[BOUQUINS] Loiseau & Rambaud – L’Énorme Enquête

Un garde forestier est retrouvé mort dans la rue, un couteau planté dans la poitrine. Mais la rigidité cadavérique a été tellement rapide que le corps n’est pas tombé au sol. Et, si le couteau, qui s’est plié sous l’impact, a traversé le torse de la victime en y faisant des détours, il n’a touché aucun organe vital. Une bien mystérieuse enquête s’annonce pour Commissaire et Inspecteur.

Je remercie les éditions Delcourt et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

D’emblée l’accroche des éditions Delcourt annonce la couleur : « Tous les éléments sont réunis pour une Énorme Enquête plongée dans l’absurde, dans la lignée des Nuls. » Et le moins que l’on puisse dire c’est que cette enquête ressemble effectivement davantage à La Cité De La Peur qu’à du polar pur jus façon Scorcese ou De Palma.

Adeptes d’intrigues tarabiscotées passez votre chemin, ici vous aurez surtout le droit à une succession de gags où l’improbable côtoie l’absurde, et ce aussi bien dans les situations que dans les dialogues. À commencer par les enquêteurs surnommés simplement Inspecteur et Commissaire (mais l’on croisera aussi FBI et bien sûr l’inévitable Tueur).

Autant je considère le film des Nuls, La Cité De La Peur, comme un joyau d’humour absurde et déjanté ; autant j’ai eu un peu plus de mal avec cette BD. Certes difficile de ne pas sourire devant l’imagination débridée de Lorrain Loiseau, mais force est de constater que l’ensemble manque cruellement de cohésion et de profondeur.

J’ai aussi eu du mal avec le dessin hyper simpliste de Yann Rambaud, notamment concernant le manque d’expressivité des personnages. Que le dessinateur joue sur les différentes teintes de gris n’a rien de rédhibitoire, en revanche j’aurai vraiment apprécié qu’il accorde plus de soins à ses personnages.

Nul doute que les auteurs ont dû s’éclater pour nous concocter cet album (jusqu’à la dernière page, ils jouent avec les codes). Merci à eux pour cet instant de bonne humeur mais je reste tout de même sur ma faim au niveau de l’intrigue épaisse comme une feuille de papier toilette bon marché.

[BOUQUINS] Bécu & Trifogli – Morpheus

Depuis l’apparition du virus Morpheus, l’humanité est condamnée au sommeil vingt heures par jour. Pour tenter de survivre à ce chaos, les principales capitales ont déclaré leur indépendance dans une Europe au bord de l’implosion.

A Prague, la mercenaire Juliette tente d’offrir une vie décente à sa fille en multipliant les missions périlleuses et en prenant des drogues pour rester éveillée. Sa rencontre avec le professeur Ivanov lui redonne l’espoir d’éradiquer le virus et de sauver sa fille.

Commence alors pour eux une course frénétique à travers le no-man’s land européen, avec plusieurs groupes armés à leurs trousses…

Je remercie Les Humanoïdes Associés et la plateforme Net Galley pour leur confiance.

Yann Bécu s’est inspiré de l’univers imaginé lors de l’écriture de son roman Les Bras De Morphée pour construire le scénario de Morpheus.

Dans ce monde post-apocalyptique le méchant virus n’a pas éradiqué l’humanité mais la condamne à de longues phases de sommeil (20 heures par jour). Les grandes capitales européennes ont déclaré leur indépendance et vivent quasiment en autarcie. Le reste de l’Europe est devenu un vaste no man’s land où la survie s’organise tant bien que mal.

L’histoire commence à Prague, on y rencontre Juliette, une jeune femme qui vit seule avec sa fille, Chloé, et leur bot Teacher. Pour gagner sa vie elle exerce le métier de chasseuse, une espèce de mercenaire officielle. Elle vient justement se voir confier une mission consistant à déjouer les plans de Trolls (des terroristes opposés au pouvoir et à la science).

C’est au cours de cette mission qu’elle va sauver la vie du Pr Yuri Ivanov, un scientifique qui travaille depuis des années sur la recherche d’un remède à Morpheus. Recherches qui étaient quasiment abouties avant l’attaque des Trolls et la destruction de ses échantillons d’ADN archas (des humains naturellement immunisés contre le virus). Juliette y voit l’opportunité de soigner sa fille, mais cela implique de se rendre à Berlin alors qu’il est formellement interdit de quitter sa cité d’origine.

L’intrigue est originale en sortant du cadre post-apocalyptique habituel, les personnages sont bien travaillés (pas toujours évident de restituer des traits de personnalité via le format graphique).

Si je devais y trouver un bémol, je pourrais, en pinaillant, reprocher à l’intrigue une certaine linéarité. Les jours se suivent et se ressemblent avec leur lot de mauvaises rencontres tandis que la relation entre Juliette et Yuri évolue.

Le découpage irrégulier des différentes planches donne toutefois une réelle dynamique à l’intrigue. Ajoutez à cela le dessin très fin et soigné de Francesco Trifogli (aussi bien dans le traitement des décors que des personnages), associé à une mise en couleurs irréprochable d’Axel Gonzalbo et vous aurez une petite pépite, visuellement parlant.

Belle trouvaille aussi qu’est le traitement réservé aux bots, avec le temps (et les conséquences du virus), ils ont acquis une part d’humanité qui est parfaitement dosée pour interagir avec leurs interlocuteurs humains et entre eux.

Au niveau des surprises un peu moins agréables mais qui ouvrent toutefois de belles perspectives, ce roman graphique semble être le premier opus d’une série à venir. Dommage que rien ne l’indique sur la couv’ ou la page de titre, le lecteur le découvre en butant sur une fin des plus abruptes. Yapuka attendre la suite…