[BOUQUINS] Stephen King – Plus Noir Que Noir

Un secret, longtemps caché, est à l’origine du talent de deux artistes ; un flash psychique sans précédent bouleverse de manière catastrophique des dizaines d’existences, dont celle de Danny ; un veuf éploré se rend en Floride pour se reposer et reçoit à la place un héritage inattendu, accompagné d’importantes obligations ; un vétéran du Vietnam répond à une offre d’emploi et découvre qu’il existe dans l’univers des coins qu’il ne vaut mieux pas explorer…

Voici quelques-unes des histoires qui vous attendent dans ce formidable recueil de douze nouvelles qui vous plongeront dans les tréfonds les plus sombres de la vie, au sens métaphorique comme au sens propre.

THE King… What else ?

Même si je ne suis pas un grand fan de nouvelles, force est de reconnaître que c’est un exercice dans lequel Stephen King excelle.

Plus Noir Que Noir est un recueil de douze nouvelles, dont onze inédites. Laurie avait en effet été proposée en téléchargement gratuit peu après la parution de L’Outsider.

Dans ces recueils la première nouvelle est souvent déterminante, elle fait office de mise en bouche. Si elle est foireuse alors tout le reste du recueil pourrait pâtir de ce mauvais ressenti initial. Un peu comme un apéro qui vous laisserait un goût amer en bouche pendant tout le repas.

C’est à Deux crapules pleines de talent que revient cet honneur, une histoire d’amitié entre deux hommes qui ont connu le talent, chacun dans son domaine de prédilection, sur le tard. Quel est donc le secret de ce talent tardif ? Aucune noirceur dans ce récit qui n’en demeure pas moins agréable à lire, il faut attendre la seconde partie pour avoir la réponse à la question posée et voir survenir un élément surnaturel.

Comme d’hab je ne vais pas m’épancher sur chacune des nouvelles composant ce recueil, je me contenterai donc de donner une note sur 5 à chacune, la moyenne de ces notes sera le reflet de mon ressenti global.

  • Deux crapules pleines de talent : 4
  • La cinquième étape : 4
  • Willie le tordu : 3
  • Le mauvais rêve de Danny Coughlin : 5
  • Finn : 4
  • Slide Inn Road : 5
  • Écran rouge : 3
  • Le spécialiste des turbulences : 4
  • Laurie : 4
  • Serpents à sonnette : 5
  • Les rêveurs : 4
  • L’homme aux réponses : 4

Ce qui nous donne une honorable moyenne de 4 / 5.

Incontestablement c’est Le mauvais rêve de Danny Coughlin qui porte le recueil, du fait de son indiscutable qualité narrative mais aussi par sa longueur.

À ce titre je n’entrerai pas dans le débat stérile visant à catégoriser un récit entre nouvelle, novella, roman court et dieu sait quoi d’autre. C’est une catégorisation qui n’obéit à aucune règle strictement définie, le nombre de pages est un critère complètement subjectif car totalement dépendant de la typographie (police utilisée, taille de ladite police, espacement, marges, interlignes…). Le nombre de signes serait un critère mathématiquement plus fiable (ou accessoirement le nombre de mots, considérant qu’un mot est en moyenne composé de six signes), mais là encore, aucune règle n’est gravée dans le marbre…

Malgré ce que suggère le titre du recueil, l’ensemble manque cruellement de noirceur, Stephen King mise plutôt sur un nuancier de gris. Ça n’en reste pas moins agréable à lire mais ce n’est pas exactement ce à quoi on s’attend quand on s’attaque à un recueil du King. Surtout quand on sait de quoi il est (était ?) capable !

Il faut attendre la fin du recueil pour enfin déguster du noir bien corsé. D’abord avec la nouvelle Serpents à sonnette et ses jumeaux flippants à souhait, puis avec Les Rêveurs qui mise davantage sur la touche horrifique.

Stephen King aime semer, çà et là, quelques références à ses romans précédents, ici c’est la nouvelle Serpents à sonnette qui lui permet de faire un clin d’œil (au beurre noir) à Cujo (1982) et accessoirement à Duma Key (2009). C’est aussi la seconde en longueur (en numérique, il est difficile de se faire une idée du nombre de pages.

Dans cette nouvelle j’ai relevé une erreur de traduction dans le nom des deux corbeaux imaginés par Paul Terry, ce n’est pas Heckle et Jekyll mais bien Heckle et Jeckle. Bizarre comme maladresse vu que les noms sont les mêmes en anglais et en français.

La dernière nouvelle d’un recueil peut elle aussi être déterminante sur le ressenti général. Après tout c’est la dernière impression qu’il nous reste. L’homme aux réponses rempli pleinement son rôle et nous permet de refermer le bouquin sur un ressenti positif.

[BOUQUINS] Stephen King – Holly

Dans une jolie maison victorienne d’une petite ville du Midwest, Emily et Rodney Harris, anciens professeurs d’université, mènent une vie de retraités actifs. Malgré leur grand âge, les années semblent n’avoir pas avoir de prise sur eux.

À quelques pas de leur demeure, on a retrouvé le vélo de Bonnie Dahl, récemment disparue. Elle n’est pas la première à se volatiliser dans ce périmètre. Chose étrange : à chaque fois, il s’agit de jeunes gens.

Sur l’insistance de la mère de Bonnie, Holly Gibney accepte de reprendre du service. Elle est loin d’imaginer ce qui l’attend : une plongée dans la folie humaine, là où l’épouvante n’a pas de limite.

Stephen King, what else ?

Les inconditionnels de Stephen King savent pertinemment que leur auteur fétiche peut mettre leurs nerfs à rude épreuve sans avoir recours au fantastique. Souvenez-vous de la solitude et de l’angoisse de Jessie, menottée à son lit dans un chalet paumé au milieu de nulle part, le cadavre de son mari gisant au pied du lit (Jessie, 1993). Osez affirmer que Annie Wilkes ne vous a pas donné quelques sueurs froides emportée par sa folie (Misery, 1989). Ou encore plus récemment avec le très bon Billy Summers (2022), un thriller pur jus maîtrisé de bout en bout.

Le personnage d’Holly Gibney a fait son apparition dans la trilogie Bill Hodges (Mr Mercedes, Carnets Noirs et Fin De Ronde). Stephen King la sortira ensuite de ses tiroirs pour lui confier un second rôle dans son roman L’Outsider puis dans la nouvelle Si Ça Saigne inspirée du même univers. Avec ce roman Holly gagne ses lettres de noblesse et occupe enfin le haut de l’affiche.

L’intrigue se situe en 2021, un choix qui ne doit rien au hasard, comme le reste du monde, les États-Unis font face, tant bien que mal, à l’épidémie de Covid-19. Au-delà de la crise sanitaire à proprement parler, le contexte offre un terrain de jeu de premier choix pour les complotistes de tout poil. Le monde se divise en deux clans, les vaccinés et les antivax.

Pour les États-Unis l’année 2021 est doublement emblématique, le pays émerge de quatre années sous la présidence de Donald Trump. Là encore il y a les pro MAGA (Make America Great Again, le slogan de campagne de Trump) et les anti… Le pire c’est que rien ne garantit que le gugusse ne revienne pas à la Maison Blanche en 2028, surtout si les démocrates relancent Papy JB aka Le Sénile dans la course !

Mais revenons à nos moutons et au roman Holly.

Au fil de ses aventures nous avons vu s’étoffer la personnalité d’Holly Gibney, la frêle et timide que Bill Hodges a découvert sait désormais s’affirmer et à plus ou moins se faire confiance. Et elle en aura bien besoin pour affronter cette nouvelle affaire.

Pour elle l’affaire commence comme une « simple » disparition d’une jeune femme. Au fil de ses investigations elle va rapidement s’apercevoir que d’autres disparitions potentiellement suspectes ont eu lieu dans un périmètre relativement restreint… même si rien ne semble relier les victimes entre elles.

Le lecteur est quant à lui parfaitement conscient, dès les premières pages du roman, que ces disparitions n’ont rien d’ordinaires. Elles sont l’œuvre d’un couple de retraités qui, sous les dehors d’une respectabilité sans faille, ont imaginé un plan repoussant les limites de l’horreur pour se maintenir au top de la forme.

Pour la première fois Holly va donc se retrouver confrontée à une affaire ne faisant appel à aucun élément fantastique ou surnaturel. Elle aura pourtant à faire aux individus encore plus monstrueux et abjects que ceux qu’elle a déjà affronter. Comme le dira fort justement Izzy Jaynes à la fin de l’affaire :

L’autre nouveauté pour Holly est qu’elle sera quasiment seule sur une grande partie de son enquête. Son associé, Pete Huntley, est en effet cloué au lit par le Covid. Quant à Jerome et Barbara Robinson, qui lui ont prêté main forte plus d’une fois, ils seront fort occupés de leur côté par des projets personnels qui se concrétisent.

Au-delà de son enquête, Holly va aussi devoir composer avec une situation personnelle un peu compliquée. En effet au début du roman elle assiste aux funérailles de sa mère, terrassée par le Covid (un brin ironique pour quelqu’un qui rejetait l’existence de cette maladie). Si vous avez lu la trilogie Bill Hodges vous savez déjà que le personnage de Charlotte Gibney n’est pas franchement des plus avenants, toujours prompte à rabaisser Holly. Vous découvrirez que la daronne avait encore quelques coups foireux en réserve… heureusement, finalement les choses tourneront plutôt à l’avantage de notre brave Holly.

Si Stephen King impose à son intrigue un rythme de croisière plutôt pépère (les choses vont véritablement s’emballer vers la toute fin du roman), on ne s’ennuie pas une minute pour autant, on prend plaisir à suivre chacun des personnages dans leur parcours personnel. La plume de l’auteur fait mouche, comme toujours, notamment quand il faut pointer les travers de la société américaine. Mais il est tout aussi efficace quand il s’agit de rendre hommage à la littérature, et tout particulièrement à la poésie.

Indéniablement cette cuvée 2024 du King a tous les atouts d’un grand cru. L’absence d’élément fantastique ne m’a posé aucun problème, au contraire c’est même l’une des grandes forces du roman.

[BOUQUINS] Stephen King – Conte De Fées

AU MENU DU JOUR


Titre : Conte De Fées
Auteur : Stephen King
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2023
Origine : États-Unis
736 pages

De quoi ça cause ?

Charlie Reade, 17 ans, est un lycéen comme les autres, jusqu’au jour où il vient en aide à un voisin reclus et irascible, Howard Bowditch. La relation entre le vieil homme et l’adolescent, tendue au début, va peu à peu évoluer vers une confiance mutuelle, voire une amitié improbable. Jusqu’à ce que Howard révèle à Charlie un secret qui va à jamais changer sa vie…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

C’te question ! Stephen King, le seul et unique.

Ma Chronique

Stephen King est un touche-à-tout qui réussit presque à tous les coups à surprendre ses lecteurs (je n’ai toujours pas digéré Sleeping Beauties, même si depuis il a largement su se faire pardonner). Ce n’est pas la première fois qu’il met en scène des univers parallèles (Le Talisman Des Territoires, coécrit avec feu Peter Straub), tout comme il s’est déjà essayé à la fantasy avec Les Yeux Du Dragon (plutôt destiné à un public jeune) ou encore le cycle de La Tour Sombre (il faut absolument que je trouve le temps – c’te bonne blague – de le reprendre depuis le début et d’aller jusqu’au bout cette fois).

Dès la dédicace le King annonce la couleur en pensant à REH (Robert E. Howard, créateur, entre autres, de Conan et Solomon Kane), ERB (Edgar Rice Burroughs, papa notamment de Tarzan et de John Carter) et bien évidemment l’incontournable HPL (H.P. Lovecraft, père fondateur du mythe de Cthulhu).

Un petit mot sur la forme avant d’entrer dans le vif du sujet, chaque chapitre (il y en 32, plus l’épilogue) est présenté par une illustration de Gabriel Rodriguez (chapitres impairs) ou de Nicolas Delort (chapitres pairs). Un choix qui ne s’imposait sans doute pas mais qui ajoute un incontestable bonus esthétique au roman, même si certaines viennent spoiler la suite des événements (je pense surtout au sort du Grand Intendant).

Qui saurait mieux raconter cette histoire que Charlie lui-même ? L’auteur opte donc naturellement pour un récit à la première personne avec son jeune héros comme narrateur.

Charlie prend le temps de nous raconter son histoire et notamment les épreuves qu’il a dû traverser (le décès brutal de sa mère et l’alcoolisme de son père en réponse à ce drame). On pourrait penser que c’est juste afin de faire pleurer dans les chaumières mais ce serait mal connaître le King. Rien n’est laissé au hasard sous la plume du maître, sans ces deux épreuves Charlie n’aurait sans doute pas pris les mêmes engagements vis-à-vis de M. Bowditch.

Vient ensuite la rencontre avec M. Bowditch alors que ce dernier est en bien mauvaise posture… et le coup de foudre de Charlie pour la chienne Radar. Puis l’on suit l’évolution de la relation entre le vieil homme et l’adolescent. C’est à travers cette relation que l’on éprouve rapidement de l’empathie pour ce vieux grincheux (pas de problème au niveau de Charlie, il gagne immédiatement nos cœurs).

Stephen King n’a pas son pareil pour décrire cette relation intergénérationnelle, ainsi que lien qui va se nouer entre Charlie et Radar. Il ne se passe grand-chose de vraiment palpitant pendant ce premier tiers du roman, et pourtant le lecteur (moi en tout cas) ne s’ennuiera jamais tant le récit est vivant et vibrant d’humanité.

Et puis tout bascule. Charlie apprend qu’il existe un mode parallèle, Empis, auquel on peut accéder en descendant un long escalier camouflé par le cabanon de jardin de M. Bowditch. Sceptique dans un premier temps, Charlie va constater par lui-même que son vieil ami ne délirait pas en lui faisant ces révélations.

Dans un premier temps c’est par amour pour Radar que le jeune homme va s’aventurer dans les profondeurs d’Empis et affronter les dangers de la Citadelle. Frappé par l’injustice qui dévaste les habitants d’Empis, soumis à la folie vengeresse d’un tyran de plus en plus incontrôlable, Charlie va prendre fait et cause pour les Empisariens.

Là encore le talent de conteur de Stephen King fait des merveilles. Il donne véritablement vie à ce monde imaginaire. Pour ce faire il puise dans les contes de fées, dans leur forme originelle, pas les versions aseptisées et édulcorées de Disney, mais aussi et surtout dans l’univers de Lovecraft (souvent cité par Charlie).

On découvre alors de nouveaux personnages, parfois surprenants, pour ne pas dire déroutants (à l’image du Snab). Des réfugiés qui essayent tant bien que mal d’échapper au fléau gris qui s’étend inexorablement, les condamnant à une lente et douloureuse agonie. Une famille royale en déroute, frappée elle aussi par une terrible malédiction. Des habitants « sains » (comprendre épargnés par le gris) pourchassés par les troupes du tyran et emprisonnés dans les pires conditions.

Dans le camp du Mal il faudra se montrer patient pour découvrir le tyran en question… mais il sera à la hauteur de sa sinistre réputation. Avant ça nous aurons croisé le chemin d’une géante cannibale et pétomane, d’une escouade de morts-vivants électrifiés et bien d’autres surprises… souvent mauvaises pour Charlie et ses amis.

Alors oui certains diront que c’est un tantinet manichéen, mais après tout Stephen King nous offre un conte de fée pour adultes dans un univers où tout est permis. Le combat qui oppose le Bien au Mal n’a jamais cessé – et ne cessera sans doute jamais – d’être source d’inspiration pour les auteurs. À ce petit jeu Stephen King et son Conte De Fées tirent leur épingle du jeu.

MON VERDICT

Illustration de Nicolas Delort

Illustration de Gabriel Rodriguez

[BOUQUINS] Stephen King – Billy Summers

AU MENU DU JOUR


Titre : Billy Summers
Auteur : Stephen King
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2022
Origine : États-Unis (2021)
560 pages

De quoi ça cause ?

Billy Summers est un tueur à gages, l’un des meilleurs dans sa catégorie. Il n’accepte que les contrats pour lesquels la cible est un vrai méchant.

Billy Summers a envie de raccrocher et de passer à autre chose, mais avant ça il va accepter un dernier coup qui devrait lui assurer une retraite dorée…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Stephen King ! What else ?

Ma Chronique

Stephen King n’a plus rien à prouver depuis belle lurette, on sait notamment qu’il est capable d’écrire d’excellents romans sans y ajouter une once de fantastique (il suffit de lire Misery ou Jessie pour s’en convaincre). Nul doute donc que quand il entreprend d’écrire un roman autour du dernier coup d’un tueur à gages, il va aller bien au-delà de ça.

Les amateurs le savent mieux que personne, dans la littérature ou le cinéma, le dernier coup est celui où rien ne se passe comme prévu. Même le meilleur des plans va forcément dérailler, sinon ça ne serait pas drôle.

Comme son nom l’indique fort justement Billy Summers est avant tout l’histoire de Billy, ancien sniper chez les marines devenu tueur à gages. Un tueur à gages qui cultive le paradoxe puisqu’il n’accepte que les contrats visant de véritables méchants… se classant ainsi lui-même dans la catégorie des méchants – ce dont il a parfaitement conscience.

Pour honorer ce dernier contrat il va devoir, pour une durée indéterminée, endosser le rôle de David Lockridge, un apprenti écrivain qui s’est retiré dans un coin perdu pour travailler d’arrache-pied sur son premier roman.

Pour ne pas attirer l’attention Billy va devoir se fondre totalement dans ce rôle et se mêler étroitement à son nouvel entourage (aussi bien privé que professionnel)… une tâche dont il va s’acquitter au-delà de toutes ses attentes.

Ce sera aussi l’occasion pour Billy de raconter sa propre histoire sous forme d’une fiction, travail dans lequel il s’investira complètement, réveillant ainsi de vieux démons du passé… pour mieux les exorciser en les couchant sur le papier.

Trois histoires pour le prix d’une, Billy Summers (lui-même a deux facettes), David Lockridge et Benjy Compson (le double fictionnel de Billy). Et ce n’est que le début, l’arrivée inattendue d’un nouveau personnage va complètement rebattre les cartes.

Je ne spoilerai pas grand-chose en vous disant que le dernier coup de Billy ne va pas vraiment se passer comme il l’espérait. Le chasseur va se transformer en proie, mais une proie déterminée à donner du fil à retordre à ses poursuivants. Une proie qui ne va se contenter de jouer les fugitifs, Billy veut comprendre tous les tenants et les aboutissants de ce coup foireux.

Stephen King va, une fois de plus, s’avérer être un scénariste et un raconteur d’histoire hors pair. Son intrigue se densifie au fil des pages et des rebondissements avec quelques brusques poussées d’adrénaline. D’un autre côté l’auteur ne perd jamais une occasion de mettre en avant le côté profondément humain de son anti-héros ; ce sera encore plus vrai après sa rencontre avec Alice (une rencontre pas franchement ordinaire… une rencontre à la sauce King).

Ce roman est aussi une ode à l’Amérique profonde, loin des mégapoles ; dans ces petites villes où les voisins ne se regardent pas en chien de faïence ou en ces lieux sauvage où la nature peut exposer toute sa grandeur et sa richesse.

À côté de ça le King ne perd pas une occasion d’égratigner certains travers de cette Amérique qu’il aime tant… à commencer par la sombre période trumpiste, mais aussi celle de Bush Jr et sa gestion calamiteuse de la seconde guerre du Golfe.

Comme il a coutume de le faire, l’auteur ne manque pas de placer çà et là quelques clins d’œil à son univers littéraire (Hôtel Overlook, ça vous parle ?). C’est aussi l’occasion de déclarer sa flamme à la littérature (son héros est un inconditionnel de Zola et ne manque pas de faire référence à d’autres grands noms de la littérature).

Un roman qui devrait vous tenir en haleine de la première à la dernière page. Et quelle fin ? À la hauteur du reste du roman, toute en justesse et brillante d’humanité. Incontestablement le King est au sommet de son art.

Un roman qui devrait séduire un public plus large que les seuls afficionados du King tant il s’éloigne de ses codes habituels. Que vous soyez amateurs de romans noirs, de polars, de road trips ou simplement à la recherche d’une lecture forte, Billy Summers saura répondre à toutes vos attentes… et même aller au-delà.

MON VERDICT

(BOUQUINS] Stephen King – Si Ça Saigne

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S. King - Si ça saigne
Titre : Si Ça Saigne
Auteur : Stephen King
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2021
Origine : Etats-Unis (2020)
464 pages

De quoi ça cause ?

Recueil de quatre nouvelles inédites.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Stephen King et qu’il maîtrise à la perfection l’art de la nouvelle.

Ma Chronique

Quatre nouvelles sur plus de 460 pages, inutile de vous préciser que ça fait de longues nouvelles, la plus longue (presque la moitié du bouquin à elle seule) étant celle qui a donné le titre au recueil et qui nous offre l’occasion de retrouver Holly Gibney (on a fait sa connaissance alors qu’elle était l’adjointe de Bill Hodges dans la trilogie Mr Mercedes, avant de la retrouver à la tête de sa propre agence dans L’Outsider).

La première nouvelle, Le téléphone de M. Harrigan, nous narre une belle histoire d’amitié intergénérationnelle et ses suites. Si j’ai beaucoup aimé les personnages, l’intrigue ne m’a pas emballé outre mesure. Au risque de faire un jeu de mot pourri je l’ai trouvée un peu trop téléphonée…

On enchaîne ensuite avec La vie de Chuck, comme son nom l’indique on va découvrir la vie de Charles ‘Chuck’ Krantz à travers trois moments phares de son existence. L’originalité est dans le choix d’une narration antéchronologique (on commence par la fin pour revenir progressivement au début). Autre élément d’importance dans ce récit, au cours de l’acte III, nous assistons non seulement aux derniers jours de Chuck, mais aussi à ceux de l’humanité.

Arrive enfin Si ça saigne, suite du roman L’Outsider et qui nous permet donc de retrouver Holly Gibney confrontée à un nouvel outsider. Un plaisir de retrouver Holly Gibney (et quelques autres personnages déjà croisés dans la trilogie Mr Mercedes) mais j’avoue que j’ai trouvé que l’intrigue manquait d’un petit je ne sais quoi pour que la sauce prenne totalement.

Avec Rat, Stephen King aborde un sujet qui lui est cher puisqu’il est question (entre autres) du rapport entre un auteur et son œuvre (et plus particulièrement du processus créatif). Drew Larson, modeste écrivain en mal d’inspiration, a subitement une idée qu’il pourrait transformer en roman. Pour lancer son histoire, il quitte femme et enfants pour s’isoler quelques semaines dans le chalet familial. À défaut d’une grande originalité sur le fond, j’ai bien aimé la forme. Sans la moindre hésitation c’est à cette dernière nouvelle qu’ira ma préférence dans le présent recueil.

Un recueil qui ne m’a que moyennement séduit, je tiens toutefois à préciser que mon avis se base en partie sur ce que je sais pouvoir attendre du King novelliste ; pour moi il n’a clairement pas été des plus inspiré sur ce coup. Il n’en reste pas moins que globalement les nouvelles sont de très bonne qualité, nul doute que si elles n’avaient pas été signées Stephen King mon ressenti aurait été nettement plus enthousiaste… ou pas, je n’aurais sans doute pas été tenté par un recueil de nouvelles écrites par un auteur que je ne connais pas. Et puis il faut bien reconnaître que l’on retrouve la griffe du King dans chacun de ces quatre récits.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Stephen Chbosky – L’Ami Imaginaire

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S. Chbosky - L'Ami Imaginaire

Titre : L’Ami Imaginaire
Auteur : Stephen Chbosky
Éditeur : Calmann-Lévy
Parution : 2020
Origine : USA (2019)
750 pages

De quoi ça cause ?

Une mère et son fils en cavale trouvent refuge dans la petite communauté de Mill Grove, en Pennsylvanie.

Mais dans ce havre de paix, le petit garçon disparaît.
Quand il émerge de la forêt six jours plus tard, il a l’air indemne.
Lui seul sait que quelque chose a changé.
La voix du bois est dans sa tête et lui dicte une mission.
S’il ne lui obéit pas, sa mère et tous les habitants de Mill Grove risquent son courroux…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce qu’au vu des nombreuses critiques quasiment unanimement dithyrambiques, ça semble être LE livre qu’il faut avoir lu en cette année 2020.

Ma Chronique

Avant de me lancer dans la rédaction de cette chronique je m’étais promis de ne pas faire d’allusion à Stephen King en parlant du roman de Stephen Chbosky. Tout simplement parce que les critiques publiées çà et là font toutes référence au King.

Force est de constater que le deal est quasiment impossible à tenir ! D’une part parce que l’auteur lui-même revendique haut et fort l’inspiration de Stephen King dans ses remerciements. Mais aussi et surtout parce qu’il est indéniable que ce bouquin aurait pu être écrit par Stephen King himself.

Le Stephen King qui revendique le titre de maître de l’horreur, celui qui vous file des sueurs froides au détour d’un chapitre. Le Stephen King qui n’a pas son pareil pour mettre en scène des enfants (presque) ordinaires confrontés à des situations extraordinaires. Le Stephen King qui sait raconter comme personne l’amitié… Le Stephen King qui fait qu’il est, encore et toujours, LE KING !

Tout ça pour dire que Stephen Chbosky a un putain de talent qui n’a rien à envier à son maître à penser. C’est un conteur hors pair qui saura vous prendre aux tripes, jouer avec vos nerfs et vos émotions. Un conteur qui fait passer le compteur d’adrénaline de 0 à 100% en quelques phrases bien senties. Un conteur qui vous plongera d’emblée dans son histoire et ne vous lâchera plus avant le clap de fin… lessivé, essoré… mais HEU-REUX ! Un roman que vous refermerez en affichant un air béat (qui au passage vous donne aussi l’air con, mais on s’en fout).

Stephen Chbosky ne laisse rien au hasard pour faire mouche. Ses personnages, son intrigue, le rythme du récit, ses ambiances… tout est parfaitement maîtrisé. Jusque dans les effets typographiques qui viennent réellement appuyer son propos plutôt que de se cantonner à de simples fantaisies visuelles.

Si le grand frisson n’a pas vraiment été de la partie (il faut plus que ça pour me faire passer des nuits blanches), l’auteur peut toutefois se vanter de m’avoir mis les nerfs en pelote ; la visite du monde imaginaire n’est pas de tout repos, d’autant que l’affrontement entre le gentil monsieur et la dame qui siffle monte crescendo en intensité.

Si l’intrigue fait de prime abord penser à un thriller, de nombreux éléments fantastiques vont s’inviter au fil des chapitres, jusqu’à devenir l’essence même du récit. Force est de reconnaître que sans cette dimension fantastique, le roman n’aurait pas eu le même impact émotionnel.

Tout est possible dans le monde imaginaire, et Stephen Chbosky ne se prive pas de repousser les limites de la folie mais sans non plus totalement se couper de la réalité (d’une certaine réalité en tout cas). Un exercice qui aurait pu s’avérer casse gueule si mal dosé mais une fois de plus l’auteur garde la main sur son sujet (malgré un final un peu surjoué à mon goût), sa plongée dans la folie la plus absolue en deviendrait même crédible.

Il n’en reste pas moins que je ne regarderai plus jamais les cerfs avec la même bienveillance. Du coup j’ai moins de remords à l’idée de me préparer un bon curry de cerf (non, j’déconne ; je n’ai jamais eu le moindre remord quant à mon côté carnivore assumé) !

Comme souvent l’encensement quasi unanime me laissait sceptique mais je dois bien avouer qu’il est largement mérité, nul doute que L’Ami Imaginaire sera pour moi aussi LE livre de l’année 2020.

MON VERDICT
Coup double

[BOUQUINS] Stephen King – L’Institut

AU MENU DU JOUR

S. King - L'Institut
Titre : L’Institut
Auteur : Stephen King
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2020
Origine : USA (2019)
608 pages

De quoi ça cause ?

Luke Ellis, un adolescent sans histoires, doté d’une très grande intelligence est kidnappé en pleine nuit par des inconnus, ses parents sont assassinés.

Il se réveille dans une chambre qui ressemble à la sienne mais n’est pas la sienne. Enfermé avec d’autres enfants au sein d’un mystérieux Institut.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Are you kidding me ? Stephen King ! What else ?

Ma Chronique

Sans me tromper je pense pouvoir affirmer que Stephen King est sans doute l’auteur que je suis le plus assidûment et depuis le plus longtemps ; ça fait en effet plus de 35 ans que je lui suis d’une fidélité presque sans faille (j’avais commencé la saga La Tour Sombre avant d’y renoncer après le troisième tome, il faudrait que je trouve le temps de la reprendre depuis le début et d’aller jusqu’au bout cette fois).

Après un dérapage mal contrôlé avec Sleeping Beauties, le King a su redresser la barre et revenir au top du top avec L’Outsider ; du haut de ses 72 printemps et après plus de 50 romans à son actif (sans compter les recueils de nouvelles, les nouvelles isolées et autres romans courts), saura-t-il maintenir le cap, voire même nous surprendre en nous invitant à découvrir son Institut ?

Est-il besoin de rappeler que Stephen King est particulièrement inspiré quand il s’agit de mettre en scène des enfants / adolescents, confrontés à une situation qui les dépasse ? Carrie, Shining, Charlie, Christine, Ça et j’en oublie sûrement (et encore, je fais abstraction des nouvelles) sont là pour illustrer, si besoin, mon propos. Le dénominateur commun de toutes ces histoires est la grande capacité d’adaptation, d’action et de réaction de ses jeunes héros une fois passé l’effet de surprise et un temps pour analyser et comprendre la situation. Si le schéma directeur est identique, il n’y a toutefois aucune impression de déjà-vu tant l’auteur varie les angles d’approches et les conséquences de chaque action (en bien ou en mal).

Toujours est-il que dans la première partie du roman nous ne croisons aucun enfant appelé à jouer un rôle majeur dans le déroulé de l’intrigue. Tim Jamieson, un ex-flic de Sarasota (Floride) embarque dans un avion à destination de New York. Un concours de circonstances pour le moins inopiné le conduira à quitter l’avion et à entamer un road-trip en auto-stop sans but précis, sinon celui de rejoindre New York. Se laissant guider par les hasards de la vie et de la route, il débarque à DuPray (Caroline du Sud).

La seconde partie du roman nous embarque pour Minneapolis (Minnesota) où l’on fait la connaissance de Luke Ellis, un adolescent surdoué qui poursuit un quotidien pas tout à fait ordinaire mais sans histoires. Jusqu’à ce qu’il soit enlevé et reprenne connaissance à l’Institut, une structure isolée au fin fond des forêts du Maine… Les choses sérieuses peuvent alors commencer.

Stephen King prend le temps de poser son cadre et ses personnages pour bien nous faire comprendre (et haïr) le fonctionnement de l’Institut. Les méthodes des soignants et des gardiens ne sont pas sans rappeler celles des camps de concentration nazis ; tout comme la raison d’être de l’institut selon ses responsables. Sans aller jusqu’à parler de manichéisme (souvent reproché à l’auteur), on ne peut que prendre fait et cause pour les enfants et détester la plupart des adultes présents dans cette structure qui échappe à tout contrôle officiel.

Si l’intrigue se dessine en mode diesel (sans toutefois jamais susciter le moindre ennui chez le lecteur), une fois que les choses se mettent en branle le rythme du récit change radicalement, l’auteur enclenche le mode supraluminique. Et le lecteur se retrouve dans l’incapacité de quitter le navire avant de connaître le fin mot de l’histoire.

Pour répondre à la question que je posais au début de cette chronique, OUI, Stephen King confirme qu’il a encore plus d’un atout dans sa manche. OUI, il nous propose un récit qui flirte avec le sans-faute. OUI, il réussit encore à convaincre et à surprendre le lecteur.

J’ai lu çà et là quelques reproches concernant le côté engagé de l’auteur (il n’a jamais caché mépriser au plus haut point Donald Trump), sur le coup ça ne m’a pas dérangé outre mesure. Il est libre, comme tout un chacun, de ses opinions et les exprimer ; L’Institut est loin d’être un roman militant, le côté engagé du récit est plus anecdotique qu’autre chose (c’est en tout cas comme ça que je l’ai perçu en tant que lecteur français lambda).

Et Tim Jamieson alors ? Soyez assuré qu’il n’était pas là par hasard…

Incontestablement cette cuvée 2020 du King est un grand cru AOC ! À Consommer sans modération et de toute urgence !

MON VERDICT

[BOUQUINS] Stephen King – Laurie

S. King - Laurie

Une nouvelle inédite de Stephen King est un petit plaisir qui ne se refuse pas…

Oui, mais non…

En mai 2018, quelques jours avant la parution de son dernier roman, Stephen King annonçait :

« Je poste une toute nouvelle histoire courte, si vous voulez la lire, songez-y comme à une mise en bouche pour le plat principal, The Outsider, à venir la semaine prochaine. L’histoire est gratuite. Lisez, imprimez, partagez, peu importe. Amusez-vous !»

En France, il faudra attendre février 2019, après la parution de L’Outsider donc, pour que la nouvelle soit accessible dans la langue de Molière ; Albin Michel précisant :

« Voici une nouvelle inédite et gratuite de Stephen King pour replonger dans l’univers de L’Outsider !»

Ajoutez à cela une couv’ qui rappelle fortement l’univers de L’Outsider et l’arnaque marketing est complète et quasiment imparable !

Notez la subtile différence entre l’annonce de Stephen King et celle d’Albin Michel, quand l’auteur vous offre une mise en bouche en attendant la parution de son roman, l’éditeur français promet carrément que le lecteur retrouvera l’univers de L’Outsider. Et à ce niveau c’est quand même le summum de la mauvaise foi, d’où arnaque marketing ; la gratuité n’excuse pas tout !

Pour le lecteur qui s’attend à retrouver l’univers ou l’ambiance du roman, la douche froide est assurée et la déception bien compréhensible. On lui promet qu’il va déguster du caviar beluga premier choix et au final il se retrouve avec des œufs de lump premier prix !

P’t’être bin qu’oui, p’t’être bin que non…

Pour apprécier pleinement le cadeau de Stephen King il faut faire abstraction de tout ce que vous venez de lire et ne retenir que l’annonce de l’auteur :

« Je poste une toute nouvelle histoire courte, si vous voulez la lire, songez-y comme à une mise en bouche pour le plat principal, The Outsider, à venir la semaine prochaine. L’histoire est gratuite. Lisez, imprimez, partagez, peu importe. Amusez-vous !»

De quoi ça cause d’abord ?

Lloyd est un veuf inconsolable depuis le décès de sa femme. Pour l’aider à surmonter son deuil, sa sœur Beth lui rend visite et lui offre un adorable chiot baptisé Laurie dont il ne veut pas.

Mais avec le temps, un lien se crée entre l’homme et l’animal…

Le petit truc en plus.

Stephen King a rédigé cette nouvelle en hommage à Vixen, la chienne corgi de son épouse, décédée au printemps 2018.

Et finalement c’est oui…

Certes il n’y a aucun élément fantastique dans cette nouvelle de 41 pages mais si vous aimez les animaux elle ne devrait pas vous laisser indifférent. L’auteur y décrit admirablement la relation qui se noue (et évolue) entre l’homme et l’animal. Ne serait-ce que pour la justesse du récit je vote oui sans hésitation.

À une époque où la maltraitance animale fait encore trop souvent la une, où des crevures abandonnent au bord d’un route leur animal de compagnie pour pouvoir partir en vacances peinard (que ces salopards s’étouffent avec leur chipos cramées et leur rosé de grande surface), il n’est pas inutile de rappeler que la grande majorité des propriétaires aiment et respectent leur(s) compagnon(s) à quatre pattes (ça marche aussi pour les oiseaux, les serpents, les poissons et autres NAC).

Un autre petit truc en plus…

Au hasard d’une promenade, Lloyd et Laurie croiseront la route d’une autre bestiole nettement moins avenante… mais 100% naturelle et d’origine terrienne.

[BOUQUINS] Stephen King – L’Outsider

AU MENU DU JOUR

S. King - L'Outsider
Titre : L’Outsider
Auteur : Stephen King
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2019
Origine : USA (2018)
576 pages

De quoi ça cause ?

Le viol et le meurtre sauvage du petit Frank Peterson secouent la petite ville de Flint City (Oklahoma). Toutes les preuves scientifiques accusent Terry Maitland, le populaire coach sportif ; il n’en faut pas davantage à la police et aux services du procureur pour décider de procéder à une arrestation spectaculaire.

Alors qu’ils pensaient que l’affaire serait rapidement bouclée, Terry Maitland réfute l’accusation ; non seulement il a un alibi en béton, mais de nombreux témoignages confirment sa version des faits…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Stephen King et que je suis un fan inconditionnel depuis des années.

Pour oublier la déception causée par son dernier roman, Sleeping Beauties, et retrouver un KING au sommet de son art.

Ma Chronique

Je n’ai jamais perdu foi dans le talent de Stephen King, je vais donc considérer que Sleeping Beauties aura été un accident de parcours. Un accident presque effacé par le très bon roman court, Gwendy Et La Boîte A Boutons, mais j’espérais beaucoup de son nouveau vrai roman.

Alors, verdict ? Est-ce que L’Outsider a fini de balayer mes doutes ? Sans hésitation la réponse est un grand OUI franc et massif. Avec ce roman on retrouve un Stephen King au summum de son art. La quintessence du King ! Et j’exagère à peine…

Histoire de donner le ton d’entrée de jeu, Stephen King ne vous fera pas passer par le pédiluve ; non, il vous balancera direct dans le grand bassin ! L’Outsider s’ouvre en effet sur un crime particulièrement sordide, sordide par son mode opératoire, mais aussi et surtout par sa victime qui est un gamin de onze ans.

Nous voilà donc en présence d’une enquête de police qui s’annonce plutôt conventionnelle pour les amateurs du genre… mais il ne faut pas se fier aux apparences, surtout quand le Maître du Jeu se nomme Stephen King. En fait d’office les choses paraissent trop évidentes pour être uniquement ce qu’elles paraissent être. Et la suite des événements ne tardera pas à nous donner raison.

Nous voilà en présence d’un accusé que tout accuse de façon irréfutable, et ce même accusé qui a un alibi tout aussi indiscutable… Exit le polar classique, bienvenue dans l’univers du King !

Même si le bouquin continue alors à ressembler à un polar pur et dur, il ne faut pas sortir de Normale Sup’ pour comprendre que l’explication ne peut être rationnelle. La vérité est ailleurs comme diraient les agents Mulder et Scully (X-Files).

Avant de nous plonger dans cet ailleurs, fortement teinté de fantastique, Stephen King va nous offrir une douche froide. Un rebondissement certes pas totalement imprévisible, mais auquel subsistait un mince espoir d’échapper… Décidément l’auteur semble plus déterminé que jamais à n’accorder aucun répit à ses lecteurs (et le pire c’est qu’on en redemande).

Je ne m’épancherai pas davantage sur l’intrigue, sachez simplement que l’auteur la mène de bout en bout d’une main de maître sans le moindre temps mort. Soyez assuré qu’il n’a pas fini de malmener ses personnages, et nous avec accessoirement.

Une bonne intrigue ne suffit pas toujours à faire un bon roman, il faut aussi que les personnages soient mitonnés aux petits oignons pour lier la sauce. Et en l’occurrence ils viennent littéralement sublimer l’intrigue, tant par leur profonde que par l’évolution (parfois contrainte et forcée… mais c’est pour la bonne cause) de leurs relations.

Fidèle à son habitude, Stephen King place au fil de son récit quelques références à ses précédents romans. Il va même un peu plus loin cette fois en faisant directement intervenir Holly Gibney dans le déroulé de son intrigue. Si vous avez lu la trilogie Bill Hodges, nul doute que vous vous souviendrez de son inénarrable acolyte (si vous ne l’avez pas encore lue, je vous suggère de vous ruer dessus, vous ne le regretterez pas).

Bien que Stephen King se revendique fan de Stanley Kubrick, il a toujours affirmé haut et fort qu’il détestait le film Shining, qui, selon lui, ne respecte pas l’esprit de son roman. Monsieur King aurait-il la rancune tenace ? Une remarque de Holly, en forme de pique, pourrait en effet le laisser supposer :

J’ai déjà vu Les Sentiers de la gloire une dizaine de fois, au moins. Un des meilleurs films de Kubrick. Bien meilleur que Shining et Barry Lyndon, si vous voulez mon avis.

Pour rester dans la catégorie des clins d’œil, j’ai du mal à croire que le panneau de signalisation « MARYSVILLE 1280 HABITANTS » soit une pure coïncidence ; la référence au roman de Jim Thompson, Pottsville, 1280 habitants, est un peu trop flagrante pour n’être que le fruit du hasard.

Chaque fois que j’ai dû me détacher de ce bouquin, je l’ai fait à regret tant il me tardait de découvrir la suite. Résultat des courses, il m’a fallu à peine plus de deux jours pour dévorer les presque 600 pages ; et encore, je suis convaincu que si je l’avais entamé en période de congés je me le serai avalé d’une traite.

Avec ce roman l’auteur s’offre une forme de retour aux sources tout en proposant une oeuvre totalement nouvelle et originale. De quoi définitivement rassurer son public, ses muses (quelles qu’elles soient) n’ont pas fini de lui inspirer de belles et terrifiantes histoires. Mais aussi et surtout des histoires d’une redoutable efficacité.

Même en voulant pinailler je ne parviens pas à trouver de reproches à adresser à ce roman ; comme je vous le disais au début de cette chronique, c’est la quintessence du King. Une totale réussite sans la moindre fausse note.

MON VERDICT
Coup double

[BOUQUINS] Don Winslow – Corruption

AU MENU DU JOUR

D. Winslow - Corruption

Titre : Corruption
Auteur : Don Winslow
Éditeur : Harper Collins
Parution : 2018
Origine : USA (2017)
592 pages

De quoi ça cause ?

Denny Malone est le chef de la Task Force, une unité d’élite du NYPD, chargée de lutter contre les gangs et les trafics de drogues et d’armes dans North Manhattan. Une mission qui nécessite parfois d’être borderline, voire de franchir la ligne jaune, mais on ne fait d’omelette sans casser des œufs.

Denny Malone vient d’être arrêté par le FBI. Les gros bonnets tremblent… des deux côtés de la barrière. S’il chute, Malone ne tombera pas seul…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que ça fait un moment que j’ai envie de découvrir l’univers littéraire de Don Winslow. J’ai failli franchir le cap lors de la parution de Cartel, mais j’ai remis à plus tard en découvrant que c’était la suite de La Griffe Du Chien.

Corruption étant un one-shot j’ai sauté sur l’occasion…

Ma chronique

Magique. C’est le premier mot qui me vient à l’esprit si je devais définir la plume de Don Winslow. En quelques lignes à peine j’ai été en totale immersion dans le récit, en immersion dans l’équipe de la Task Force. J’ai eu l’impression de patrouiller avec eux dans les rues de Manhattan, de partager leurs (nombreux) succès, mais aussi leurs (rares) échecs. De faire partie intégrante de cette équipe qui pourrait quasiment se définir comme une Fraternité, dans le sens le plus noble du terme, vu la force des liens qui unissent ces hommes.

Denny Malone était bien le dernier homme au monde que l’on pouvait s’attendre à voir finir dans une cellule du Metropolitan Correctional Center, sur Park Row.
Vous auriez dit le maire, le président des États-Unis, le pape… Les habitants de New York auraient parié qu’ils les verraient derrière les barreaux avant l’inspecteur-chef Dennis John Malone.
Un héros de la police.
Le fils d’un héros.
Un vétéran de l’unité d’élite du NYPD.
La Manhattan North Special Task Force.
Et, surtout, un type qui savait où étaient cachés tous les squelettes, car il en avait lui-même enterré la moitié.

Ainsi commence Corruption, le dernier roman de Don Winslow. Comment Malone s’est-il retrouvé dans une prison fédérale ? Quels sont les enjeux ? Qui tire les ficelles ? C’est que nous allons découvrir au fil des chapitres suivants.

Rarement dans un roman j’ai croisé un type aussi charismatique que Denny Malone, et pourtant le gars n’est pas un saint, loin s’en faut ! S’il franchit parfois (souvent ?) la ligne jaune, ce n’est pas uniquement pour satisfaire les ambitions de ses supérieurs ; après tout c’est lui et son équipe qui patrouillent dans les rues et n’hésitent pas à mettre les mains dans le cambouis tandis que des ronds de cuir attendent des résultats, le cul vautré dans de confortables bureaux. Alors, pourquoi ne pas en tirer quelques profits quand l’occasion se présente ?

Il a fallu du temps, du forcing et de l’influence, mais la Manhattan North Special Task Force a vu le jour.
Sa mission est simple : reprendre possession des rues.
Malone en connaît la devise cachée : on se fout de ce que vous faites, et de comment vous le faites (du moment que ça ne se retrouve pas dans les journaux), mais empêchez les animaux de sortir de leurs cages.

C’est ainsi que les illusions s’envolent, pas après pas Malone et son équipe franchissent la ligne de démarcation, chaque pas les éloigne davantage du droit chemin… Alors oui on est bel et bien en présence de flics corrompus, des ripoux, mais des ripoux que l’on ne peut s’empêcher de comprendre, voire même d’approuver. Comme le dit fort justement l’accroche du bouquin en quatrième de couv’ : « Quand tout le système est pourri, autant jouer selon ses propres règles« .

L’écriture de Don Winslow est pour beaucoup dans cette profonde empathie que l’on ressent pour ses personnages, et tout particulièrement pour Malone. Bien qu’écrit à la troisième personne, l’auteur nous place dans la tête de son héros, nous invitant même à partager ses impressions à chaud.

Et en matière de coups de chaud, Malone va avoir le droit à la totale. Au fil des chapitres il accumule les coups durs et s’empêtre dans un sac de nœuds de plus en plus inextricable. On se demande comment il va se dépêtrer de ce merdier, parce que oui, on a envie qu’il s’en sorte et pas seulement lui, ses équipiers aussi.

Dans un polar « classique » on aurait tendance à prendre parti pour les agents du FBI qui traquent les flics corrompus, ici on a plutôt envie de les considérer comme les derniers des enfoirés. Il faut dire que la corruption est présente à tous les niveaux dans ce bouquin, du coup les flics de la Task Force ne sont sans doute pas les pires.

Don Winslow signe un polar très noir, mais cela ne l’empêche pas de placer çà et là quelques touches d’humour ; l’ensemble est parfaitement dosé.

Au-delà de la fiction, on devine un gros travail de documentation sur les conditions de vie des policiers, mais surtout on sent que l’auteur parle d’un monde qu’il connait bien et pour lequel il a un énorme respect. Certes il y a des bavures, et il n’est pas question de faire l’impasse dessus ou de les excuser, mais la police paie aussi un lourd tribut humain à la société pour la servir et la protéger.

Un énorme coup de cœur pour ce roman et une magistrale claque dans la gueule. Je craignais de boucler cette année de lecture sans avoir eu LE coup de cœur (même si La Mort Selon Turner aurait pu tenir ce rôle), après la lecture de Corruption mes craintes se sont envolées.

MON VERDICT
Coup double