[BOUQUINS] JC Hutchins & Jordan Weisman – Chambre 507

Hutchins & Weisman - Chambre 507Il aura suffi de quelques critiques plutôt enthousiastes pour que je chamboule mon programme de lecture (OK j’avoue que ledit programme repose sur des bases mouvantes, pour ne pas dire franchement instables), poussant ainsi en avant un petit nouveau de mon Stock à Lire Numérique : Chambre 507, un thriller écrit à quatre mains par JC Hutchins et Jordan Weisman.
Zach Taylor est art-thérapeute à Brinkvale, un sinistre institut psychiatrique qui héberge les pires psychopathes. Il se voit confier l’expertise psychiatrique de Martin Grace, accusé de douze meurtres et aveugle depuis deux ans (ce qui coïncide avec la fin des crimes). L’accusation repose exclusivement sur le fait qu’il avait prévenu les victimes avant leur mort sans lésiner sur les détails. Alors, innocent clairvoyant ou coupable machiavélique ?
Brinkvale, Long Island (NY) ? Un petit coin de paradis : « L’ins­ti­tut psy­chia­trique Brinkvale n’avait pas été bâti au-des­sus de la car­rière, mais de­dans. Neuf étages de folie furieuse, à hur­ler, à s’en faire bouillir la cer­velle, em­pi­lés dans la roche sur soixante mètres de hauteur. »
Ses résidents ? Que du beau monde : « Mais en 1875, le trou en ques­tion re­tint l’in­té­rêt d’alié­nistes dé­bor­dés qui cher­chaient un lieu tran­quille, caché aux re­gards du pu­blic, où abriter la po­pu­la­tion crois­sante des fous cri­mi­nels qui sé­vis­saient en ville. Des pa­tients soit trop at­teints pour la pri­son, soit trop dan­ge­reux pour les mo­destes asiles mu­ni­ci­paux. Car en fin de compte, même les can­ni­bales, les vio­leurs en série, les né­cro­philes, les bu­veurs de sang, les schi­zoïdes ul­tra­vio­lents et les gou­rous cha­ris­ma­tiques doivent bien dor­mir quelque part. »
Bon maintenant que le décor est posé on va pouvoir entrer dans le vif du sujet. Attachez vos ceintures, le voyage ne sera pas de tout repos !
Au chapitre des personnages je commencerai par Martin Grace, de loin le plus énigmatique et le plus complexe. Un bloc de marbre. Un iceberg. Avant de le rencontrer on découvre son parcours, et déjà les premières questions affluent. Le premier contact entre Zach et Martin nous plonge tout de suite dans le grand bain. Un bain glacé. Dans des eaux noires. Entouré d’un air vicié. Ce fut bref mais intense ; comme Zach on en ressort « sonné, désarçonné« . Et ça ne fait que commencer…
Passons à Zach Taylor maintenant. Après une jeunesse tumultueuse et rebelle (les relations avec son paternel sont toujours tendues), il semble enfin avoir trouvé sa place. Inutile de vous préciser que pour lui sa rencontre avec Martin Grace va marquer le début d’une descente en enfer, une plongée en apnée dans l’antre de la folie et de la phobie. Une plongée dans les sombres secrets de Martin Grace mais aussi dans ceux de sa propre famille. Heureusement pour éviter de sombrer il pourra compter sur le soutien de son frère, Lucas (un extravagant, adepte du parkour, qui a plus d’un tour dans son sac) et sa nana, Rachael (une geek pour qui l’informatique n’a bien entendu aucun secret). Un trio auquel on ne peut qu’accrocher, ils sont autant complices que complémentaires ; mais surtout ils apportent un peu de lumière dans les ténèbres et un peu de légéreté (avec quelques touches d’humour qui font mouche) dans ce magma oppressant.
Ecrit à la première personne, les auteurs nous proposent de vivre leur intrigue par le biais de Zach ; le résultat est pour le moins percutant. On partage ses questionnements, ses remises en question et ses peurs tandis qu’il creuse le passé de Grace et celui de sa famille. Les auteurs prennent un malin plaisir à brouiller les pistes et à jouer crescendo avec nos nerfs (âmes sensibles s’abstenir).
Il faut dire que l’intrigue est franchement tarabiscotée et menée de main de maître, une fois accroché (et ça va très vite), on ne lâche le bouquin qu’à regrets, espérant pouvoir le reprendre au plus vite. Un thriller foutrement efficace qui vous poussera souvent à vous demander si on est encore dans le rationnel ou si on a basculé dans la quatrième dimension (afin de laisser intact le suspense je ne répondrai pas à cette question).
Certes la fin ne répond sans doute pas à toutes les questions, je soupçonne qu’il s’agisse là d’un geste délibéré des auteurs (plutôt qu’un manque d’inspiration) afin de laisser une porte ouverte à une interprétation personnelle ; c’est une option qui ne m’a pas frustré outre mesure.
A noter que les droits d’adaptation au cinéma ont été achetés par Gore Verbinski (en tant que producteur), espérons qu’il saura s’entourer d’une équipe qui restituera toute la noirceur et la rudesse du roman ; pour rappel Verbinski est surtout connu pour être à l’origine de la saga Pirates des Caraïbes et de Lone Ranger pour Disney, inutile de préciser qu’on ne joue pas vraiment dans la même catégorie avec Chambre 507.
M’est d’avis que cette toute jeune maison d’édition (née en avril 2014 avec Fabrice Colin comme directeur éditorial), Super 8, n’a pas fini de nous surprendre. En tout cas perso je zieute déjà avidement vers plusieurs autres titres de son catalogue. Il y a fort à parier que le petit nouveau ne tardera pas à jouer dans la cour des grands grâce à une ligne éditoriale des plus prometteuses : « inoculer à la littérature mainstream la dose de surnaturel (fantastique, horreur, anticipation, galère post-apocalyptique, etc.) que cette dernière réclame sans le savoir.«