[BOUQUINS] Collectif, sous la direction d’Yvan Fauth – Déguster Le Noir

AU MENU DU JOUR


Titre : Déguster Le Noir
Auteur : Collectif, sous la direction d’Yvan Fauth
Éditeur : Belfond
Parution : 2023
Origine : France
304 pages

De quoi ça cause ?

Treize auteurs et autant de nouvelles pour mettre le goût à l’honneur, on passe à table… avec une nappe noire bien entendu.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

La question ne se pose pas. Déguster Le Noir est le cinquième et dernier voyage sensoriel orchestré par Yvan et les auteurs qui ont accepté de se prêter au jeu.

Du coup le recueil grille la priorité à ses pairs obtenus via Net Galley et toujours en attente de lecture.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Belfond et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée. Sans oublier Yvan, pour son amitié malgré la distance et pour nous avoir fait vibrer au fil de la découverte des cinq sens du noir.

Pour cet ultime voyage c’est le goût qui est mis à l’honneur. Treize auteurs ont répondu présents afin de sublimer le noir et faire frétiller nos papilles. Parmi eux, dix intègrent pour la première fois la redoutable black team d’Yvan Fauth.

Si la grande majorité des auteurs ne m’est pas inconnue, j’avoue que deux auteures du présent recueil sont des découvertes : Anouk Langaney et Patricia Delahaie.

Treize textes à dévorer ou à savourer, chauds ou froids, avec les doigts ou avec les couverts en argent de Mamie Germaine… Qu’importe du moment que vous vous régalez !

Le noir se décline à toutes les sauces sous les plumes acérées des auteurs, du policier au fantastique, en passant par la science-fiction.

C’est à Bernard Minier que revient l’honneur d’ouvrir les agapes avec une mise en bouche qui se déguste saignante. Le titre annonce la couleur.

Suivra une première « auteure découverte » avec Anouk Langaney et son texte qui se déroule comme un menu de l’apéritif au pousse café. Un menu fort appétissant soit dit en passant.

Cédric Sire pointe du doigt les diktats du mannequinat avec une riposte pour le moins radicale.

Pierre Bordage opte pour l’anticipation, un domaine dans lequel il n’a plus rien à prouver, pour nous faire goûter à l’amertume de son intrigue.

Christian Blanchard revisite Des Souris Et Des Hommes de Steinbeck, avec un personnage tout en muscles mais pas très futé et son acolyte toujours à la recherche d’un bon plan pour aller de l’avant.

Avec Nicolas Jaillet le burn-out prend tout son sens.

Jérémy Fel nous offre une vision d’avenir bien sombre, sur fond de réchauffement climatique, de secrets de famille et de télé-réalité.

Sous la plume de Sonja Delzongle, un grand classique de la littérature policière, la jalousie, est sublimé pour notre plus grand plaisir pervers.

Nicolas Beuglet nous une ode très particulière au « fait maison » qui ne devrait pas vous laisser indifférent. À savourer le ventre vide de préférence…

Concernant la nouvelle de Patricia Delahaie, seconde « auteur découverte » du recueil, je dois être passé à côté de quelque chose. Elle m’a totalement laissé de marbre.

Ian Manook nous initie à la préparation d’une feijoada sur fond de retrouvailles entre deux vieux amis. Un régal pour le palais mais aussi pour les amoureux de la langue Molière et son argot. Le titre du recueil prend tout son sens avec ce texte.

Jacques Expert donne la parole à un goûteur confronté à un chantage mortel, quelle que soit sa décision, le prix à payer sera énorme.

C’est R.J. Ellory, fidèle parmi les fidèles, puisque présent dans quatre de ces cinq recueils sensoriels, qui clôt ce festin. Et quelle fin de dégustation en apothéose !

Comme à l’accoutumée je vous livre mes notes sur 5 pour chacune des nouvelles du présent recueil, je rappelle que ces notations n’engagent que moi et sont le reflet de mon ressenti en fin de lecture :

  • B. Minier – Le Goût Des Autres : 4
  • A. Langaney – Ripaille : 3
  • C. Sire – Tous Les Régimes Du Monde : 5
  • P. Bordage – Amertumes : 5
  • C. Blanchard – Joé : 5
  • N. Jaillet – Alfajores : 4
  • J. Fel – Dans L’Arène : 5
  • S. Delzongle – Jalousies : 4
  • N. Beuglet – La Visite : 5
  • P. Delahaie – Un Père A La Truffe : 2
  • I. Manook – Feijoada : 5
  • J. Expert – Le Goûteur : 4
  • R.J. Ellory – Scène De Crime : 5

Soit une très honorable moyenne de 4,3 sur 5, que j’arrondis volontiers à 4,5.

En matière de lecture je ne suis pas un grand fan de la nouvelle – à moins qu’elles ne soient signées Stephen King –, force est de reconnaître qu’à travers ces cinq recueils, ce difficile exercice plumesque a retrouvé grâce à mes yeux.

Mes sincères félicitations à Yvan pour avoir mené à bien un projet qui lui tenait à cœur, un projet qui a réuni 47 auteurs (sauf erreur de ma part) et 58 textes qui ont fait la part belle au noir, le déclinant à toutes les sauces. Merci à tous ces auteurs qui ont rejoint le projet et nous ont régalé tout au long de ce voyage en cinq étapes.

Je ne sais pas quels sont les éventuels projets éditoriaux futurs d’Yvan, mais s’il souhaite renouveler l’expérience avec une nouvelle approche (les 7 péchés capitaux par exemple, j’dis ça, j’dis rien), et pourquoi pas dans un autre registre, c’est avec le même enthousiasme que je répondrai présent.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Michaël Mention – Les Gentils

AU MENU DU JOUR


Titre : Les Gentils
Auteur : Michaël Mention
Éditeur : Belfond
Parution : 2023
Origine : France
352 pages

De quoi ça cause ?

Franck Lombard avait tout pour être heureux, un métier qui est aussi une passion, une femme qu’il adore et une petite fille dont il est raide dingue.

Tout bascule un jour de juin 1977. Un braquage minable qui tourne mal, la gamine est mortellement blessée alors que le braqueur prend la fuite. Face au drame, le couple se délite.

Un an plus tard, l’enquête de police est au point mort. Les policiers ont une description sommaire du braqueur, seul réel signe distinctif : le A d’anarchie tatoué sur une épaule.

Franck décide alors de mener sa propre enquête pour trouver et éliminer l’assassin de sa fille…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Michaël Mention. Je reconnais volontiers ne pas avoir tout lu de l’auteur (loin de là), parfois par choix, parfois – souvent – par manque de temps, mais les titres que j’ai lus ne m’ont jamais laissé indifférent, certains m’ont même fait forte impression.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Belfond et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Perdre son enfant est sans aucun doute l’épreuve la plus terrible qui puisse arriver à un couple, plus encore quand la mort de l’enfant est provoquée par un tiers. Et encore plus encore (pas très français tout ça), quand le tiers en question n’est pas identifié par la police.

Deuil impossible, soif de vengeance, jusqu’à l’obsession… jusqu’à la folie. Ainsi pourrait se résumer la quête de Franck, mais ce serait trop réducteur pour le roman de Michaël Mention.

L’auteur situe son intrigue en 1978, un choix qui ne doit rien au hasard pour que la fiction rejoigne l’Histoire dans les derniers chapitres du bouquin. C’est aussi l’occasion pour Michaël Mention de crier haut et fort son amour de la musique, et plus particulièrement du rock, tout comme son héros tourmenté. Au fil des chapitres, Franck se laissera porter par le son de The Doors, Lynyrd Skynyrd, The Who ou encore AC/DC (période Bon Scott), mais aussi par les mélodies de Serge Gainsbourg, Barbara ou Brassens.

La traque obsessionnelle de Franck le mènera de Paris à Marseille, avant de décoller pour la Guyane et enfin rejoindre le Guyana. L’association Guyana et 1978 a immédiatement fait passer tous mes signaux au rouge et m’a orienté vers un final quasi inévitable (la suite me donnera raison).

Si au cours de son périple Franck fera quelques belles rencontres, force est de constater qu’il est un véritable aimant à emmerdes et attire à lui bien des individus peu recommandables. Plus d’une fois il risquera sa vie, mais jamais il ne renoncera. Pour se motiver, il s’accroche à des échanges imaginaires avec sa fille.

Sans forcément adhérer à la traque de Franck (d’autant que l’on a aucune certitude qu’il en a après la bonne personne), son parcours nous vrille les tripes. Et même quand l’intrigue flirte avec l’improbable, on a envie d’y croire. À croire que l’obsession de Franck est contagieuse…

Pour construire son roman, Michaël Mention opte pour des chapitres courts, taillés à la machette, tout comme le phrasé qu’il emploie. On prend les mots comme autant de baffes dans la tronche. Le talent narratif de l’auteur nous fait rapidement oublier d’éventuels bémols.

Avec ce roman, le quatorzième depuis 2008, Michaël Mention confirme qu’il a une plume unique en son genre, capable de transformer en or tout ce qu’il touche (avec Jeudi Noir il a même réussi à me faire lire un bouquin dont l’intrigue tourne autour du foot).

MON VERDICT

Coup de poing

[BOUQUINS] Collectif, sous la direction d’Yvan Fauth – Respirer Le Noir

AU MENU DU JOUR


Titre : Respirer Le Noir
Auteur : Collectif, sous la direction d’Yvan Fauth
Éditeur : Belfond
Parution : 2022
Origine : France
297 pages

De quoi ça cause ?

Treize auteurs qui ne manquent pas de flair vous proposent de découvrir douze nouvelles sur fond noir.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

La question ne se pose même pas !

En comptabilité de stock je lui ai appliqué la méthode LIFO (Last In, First Out – Dernier entré, premier sorti), par opposition à la méthode FIFO (First In, First Out). C’est vous dire à quel point j’attendais mon précieuuux ! Mooon prééécieuuux !!! (OK, je me calme, inutile d’appeler les hommes en blanc).

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Belfond, Net Galley et Yvan. Les deux premiers pour leur confiance renouvelée. Le troisième pour son amitié malgré la distance qui nous sépare.

Après l’ouïe, la vue et le toucher, c’est l’odorat qui servira de toile – noire – de fond aux treize auteurs qui ont répondu présent à l’invitation d’Yvan.

Parmi eux, trois auteurs se prêtent au jeu pour la troisième fois (Barbara Abel, R.J. Ellory et Karine Giebel), deux auteurs signent pour une seconde manche (François-Xavier Dillard et Sophie Loubière), enfin, un auteur décide de ne rien faire comme les autres en revenant sous un autre nom de plume (Mo Malo aka Fred Mars).

Ce cru 2022 voit donc sept petits nouveaux, au talent connu et reconnu, rejoindre la dream team des 5 sens du noir sous le coaching d’Yvan Fauth. En quatre recueils, ce sont pas moins de trente-huit auteurs qui ont relevé les défis imposés par leur impitoyable maître de cérémonie. Chapeau bas l’ami ! Et bien sûr, chapeau bas à tous ces auteur(e)s.

C’est R.J. Ellory qui ouvre le bal de l’odorat. Au menu de son récit, un parfum de vengeance qui se déguste saignante. Une nouvelle maîtrisée de bout en bout mais dont j’avais pressenti la fin.

Sophie Loubière prend le relai pour une nouvelle fraternelle aux fragrances multiples. Je me suis longtemps demandé quelle était la finalité du récit, j’avoue ne rien avoir vu venir. Belle trouvaille qui colle parfaitement à une actualité encore fraîche.

Direction les effluves marines – ou plutôt celles d’une fin de marché aux poissons avec une chaine de froid défaillante – en compagnie de Franck Bouysse. Un récit plein d’humanité dans lequel le cynisme et l’humour noir font office d’armure contre la solitude et la détresse. Le pire c’est que cette foutue pathologie existe bel et bien.

Mo Malo nous entraîne au Groenland (what a surprise !) pour un récit aromatisé d’un soupçon de fantastique sur un fond écolo-noir. Une approche pour le moins originale à laquelle on aimerait en partie croire.

Avec Dominique Maisons ce sont les coulisses de l’Élysée qui nous visitons, autour d’un corps (non, non, ce n’est pas celui de Mc Manu) aux exhalaisons fétides. Une enquête de deux heures trente menée à un train d’enfer pour sauver les miches de Jupiter.

Sous la plume de François-Xavier Dillard la fête vire au cauchemar. Une nouvelle d’où suintent les relents infects de la folie des hommes. Incontestablement l’approche la plus pessimiste du recueil… et malheureusement pas totalement improbable.

Adeline Dieudonné nous fait voyager en Belgique à l’aube de la première guerre mondiale pour s’essayer au true crime. Alcool et pauvreté ne font pas bon ménage quand leurs émanations viennent brouiller le peu de bon sens qu’il reste à Alexandre Glandy. Un portrait criant de vérité mais aucune empathie pour le personnage.

Hervé Commère nous entraîne dans un petit village qui tombe peu à peu en désuétude, un récit familial et social, triste reflet de notre temps. Les apparences sont parfois trompeuses, un miroir aux alouettes qui peut vous jouer de mauvais tours.

Vincent Hauuy joue la carte de l’anticipation mais ne nous promet pas des lendemains qui chantent, sa vision de l’avenir est pour le moins glauque. Moyennement adhéré à cette plongée neurale.

Jérôme Loubry dénote en ne parfumant pas son récit de noir (ou alors juste un soupçon). Il nous offre une histoire pleine d’humanité et d’émotions autour du deuil. Un conte tout simplement magnifique.

 Chrystel Duchamp ne lésine pas sur les moyens pour nous en envoyer plein les naseaux. Surprenant de voir l’auteure s’essayer au fantastique… et le résultat est plus que convaincant. Et très noir !

C’est la troisième fois que Barbara Abel et Karine Giebel se prêtent à l’exercice de l’écriture à quatre mains. Comme dans Regarder Le Noir, elles ont la lourde responsabilité de fermer le bal. Un défi qu’elles remportent haut la main… pas surpris outre mesure que leur histoire s’inspire de faits réels.

Voici les notes sur 5 que j’attribue à chacune des nouvelles du présent recueil, comme d’hab elles sont le reflet de mon ressenti et n’engagent que moi :

  • R.J. Ellory : Le parfum du laurier-rose / 4
  • S. Loubière : Respirer la mort / 4.5
  • F. Bouysse : Je suis un poisson / 5
  • M. Malo : Cristal qui sent / 4.5
  • D. Maisons : Deux heures et trente minutes / 5
  • F.X. Dillard : Happy World / 5
  • A. Dieudonné : Glandy / 3
  • H. Commère : Le monde d’après / 5
  • V. Hauuy : Miracle / 3.5
  • J. Loubry : Les doux parfums du cimetière / 5
  • C. Duchamp : L’amour à mort / 4.5
  • B. Abel & K. Giebel : Petit nouveau / 5

Ce qui nous fait une honorable moyenne de 4.5 / 5 que j’arrondis volontiers à 5 pour la mise en avant de la dimension humaine dans de nombreux récits.

Il me tarde déjà de découvrir l’ultime (?) recueil de cette série, quels seront les auteurs qui oseront croquer dans le noir à pleines dents ?

MON VERDICT

[BOUQUINS] Christian Blanchard – Tu Ne Seras Plus Mon Frère

AU MENU DU JOUR


Titre : Tu Ne Seras Plus Mon Frère
Auteur : Christian Blanchard
Éditeur : Belfond
Parution : 2021
Origine : France
352 pages

De quoi ça cause ?

2011, Syrie. La révolution syrienne va avoir raison de l’union sacrée de la famille Berger, le père est un Français chrétien et la mère une Syrienne musulmane. Kamar, le plus jeune fils s’engage dans l’armée régulière de Bachar el-Assad alors que Kasswara, l’ainé, rejoint les rangs de l’ASL (Armée Syrienne Libre), opposée au régime.

2019, France. Florence Dutertre, assistante sociale, s’entretient avec le jeune Youssef, un « lionceau du califat », comme on appelle ces enfants du djihad de retour sur le sol français. Le rôle de l’assistante sociale est d’évaluer la dangerosité potentielle de l’enfant. L’entretien est brutalement interrompu quand Youssef s’effondre, abattu d’une balle dans la tête.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Après le Cambodge des khmers rouges, Christian Blanchard prend la crise syrienne comme toile de fond pour son nouveau roman. Angkar, son précédent roman, m’avait séduit, j’étais donc curieux de découvrir son petit dernier.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Belfond et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Bien que n’occupant plus la Une des médias il y a fort à parier que pour les Syriens le conflit opposant le régime de Bachar el-Assad aux forces rebelles reste tristement d’actualité. Sur le sujet j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à plusieurs reprises et mon point de vue n’a pas changé d’un iota à ce jour.

Le régime de Bachar est pourri jusqu’à la moelle, le gars est une ordure finie qui chie ouvertement sur les droits de l’homme donc la rébellion est une juste réaction. Sauf que ladite rébellion s’est faite gangrénée par l’État Islamiste à tel point que pour les occidentaux il devenait difficile, voire impossible, de distinguer les rebelles luttant pour instaurer une véritable démocratie en Syrie, et les djihadistes souhaitant faire du pays un état islamiste régi par la charia. Certains soutiens au régime ne se sont d’ailleurs pas privés de cet amalgame pour bombarder allégrement les positions des opposants à Bachar, quel que soit leur camp (Vlad si tu me lis… ce dont je doute, fort soit dit en passant).

Soutenir la rébellion au risque de favoriser l’émergence d’un nouvel état islamiste ou détourner le regard sur les exactions de Bachar el-Assad ? La question ne s’est pas posée longtemps pour les dirigeants occidentaux… et j’aurai bien du mal à leur jeter la pierre.

Christian Blanchard construit son roman en alternant deux arcs narratifs. Le premier consacré à l’intrigue actuelle qui se déroule en région parisienne et qui s’articule autour de l’assistante sociale Florence Dutertre. Le second étant constitué du récit de Kasswara qui nous raconte la Syrie d’avant le conflit à aujourd’hui… et surtout les conséquences dudit conflit sur sa famille.

J’ai trouvé que tout le récit de Kasswara était captivant, on devine sans mal l’énorme travail de documentation de l’auteur sur les tenants et les aboutissants du conflit syrien pour les différentes forces en présence. Au-delà de l’aspect purement documentaire c’est surtout l’aspect humain qui m’a particulièrement touché, le conflit va briser l’union sacrée entre les deux frères, le cadet ayant choisi de rejoindre les rangs de l’armée régulière, l’aîné prenant les armes en faveur de l’ASL. Ça promet niveau ambiance à table lors des repas en famille…

En revanche au niveau de l’intrigue actuelle j’avoue être un peu resté sur ma faim.  Pas besoin d’avoir fait Normale Sup pour comprendre que le tueur d’enfants du djihad de retour en France est l’un des deux frères. Lequel ? Kamar ou Kasswara ? Les deux auraient la même raison personnelle d’agir de la sorte (la vengeance), même au niveau idéologique l’un ou l’autre ferait l’affaire (l’un des rares points communs entre le régime syrien et l’ASL étant leur opposition aux forces de l’État Islamique).

Naturellement on serait tenté de privilégier la piste de l’un des deux K. sauf que ce serait trop simpliste et surtout ça ne correspondrait pas totalement au personnage. L’autre K. s’impose donc comme une évidence, d’autant que ça colle mieux à sa personnalité.

Dans le même ordre d’idée on devine sans mal l’identité de l’amant de Florence Dutertre, tout comme ses motivations, un peu troubles au départ, finissent, elles aussi, par s’imposer comme une évidence.

Il n’en reste pas moins que, malgré ce petit bémol sur l’intrigue actuelle, j’ai pris énormément de plaisir à lire ce bouquin. Christian Blanchard sait y faire pour rendre son récit totalement addictif.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Karine Giebel – Chambres Noires

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K. Giebel - Chambres noires
Titre : Chambres Noires
Auteur : Karine Giebel
Éditeur : Belfond
Parution : 2020
Origine : France
272 pages

De quoi ça cause ?

Quatre nouvelles inédites dont les héros, ou anti-héros, incarnent et dénoncent tour à tour les manquements de notre société. Quatre histoires pour lesquelles Karine Giebel emprunte les titres de grands films qui l’ont marquée.

Trois nouvelles déjà parues dans Treize à table ! (éditions 2017, 2018 et 2019) au profit des Restos du Cœur, plus une nouvelle écrite en plein confinement et publiée dans Des mots par la fenêtre au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Karine Giebel, même si je ne suis pas forcément un grand fan du format nouvelle, je sais que l’auteure excelle dans le genre.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Belfond et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Visuellement la couv’ donne le ton en associant littérature et cinéma, un choix plus que judicieux compte tenu de la situation sanitaire et ses conséquences sur le monde de la culture (tout particulièrement le cinéma et les cinémas, lourdement impactés par les diverses mesures de distanciation sociale).

Les quatre premières nouvelles du présent recueil sont des inédits portant chacune le titre d’un film qui compte aux yeux de l’auteure ; soit dit en passant les titres choisis collent parfaitement au contenu de leur nouvelle.

C’est pour Karine Giebel l’occasion de confronter ses personnages aux dysfonctionnements de notre société, qu’il s’agisse du laxisme (avéré, présumé ou ressenti… telle est la question) de la justice,  des inégalités et injustices sociales qui frappent de plus en plus de monde ou encore la situation des personnes âgées en EHPAD avant et pendant la crise sanitaire liée au COVID-19.

Ces quatre nouvelles sont de loin les plus intéressantes et les plus intenses du présent recueil ; les plus longues aussi, à elles seules elles représentent pas loin de 75% du bouquin.

Voici mes notes (sur 5) pour ces quatre nouvelles :

Le Vieux Fusil (Robert Enrico – 1975) : 5
L’Armée Des Ombres (Jean-Pierre Melville – 1969) : 4
Un Monde Parfait (Clint Eastwood – 1993) : 4
Au Revoir Les Enfants (Louis Malle – 1987) : 5 (voire 6)

Les quatre nouvelles suivantes sont des rééditions parues précédemment dans des recueils caritatifs ; une dans le recueil Des Mots Par La Fenêtre au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, les trois autres dans les éditions 2017, 2018 et 2019 du recueil 13 À Table ! au profit des Restos du Cœur.

Des nouvelles que je découvre n’ayant pas eu l’occasion de lire les recueils en question. Des textes courts, mais percutants.

Des nouvelles qui collent parfaitement à l’actualité du moment, la crise sanitaire ayant eu de lourdes conséquences économiques, les Restos du Cœur sont plus que jamais sollicités. Le rêve de Coluche, que son initiative solidaire ne dure qu’un ou deux ans avant un retour à une situation plus acceptable, apparaît malheureusement plus que jamais comme une utopie.

Mon verdict pour ces quatre nouvelles :

Sentence (Des Mots Par La Fenêtre – 2020) : 5
Dans Les Bras Des Etoiles (13 À Table ! – 2018) : 4
Les Hommes Du Soir (13 À Table ! – 2019) : 4
L’Escalier (13 À Table ! – 2017) : 4

Un recueil qui regroupe des nouvelles très différentes les unes des autres, mais l’on reconnaît sans mal la griffe de Karine Giebel, que l’approche soit événementielle ou sociétale, elle reste fortement teintée de noir. Une approche qui n’empêche pas l’auteure d’accorder une grande place à la dimension humaine de ses récits en mettant en avant les sentiments (bons ou mauvais) des uns et des autres ; sur ce dernier point, mention spéciale à la nouvelle Au Revoir Les Enfants qui ne devrait laisser personne indifférent tant elle sonne juste et vrai.

Avec ces huit nouvelles Karine Giebel confirme qu’elle maîtrise à la perfection les règles de cet exercice délicat, en quelques pages elle vise juste et fait passer son message droit au cœur et aux tripes. Indéniablement elle compte parmi les grands noms du genre, et pas seulement parmi les auteurs francophones, je n’hésite pas à la mettre quasiment au même niveau que Stephen King, un autre cador (sinon LE cador) en matière de nouvelle.

MON VERDICT

[BOUQUINS] François-Xavier Dillard – Prendre Un Enfant Par La Main

AU MENU DU JOUR

F.X. Dillard - Prendre un enfant par la main
Titre : Prendre Un Enfant Par La Main
Auteur : François-Xavier Dillard
Éditeur : Belfond
Parution : 2020
Origine : France
336 pages

De quoi ça cause ?

Quatre ans après la disparition de leur fille Clémentine dans le naufrage d’un voilier, Sarah et Marc sont rongés par la culpabilité et la tristesse.

Jusqu’à ce que de nouvelles voisines emménagent sur le même palier avec leur enfant, Gabrielle, dont la ressemblance avec Clémentine est troublante. Au contact de cette adolescente vive et enjouée, Sarah reprend peu à peu goût à la vie.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

J’ai découvert l’univers littéraire de François-Xavier Dillard avec son précédent roman, Réveille-Toi ; sa plume et son intrigue avaient fait mouche. À défaut de trouver le temps de me plonger dans ses romans précédents, je ne laisse pas passer ses nouveaux titres.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Belfond et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Je ne sais pas vous mais moi dès que j’ai vu le titre du bouquin j’ai immédiatement pensé à la chanson d’Yves Duteil… Et vu la thématique du roman je doute que ce soit un simple hasard.

Pour ceux et celles qui ne connaîtraient cette magnifique chanson, en voici les premières phrases :

Prendre un enfant par la main
Pour l’emmener vers demain,
Pour lui donner la confiance en son pas,
Prendre un enfant pour un roi.

Et la dernière qui s’applique plus encore au présent roman : Prendre un enfant pour le sien.

Si la chanson d’Yves Duteil parle de Prendre un enfant (après une courte hésitation, je ne ferai pas de jeux de mots foireux sur le sujet), le roman de François-Xavier Dillard aurait pu s’appeler Perdre un enfant. Car il est bien question de deuil (et sans doute le plus dur des deuils à affronter) et de culpabilité.

J’en vois déjà qui font une moue aussi sceptique que blasée, genre de dire : rien de neuf sous le soleil du noir. Si ces thèmes ont déjà été abordés à maintes reprises cela n’exclut pas pour autant une bonne surprise ; après tout comme le disaient fort justement nos vénérables grand-mères : « C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures ».

Déjà parce que les thématiques du deuil et de la culpabilité ne sont pas les seules abordées ici, il sera aussi question de responsabilité parentale, des dérives de la jeunesse dorée, des addictions… et bien d’autres thèmes abordés plus ou moins en profondeur et parfaitement intégré à l’intrigue.

Ensuite, et c’est quand même essentiel pour qu’un thriller fasse son effet, il y a une intrigue qui commence par divers arcs narratifs qui vont progressivement (et naturellement) se regrouper pour ne faire qu’un. Une intrigue parfaitement construite et rythmée qui saura tenir en haleine même les lecteurs les plus exigeants et surprendre (parfois) même les plus blasés.

Enfin il y a les personnages, et c’est là la grande force de ce roman et de son auteur. François-Xavier Dillard nous brosse un profil psychologique particulièrement soigné et totalement crédible pour chacun de ses personnages.

Il y a bien sûr le couple Cygnac essaie de surmonter tant bien que mal (plutôt mal dans un premier temps) la perte de leur fille et de se reconstruire. Pour se faire Sarah, la mère, pourra compter sur l’écoute et la bienveillance de Marie, une voisine qui vit seule depuis le décès de son mari.

Une reconstruction qui sera facilité par l’installation des nouvelles voisines, Hélène et Leila, et surtout de Gabrielle, leur fille (génétiquement parlant celle d’Hélène), une ado de quinze ans qui ressemble beaucoup à celle qu’aurait pu devenir Clémentine.

Enfin on croisera le chemin de Jeanne Muller, une commissaire de police au caractère bien trempé qui enquête sur la disparition de Chloé Montaigu, la fille d’un riche et puissant homme d’affaire, connue pour ses frasques et son addiction au jeu.

« Michel Montaigu était le P-DG et fondateur de Joy, une holding de produits de luxe et d’entreprises de médias. Un tycoon à la française, multimilliardaire, qui tutoyait les présidents et embrassait les stars. Il a tout réussi, sauf sa fille cadette, Chloé. Après être entrée à HEC, la jeune femme avait décidé d’envoyer tout balader et de parcourir le monde. Enfin, entre deux séjours en institution psychiatrique. Des hôpitaux et cliniques privés qu’elle avait écumés entre ses vingt et un et ses vingt-neuf ans. Après on retrouvait sa trace dans les magazines people, souvent dans la rubrique « Fêtes décadentes et casino ». Elle était devenue une joueuse de poker redoutable et une hôte attendue et remarquée à la plupart des tables de jeu du monde entier. »

Les chapitres sont courts, sans fioriture, afin d’aller à l’essentiel et de maintenir à la fois le rythme et la pression. Généralement rédigés à la troisième personne sauf quand il s’agit de donner la parole à Gabrielle. Passant à la première personne François-Xavier Dillard se place dans la tête d’une ado plutôt douée et débrouillarde mais pas forcément prête à affronter les aléas de la vie. Et le résultat est bluffant en termes de crédibilité.

Ce roman est une totale réussite, une fois happé par son intrigue – et ça arrive très vite – vous ne pourrez plus le lâcher.

MON VERDICT

 

[BOUQUINS] Amy K. Green – Reine De Beauté

AU MENU DU JOUR

A. K. Green - Reine de beauté

Titre : Reine De Beauté
Auteur : Amy K. Green
Éditeur : Belfond
Parution : 2020
Origine : États-Unis
416 pages

De quoi ça cause ?

Jenny Kennedy, une adolescente de 13 ans, reine des concours de beauté juniors, est retrouvée morte non loin de chez elle. Elle a été violée et poignardée.

Pour la police il ne fait aucun doute que le coupable est un jeune homme un peu simplet qui était fasciné par ces concours de beauté, et tout particulièrement par Jenny.

Pour Virginia, la demi-sœur de la victime, il est évident que le coupable est ailleurs. Même si elle n’éprouvait qu’une indifférence teintée de mépris pour sa cadette, elle va tout faire pour convaincre la police de creuser au-delà des apparences…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Un roman découvert tandis que je parcourais le catalogue Net Galley. Le pitch m’a inspiré, je l’ai sollicité, ma demande a été approuvée. Et voilà !

Ma Chronique

Je remercie les éditions Belfond et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Pour son premier roman Amy K. Green ne mise pas vraiment sur l’originalité de son intrigue (difficile de faire plus classique qu’une enquête autour d’un meurtre), de même au fil de son récit elle ne s’écartera guère des règles du genre. Il fallait plus que ce léger détail pour me dissuader de lire ce bouquin, après tout, la sagesse populaire affirme que « c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes ».

L’auteure nous fait découvrir son intrigue en suivant deux arcs narratifs via une alternance de chapitres passant de Jenny à Virginia. Ceux dédiés à Jenny sont écrits à la troisième personne et nous permettent de découvrir ses dernières semaines dans le monde des vivants, des semaines particulièrement mouvementées et riches en événements. Les chapitres consacrés à Virginia sont quant à eux rédigés à la première personne et nous invitent à suivre l’enquête liée à la mort de sa sœur.

Dans le coin droit nous avons donc Jenny, une adolescente que ses parents idolâtrent et voient comme une « petite fille modèle » mais ignorent (ou préfèrent ignorer) qu’elle est en pleine phase de remise en question, de doutes et de questionnements. Amy K. Green aurait pu en faire l’archétype de la gamine pourrie gâtée mais elle a (fort heureusement) travaillé la personnalité de l’adolescente plus en profondeur.

Dans le coin gauche, Virginia, le mouton noir de la famille Kennedy. Sans doute que le suicide de sa mère, alors qu’elle n’était qu’une enfant, suffit à expliquer sa volonté de prendre ses distances avec sa famille. Elle vit sa vie en électron libre, ne gardant qu’un contact de pure forme avec sa famille à l’occasion du traditionnel repas dominical. Un mépris que son père lui rend bien, quant à sa belle-mère, Linda, elle l’ignore tout simplement.

Les caractères radicalement opposés des deux sœurs servent exclusivement de toile de fond à la construction de l’intrigue. Celle-ci se tissera surtout autour des secrets et des non-dits. Ceux de la famille Kennedy d’abord, mais aussi ceux des habitants d’un patelin où tout le monde se connaît, où le voile des apparences dissimule parfois de sombres vérités.

L’auteure ne fait rien pour rendre ses personnages sympathiques, elle dépeint deux portraits relativement ordinaires. Une ado qui se rebelle contre son milieu et en vient à se convaincre que la vie serait meilleure ailleurs. Une nana trentenaire un tantinet égoïste qui vit sa vie comme elle l’entend sans se soucier du qu’en dira-t-on. Pas non plus de quoi prendre ses personnages en grippe.

Bien entendu d’autres personnages auront leur mot à dire afin de nous permettre de comprendre le déroulé des événements qui ont conduit à la mort de Jenny. Je n’en dirai pas plus sur la question afin de laisser intact le plaisir de la découverte.

Même si Amy K. Green ne révolutionne pas les règles du genre, elle n’a pas à rougir de ce premier roman. Elle nous propose en effet un thriller maîtrisé de bout en bout qui devrait réserver quelques surprises même aux lecteurs les plus aguerris (pas forcément sur l’identité du coupable, plutôt sur tout ce qui tourne autour du drame et de ses conséquences).

Pour l’anecdote, je me souviens avoir vu (il y a déjà quelques temps) un reportage télé sur ces concours de « mini miss » (interdits en France, soit dit en passant), je m’étais alors demandé si ces pauvres gamines voulaient vraiment être réduites à de vulgaires poupées / objets ou si elles ne subissaient pas plutôt une instrumentalisation à outrance de la part de leurs parents. Dommage que ledit reportage n’ait pas répondu à mon interrogation.

Dans le roman, concernant Jenny, la réponse arrive très rapidement.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Collectif, sous la direction d’Yvan Fauth – Regarder Le Noir

AU MENU DU JOUR

Regarder le Noir

Titre : Regarder Le Noir
Auteur : Collectif, sous la direction d’Yvan Fauth
Éditeur : Belfond
Parution : 2020
Origine : France
288 pages

De quoi ça cause ?

Douze auteurs pour onze nouvelles. Un seul mot d’ordre pour tous :  « nous faire ouvrir grand les yeux au fil de récits qui jouent avec les différentes interprétations de la vision. »

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Principalement pour la même raison qui m’avait poussé à découvrir le premier recueil proposé par Belfond et dirigé par Yvan Fauth : Yvan himself !

Et puis faut reconnaître qu’il a, une fois de plus, réuni une belle brochette d’auteurs autour d’un thème commun.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Belfond et Net Galley pour leur confiance renouvelée. Sans oublier bien entendu mon blog-pote (et plus) Yvan, qui revêt pour la seconde fois sa toge de maître de cérémonie pour notre plus grand plaisir (à quand une photo du maître en tenue d’apparat ?).

Si je vous dis que le précédent recueil, Écouter Le Noir, était centré sur l’ouïe, je n’ai sans doute pas besoin de préciser que le sens mis à l’honneur dans ce second recueil – Regarder Le Noir – est la vue. Ceux qui n’avaient pas compris sont priés de sortir, merci !

D’entrée de jeu on me prend par les sentiments puisque c’est à Olivier Norek que revient l’honneur d’ouvrir ce nouveau bal du Noir. Et le moins que l’on puisse c’est qu’il nous en met plein la vue avec un texte d’une noirceur absolue qu’il parviendrait presque à rendre poétique. Et ce final ! Un coup de maître.

Ne comptez pas sur Julie Ewa pour apporter une lueur d’espoir au cœur des ténèbres, son récit ne fera que mettre encore plus en avant la perversion et la perfidie dont le genre humain est capable pour arriver à ses fins.

Frédéric Mars nous propose quant à lui un texte qui se déroule presque totalement en huis clos, une intrigue qui, par certains aspects, m’a fait penser au film Usual Suspects.

Claire Favan ne manquera pas de surprendre ses lecteurs avec une vision bien noire (mais malheureusement pas totalement improbable) de notre futur imparfait.

René Manzor m’aura tenu en haleine jusqu’au bout avec son intrigue qui flirte avec le paranormal.

Toujours pas de lueur d’espoir en compagnie d’Amélie Antoine malgré un final qui ne manque pas de cynisme… voire d’un humour (très) noir.

Avec Fabrice Papillon on est plutôt dans la vue de l’esprit… si ledit esprit est franchement perturbé, il demeure un tantinet prévisible à mon sens.

Quasiment jusqu’à la conclusion de son récit je me suis demandé où Gaëlle Perrin-Guillet voulait nous amener. Tout s’explique à la fin et je dois avouer que je n’ai rien vu venir.

Sans surprise R.J. Ellory confirme (une fois de plus) qu’il est une grande plume de la littérature noire internationale ; même si je dois avouer que je soupçonnais l’issue de son récit (une phrase le trahit… mais je ne vous dirais pas laquelle).

Chez Johana Gustawsson c’est surtout du regard des autres dont il est question ; mais ne comptez pas sur ces « autres » pour apporter un peu de lumière. Le final m’a scotché, je ne m’attendais pas du tout à ça.

Dans Écouter Le Noir, elles ouvraient le bal ; ici le duo Barbara Abel et Karine Giebel nous invite pour une dernière danse. Les deux reines du noir nous offrent un somptueux bouquet final.

Comme vous pouvez le constater une fois de plus Yvan a réuni une belle brochette d’auteurs autour de son projet et le résultat est à la hauteur de toutes nos attentes.

Comme ce fut le cas pour Écouter Le Noir, chacun de ces auteurs à au moins un titre présent dans ma bibliothèque numérique, même si je n’ai pas encore eu l’occasion d’en lire certains (Julie Ewa, Gaëlle Perrin-Guillet, Johana Gustawsson et Barbara Abel) et que pour d’autres je suis encore en pleine découverte de leur univers littéraire (Claire Favan, René Manzor, Amélie Antoine et Fabrice Papillon).

Inutile dans de telles conditions de préciser que je suis partant pour un troisième service (ah merde, je viens de le faire !). Quel sens sera alors mis à l’honneur par le maître de cérémonie ? Mystère…

Comme pour le recueil précédent je vais essayer de noter avec un maximum d’objectivité (toute personnelle) chacune des nouvelles du présent recueil :

O. Norek – Regarder Les Voitures Voler : 5
J. Ewa – Nuit D’Acide : 5
F. Mars – The OX : 4.5
C. Favan – Le Mur : 3.5
R. Manzor – Demain : 4.5
A. Antoine – Transparente : 4
F. Papillon – Anaïs : 3
G. Perrin-Guillet – La Tache : 4
R.J. Ellory – Private Eye : 4.5
J. Gustawsson – Tout Contre Moi : 4.5
B. Abel & K. Giebel – Darkness : 5

Soit une moyenne de 4.3 que j’arrondis sans hésitation à 4.5 pour faire honneur à l’ensemble du recueil… et encourager Yvan à poursuivre sa noire exploration de nos cinq sens.

MON VERDICT

Aparté à l’intention d’Olivier Norek

Bon écoute Olivier (tu permets que je te tutoie ? Depuis le temps que je te lis, c’est comme si on avait élevé les cochons ensemble dans les plaines du Berry) faut qu’on cause tous les deux ; ça ne peut pas continuer comme ça. C’est quoi ton problème avec les chats ?!

Sérieux faut que t’arrêtes de leur faire subir les pires outrages dans tes bouquins, sinon on ne va plus être copain.

Je veux bien passer l’éponge pour cette fois encore, mais prochaine fois que tu nous dézingues un chat (ou un chien… je préfère préciser d’entrée de jeu) ; je te bannis de ma liseuse.

[BOUQUINS] Christian Blanchard – Angkar

AU MENU DU JOUR


Titre : Angkar
Auteur : Christian Blanchard
Éditeur : Belfond
Parution : 2020
Origine : France
288 pages

De quoi ça cause ?

Champey élève seule sa fille de six ans, Mau. Elle a préféré faire croire à son enfant que son père était mort plutôt que de lui révéler quelle ignoble pourriture est son géniteur.

Face à des cauchemars récurrents, Champey décide de se rendre au Cambodge afin de remonter les traces de ses origines et de ses parents. Un pays qu’elle a quitté alors qu’elle était encore bébé, à une époque où les cambodgiens subissaient le joug de la folie destructrice des Khmers rouges de Pol Pot.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Ça fait un moment que j’ai envie de découvrir l’univers littéraire de Christian Blanchard, ses trois précédents romans figurent d’ailleurs dans mon Stock à Lire Numérique mais jusqu’à aujourd’hui j’avais toujours raté le coche. Avec son dernier titre en date, je vais enfin pouvoir assouvir ma curiosité…

Ma Chronique

Je remercie les éditions Belfond et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Peut-être vous demandez-vous, comme c’était mon cas avant de lire ce roman, ce qui peut se cacher derrière ce titre « Angkar ». La lecture du bouquin, agrémentée de quelques recherches, m’ont permis de découvrir que c’était un véritable fourre-tout (benne à ordures serait plus adapté au vu du contenu de la chose). Il désigne en effet aussi bien le parti révolutionnaire Khmer que la doctrine du parti en question, et accessoirement peut même englober ses « cadres ».

Vous l’aurez compris, pour construire (partiellement) son intrigue Christian Blanchard va puiser son inspiration dans les heures sombres de l’Histoire contemporaine en plongeant le lecteur dans le Cambodge des Khmers rouges et tout particulièrement dans les rouages destructeurs d’un camp de rééducation.

Autant vous le dire d’entrée de jeu les origines de Champey et la paternité de Mau sautent aux yeux du lecteur comme une évidence avant même que l’auteur ne lève le voile sur la question. Toutefois cela n’empêche nullement le lecteur d’apprécier pleinement le déroulé de l’intrigue.

J’ai beaucoup aimé le personnage de Champey, notamment dans sa dualité. D’un côté elle cherche à découvrir le secret de ses origines pour se protéger (se débarrasser de cauchemars récurrents qui l’épuisent inexorablement), de l’autre elle persiste à cacher à sa fille l’identité de son père, préférant lui inventer de toutes pièces un père idéal, un choix qu’elle justifie par le besoin de protéger son enfant.

Cette quête identitaire va être brutalement interrompue dans la seconde partie du roman pour faire place à une trame plus classique (ce qui ne l’empêche nullement d’être monstrueusement perverse) sur fond de vengeance. La tension monte de plusieurs crans en l’espace de quelques pages, pour ne plus retomber jusqu’au dénouement de cette partie de l’intrigue.

Si Christian Blanchard sait y faire pour rentre certains de ses personnages sympathiques, il est tout aussi habile quand il s’agit de nous en faire mépriser d’autres, la palme en la matière revenant incontestablement à Gilles Kerlat.

L’intrigue s’articule autour d’un juste équilibre entre les aspects psychologiques et l’action pure et dure. Selon les besoins de son récit, l’auteur jonglera avec ces deux leviers, privilégiant parfois la psychologie et les émotions, d’autres fois c’est l’action et l’adrénaline qui primeront.

C’est le premier roman de Christian Blanchard que je lis, je n’ai donc aucun élément de comparaison par rapport à ses titres précédents, le fait est qu’il m’a convaincu avec ce bouquin, et donné encore plus envie de prolonger l’exploration de ses univers littéraires.

Le problème n’est pas l’idéologie en elle-même mais les hommes qui la portent. Quel que soit le mode d’organisation de la société, le pouvoir pervertit méthodiquement l’âme humaine. Le communisme n’échappe pas à cette règle. L’anarchisme non plus.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Karine Giebel – Ce Que Tu As Fait De Moi

AU MENU DU JOUR

K. Giebel - Ce que tu as fait de moi

Titre : Ce Que Tu As Fait De Moi
Auteur : Karine Giebel
Éditeur : Belfond
Parution : 2019
Origine : France
552 pages

De quoi ça cause ?

Quand Laëtitia Graminsky intègre la Brigade des Stups avec le grade de lieutenant, c’est un rêve d’enfant qui se réalise pour elle. Elle est alors loin de se douter que la perversité de ses supérieurs va transformer le rêve en cauchemar…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Karine Giebel et que cette auteure a le don de me prendre aux tripes à chaque fois, sans qu’aucun de ses romans ne ressemble aux précédents.

Ma Chronique

Une fois de plus Karine Giebel frappe fort avec son nouveau roman, le fait de lire ce roman alors que les violences faites aux femmes font la une de l’actualité a sans doute contribué à rendre cette lecture particulièrement éprouvante.

Il faut dire que je voue une haine farouche aux salopards qui abusent des femmes ; que la violence soit psychologique, physique ou sexuelle, j’estime que ces ordures ne méritent aucune compassion. Juste de se faire couper la queue, prendre un coup de surin dans le bide et crever dans le caniveau en une lente et douloureuse agonie…

Ce postulat étant posé vous comprendrez aisément que j’ai immédiatement pris en grippe Ménainville et Fougerolles pour ce qu’ils faisaient subir à Laëtitia ; qu’importe comment, je voulais les voir tomber et souffrir. Même en sachant pertinemment qu’avec une auteure comme Karine Giebel il faut se méfier des apparences, le ressentiment était tout simplement viscéral.

Commençons par le commencement. Après un prologue lourd de sens, pour ne pas dire prophétique, le roman s’ouvre par l’arrivée de l’IGPN à la brigade des Stups de L. (la ville ne sera jamais nommée). Le commandant Ménainville et le lieutenant Graminsky vont être entendus séparément suite à un drame les impliquant.

Dès lors le lecteur va suivre un récit à deux voix relatant le déroulé des événements depuis l’arrivée de Laëtitia au sein de la brigade jusqu’à la scène de crime justifiant l’intervention de la police des polices (on se doute bien que ces gens-là ne se déplacent pas pour des futilités).

Rien à redire Karine Giebel maîtrise à la baguette ses personnages et le déroulé de son intrigue, mais force est de reconnaître que celle-ci ne réserve pas de grosse surprise. La nature même du drame s’impose assez rapidement (pas totalement, mais dans sa globalité) et le reste est relativement prévisible.

Si le profond dégoût éprouvé pour Ménainville et Fougerolles ne m’a jamais quitté (il allait même crescendo au fil des pages), force est de reconnaître que plus d’une fois j’ai eu envie de foutre un monumental coup de boule à Graminsky. Mais bon il paraît que ça s’appelle la passion et que ça ne se contrôle pas… N’empêche que l’empathie que j’avais pour elle a fondu comme neige au soleil, à l’inverse de mon envie de voir sombrer Ménainville.

Ce revirement émotionnel n’a en rien terni le plaisir que j’avais à lire ce bouquin, si je me suis complètement détaché des personnages, mon envie de connaître le fin mot de l’histoire restait plus que jamais entière (j’ai lu le bouquin quasiment d’une traite).

N’allez pas croire que la dimension passionnelle de l’intrigue m’ait totalement échappé, mais dès qu’il y a une quelconque forme de contrainte, je me ferme comme une huître.

Une fois de plus Karine Giebel ose quelque chose de nouveau, une fois de plus son talent narratif fait mouche même s’il n’a pas trouvé chez moi l’écho attendu ; je ne peux même pas mettre ça sur le dos du contexte, je vous l’ai dit : c’est viscéral. Comme la passion, ça ne s’explique pas.

MON VERDICT
Coup de poing