Pour l’inconditionnel que je suis la parution d’un nouveau roman de Stephen King est toujours un moment très attendu, malgré une mise en bouche un peu terne à l’occasion de la sortie de Sale Gosse, je me suis rué sur Joyland, et c’est plutôt confiant que je m’y suis plongé.
Pour Devin Jones, étudiant (et accessoirement puceau) de 21 ans, l’été 73 aurait pu être l’été de toutes les déprimes puisqu’il venait de se faire plaquer par celle qu’il considérait naïvement comme la femme de sa vie. Mais son emploi à Joyland, un parc d’attractions sur Heaven’s Bay, pourrait bien changer le cours des choses…
D’entrée de jeu l’épaisseur du bouquin peut surprendre les adeptes du King, avec un peu plus de 300 pages on est bien loin des pavés habituels ; court roman ou longue nouvelle ? Je miserai d’avantage sur la première option, l’auteur prend le temps de poser ses personnages, son décor et son intrigue.
Durant toute la première partie (difficile à délimiter vu que le bouquin n’est pas chapitré, mais on peut dire jusqu’à la journée du 4 juillet) on découvre le quotidien de Devin Jones à Joyland, ponctué par quelques phases d’auto-apitoiement sur sa condition de puceau, puis sur celle de puceau plaqué (on lui pardonne, un type qui écoute The Doors et les Pink Floyd ne qu’être un mec bien)… Déconcertant venant du King mais c’est tellement bien écrit (et, pour une fois, bien traduit) que l’on ne s’ennuie pas une minute tout en se demandant où l’auteur compte nous emmener. Rassurez vous les choses se précisent par la suite, l’intrigue se teinte d’un soupçon de fantastique sans toutefois sombrer dans l’horrifique.
Ecrit à la première personne, on vit les souvenirs de Devin, les rencontres et les événements via l’adulte qu’il est devenu (il raconte son séjour à Joyland une quarantaine d’années plus tard, de nos jours). Contrairement à 22/11/63 le contexte temporel ne joue pas un rôle primordial dans ce bouquin, que l’intrigue se déroule dans les années 70 ou de nos jours ne change pas vraiment la donne.
Pour tout vous dire ce roman est plutôt inclassable, tant dans l’oeuvre de Stephen King (il ne ressemble à rien de ce qu’il a déjà fait) que dans un genre en particulier (une pointe romanesque, un soupçon de fantastique et quelques pincées de policier… secouez le tout et vous obtiendrez Joyland). Mais il n’en reste pas moins que le King reste un conteur hors pair qui excelle faire vibrer les bonnes émotions au bon moment chez le lecteur et à surprendre encore et encore.
Peut être pas le meilleur cru de Stephen King mais un bouquin diablement efficace, même s’il faut peut être prendre un peu de recul pour l’apprécier pleinement. Déconcertant pour en revenir à mon premier qualificatif, et c’est sans doute ce qui le rend si intéressant.
Petit bémol à adresser à l’éditeur (Albin Michel), qu’est-ce que c’est que cette quatrième de couv’ odieusement racoleuse et limite mensongère ? « Les clowns vous ont toujours fait peur ? L’atmosphère des fêtes foraines vous angoisse ? Alors, un petit conseil : ne vous aventurez pas sur une grande roue un soir d’orage… » A se demander si on a bien lu le même bouquin.