[BOUQUINS] Aidan Truhen – Sept Démons

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Titre : Sept Démons
Série : Jack Price – Livre 2
Auteur : Aidan Truhen
Éditeur : Sonatine
Parution : 2023
Origine : Angleterre (2021)
352 pages

De quoi ça cause ?

Jack Price est désormais à la tête des Sept Démons, une redoutable organisation criminelle internationale. Les temps sont durs et les Démons s’ennuient, Jack va alors accepter un contrat totalement inédit pour eux : braquer une banque suisse réputée inviolable.

Dès leur arrivée en Suisse les choses ne vont pas se dérouler exactement comme prévu, mais il faut plus que ça pour déstabiliser Jack et ses Démons…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que j’avais été totalement emballé par le précédent roman de l’auteur, Allez Tous Vous Faire Foutre, un titre et une couverture qui ne pouvaient qu’attiser ma curiosité. Je n’allais donc pas passer à côté du grand retour de Jack Price.

Ma Chronique

Depuis la sortie du roman Allez Tous Vous Faire Foutre, le voile s’est levé sur la véritable identité de son auteur, Aidan Truhen. Il s’agit en fait de Nicholas Cornwell, fils de John Le Carré, un des grands maîtres de la littérature d’espionnage. Le petit Nicholas est surtout connu sous le nom de plume de Nick Harkaway, auteur de science-fiction et de fantasy.

On ne change pas une recette gagnante, de fait d’entrée de jeu vous retrouvez le ton du précèdent roman. Un récit à la première personne et au présent avec un style et une ponctuation plutôt minimaliste. Pas gênant outre mesure sauf quand Jack Price se lance dans de longues tirades, on perd souvent le fil d’autant que sa logorrhée verbale n’a bien souvent ni queue ni tête.

Je serai tenté de dire que la surenchère semble être le crédo de ce second opus. L’intrigue est plus invraisemblable que jamais, à tel point que parfois on bascule carrément dans le burlesque… déjanté et barré sont des concepts qui font mouche chez moi, mais trop c’est trop.

Avoir lu Allez Tous Vous Faire Foutre avant de se lancer dans cette « suite » n’est pas franchement impératif, mais ça aide toutefois à mieux cerner les personnages et certaines situations.

Dans l’ensemble les lecteurs du précédent roman ne seront pas totalement dépaysés, ça reste délicieusement politiquement incorrect, complétement barré, totalement amoral avec un soupçon de cynisme, le tout largement dopé à l’humour noir. C’est triste à dire mais j’en serai presque réduit à affirmer que la forme sauve le fond.

Dire que je me suis fait chier à lire ce bouquin serait un mensonge, j’ai passé un moment de lecture sympathique mais j’en attendais tellement plus que je ne peux m’empêcher de rester sur un sentiment mitigé (malgré quelques trouvailles des plus originales).

Ne souhaitant pas dézinguer le bouquin, parce qu’il ne le mérite pas, mais ne pouvant m’épancher dessus pour la même raison, j’opte donc pour la concision.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Henri Lœvenbruck – Les Disparus De Blackmore

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Titre : Les Disparus De Blackmore
Auteur : Henri Lœvenbruck
Éditeur : XO
Parution : 2023
Origine : France
519 pages

De quoi ça cause ?

1925. Blackmore est une paisible île anglo-normande au large de Guenersey, mais depuis quelques mois des disparitions inexpliquées sèment la terreur au sein de la population.

Face à l’inertie de la police, Lorraine Chapelle, la première femme ayant obtenu un diplôme de criminologie en France, et Edward Pierce, détective privé britannique et expert en sciences occultes, vont devoir s’allier pour lever le voile sur ces inquiétantes disparitions…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Henri Lœvenbruck, un auteur pour le moins éclectique qui excelle dans tous les genres auquel il se frotte.

Pour le côté Lovecraft de l’intrigue… même si celui-ci reste à prouver.

Ma Chronique

Je remercie les éditions XO et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

C’est un pur hasard si, après la lecture du dernier roman de Stephen King, je reste dans un contexte très inspiré par H.P. Lovecraft. Mais ne vous fiez pas aux apparences, le roman de Henri Lœvenbruck est radicalement différent de celui du King, tant par son contexte que par son intrigue.

Henri Lœvenbruck situe son intrigue en 1925 sur l’île de Blackmore, une île anglo-normande née de l’imagination de l’auteur. Un cadre fictif auquel il parvient à donner corps et vie à grand renfort de détails, que ce soit sur la géographie de l’île, son histoire, sa culture et ses traditions. Mais aussi la ville de Blackmore, ses bâtiments et ses habitants. Tout est d’un réalisme saisissant.

Le duo d’enquêteurs atypique est un choix plutôt classique, pour ne pas dire banal, dans les romans policiers et les thrillers. L’auteur ne déroge pas à la règle en associant les personnages de Lorraine Chapelle, une criminologue française qui ne jure que par la science, et d’Edward Pierce, un détective britannique expert en sciences occultes. Elle est aussi extravertie – à la limite de la provocation – que lui est introverti. Sans surprise le duo va s’avérer aussi efficace que complémentaire.

Initialement nos deux enquêteurs vont être mandatés pour lever le voile sur trois disparitions inexpliquées survenues sur l’île ces derniers mois. Une quatrième disparition, puis un meurtre viendront rapidement compliquer une affaire déjà pleine de zones d’ombre.

Ajoutez à cela une généreuse dose de mythologie celtique combinée à un soupçon de culte des Grands Anciens et vous aurez alors une vision d’ensemble (quoique très superficielle) de ce qui attend notre duo de choc. Autant dire que la rationalité et l’esprit cartésien de Lorraine risque d’être mis à rude épreuve face à ce qu’elle considère comme du grand n’importe quoi.

Le roman se veut un hommage à la littérature populaire – pour ne pas dire pulp –, en souvenir de l’œuvre du grand-père de l’auteur. Sur ce point c’est une totale réussite, l’intrigue est plutôt bien construite et le bouquin se lit quasiment tout seul (si j’ai mis près de deux semaines à le lire, c’est parce que j’étais en congés).

Paradoxalement, c’est aussi cet aspect du roman qui me laisse un arrière-goût d’inachevé. J’aurais aimé que certains aspects de l’intrigue soient plus développés, et, plus globalement, que l’ensemble gagne en complexité et en densité.

Un petit bémol qui pourrait rapidement être oublié si Lorraine et Edward devaient revenir à Blackmore dans un prochain roman de l’auteur.

Il n’en reste pas moins que j’ai passé un très agréable moment en compagnie de ce roman. Une fois de plus Henri Lœvenbruck prouve qu’il est comme à la maison, quel que soit le registre auquel il se frotte.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Stephen King – Conte De Fées

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Titre : Conte De Fées
Auteur : Stephen King
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2023
Origine : États-Unis
736 pages

De quoi ça cause ?

Charlie Reade, 17 ans, est un lycéen comme les autres, jusqu’au jour où il vient en aide à un voisin reclus et irascible, Howard Bowditch. La relation entre le vieil homme et l’adolescent, tendue au début, va peu à peu évoluer vers une confiance mutuelle, voire une amitié improbable. Jusqu’à ce que Howard révèle à Charlie un secret qui va à jamais changer sa vie…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

C’te question ! Stephen King, le seul et unique.

Ma Chronique

Stephen King est un touche-à-tout qui réussit presque à tous les coups à surprendre ses lecteurs (je n’ai toujours pas digéré Sleeping Beauties, même si depuis il a largement su se faire pardonner). Ce n’est pas la première fois qu’il met en scène des univers parallèles (Le Talisman Des Territoires, coécrit avec feu Peter Straub), tout comme il s’est déjà essayé à la fantasy avec Les Yeux Du Dragon (plutôt destiné à un public jeune) ou encore le cycle de La Tour Sombre (il faut absolument que je trouve le temps – c’te bonne blague – de le reprendre depuis le début et d’aller jusqu’au bout cette fois).

Dès la dédicace le King annonce la couleur en pensant à REH (Robert E. Howard, créateur, entre autres, de Conan et Solomon Kane), ERB (Edgar Rice Burroughs, papa notamment de Tarzan et de John Carter) et bien évidemment l’incontournable HPL (H.P. Lovecraft, père fondateur du mythe de Cthulhu).

Un petit mot sur la forme avant d’entrer dans le vif du sujet, chaque chapitre (il y en 32, plus l’épilogue) est présenté par une illustration de Gabriel Rodriguez (chapitres impairs) ou de Nicolas Delort (chapitres pairs). Un choix qui ne s’imposait sans doute pas mais qui ajoute un incontestable bonus esthétique au roman, même si certaines viennent spoiler la suite des événements (je pense surtout au sort du Grand Intendant).

Qui saurait mieux raconter cette histoire que Charlie lui-même ? L’auteur opte donc naturellement pour un récit à la première personne avec son jeune héros comme narrateur.

Charlie prend le temps de nous raconter son histoire et notamment les épreuves qu’il a dû traverser (le décès brutal de sa mère et l’alcoolisme de son père en réponse à ce drame). On pourrait penser que c’est juste afin de faire pleurer dans les chaumières mais ce serait mal connaître le King. Rien n’est laissé au hasard sous la plume du maître, sans ces deux épreuves Charlie n’aurait sans doute pas pris les mêmes engagements vis-à-vis de M. Bowditch.

Vient ensuite la rencontre avec M. Bowditch alors que ce dernier est en bien mauvaise posture… et le coup de foudre de Charlie pour la chienne Radar. Puis l’on suit l’évolution de la relation entre le vieil homme et l’adolescent. C’est à travers cette relation que l’on éprouve rapidement de l’empathie pour ce vieux grincheux (pas de problème au niveau de Charlie, il gagne immédiatement nos cœurs).

Stephen King n’a pas son pareil pour décrire cette relation intergénérationnelle, ainsi que lien qui va se nouer entre Charlie et Radar. Il ne se passe grand-chose de vraiment palpitant pendant ce premier tiers du roman, et pourtant le lecteur (moi en tout cas) ne s’ennuiera jamais tant le récit est vivant et vibrant d’humanité.

Et puis tout bascule. Charlie apprend qu’il existe un mode parallèle, Empis, auquel on peut accéder en descendant un long escalier camouflé par le cabanon de jardin de M. Bowditch. Sceptique dans un premier temps, Charlie va constater par lui-même que son vieil ami ne délirait pas en lui faisant ces révélations.

Dans un premier temps c’est par amour pour Radar que le jeune homme va s’aventurer dans les profondeurs d’Empis et affronter les dangers de la Citadelle. Frappé par l’injustice qui dévaste les habitants d’Empis, soumis à la folie vengeresse d’un tyran de plus en plus incontrôlable, Charlie va prendre fait et cause pour les Empisariens.

Là encore le talent de conteur de Stephen King fait des merveilles. Il donne véritablement vie à ce monde imaginaire. Pour ce faire il puise dans les contes de fées, dans leur forme originelle, pas les versions aseptisées et édulcorées de Disney, mais aussi et surtout dans l’univers de Lovecraft (souvent cité par Charlie).

On découvre alors de nouveaux personnages, parfois surprenants, pour ne pas dire déroutants (à l’image du Snab). Des réfugiés qui essayent tant bien que mal d’échapper au fléau gris qui s’étend inexorablement, les condamnant à une lente et douloureuse agonie. Une famille royale en déroute, frappée elle aussi par une terrible malédiction. Des habitants « sains » (comprendre épargnés par le gris) pourchassés par les troupes du tyran et emprisonnés dans les pires conditions.

Dans le camp du Mal il faudra se montrer patient pour découvrir le tyran en question… mais il sera à la hauteur de sa sinistre réputation. Avant ça nous aurons croisé le chemin d’une géante cannibale et pétomane, d’une escouade de morts-vivants électrifiés et bien d’autres surprises… souvent mauvaises pour Charlie et ses amis.

Alors oui certains diront que c’est un tantinet manichéen, mais après tout Stephen King nous offre un conte de fée pour adultes dans un univers où tout est permis. Le combat qui oppose le Bien au Mal n’a jamais cessé – et ne cessera sans doute jamais – d’être source d’inspiration pour les auteurs. À ce petit jeu Stephen King et son Conte De Fées tirent leur épingle du jeu.

MON VERDICT

Illustration de Nicolas Delort

Illustration de Gabriel Rodriguez