[BOUQUINS] Karin Slaughter – Pas De Pitié Pour Martin

K. Slaughter - Pas De Pitié Pour MartinJe n’ai pu résister à la tentation de voir ce que Karin Slaughter pouvait faire quand elle s’éloigne de son genre de prédilection (le thriller) et de ses personnages habituels (Sarah Linton et Will Trent) ; c’est donc un mélange d’avidité et de curiosité que je me suis plongé dans Pas De Pitié Pour Martin.
Martin Reed, 36 ans, est un individu lambda, invisible, quand il n’est pas la cible des railleries de ses collègues ou de sa mère acariâtre chez qui il vit encore. Tout change le jour où il se retrouve suspecté du meurtre d’une de ses collègues. Tout le monde semble convaincu de sa culpabilité sauf la détective An Albada en charge du dossier…
Vu comme ça on pourrait penser que Karin Slaughter reste dans le polar/thriller mais que nenni, Pas de Pitié Pour Martin est au thriller ce que le Canada Dry est à l’alcool. Ca y ressemble fort mais ça n’en est pas ! L’auteure joue à fond la carte de l’humour, un humour qui se consomme noir et fait un bien fou aux zygomatiques (la scène de l’interrogatoire est à pleurer de rire au vu des prouesses de l’avocat commis d’office).
Tandis que Karin Slaughter prend un malin plaisir à jouer avec les règles d’un genre qu’elle maîtrise sur le bout des doigts, elle en profite aussi pour rendre hommage à d’autres grands nom de la littérature policière. Même avec un humour omniprésent l’auteure nous propose une intrigue qui tient plutôt bien la route, notamment grâce à une galerie de personnages hors normes, pour ne pas dire pathétiques (Martin en tête, un loser puissance 10 mais aussi un personnage terriblement attachant).
N’espérez pas un suspense à couper au couteau, vos nerfs ne devraient pas être mis à trop rude épreuve, comme je l’ai déjà indiqué (ça doit être l’âge, je radote) ce sont vos zygomatiques qui intéressent Karin Slaughter. N’attendez pas non plus LE livre de l’année (il date de 2009), prenez le simplement pour ce qu’il est : une pause détente sans prise de tête avec quelques sourires (les éclats de rire en public j’évite… surtout à la bibliothèque) à la clé.
Le roman est court et se lit d’une traite, sans se presser afin de prendre le temps d’en savourer toutes les subtilités (on se surprend à espérer quelques pages de plus au moment de le refermer). En lisant les répliques cinglantes de la mère de Martin je visionnais parfaitement dans le rôle le personnage de Berta (Conchata Ferrell) dans la série Mon Oncle Charlie, Alan (Jon Cryer) ferait un bon Martin avec quelques kilos en plus.

[BOUQUINS] Elspeth Cooper – Les Chants De La Terre (La Chasse Sauvage 1)

E. Cooper - Les Chants De La TerreCela fait un moment que je n’ai pas tâté un peu de fantasy, rien de tel qu’un Book Club pour y remédier puisque l’heureux élu du mois d’août a été Les Chants de La Terre, premier opus de la tétralogie La Chasse Sauvage d’Elspeth Cooper.
Gair est condamné à mort pour sorcellerie mais sa peine est commué, il sera marqué au fer et banni de la Ville Sainte. Il pourra compter sur l’aide d’Alderan, un mystérieux vieillard qui semble en savoir bien plus qu’il ne veut le dire. Ensemble ils rejoindront l’Ordre du Voile où Alderan et ses pairs apprendront à Gair à maîtriser ses talents magiques…
De prime abord ce bouquin avait tout pour me tenter, un éditeur qui fait référence dans le genre (Bragelonne), une couv’ sublime et un pitch alléchant ; alors comment se fait-ce que je sois passé à côté ? Hmmm sans doute parce que les libraires de la place sont plutôt frileux en matière de fantasy, ils ne misent que sur les valeurs n’ayant plus rien à prouver (Le Trône de Fer ou L’Epée de Vérité par exemple). Reste à savoir maintenant si le contenu va tenir toutes ses promesses.
D’ores et déjà il faut savoir que le propre de la fantasy est de proposer une intrigue qui se déroule univers imaginaire, ce qui implique de poser les bases de ce monde (pas seulement sa géographie mais aussi son organisation politique et religieuse et les différents peuples qui y vivent). Ca peut être fastidieux (pour ne pas dire franchement chiant) à moins que les infos ne soient disposées çà et là dans le récit, avec une parcimonie étudiée. C’est le cas présentement, on découvre cet univers régi par ses propres lois au fil des pages et de l’intrigue, ça passe comme une lettre à la poste.
On découvre donc un monde où l’Eglise impose sa loi ce qui implique bien entendu une bonne dose d’obscurantisme et d’hypocrisie (ce n’est pas forcément de la fiction d’accorder religion avec obscurantisme et hypocrisie), de fait la magie n’est pas vraiment vue d’un bon oeil par ces grenouilles de bénitier. Mais bon comme on est dans le domaine de la fantasy il faut bien qu’il y ait magie et sortilèges.
Tout est à l’image de l’univers imaginé par Elspeth Cooper, l’auteure joue la carte de la simplicité (vous n’aurez pas une ribambelle de personnages à mémoriser, ni alliances entre races et/ou factions). Une simplicité qui n’a rien de superficiel, servie par une intrigue qui, à défaut d’être totalement originale, tient bien la route avec son lot de surprises et d’émotions, mais aussi et surtout par une écriture enchanteresse (un grand merci à Caroline Nicolas, pour la qualité de sa traduction).
Peut être que l’adepte forcené de fantasy restera quelque peu sur sa faim (on est loin de la complexité et de la richesse du Trône de Fer par exemple), nul doute que le profane et le fan moins exigeant y trouvera son bonheur. Personnellement ça a été mon cas (alors que je me revendique fan absolu de la saga de George R.R. Martin) ; ce premier tome pose les bases d’une intrigue qui ne peut que se développer par la suite (on devine qu’il reste beaucoup à découvrir avec notamment le Royaume Caché), une très bonne mise en bouche qui donne envie de poursuivre l’aventure en compagnie de Gair.
Si vous vous demandez d’où vient le titre sachez que les Chants de la Terre désigne la source de la magie (une musique et des couleurs que l’utilisateur tisse selon ses besoins), quant à la Chasse Sauvage il vous faudra attendre la dernière partie du bouquin pour savoir ce à quoi elle se rapporte.
Un bémol ? Une fin peut être un peu trop abrupte mais je vous laisse vous faire votre propre opinion de la chose. Globalement une totale réussite, je sais que je me répète mais pourquoi devrai-je me montrer avare en compliments ?
A ce jour seul les deux premiers volumes de la série sont disponibles chez Bragelonne (et accessoirement dans mon Stock à Lire Numérique), le troisième devrait faire son apparition dans les prochains mois. Concernant le quatrième et dernier, il faudra se montrer patient, celui-ci n’étant pas encore publié en anglais. C’est là que le bât blesse avec les sagas de fantasy, à un moment ou à un autre on se retrouve confronté à la frustration de l’attente… Mais bon ça reste raisonnable d’espérer une sortie courant 2015/2016, à titre de comparaison et avec une bonne dose d’optimisme, on peut envisager le livre 6 du Trône de Fer sur la même période et il faudra encore prendre son mal en patience avant d’ouvrir le septième et dernier (?) volume.