[BOUQUINS] Sonja Delzongle – Noir Comme L’Orage

Après une nuit d’orage, alors que la saison touristique commence à peine, des corps sont découverts sur l’île d’Oléron et ses alentours, attachés à des pieux métalliques plantés dans le sable face à l’océan, foudroyés. Sept dépouilles au total. Et des modes opératoires très proches.

Le capitaine Max Fontaine, en poste à la PJ de La Rochelle, va aussitôt être chargé de l’affaire. Sa priorité : trouver le lien qui unit les victimes pour espérer remonter jusqu’à leur assassin. Il ne se doute cependant pas de la douloureuse épreuve personnelle qu’il s’apprête à traverser, ni de la solitude, de l’impuissance et de la rage qui vont l’habiter durant cette enquête. Car de nombreux obstacles se dresseront sur sa route avant qu’il puisse accéder à la vérité.

Parce que c’est Sonja Delzongle, une belle et grande plume de la littérature noire.

J’ajouterai la magnifique couv’ illustrée par une photo de Dean Gill, un authentique chasseur d’orages (voir son site), qui capte d’emblée le regard.

Je remercie chaleureusement les éditions Fleuve et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Le moins que l’on puisse dire c’est que ça commence fort avec quatre scènes de crimes et sept victimes. Un point commun relie ces macabres mises en scène, l’arme du crime – nettement moins commune que le fameux point –, qui n’est autre que la foudre. Vous vous en doutez la coupable n’est pas Mère Nature…

C’est le capitaine Max Fontaine et son équipe qui vont hériter de cette délicate enquête. Une enquête qui s’annonce complexe au vu du peu d’indices à disposition des policiers… et de la mauvaise volonté de certains de leurs interlocuteurs.

Du fait de son parcours personnel, le personnage de Max avait a priori tout pour attirer l’empathie des lecteurs, mais sa tendance à l’autoapitoiement aura été rédhibitoire pour moi.

Heureusement que son adjoint, Thomas Bergerac, n’est pas affligé du même syndrome de Caliméro. J’ai beaucoup aimé ce personnage, gentil et dévoué, mais aussi un peu fonceur.

Le personnage le plus trouble et le plus complexe reste incontestablement celui de Bénédicte Saint-Roch.  En refermant le bouquin, le voile n’est pas complètement levé sur les multiples facettes de cette personnalité hors norme.

D’autres personnages du roman vous réserveront quelques surprises, parfois bonnes, souvent mauvaises, mais je ne vous en dirai pas plus.

Comme souvent avec Sonja Delzongle, la dimension humaine occupe une place de premier choix dans ce roman. le parcours de Max s’y prête fort bien, mais l’auteure va au-delà de cette différence. Il y sera aussi question d’amour, d’amitiés, de relations familiales (souvent compliquées), de tolérance (et d’intolérance). Et comme le monde n’est pas tout rose, elle saura, avec son talent habituel, disséquer les aspects les plus sombres de l’âme humaine.

Une seconde intrigue, sous la forme d’un double homicide, va venir se greffer à la trame principale du récit. Autant l’enquête autour des foudroyés vous tiendra en haleine jusqu’au clap de fin, autant ce double meurtre ne vous réservera aucune surprise (on devine d’entrée de jeu la personne qui se cache derrière ce crime… il faut dire l’auteure en fait une parfaite tête à claques).

Sonja Delzongle a décidé de situer son intrigue en 2025, ce n’est certes qu’un détail sans importance sur le déroulé des événements, mais je m’interroge tout de même sur ce choix. Pourquoi ne pas avoir situé son intrigue de nos jours ?

À la lecture du roman, on devine un gros travail de documentation préalable autour des orages et des différents phénomènes qui y sont liés (dont la foudre bien entendu). C’est parfois technique, mais ça reste parfaitement compréhensible pour le profane (que je suis, soit dit en passant).

Si l’intrigue principale est rondement menée, je dois toutefois avouer que la fin m’a un peu donné l’impression de tomber comme un cheveu sur la soupe. Sur le coup je suis resté plus que perplexe devant cet ultime revirement de situation.

C’est la principale raison pour laquelle je me suis donné quelques jours pour rédiger la présente chronique (en général je ne prends aucun recul, j’écris à chaud). Je ne voulais pas que ce bémol final vienne ternir mon ressenti global.

[BOUQUINS] Jonas Jonasson – Dernier Gueuleton Avant La Fin Du Monde

Suède, été 2011. Petra, astrophysicienne autodidacte, a calculé que l’apocalypse surviendrait le 7 septembre, peu après 21h20.

Un drôle de hasard met la prophétesse de malheur sur la route de Johan – un homme certes un peu long à la détente, mais qui n’a pas son pareil pour régaler ses hôtes – et d’Agnes, une septuagénaire qui a fait fortune sur les réseaux sociaux en tant que « jeune influenceuse ».

Bien décidés à profiter du temps qu’il leur reste et à régler ce qui doit l’être, les trois compères entament ensemble un road trip en camping-car, au cours duquel ils croiseront les grands de ce monde…

Je considère Gilles Legardinier comme un auteur incontournable de la littérature feel good française – sans non plus vouloir le réduire à cet unique univers littéraire. Pour moi, Jonas Jonasson n’est ni plus ni moins que son équivalent dans la littérature nordique.

Découvert avec Le Vieux Qui Ne Voulait Pas Fêter Son Anniversaire (2012), le coup de foudre a été immédiat. J’ai retrouvé le même grain de folie dans les quatre romans suivants… pas question de rater ce nouveau rendez-vous.

Il serait presque réducteur de qualifier les romans de Jonas Jonasson de littérature feel good, certes ils font du bien au moral et aux zygomatiques, mais l’auteur suédois n’hésite pas à aller au-delà du raisonnable (vraisemblable ?) pour nous entraîner dans un voyage en absurdie (que je fais lorsque je m’ennuie… Ta gueule, Michel !). Et ce trublion nordique sait y faire pour nous embarquer dans ses délires et nous faire oublier notre bon sens et notre rationalité.

Avec ce nouveau roman, Jonas Jonasson va encore plus loin que précédemment, même la morale (parle pour eux… La ferme, Francis !) en prend pour son grade. Pas grave, du moment que l’on se régale et que l’on se marre.

Nous allons donc faire connaissance avec Johan, un personnage « gentil, serviable et d’une intelligence inégale ». Autant appeler un chat un chat, le gars n’a pas la lumière à tous les étages… en revanche il excelle dans le ménage et la cuisine (j’y reviendrai plus tard).

Notre brave Johan va donc rencontrer par hasard – et aussi un peu par accident (à sa décharge conduire un camping-car XXL n’est pas toujours facile… surtout quand on n’a pas de permis et que l’on est incapable de différencier le frein et l’accélérateur) – Petra, astrophysicienne autoproclamée convaincue que le monde n’a plus que quelques jours à vivre. Comme l’Académie des Sciences n’a même pas daigné la recevoir, la scientifique décide d’abréger son attente de l’Apocalypse et de se pendre ! Jusqu’à ce qu’un camping-car percute sa caravane et l’envoie dans le décor.

Plus tard, quand notre chère prophétesse aura renoncé à ses idées suicidaires et après un règlement de compte personnel, notre improbable duo va croiser le chemin (et le hangar à bateaux) de Agnes., une sympathique septuagénaire qui gagne – confortablement – en tant qu’influenceuse d’une vingtaine d’années qui fait le tour du monde – merci Internet, merci Photoshop.

Et voilà notre encore plus improbable trio parti dans un road trip (mais pas que), qui les conduira de la Suède vers l’Allemagne, puis vers la Suisse et l’Italie avant qu’ils ne s’envolent vers l’archipel des Condors (cherchez pas, il n’existe pas).

Un périple qui les amènera à rencontrer de nombreux personnages, dont certains tout aussi improbables qu’eux-mêmes. Johan pourra même se targuer, au cours d’un bref passage à l’ambassade de Suède de Rome, d’avoir échangé avec Barack Obama et Ban Ki-moon… même s’il n’a alors aucune idée de qui sont ces sympathiques gaillards.

Le personnage d’Alexandre Kovaltchuk m’a quant à lui beaucoup intrigué. Proche du pouvoir soviétique puis russe, Jonas Jonasson le présente comme futur président. Sachant que l’intrigue se déroule en 2011, le président russe était alors Dmitri Medvedev (sur le papier, dans les faits c’était bel et bien Vladimir Poutine qui tirait les ficelles du pouvoir) ; de quelle présidence allait donc hériter ce mystérieux Alexander ?

Avec ce roman, non seulement Jonas Jonasson émoustille vos zygomatiques, mais il va aussi titiller vos papilles. Je vous ai dit plus haut que Johan était un excellent cuisinier, je suis en fait loin du compte c’est un véritable chef cuisinier. Au fil de son périple, il va concocter pour ses amis quelques plats qui ne manqueront pas de vous mettre l’eau à la bouche. Pour mitonner ces alléchantes recettes, l’auteur s’est fait aider par Ludwig Tjörnemo (élu Chef de l’année en 2020).

Une fois de plus la sauce a parfaitement pris avec moi. Je referme ce bouquin avec un sourire niais aux lèvres et les yeux pétillants (sans oublier le filet de bave).

[BOUQUINS] Olivier Bocquet & Anlor – Ladies With Guns – Tome 3

Mises au fer comme des criminelles sanguinaires, Kathleen, Daisy, Chumani et Cassie sont envoyées au pénitencier. Mais dans cet enfer de travaux de force et d’humiliations, l’hostilité des gardiens et la convoitise des détenus sont bousculées par l’arrivée de ces détenues d’un autre genre. A priori, pas le lieu idéal pour faire d’heureuses rencontres.

Mais ça, c’est sans compter leur petit caractère et aussi qu’une lady manque à l’appel…

Rien ne va plus pour nos ladies de l’Ouest ! Quatre d’entre elles ont été capturées par les autorités et sont expédiées dans un pénitencier. Seule Abigaïl a réussi à échapper aux chasseurs de primes lancés à leurs trousses.

Notre « brave » directeur va se retrouver bien emmerdé face à ces nouvelles arrivées dans son établissement. C’est le genre de surprise dont il se serait volontiers passé. Forcément, l’arrivée de quatre nanas dans un univers exclusivement masculin – des détenus aux gardiens en passant par le personnel administratif –, risque de faire quelques étincelles. D’autant que ces messieurs sont graves en en manque… mais nos quatre ladies ne comptent pas s’en laisser compter, elles vendront leur peau chèrement !

Un tome très différent des deux précédents du fait du contexte. Les ladies – sans leurs guns – vont devoir affronter le harcèlement et la lubricité des humains dans un milieu des plus hostiles. Mais aussi déterminées soient-elles à rendre coups pour coups, elles ont bien conscience que leurs jours sont comptés entre ces murs. Vous l’aurez compris, leur seule issue reste l’évasion… plus facile à dire qu’à faire.

On retrouve le cocktail justement dosé entre action et humour, avec ce petit quelque chose en plus qui rend nos ladies plus attachantes que jamais. Je vous rassure tout de suite on retrouve aussi la griffe Tarantino-like dans la dernière partie du bouquin.

Au fil des flashbacks qui émailleront le récit, nous découvrirons un épisode de la vie d’esclave d’Abigaïl.

Les dessins d’Anlor et la mise en couleurs par Elvire De Cock donnent vie à l’intrigue imaginée par Olivier Bocquet. On retrouve une mise en page non uniforme qui s’adapte parfaitement aux différentes phases du récit.

Ce troisième opus marque la fin du premier cycle de la série. C’est donc avec grand plaisir que je retrouverai nos cinq ladies, aussi déjantées que sympathiques, pour de nouvelles aventures. Une série qui décline à la perfection le western au féminin – et un tantinet féministe !