cœur. Un événement qui bouleversera profondément Alice et l’obligera à repenser son rapport au métier, à la douleur, et à ses propres limites.

Comme si cela ne suffisait pas, un braquage vient bientôt s’ajouter au chaos ambiant. Trois affaires, sans connexion visible… du moins en apparence. Pendant ce temps, de son côté, le tueur en série surnommé Loulou poursuit son périple meurtrier à travers l’Europe.

Jacques Saussey adopte une construction alternée : un chapitre avec Alice, un chapitre avec Loulou. Le procédé fonctionne à merveille. Fidèle à son style, l’auteur privilégie des chapitres courts, un rythme tendu et une écriture sans fioritures. On avance vite, on respire peu, et on se laisse happer par cette mécanique parfaitement huilée.

Loulou, quant à lui, est un tueur d’un genre nouveau. Un personnage à la fois malsain, imprévisible et d’une imagination glaçante. Non seulement il arpente l’Europe au gré de ses tournées de livraison, mais il change de mode opératoire à chaque meurtre, rendant toute piste presque impossible à tracer. Certaines scènes donnent littéralement des frissons, notamment celle de Bregenz, en Autriche, dont la cruauté et la mise en scène sont particulièrement marquantes. Saussey n’y va pas de main morte : c’est sombre, violent, mais jamais gratuit.

Face à un tueur aussi insaisissable, le lecteur se retrouve à partager les mêmes questions que les gendarmes : comment identifier un fil conducteur entre ces crimes qui n’ont rien en commun ? Comment trouver la faille qui permettra d’identifier Loulou, puis de l’arrêter ? Heureusement, Alice, tenace et intuitive, n’est pas du genre à lâcher l’affaire, quitte à agacer au passage quelques collègues plus prudents qu’elle.

Quant aux deux autres enquêtes, le lecteur en découvre peu à peu les enjeux, les pièges et les ramifications au même rythme que les enquêteurs. Là encore, Alice devra s’investir corps et âme, parfois à ses dépens.

Finalement, Invisible est un thriller mené tambour battant, porté par des personnages très incarnés – même les rôles secondaires bénéficient d’une attention particulière. À ce titre j’ai eu un gros coup de cœur pour Angelina Castel, une étudiante en criminologie qui viendra aider Alice.

Jacques Saussey démontre une nouvelle fois sa maîtrise du genre et signe un roman efficace, sombre et parfaitement construit.

Je ne sais pas encore ce que l’auteur réserve pour la suite, mais pour ma part, je signerais volontiers pour retrouver Alice Pernelle dans de futures enquêtes.

[BOUQUINS] Maxime Chattam – 8,2 Secondes

8,2 secondes :
C’est le temps qu’il faut pour tomber amoureux.
C’est le temps qu’il faut pour mourir.

May et Constance ne se connaissent pas. Mais un même secret les relie. Et les menace.

Le seul nom de Maxime Chattam justifie mon choix, même s’il y a du bon et du moins bon ça demeure un auteur qui a toute ma confiance.

Avec son nouveau roman, Maxime Chattam nous entraîne dans une intrigue à deux voix, deux trajectoires parallèles mais entièrement féminines, qui finissent par se répondre bien plus intimement qu’on ne l’imagine de prime abord.

D’un côté, il y a Constance, scénariste meurtrie qui choisit de se retirer – ou plutôt de s’exiler – avec son chien dans le chalet familial isolé au cœur d’une forêt proche de la frontière canadienne. Elle vient de perdre brutalement son mari et son fils. Cet isolement forcé devient alors le lieu d’une profonde introspection avec la seule question qui lui reste : veut-elle encore vivre ? Peut-elle seulement continuer ? Dans l’immensité silencieuse de la nature, Maxime Chattam explore avec elle les thèmes universels du deuil, de la culpabilité, de la solitude, mais aussi de ces secrets enfouis qui resurgissent quand tout vacille.

De l’autre, il y a May, jeune enquêtrice du NYPD déterminée à faire ses preuves dans un univers où chaque faux pas peut coûter sa carrière. Elle se retrouve presque malgré elle lancée dans la traque d’un tueur en série. Au détour d’une enquête de routine, elle croise la route de Jack Tettler, un homme qui va bouleverser son existence bien au-delà de ce qu’elle aurait pu imaginer.

Si les chapitres consacrés à May sont plus rythmés, portés par l’adrénaline et l’urgence, ils n’en dévoilent pas moins une dimension plus intime centrée sur un thème profondément humain : l’amour. Un amour dans tout ce qu’il peut offrir de plus lumineux — complicité, désir, force des sentiments — mais aussi de plus corrosif – mensonge, manipulation, trahison.

Cette place donnée à l’introspection, plus marquée que dans de précédents romans de l’auteur, peut surprendre. Elle ne doit pourtant rien au hasard : 8,2 Secondes est dédié à un proche ami de l’auteur, disparu brutalement l’année dernière. Le roman porte clairement la trace de ce deuil, de cette nécessité d’écrire pour comprendre et pour rendre hommage.

Et malgré cette profondeur émotionnelle, ou peut-être grâce à elle, la double intrigue est captivante du début à la fin. Le lecteur croit assez vite comprendre le lien entre Constance et May… jusqu’à ce que l’auteur lui assène un premier coup de massue qui rebat toutes les cartes. Et comme si cela ne suffisait pas, un second retournement vient achever de nous laisser groggy, éclairant l’ensemble du roman d’une lumière totalement nouvelle.

Vous l’aurez compris : j’ai été totalement conquis par ce cru 2025 de notre Maxou. Un roman sensible, maîtrisé, surprenant, qui prouve qu’un thriller peut aussi être un magnifique terrain d’exploration humaine.

[BOUQUINS] Valentin Musso – Voici Demain

Chloé et Paul vivent dans une ferme isolée, au pied des Pyrénées. Ils partagent leur quotidien avec Mathieu, qui enseigne à Paul différentes techniques de chasse et de survie. Le trio a renoncé à tout confort moderne et s’est coupé du monde pour se rapprocher de la nature.

Mais la réalité ne va pas tarder à se rappeler à eux quand l’impensable se produit, plongeant le pays dans la panique. Dans cet environnement devenu hostile, le moindre événement peut avoir des conséquences dramatiques. Une mauvaise chute, un animal sauvage qui rôde, l’irruption d’un inconnu…

La vie déjà précaire de Chloé, Paul et Mathieu vacille. Pourtant, leur cauchemar ne fait que commencer : ils sont loin de se douter du véritable danger qui les guette.

Parce que ça faisait déjà un moment que j’avais envie de découvrir l’univers littéraire de Valentin Musso, le petit frère de Guillaume.

A en croire la quatrième de couv’, ce dernier roman l’éloigne de son genre de prédilection qui reste le polar / thriller.

Dès les premières pages, Valentin Musso veut imposer une atmosphère anxiogène et oppressante. Le lecteur se retrouve plongé dans un huis clos, au cœur d’une ferme isolée, perdue dans les bois, où vivent un homme et une femme dont on ignore presque tout. Le monde extérieur semble avoir été ravagé par un mystérieux mal.

De prime abord, tous les ingrédients de la dystopie classique semblent réunis : isolement, menace invisible, perte de repères, et un climat de peur diffuse. Pourtant, à mesure que le récit avance, ce cadre se fissure. Valentin Musso cultive un peu trop l’ambiguïté, sème le doute, et l’on en vient à se demander si ce que l’on perçoit est bien réel. J’ai rapidement eu la certitude qu’il y avait anguille sous roche, que l’auteur jouait volontairement avec les codes du genre pour mieux nous égarer.

Et il faut reconnaître que le pari est réussi. Valentin Musso parvient à surprendre à plusieurs reprises, notamment à la fin de la première partie, lorsque se révèle le véritable lien qui unit Paul et Chloé. Puis, à la fin de la seconde partie, une autre révélation bouleverse notre perception de l’histoire et redéfinit tout ce que nous pensions avoir compris. Même en se doutant que l’auteur prépare un twist, on se fait balader.

Pendant une grande partie du roman, les personnages de Paul et Chloé demeurent énigmatiques. Cette distance crée d’abord une légère frustration, quand les pièces du puzzle finissent par s’emboîter, leurs comportements et leurs réactions prennent enfin sens.

Il serait tentant d’aborder d’autres aspects du roman, mais ce serait trahir le choix de Valentin Musso, qui préfère laisser dans l’ombre certaines zones jusqu’au moment qu’il juge opportun. Ne souhaitant pas spoiler, je resterai donc dans une approche très générale du roman.

Sur le plan formel, la construction narrative est particulièrement maîtrisée. L’auteur alterne les points de vue et les styles : un récit à la troisième personne se mêle à des passages à la première personne, où Paul et Chloé prennent tour à tour la parole. Cette alternance fluidifie le récit, renforce l’immersion émotionnelle et offre une compréhension plus fine de leurs tourments intérieurs. Le résultat est d’une grande cohérence, à la fois sur le plan psychologique et narratif.

Nul doute que je poursuivrai ma découverte de ses romans : Valentin Musso s’impose comme une voix singulière dans le paysage du thriller français, différente de celle de son frère Guillaume, mais tout aussi efficace quand il s’agit de tenir le lecteur en haleine.

[BOUQUINS] Frédéric Lepage – Plus Fort Que La Nuit

En arrivant à New York, Lana Harpending, cavalière hors pair et nouvelle recrue de la police montée, ne s’attendait pas à tomber doublement amoureuse.

D’abord, de son camarade de patrouille, Paul, qui va se retrouver au centre d’une affaire criminelle effroyable. Mais aussi du cheval qui lui est attribué, un appaloosa nommé Éridan, caractériel selon la rumeur, et dont elle parvient peu à peu à gagner la confiance.

Bientôt, un secret terrifiant vient se glisser entre Lana et son cheval. Un secret qui, dévoilé, pourrait entraîner la mort d’Éridan.

Alors, elle va faire un pari fou, et tenter l’impensable.

Parce que c’est Taurnada, un de leurs nombreux titres en retard figurant dans mon Stock à Lire Numérique.

L’occasion aussi de découvrir un auteur que je ne connaissais pas.

Je remercie chaleureusement les éditions Taurnada ainsi que la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée. Une fois encore, je m’excuse pour le retard de ce retour de lecture, partiellement indépendant de ma volonté.

Le roman débute comme un polar classique : une scène de crime bien glauque, un binôme d’enquêteurs aux personnalités diamétralement opposées et une enquête qui s’annonce difficile.

Très vite, Frédéric Lepage nous entraîne sur un autre terrain, celui de la relation entre Lana, jeune cavalière talentueuse tout juste intégrée à la police montée de New York, et Éridan, son cheval appaloosa au caractère bien trempé.

Cette relation fusionnelle entre la cavalière et sa monture constitue le cœur du roman. Elle est décrite avec beaucoup de justesse et d’émotion. Ces passages comptent parmi les plus réussis du livre, tant ils sont empreints de sensibilité et de vérité. On assiste à l’évolution du lien entre la cavalière et le cheval, la méfiance initiale d’Éridan fait place à une forme de résignation, avant qu’une réelle complicité ne s’installe et que la relation devienne fusionnelle… pour ne pas dire vitale.

Le revers de la médaille, c’est que l’intrigue policière se retrouve reléguée au second plan pendant une bonne partie du récit.

Il faut attendre la seconde moitié du roman pour que le polar reprenne ses droits et que les deux affaires de meurtre trouvent enfin un point de convergence. Les enquêteurs s’enfoncent alors dans un enchevêtrement de pistes aussi multiples que déroutantes, jusqu’à une conclusion efficace, qui parvient heureusement à redonner de la vigueur à l’ensemble.

En revanche, les passages romantiques consacrés à Lana m’ont nettement moins convaincu. C’est insipide et dégoulinant de guimauve. Par moments, on se croirait plongé dans un roman Harlequin ! Ces scènes donnent des frissons… mais pas dans le bon sens du terme.

Sur le plan stylistique, Frédéric Lepage a parfois tendance à s’égarer dans de longues descriptions – voire digressions – alternant entre des envolées lyriques et un vocabulaire parfois abscons. Cela vient alourdir inutilement le texte et casser le rythme. L’intrigue avance alors au pas tranquille d’un vieux poney rhumatisant, plutôt qu’au galop d’un pur-sang. Une fois encore ce n’est pas vraiment ce qu’on attend d’un polar.

L’un des points forts du roman réside toutefois dans la construction des personnages. Tous bénéficient d’un soin particulier : les personnalités sont bien dessinées, les interactions crédibles. Certains suscitent immédiatement l’empathie – Rosa, la maréchale-ferrante, Garance, la colocataire bienveillante, Ken, l’ancien collègue de la Crim’, ou même Lana, malgré ses égarements sentimentaux dignes d’une adolescente en pleine crise hormonale. D’autres, en revanche, se révèlent immédiatement antipathique – Manfred Stohr, le superviseur de la brigade, décroche sans conteste la palme du personnage le plus détestable.

Enfin, impossible de ne pas mentionner la place des animaux, véritable fil rouge du roman. Qu’il s’agisse d’Éridan, ce cheval aussi fier que fragile, ou des autres montures de la brigade, chacun possède une identité propre. Et puis il y a Einstein, le chien — irrésistible, touchant, et immédiatement attachant. Un vrai coup de cœur !

En conclusion, Plus Fort Que La Nuit est une lecture plutôt agréable, servie par des personnages bien construits et une belle sensibilité autour du lien humain-animal. Mais j’en ressors avec un sentiment mitigé : si le versant policier avait été davantage développé et le style plus épuré, mon ressenti aurait été bien plus enthousiaste.

[BOUQUINS] Olivier Norek & Fred Pontarolo – Impact

Nous avons vécu en harmonie avec la nature.
Puis nous l’avons domestiquée, pour ensuite l’exploiter et enfin l’épuiser.
Nous détruisons notre planète, une blessure après l’autre.
Aujourd’hui, nous allons subir sa colère.

En 2020, la parution du roman Impact d’Olivier Norek avait laissé peu de lecteurs indifférents. Qu’on l’ait adoré ou rejeté, le livre faisait partie de ces textes qui marquent durablement les esprits, tant par son propos que par sa force émotionnelle.

C’est donc avec une curiosité teintée d’appréhension que j’ai abordé son adaptation en roman graphique. Par définition, ce type de transposition implique des coupes franches : certains éléments du background des personnages disparaissent, les passages documentaires sont condensés, et tout repose alors sur la capacité du dessin à faire passer l’émotion et la tension du récit. Pari risqué.

Dès les premières planches, on retrouve le message écologique fort du roman original. Sans être martelé comme dans le texte d’Olivier Norek, il reste percutant : si rien ne change, l’humanité fonce droit dans le mur et entraînera la planète avec elle. Le propos gagne même en clarté, car la mise en images permet de ressentir l’urgence plutôt que de la subir.

Les intermèdes « Dernières nouvelles du monde », moins documentés que dans le roman, n’en sont pas moins efficaces : Fred Pontarolo réussit, par la force de ses dessins, à traduire l’effroi et l’impuissance face à la catastrophe annoncée. Chaque planche devient un coup de poing visuel.

L’un des passages les plus marquants reste la mort de la fille du couple Solal, élément déclencheur du basculement de Virgil. Dans le roman, Norek prenait le temps d’en détailler les circonstances et les conséquences sur le couple. Ici, en une double page, Pontarolo nous jette toute la noirceur de la situation au visage : le médecin qui expose les causes du décès, la stupeur et la douleur des parents… tout est dit sans un mot de trop. La puissance du dessin remplace avantageusement les longues explications.

Le duo formé par Nathan Modis, le flic, et Diane Meyer, la psychocriminologue, fonctionne aussi bien dans la version graphique que dans le roman. Au fil de l’enquête, leur complicité grandit, apportant un contrepoint humain à la radicalité du message écologique.

Quant à Virgil Solal, bien que son espace d’expression soit réduit, il apparaît paradoxalement plus humain — à défaut d’être plus sympathique. Je persiste néanmoins à affirmer que, quelle que soit l’urgence, la fin ne justifie pas les moyens qu’il emploie.

Le plaidoyer de l’avocat de Solal, moment clé du roman, bénéficie ici d’un traitement remarquable : en quelques planches, Pontarolo en extrait la substance et en restitue toute la force, sans lourdeur ni didactisme.

En définitive, cette adaptation reste fidèle à l’esprit du roman d’Olivier Norek tout en proposant une relecture plus fluide, plus rythmée, et visuellement saisissante. Le résultat est bluffant : une œuvre à part entière, capable de toucher aussi bien les lecteurs du roman original que ceux qui le découvrent à travers le dessin.

Contre toute attente, par rapport à mon ressenti sur le roman, je vais bonifier ma note d’un « Coup de poing ». Moins de matraquage et de répétition sur le niveau d’alerte de la situation permettent au message de passer en douceur plutôt que de donner la sensation de vouloir nous l’imposer.

[BOUQUINS] Gilles Legardinier – J’Ai Commencé Par Mourir

En débarquant dans un village perdu de la côte écossaise, Christopher Runyard est convaincu que sa présence n’est due qu’à un malentendu. Immédiatement subjugué par cette baie hors du temps, il ignore que, voilà des siècles, une tragédie s’y est déroulée au nom d’un secret qui n’a rien d’une légende.

Depuis, l’onde de choc du drame n’en finit pas de provoquer rivalités et intrigues, chacun cherchant à s’approprier la clé du mystère. Ces derniers temps, les habitants meurent de façon suspecte, et Runyard est le prochain sur la liste.

Pour survivre à cette énigme qui vire à la malédiction, il va devoir découvrir qui est digne de confiance, et répondre aux deux seules questions que nous devons tous nous poser un jour : qui sommes-nous au fond, et que valons-nous réellement quand la tempête se déchaîne ?

La seule mention de Gilles Legardinier suffit à motiver mon choix.

En plus j’ai pris du retard, son nouveau roman est sorti il y a peu…

Avec ce roman Gilles Legardinier renoue avec le polar, mais un polar avec sa griffe inimitable, pas de brusques montées d’adrénaline à prévoir, plutôt une intrigue qui met l’accent sur l’aspect humain et parsemée de touches d’humour bienvenue (souvent due à l’apparente désinvolture de son héros).

Le prologue nous renvoie en 1668 dans le village écossais de Kilthorpe. Une partie des habitants fuient afin de se mettre à l’abri, tandis que les plus vaillants s’apprêtent à affronter une horde d’ennemis en approche.

Retour de nos jours, toujours à Kilthorpe. En apparence un paisible bourg paumé au fin fond de l’Écosse, mais Christopher Runyard, après une arrivée pour le moins mouvementée, va rapidement découvrir que les apparences sont trompeuses. Le village et ses habitants cachent de nombreux secrets, et certains sont prêts à tout pour les protéger.

Nombreux sont ceux qui voient d’un mauvais œil l’arrivée de ce « touriste » qui n’en est pas vraiment un. Christopher est en effet venu prendre possession d’un terrain qui lui a été légué sans qu’il en comprenne le pourquoi du comment…

Dès son arrivée Christopher va faire la connaissance de Kate Fairlie, une ranger en mission à Kilthorpe. Plus exactement c’est elle qui va le tirer d’une situation plutôt inconfortable. Rapidement l’opposition des personnalités va s’avérer complémentaire, le binôme va faire face ensemble, bien décidé à lever le voile sur ce qui se trame à Kilthorpe. Une collaboration parfois houleuse mais d’une remarquable efficacité.

Avec la petite quarantaine d’habitants qui peuplent Kilthorpe, Gilles Legardinier nous offre une belle galerie de portrait parfaitement travaillée. Chacun cherche à protéger la part du secret qu’il connaît tout en essayant de découvrir ce que les autres savent. Les motivations des uns et des autres sont parfois troubles. Ça magouille, ça trahit… et accessoirement ça zigouille !

J’avoue avoir eu un coup de cœur pour Thorton, l’aïeul de village, sa mémoire vivante en quelque sorte. Il s’avérera être un allié précieux pour Christopher. Le fait qu’il soit un amateur de whisky joue forcément sa faveur. J’aurai bien aimé en apprendre davantage sur les secrets de son breuvage (il faut dire que l’Ecosse est l’un des berceaux historiques du whisky).

Le village et la baie font partie intégrante de l’intrigue, ils réservent eux aussi leur lot de secrets (grottes et autres souterrains). Le décor en apparence paradisiaque peut, en un temps record, se transformer en pièges mortels au gré des caprices de la météo.

Une fois encore Gilles Legardinier parvient à faire de ces divers éléments une parfaite alchimie sublimée par ses talents de narrateur.

Petit bémol, qui ne viendra en rien ternir mon appréciation globale du roman, le mystère reste entier concernant l’origine de l’héritage de Christopher. A priori ce n’est pas un parent ou un proche qui lui a fait ce legs, mais alors qui et pourquoi ? Nous ne le saurons jamais.

Ce roman est bien plus qu’un simple roman policier : c’est une plongée dans l’âme humaine, où chaque personnage incarne une facette de nos propres contradictions. Avec une écriture fluide, une construction narrative impeccable et une galerie de personnages mémorables, Gilles Legardinier signe une œuvre qui captive autant qu’elle interroge. Une lecture addictive que je recommande sans modération !

[BOUQUINS] Didier Fossey – Érèbe

Paris 2017. Depuis plusieurs semaines, des jeunes femmes travaillant dans des cabarets et bars de nuit de la capitale disparaissent mystérieusement.

Eneko Etxeparre, commandant de police à la BRP, s’intéresse à ces disparitions dans le cadre d’une enquête conjointe avec la brigade criminelle de Versailles.

Leurs investigations vont les mener très loin dans les ténèbres de la nuit parisienne, là où tout devient permis.

Didier Fossey oblige. Un auteur qui ne m’a jamais déçu, surtout quand il met en scène Boris Le Guenn et son groupe.

Quand un ancien se plonge dans le côté obscur des nuits parisiennes, ça promet de décoiffer !

On va commencer par un petit bémol de pure forme, la quatrième de couv’ est beaucoup trop « bavarde », c’est pourquoi j’ai pris le parti d’opérer des coupes franches dans sa retranscription.

Dans un premier temps on suit une équipe de la BRP Paris menée par le commandant Eneko Etxeparre. Un flic qui se consacre pleinement à son métier depuis la mort brutale de sa femme et de sa fille lors des attentats de novembre 2015.

Etxeparre et son groupe son spécialisés dans le monde de la nuit, ils s’assurent que les cabarets, discothèques et bars de la capitale ne se laissent pas aller à des dérives illégales.

C’est au cours d’une de ses « visites » que le gérant d’un cabaret l’informe de la disparition d’une de ses barmaids. Etxeparre va mettre son groupe sur le coup en off, afin de voir si ça débouche sur du concret.

Et du concret notre ami Etxeparre va en recevoir bien au-delà de ses attentes. Pour arrêter un tueur d’une perversité hors norme, la BRP va devoir s’associer à la BAC Paris et à la Crim’ Versailles.

Cerise sur le gâteau pour les fidèles lecteurs de Didier Fossey. V’là t’y pas que le commandant Boris Le Guenn et son groupe vont faire figure de guest stars. Je vous rassure tout de suite, pas question pour eux de faire de la figuration, ils vont s’impliquer pleinement dans cette enquête conjointe.

Pour info le titre du roman, Érèbe, est le pseudo utilisé par le grand méchant de l’histoire pour partager son « art » sur le Dark Net. Dans la mythologie grecque Érèbe désigne à la fois une divinité infernale née du chaos et la zone la plus obscure des Enfers.

Autant vous prévenir, les sévices qu’Érèbe inflige à ses victimes sont d’une violence inouïe, âmes sensibles s’abstenir !

Fidèle à son habitude Didier Fossey accorde un soin tout particulier à ses personnages. Pour chacun il développe un vécu et une personnalité unique. Forcément ce côté humain force l’empathie – ou l’antipathie selon l’effet recherché – du lecteur. J’ai tout particulièrement apprécié le binôme formé par Eneko Etxeparre et sa seconde de groupe Isabelle Danglard ; leurs personnalités opposées insufflent une réelle dynamique au récit.

On retrouve la même maîtrise dans le déroulé de son intrigue, imposant un rythme qui va crescendo – la dernière partie du récit mettra vos nerfs et votre palpitant à rude épreuve.  Une intrigue richement documentée du fait de l’expérience policière de l’auteur et des renforts pour le familiariser avec le monde de la nuit en région parisienne.

Ça faisait longtemps que je n’avais pas dévoré un bouquin quasiment d’une traite (certes il n’est pas très épais, mais quand même). En refermant le bouquin je ne vous cacherai pas que j’espère bien retrouver Etxeparre et son équipe, nul doute que le monde de la nuit est un terrain de jeu prospère.

[BOUQUINS] Mo Malo – La Mariée D’Équinoxe

Plage du Sillon, Saint-Malo, 23 septembre. Une marée d’une force exceptionnelle déferle sur le littoral malouin. Si puissante qu’elle dépose, au sommet d’un des brise-lames qui protègent la chaussée, le corps sans vie d’une jeune femme au physique étrange… vêtue de sa robe de mariée.

Au même moment, au Manoir des Corrigan, Maggie s’apprête justement à convoler avec Jacques Gaillard, son amant régulier depuis plusieurs années, pile le jour anniversaire de la disparition de Constant, son premier mari. Tout semble enfin en ordre pour que la matriarche de la Breizh Brigade refasse sa vie.

Mais l’enquête sur la Mariée d’Équinoxe, comme la surnomment les médias, va en décider autrement…

Pour le plaisir de retrouver le trio déjanté de la Breizh Brigade, une raison suffisante s’il en est.

Cette quatrième enquête mettant en scène la Breizh Brigade s’ouvre sur la découverte d’un corps que la forte houle a rejeté sur les brise-lames de Saint-Malo. La victime est vêtue d’une robe de mariée.

Loin du tumulte de cette scène de crime, au Manoir des Corrigan, un heureux événement se prépare : la doyenne, Maggie, va enfin épouser Jacques Gaillard. Mais Maggie a une façon très personnelle de préparer son mariage, un coup de vent un peu plus fort que les autres va rebattre les cartes de la noce… et pas uniquement pour Maggie.

Pour résoudre le mystère de la mariée d’équinoxe, notre trio de choc ne va pas hésiter à piétiner franchement les plates-bandes des « vrais » enquêteurs. En l’occurrence il s’agit d’un autre duo indissociable – pour le meilleur et surtout pour le pire – de la Breizh Brigade, le commissaire Christophe Guilloux et son adjointe Emma Lobo.

Comme dans le tome précédent, Mo Malo combine la double enquête et l’évolution des histoires individuelles des personnages. Outre le mariage annulé de Maggie, la fougueuse Enora sera dans tous ses états à la suite de la disparition aussi soudaine que brutale de sa bien-aimée Fanny.

D’un point de vue personnel les choses sont plutôt figés entre Emma et son chef. Si les sentiments qu’ils ont l’un pour l’autre sont visiblement réciproques, il reste sourd et aveugle à tous les signaux qu’elle s’évertue à lui envoyer.

Vous l’aurez compris l’auteur reste dans la même veine que les précédents opus, une double enquête laissons la part belle à l’humour malgré des situations parfois bien glauques (la mort de Margaux, notre Mariée d’Équinoxe, mais aussi toute son histoire récente). Vous pouvez heureusement compter sur la verve inimitable de la Breizh Brigade pour détendre l’atmosphère et faire travailler vos zygomatiques.

On retrouve aussi l’hommage à Saint Malo, la ville qui a vu grandir Mo Malo. N’hésitez pas solliciter Google pour parcourir quelques photos des sites que l’auteur nous invite à découvrir. Je vous garantis que les rochers sculptés de Rothéneuf méritent que l’on s’y attarde.

Le fil rouge autour de la disparition en mer de Constant demeure même s’il en est un peu moins question. Juste ce qu’il faut pour mieux nous attirer vers les prochains tomes de la série. Le sixième opus devrait marquer la fin de l’aventure littéraire de la Breizh Brigade.

Feckin’ hell ! Vivement la suite !!!

[BOUQUINS] Isabelle Villain – Game Over

Une vieille dame meurt écrasée sous les roues d’un bus. Un nouveau fait divers dans les rues de Paris. Cependant, d’autres « accidents » sont rapidement à déplorer, laissant présager que ces tragiques événements ne sont que les prémices d’un sombre dessein.

Le groupe de Lost se retrouve à la tête d’une affaire qui va bousculer toutes ses certitudes.

Comment résister à un duo de choc qui a déjà fait ses preuves ? Le binôme constitué des éditions Taurnada et d’Isabelle Villain est une mécanique bien rôdée.

Bonus non négligeable : ce roman est aussi l’occasion de retrouver le groupe De Lost dans une sixième enquête.

Je remercie les éditions Taurnada et la plateforme Net Galley Pour leur confiance renouvelée.

C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai retrouvé Rebecca De Lost et son groupe de la Crim’. Le roman s’ouvre sur un fait-divers presque banal, une vieille dame poussée sous les roues d’un bus. Il va rapidement s’avérer que cet acte n’est pas isolé et semble faire partie d’un plan machiavélique que déroule deux tueurs.

Difficile de s’épancher sur les thématiques abordées par l’intrigue sans prendre le risque d’en dire trop. Le Groupe De Lost va se retrouver confronté à deux tueurs qui frappent à l’aveugle et ne laissent aucune trace derrière eux. Mais les enquêteurs – et nous aussi du coup – sont loin d’imaginer les nombreuses ramifications de cette affaire.

Comme si cela ne suffisait pas, Rebecca va aussi devoir composer avec une succession qui va révéler de sombres secrets qu’elle aurait préféré ignorer. Elle va devoir apprendre à vivre avec cette nouvelle réalité surgie du passé.

Vous l’aurez compris ce nouvel opus est davantage centralisé sur le personnage de Rebecca De Lost. Les autres membres de son groupe ne sont pas pour autant sur la touche, eux aussi ont leur histoire personnelle qui évolue mais ça tend à rester en second plan.

Isabelle Villain maîtrise totalement son intrigue, nul doute que vous serez surpris – voire choqué – par certains retournements de situation.

La fin peut laisser un arrière-goût d’inachevé un tantinet amer, mais c’est justement cet aspect de l’intrigue qui contribuera à un tournant décisif pour Rebecca.

C’est la quatrième enquête du Groupe De Lost que je lis (j’ai raté les deux premières), j’ai apprécié de voir évoluer un groupe soudé malgré les coups durs – personnels et professionnels –, les nouveaux venus sont immédiatement intégrés à cette dynamique collective. Isabelle Villain parvient à nous livrer des enquêtes policières particulièrement complexes sans jamais négliger le côté humain de ses personnages.

Game Over. Et maintenant ? L’avenir nous le dira. Une seule certitude, je serai fidèle au poste pour le prochain roman de l’auteure.

[BOUQUINS] Marc Levy – La Librairie Des Livres Interdits

Mitch, libraire passionné, est arrêté un matin pour un crime impensable : il a transgressé la loi en vendant des livres interdits.

Après cinq années de prison, il n’a qu’un désir, retrouver sa liberté et sa librairie. Mais le destin en décide autrement. Le même jour, Mitch croise le procureur qui l’a fait condamner et rencontre Anna, une jeune chef qui pourrait bien être la femme de sa vie.

Que faire quand on est pris entre une irrépressible envie de vengeance et une irrésistible envie d’aimer ? Peut-on rêver d’un avenir sans s’être acquitté du passé ?

Parce que c’est Marc Levy, une raison suffisante pour moi.

Cerise sur le gâteau, son nouveau roman s’annonce comme une ode à la littérature et à la liberté d’expression.

Marc Levy ne donne aucune indication géographique ou temporelle permettant de situer l’intrigue de son nouveau roman. On sait simplement qu’il s’agit d’un état dirigé par un gouverneur qui ne se soucie guère des libertés individuelles et des droits de l’homme. Son crédo serait plutôt la pensée unique, et pour l’imposer rien de tel que d’instiller la peur – des autres, de la différence – dans l’esprit de ses concitoyens.

Il vient justement de faire promulguer une nouvelle loi – HB 1467 – visant à interdire purement et simplement la commercialisation des livres jugés contraires à la « bienséance ». Une censure totalement assumée, appliquée d’une main de fer par les autorités.

L’auteur invite ses lecteurs à découvrir comment Mitch, jeune libraire passionné, aidé par des amis aussi passionnés et motivés que lui, va tout mettre en œuvre pour contourner cette loi sans toutefois se mettre en danger.

L’occasion de découvrir les différents acteurs de cette résistance littéraire. Mitch, bien entendu, Mathilde, une étudiante exaltée, M. Verner, un professeur de musique coincé dans une vie qui ne lui apporte rien et Mme Ateltow, l’ancienne professeur de lettres de Mitch.

Les choses ne se passeront pas exactement prévu, Mitch va, au terme d’un simulacre de procès, se retrouver condamné à cinq années d’emprisonnement.

Sa libération et la réouverture de sa librairie, seront l’occasion de faire plus ample avec un personnage brièvement croisé auparavant, Anna, une jeune femme au passé trouble qui souhaite ouvrir son restaurant.

Comme à son habitude, Marc Levy, apporte un soin tout particulier à sa galerie de portraits. Même les personnages secondaires, tel que l’ignoble procureur Salinas, bénéficient de la même attention.

L’intrigue en elle-même, ainsi que les échanges entre les personnages, font office d’une véritable ode à la littérature dans toute sa diversité. En défendant les livres, l’auteur dénonce la censure et prône la liberté de penser et de s’exprimer. Le message peut paraître simpliste mais il est porté de façon convaincante.

A la fin du roman Marc Levy nous apprend (en tout cas me concernant) que cette loi HB 1467 n’est pas une invention de sa part. Elle a bel et bien été votée par l’État de Floride afin de bannir les ouvrages «  subversifs » des bibliothèques scolaires. D’autres états (à majorité républicaine, sans surprise) ont suivi le mouvement.

Parmi les auteurs visés par cette censure, on retrouve aussi bien des classiques (George Orwell, Ray Bradbury ou encore John Steinbeck) que des auteurs plus contemporains (Margaret Atwood, Jay Asher, Toni Morrison).

Bref, la réalité risque bien de dépasser la fiction… et ça fait franchement froid dans le dos !