[BOUQUINS] Cyril Carrère – Avant De Sombrer

Lorsque Jérôme Cazenave se réveille dans une chambre d’hôpital, tout lui revient à l’esprit. L’échange téléphonique houleux avec sa femme. L’urgence de la situation. Sa terrible sortie de route en rentrant de Nîmes. C’est en tout cas ce qu’il soutient au médecin qui le regarde avec circonspection.

Mais quand un avocat qui prétend le connaître s’invite à son chevet pour lui présenter une autre version de l’histoire, la confusion s’installe. Non, il n’a pas eu d’accident de voiture. Il a été violemment agressé à Lannemezan, dans la prison où il purge une longue peine… pour le meurtre de son épouse.

Afin de recouvrer sa liberté, Jérôme doit résoudre les mystères d’un passé qui lui est étranger. Au risque de faire ressurgir le monstre qui l’a englouti…

Parce que ça fait déjà quelque temps que j’ai envie de découvrir l’univers littéraire de Cyril Carrère. Comme souvent dans ces cas-là je commence par la fin et le dernier roman en date.

Mourir ne me fait pas peur, même si je ne suis pas particulièrement pressé de finir dans un cendrier municipal. À quoi bon avoir peur de quelque chose qui est de toute façon inéluctable ? Par contre ne plus être maître de mon corps et de mon esprit est quelque chose qui m’effraie, d’autant plus que la France est encore à la ramasse en matière de législation autour de l’euthanasie.

C’est le cauchemar que Cyril Carrère inflige à son personnage, Jérôme Cazenave. Le gars se réveille dans un hôpital, convaincu d’avoir été victime d’un accident de la route. Et v’là t’y pas qu’on lui annonce qu’il a été agressé en prison, où il purge une peine pour le meurtre de sa femme. On appelle ça le syndrome des faux souvenirs, tout ce que vous teniez pour vrai n’est qu’une mise en scène imaginée par votre esprit, un mensonge qui s’impose en lieu et place de la vérité.

Si d’autres thématiques médicales sont abordées dans le roman (traitement de la douleur, essais cliniques avec la maladie de Crohn en guise de fil rouge), ce n’est que la toile de fond d’un thriller qui vous tiendra en haleine de la première à la dernière page.

La première partie pose donc le cadre de l’intrigue et une partie de ses acteurs (Jérôme bien entendu, Sylvie la psychologue et Serge, l’avocat). Puis la seconde partie nous renvoie deux ans plus tôt (2019) alors que le lieutenant Cazenave est dépêché sur une scène de crime, rapidement son enquête va trouver écho dans sa vie personnelle et l’AVC dont a été victime sa conjointe en réaction à un essai clinique. Retour en 2021 pour la suite du roman, avec un Jérôme un peu perdu qui va devoir, avec l’aide de Sylvia, se retrouver.

Ce mauvais tour que lui joue sa mémoire va aussi être l’occasion pour Jérôme de se redécouvrir… et de se remettre en question. Malheureusement, il va aussi réaliser qu’il est loin d’être hors de danger, son enquête de 2019 a attiré l’attention d’ennemis puissants et déterminés.

Personnellement, c’est surtout le personnage de Sylvia qui a soulevé le plus d’interrogations au fil de ma lecture. On comprend rapidement qu’elle cache un secret, au départ on en vient même à franchement douter de sa loyauté. Puis peu à peu Cyril Carrère lève le voile, on réalise que si elle poursuit le même combat que Jérôme, son jeu n’est pas pour autant limpide.

Cyril Carrère nous offre un roman parfaitement maîtrisé avec une intrigue bien ficelée, des personnages forts (certains attachants, d’autres méprisables), et une construction qui contribue à donner un rythme soutenu à l’ensemble.

L’auteur ne ménage pas ses personnages, attendez-vous à quelques brusques poussées d’adrénaline. Petit conseil pour les vieux de la vieille, gardez à l’esprit le slogan publicitaire du liquide Vaisselle Paic : « Quand y en a plus, y en a encore ! ». J’dis ça, j’dis rien…

Une belle découverte, je garderai un œil attentif sur les prochains romans de Cyril Carrère (je ne vais pas m’engager à lire les précédents, je sais que je ne trouverai jamais le temps pour ça). Je vous assure que ce n’est pas ce roman qui vous fera sombrer dans les bras de Morphée… par contre je ne promets rien quant à d’éventuelles nuits blanches.

[BOUQUINS] Xavier Massé – La Route Du Lac

Blaches est un charmant village réputé pour sa tranquillité… Jusqu’au jour où, au lendemain d’une soirée, trois étudiants sont portés disparus.
Que s’est-il passé cette nuit-là ?
Que s’est-il passé sur l’unique route qui mène au lac ?
Amis, voisins, connaissances… pour les enquêteurs, tous sont suspects.
Bienvenue à Blaches.

D’abord parce que c’est Taurnada, une maison d’édition qui ne m’a jamais déçu, ensuite parce que les trois précédents romans de Xavier Massé m’avaient fait forte impression.

Je remercie chaleureusement les éditions Taurnada, et tout particulièrement Joël, pour leur confiance renouvelée.

Xavier Massé fait partie de ces auteurs qui osent se remettre en question à chaque nouveau roman, aucun ne ressemble aux précédents, et ce aussi bien sur la forme que sur le fond.

Tout commence par une soirée d’anniversaire qui finit mal. Trois jeunes ne rentreront pas chez eux. L’une sera retrouvée morte. Le second est récupéré alors qu’il errait dans la forêt voisine, hagard et totalement amnésique quant à cette fin de soirée. Et le troisième qui demeure introuvable.

Pour les gendarmes de Lyon, en charge de l’enquête, il ne fait aucun doute que la clé de l’énigme se trouve au sein de ce groupe d’amis qui se connaissent depuis toujours et/ou de leur entourage.

À partir de là, Xavier Massé entraîne les gendarmes et le lecteur dans un dédale qui réservera bien des surprises, au fur et à mesure que les secrets des uns et des autres referont surface. Une affaire qui va prendre une envergure totalement inattendue impliquant des individus peu recommandables.

Pour tisser sa toile et nous piéger, l’auteur joue aussi sur la temporalité de son intrigue, les flashbacks permettent en effet aux différentes pièces du puzzle de s’imbriquer sans pour autant totalement lever voile sur le mystère autour de cette soirée dramatique.

Xavier Massé apporte un soin particulier à ses personnages, à commencer par ces trois jeunes – Mylène, Thomas et Benjamin – qui sont au cœur de l’intrigue. Mais les autres personnages ne sont pas en reste, notamment avec Rémy, un jeune un peu « différent » que tout le monde adore, à tel point qu’il est un peu la mascotte de Blaches.

Alors que s’est-il passé en cette nuit du 21 avril 2018 ? Bien malin(e) celui ou celle qui pourra le dire avant que l’auteur ne vous livre la clé de l’énigme… ou plus exactement le trousseau de clés, chacune permettant de déverrouiller un pan de l’intrigue.

Je reste volontairement dans le flou afin que vous puissiez profiter pleinement de cette lecture… pourquoi pas un bol de pop-corn à portée de main ? Il paraît que le maïs de Blaches est exceptionnel cette année.

Force et alors de constater s’impose comme un redoutable maître de cérémonie, il tire les ficelles de son écheveau avec brio. Des chapitres courts alliés à une approche directe des événements permettent de maintenir le rythme de la première à la dernière page.

[BOUQUINS] Armelle Carbonel – Enigma

Domaine de la Haute-Barde. Un énigmatique orphelinat, théâtre de terribles événements. Par une nuit d’orage, soixante-neuf ans plus tôt, des enfants ont mystérieusement disparu.

Spécialiste des édifices à l’abandon, la journaliste et cinéaste Barbara Blair va tenter de comprendre ce qui leur est arrivé. Mais les habitants du petit village n’apprécient guère cette étrangère qui vient remuer ce passé trouble, d’autant qu’un nouveau drame ne tarde pas à les frapper.

Entre légende et réalité, Barbara est confrontée à une énigme qui menace de réveiller les démons d’autrefois mais aussi ses plus douloureux souvenirs.

Certains secrets doivent être tus à tout jamais, au risque de vous hanter jusqu’à votre dernier souffle.

Parce que c’est Armelle Carbonel, une auteure qui a su marquer les esprits dès son premier roman (Criminal Loft) pour finir, au fil des romans par imposer sa griffe dans le monde du thriller (fortement saupoudré de noir) francophone.

Je remercie les éditions Fayard et la plate-forme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

J’ai découvert Armelle Carbonel via les regrettées éditions Fleur Sauvage et son premier roman – hors auto-édition – Criminal Loft. D’emblée l’auteure a démontré qu’elle maîtrisait les règles aussi bien du thriller psychologique que du roman noir. Un talent qui a été crescendo au fil des romans, l’auteure poussant toujours plus loin dans la noirceur de l’âme humaine.

Avec ce cinquième roman Armelle Carbonel confirme cette tendance, elle va prendre un malin plaisir à jouer avec vos nerfs et votre adrénaline, n’hésitant pas à rebattre totalement les cartes pour achever le lecteur.

Une fois de plus l’auteure opte pour situer son intrigue dans un lieu hors du commun et surtout de sinistre réputation, en l’occurrence un ancien orphelinat qui a été le théâtre d’une disparition en masse (et sans doute d’un massacre) qui demeure inexpliqué à ce jour. L’endroit parfait pour générer une ambiance anxiogène au possible.

En parallèle, il sera souvent fait référence à un autre lieu et à une autre époque, clins d’œil qui nous renvoie à un précédent roman de l’auteure, Sinestra. Roman qui s’avère être le seul que je n’aie pas encore eu l’occasion de lire (publié initialement chez Ring qui ne proposait aucune offre numérique). Une lacune qui ne s’avérera jamais gênante pour la compréhension de l’intrigue.

Une intrigue qui va se tisser et s’étoffer entre le passé et le présent, entre les faits et les légendes, entre secrets, non-dits et mensonges.

Si Armelle Carbonel aime malmener ses personnages, cela ne l’empêche nullement de leur accorder un soins tout particulier. Des personnalités souvent complexes, à commencer par Barbara Blair qui s’investit à fond dans le travail pour essayer d’oublier un drame survenu quatre ans plus tôt, sur un autre tournage. Un drame qui a aussi profondément marqué son équipe, David et Warren.

Là encore rien n’est définitivement acquit, l’auteure est capable de faire basculer ses personnages en un claquement de doigts (un plaisir qu’elle ne boudera pas au fil des chapitres).

À tel point d’ailleurs que je ne sais trop comment interpréter l’épilogue du roman. Est-ce une ultime révélation qui remet totalement en cause tout ce que l’on croyait savoir ? Ou est-ce simplement une autre branche de l’arbre des possibles ? À chacun de l’interpréter comme bon lui semblera.

Plus que jamais Armelle Carbonel fait honneur à son surnom de « nécromancière », incontestablement une plume devenue incontournable pour les amateurs de thrillers bien glauques.

[BOUQUINS] Christophe Agnus – La Liste De L’Écrivain

AU MENU DU JOUR


Titre : La Liste De L’Écrivain
Auteur : Christophe Agnus
Éditeur : Robert Laffont
Parution : 2023
Origine : France
414 pages

De quoi ça cause ?

Otto Callac est un meurtrier très spécial : il avoue spontanément ses crimes – nombreux et sanglants –, mais nul ne connaît sa véritable identité. Et il n’est pas un cas isolé. D’autres criminels, tout aussi mystérieux, se mettent à sévir aux États-Unis.

Peu à peu, une piste se dégage : leurs noms sont empruntés à de macabres héros d’un auteur à succès… Or, ce dernier est au milieu de l’Atlantique sur son voilier, en pleine tempête.

Pour Frank French, agent spécial du FBI, une course contre la montre s’engage.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que Christophe Agnus avait forte impression l’année dernière avec son premier roman, L’Armée D’Edward, un techno-thriller aussi audacieux que maîtrisé.

Ma Chronique

Pour de nombreux lecteurs, dont je suis, L’Armée D’Edward a été l’une des plus grandes révélations littéraires de l’année dernière. Avec ce premier roman, Christophe Agnus, faisait une entrée remarquée et remarquable sur la scène du polar / thriller francophone.

L’auteur ayant placé la barre haute, le lecteur attendait avec impatience de découvrir son second roman. On veut surtout y retrouver la même audace et être emballé par l’intrigue du roman.

Christophe Agnus relève le défi haut la main. Une fois de plus il nous a concocté une intrigue à nulle autre pareille. Plus exactement il nous offre deux intrigues pour le prix d’une, avec d’un côté les tueurs en série nés de l’imagination d’un auteur à succès, et de l’autre les actions coups de poing d’un groupe d’activistes écologistes. Deux arcs narratifs que tout semble opposer mais peut-être pas tant que ça en creusant un peu.

Un thriller dont la clé pourrait bien résider dans les nombreuses théories quantiques… à moins d’être plus pragmatique et d’accepter que des éléments fantastiques ne viennent se greffer à l’intrigue du thriller. De quoi tenir en haleine le lecteur de la première à la dernière page.

En matière de théories quantiques je suis complétement profane (déjà la physique classique dépasse parfois ma capacité / volonté de compréhension). Hormis la fameuse expérience du Chat de Schrödinger que j’ai eu l’occasion de croiser çà et là, le reste est d’une totale opacité. Christophe Agnus réussit l’exploit de s’appuyer sur des démonstrations théoriques sans jamais assommer le lecteur. Du coup on adhère assez facilement au concept et l’on accepte que l’impossible devienne probable.

Pour ancrer encore davantage son roman dans la réalité, l’auteur peut s’appuyer sur une grande connaissance de la société américaine, et notamment rapport aux arcanes judiciaires et pénales du pays.

Si on m’avait dit que je pourrai être amener à ne pas éclater de rire à l’idée que des tueurs issus de l’imagination d’un auteur à succès puissent débarquer dans notre monde pour y perpétrer leurs forfaits, j’aurai certainement souri d’un air désabusé. Je n’irai pas jusqu’à dire que je suis convaincu par les explications de Christophe Agnus, mais je les accepte pour me laisser embarquer dans son intrigue.

Si j’ai été complétement baladé par l’auteur sur les parties tueurs en série et écologistes – très bonne idée la mise en parallèle des deux opérations ; on s’attend à un carnage et finalement… –, j’ai eu très rapidement de sérieux soupçons au niveau du tueur de surfeurs. La suite m’aura donné raison.

Le roman repose sur deux personnages forts qui vont essayer de mettre un terme à une situation de crise aussi inédite que meurtrière. D’un côté l’agent spécial Frank French qui ne vit que pour son boulot au FBI et sa passion pour le surf. Un enquêteur qui va se retrouver confronté à une (des) situation(s) qui dépasse(nt) l’entendement. De l’autre Edwin Lee, auteur à succès qui a imaginé ces tueurs devenus bien réels. Afin de compliquer les échanges entre les deux hommes, Edwin et sa famille sont en pleine traversée de l’Atlantique. Et, cerise sur le gâteau, ils doivent se préparer à affronter un ouragan qui s’annonce particulièrement violent.

Avec ce second roman Christophe Agnus fait, une fois de plus, le pari de l’audace en jouant avec les codes traditionnels du thriller. Force est de reconnaître que, une fois de plus, le pari est gagnant. Un roman très différent de L’Armée D’Edward même si on retrouve certaines préoccupations (notamment au niveau environnemental) qui confirme qu’il faut désormais compter avec ce petit niveau sur la scène du thriller francophone… voire même mondiale, tant il ose remanier les règles du jeu.

MON VERDICT

Coup de poing

[BOUQUINS] Jean-Christophe Grangé – Rouge Karma

AU MENU DU JOUR


Titre : Rouge Karma
Auteur : Jean-Christophe Grangé
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2023
Origine : France
592 pages

De quoi ça cause ?

Mai 68. Alors que Paris est à feu et à sang, que la Vème République vacille sur ses fondations, le corps d’une jeune fille est retrouvé, nu, mutilé, dans une position de yoga. Jean-Louis Mersch attaque l’enquête – il est flic. Hervé et Nicole le secondent, ils sont les amis de la victime.

Le trio interroge, tâtonne, et bientôt trouve : le mobile des meurtres – car il y en a eu d’autres – est au bout du monde, en Inde…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Jean-Christophe Grangé et que je suis un inconditionnel de l’auteur. Je reconnais volontiers que je n’ai pas toujours été emballé par ses romans, cependant aucun ne m’a véritablement déçu.

Ma Chronique

Aaaah, mai 68… Coupez ! Je ne vais certainement pas vous la jouer soixante-huitard nostalgique, chemise à fleurs, love and peace et pétard au coin des lèvres. J’étais certes sur les barricades, mais embarqué à l’insu de mon plein gré par mes parents – j’avais un an. Trop facile de juger à postériori et tel n’est pas l’objet de cette chronique.

Le fait est que le roman de Jean-Christophe Grangé prend sa source à Paris, dans la tourmente de mai 68. L’auteur restitue parfaitement le contexte de l’époque que ce soit du point de vue étudiant ou ouvrier, mais aussi politique avec l’inflexibilité de De Gaulle face à la crise.

Il faut dire que son trio colle parfaitement à la période. Jean-Louis Mersch, vétéran de l’Algérie et flic borderline, censé représenter l’autorité mais qui rêve secrètement du « Grand Soir » qui viendrait renverser l’ordre établi. Hervé Jouhandeau, son demi-frère, étudiant en Histoire dégingandé qui se cherche et se laisse porter par les événements. Et Nicole Bernard, étudiante en Lettres issue de la haute bourgeoisie, rousse incendiaire, pleine d’idéaux dont elle ne saisit pas forcément le véritable sens.

Un trio certes atypique mais pour lequel j’ai eu du mal à éprouver une quelconque empathie, à part peut-être pour Jean-Louis et son côté électron libre… mais c’est resté en surface.

Exit les révolutionnaires en culotte courte ! Une étudiante, proche amie de Nicole et vague connaissance d’Hervé, est retrouvée morte par ce dernier qui appelle le frangin à la rescousse. La position du corps et les mutilations qu’il a subi font rapidement comprendre à Jean-Louis que cette affaire va être hors du commun.

L’enquête va mener notre improbable trio de Paris à Calcutta, puis à Bénarès et enfin à Rome. Pas franchement des vacances de rêves, leur périple sera en effet parsemé de cadavres et au fur et, à mesure que le voile se lèvera, les deux frères en apprendront beaucoup sur leur propre histoire.

J’ai beaucoup aimé la partie parisienne de l’intrigue mais elle est relativement courte. Le travail documentaire de l’auteur se ressent quand il parle de l’Inde, de ses traditions et de sa culture, mais cela n’empêche pas l’intrigue de traîner parfois en longueur et d’être quelque peu tirée par les cheveux.

La conclusion indienne est des plus abrupte, on en serait presque réduit à se dire « Tout ça pour ça ! ». Et ce n’est pas à Rome que les choses vont s’améliorer, on passe à un niveau supérieur au niveau de l’improbable et de l’expéditif.

D’ailleurs je ne suis pas le seul à le penser à en croire un échange entre Jean-Louis et Nicole :

— Ça me semble tiré par les cheveux.
(…)
— Mais tout, absolument tout est tiré par les cheveux dans notre histoire ! Depuis la première seconde où on s’est lancés dans cette enquête !

Bref, je referme ce bouquin plutôt mitigé, pas franchement déçu mais il est incontestable que j’ai connu Jean-Christophe Grangé beaucoup plus inspiré.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Olivier Bal – Roches De Sang

AU MENU DU JOUR


Titre : Roches De Sang
Auteur : Olivier Bal
Éditeur : XO
Parution : 2023
Origine : France
474 pages

De quoi ça cause ?

Londres, 2019. Mirosvlav Horvat, un homme d’affaires serbe, est retrouvé mort chez lui, égorgé après avoir reçu plusieurs coups de couteau. Sur la baie vitrée une inscription en corse, en lettres de sang : Chè la mia ferita sia murtale. Que ma blessure soit mortelle.

Marie Jansen, inspectrice à Europol, qui cherchait à démasquer Horvat, suspecté d’être à la tête d’un puissant réseau criminel, va devoir comprendre ce qui pouvait lier la « victime » à l’île de beauté…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce qu’Olivier Bal fait partie de ces (trop nombreux) auteurs qui intègrent mon Stock à Lire Numérique et qui finissent dans les limbes. Mieux vaut tard que jamais, j’ai intercepté celui-ci avant qu’il ne sombre.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions XO et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

C’est ma première incursion dans l’univers littéraire d’Olivier Bal, un auteur que j’avais envie de découvrir depuis déjà quelques temps. Son nouveau roman va vous faire voyager aussi bien dans le temps que dans l’espace.

Le prologue nous transporte sur l’île de beauté, le 1er août 1993 (par la suite vous verrez que ça coince au niveau de la date), où l’on rencontre le jeune Ange Biasani en fort mauvaise posture. Pour en savoir plus il faudra attendre les derniers chapitres du roman (et cette incohérence chronologique qui me laisse perplexe).

Ensuite on fait un bond dans le temps et dans l’espace pour se retrouver à Londres en décembre 2019. Un magnat serbe a été assassiné chez lui, poignardé à plusieurs reprises avant d’être égorgé. Unique indice, une phrase inscrite en lettres de sang sur la baie vitrée : Chè la mia ferita sia murtale.

Un crime qui ne fait pas vraiment les affaires d’Europol, et tout particulièrement de l’équipe de Marie Jansen qui traquait la victime – soupçonnée d’être à la tête d’un vaste réseau criminel – depuis de longues années. Pourquoi le tueur a-t-il laissé cette énigmatique signature écrite en langue corse ? Quel est le lien entre le magnat / mafieux et la Corse ?

À partir de cet instant les chapitres alternerons entre l’enquête de Marie Jansen et le périple de quatre jeunes corses – Ange, Théo, Dumé et Fred – qui, au cours de l’été 1993, vont se lancer dans une succession de braquages sensés leur apporter la fortune… Si ce n’est que, bien entendu, les choses ne vont pas vraiment se passer comme prévu.

Le personnage de Marie Jansen est plutôt complexe à aborder – et plus encore à trouver sympathique –, totalement investie dans son boulot, elle néglige sa famille (un mari et une fille de 3 ans). Elle reconnaît d’ailleurs sans complexe n’avoir aucun instinct maternel. Il faut dire qu’elle aura besoin de toute sa pugnacité professionnelle pour démêler l’écheveau de cette enquête. Une enquête qui va la conduire aux quatre coins de l’Europe (Angleterre, Suisse, Grèce, Croatie… et Corse), plongeant toujours plus loin dans la noirceur de l’âme humaine.

Au niveau des personnages de « l’intrigue corse », j’ai tout suite éprouvé une forte empathie pour Ange Biasani. Par la suite, je n’ai pu que succomber au côté gros nounours de Dumé. Même Fred, bien que beaucoup plus réservé, m’est apparu sympathique. En revanche dès le départ j’ai tiqué sur Théo Biasani, le frère cadet d’Ange, avec lui les emmerdes sont assurées.

Plus loin dans le roman on fera la connaissance de trois gamines qui, malgré leur jeune âge, ont déjà connu l’enfer et sont promises à pire encore. Jusqu’à ce qu’elles croisent, par le plus grand des hasards, la route des frères Biasani et de de leurs potes.

Dans le camp des méchants, Francis Venturi est l’archétype du parrain corse qui se prend pour Don Corleone alors qu’il n’est qu’un modeste chef de clan parmi d’autres. Avec Horvat et son homme de main, Dragan, on joue clairement dans la classe supérieure au niveau des pourritures.

L’intrigue est rondement menée, une fois que l’on a mis la main dans l’engrenage, on aura bien du mal à lâcher prise. Certes il y a quelques éléments que l’on repère facilement (pas besoin d’avoir fait des études supérieures de criminologie pour deviner qui se cache derrière le Balafré), on se laisse toutefois volontiers porter par l’auteur.

J’ai trouvé ce roman aussi captivant que palpitant, avec Ange, ses amis et les gamines, j’ai vibré au rythme de leurs aventures. J’ai partagé leurs joies mais aussi leurs douleurs… mais contrairement à Ange j’ai la rancune tenace, le pardon n’est pas ma tasse de thé.

Olivier Bal parvient rapidement à nous faire aimer « son » assassin, plutôt que de le juger on a envie de le féliciter et de cracher – et plus si affinités – sur le corps de ses victimes. Concernant son identité, je dois reconnaître que je l’avais fortement soupçonné dès que l’on apprend qui se cache derrière Baba Yaga. Un indice donné par le flic croate permet d’ailleurs de « démasquer » Baba Yaga avant que Marie ne fasse sa connaissance.

Un roman qui met aussi en avant les décors magnifiques (tels que décrits dans le bouquin, n’ayant jamais eu l’occasion de constater de visu) de la Corse, mais aussi son côté obscur avec cette petite mafia qui la gangrène en quasi impunité… merci à la sacro-sainte omerta qui permet à des ordures de continuer à imposer leurs lois.

Je terminerai cette chronique en revenant sur la question chronologique qui me turlupine. J’ai simplement contacté Olivier Bal sur FB, ce dernier m’a répondu – rapidement et fort sympathiquement – qu’il s’agissait tout simplement d’une coquille oubliée. Si vous êtes lecteur numérique et savez modifier le code d’un roman, vous pouvez remplacer le 1er août 1993 par le 29 juillet 1993 dans le prologue.

MON VERDICT

[BOUQUINS] James S. Murray & Darren Wearmouth – Le Passager De Trop

AU MENU DU JOUR


Titre : Le Passager De Trop
Auteur : James S. Murray & Darren Wearmouth
Éditeur : Calmann-Lévy
Parution : 2023
Origine : États-Unis (2021)
300 pages

De quoi ça cause ?

Maria Fontana espérait passer un moment tranquille en famille en embarquant sur l’Atlantia, un paquebot tout confort qui assure la liaison entre New York et Southampton.

Il faut dire qu’elle était jurée dans le procès particulièrement éprouvant et ultra médiatisé d’un tueur en série, procès à l’issue duquel l’accusé est ressorti libre, faute de décision unanime du jury. Un verdict qui a suscité la vindicte des familles et des médias.

Quelques jours après l’embarquement, des trucs pas nets semblent se passer à bord. Et si un tueur comptait parmi les passagers ou l’équipage…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que l’idée d’un huis clos au milieu de l’océan Atlantique me semblait idéalement oppressante ; la toile de fond idéale pour un thriller.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Calmann-Lévy et la plate-forme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Oubliez La Croisière S’Amuse, ici le paquebot va s’avérer être le théâtre d’un jeu mortel orchestré par un tueur insaisissable. Un tueur au modus operandi qui ressemble un peu trop à celui de Wyatt Butler, le présumé tueur en série remis en liberté à l’issue de son procès.

Si Maria Fontana relève rapidement ces similitudes, elle n’est prise au sérieux ni par son compagnon qui la traite gentiment de parano, ni par l’équipe de sécurité du paquebot qui serait même limite à la trouver suspecte.

Le huis clos annoncé tient toutes ses promesses, le paquebot, bien que vaste, n’offre aucune échappatoire aux victimes tout en permettant au tueur de se fondre dans la foule. Si vous êtes thalassophobique, nul doute que ce roman ne contribuera pas à votre guérison.

Le mutisme des équipes chargées de la sécurité du paquebot n’aura pas vraiment l’effet apaisant escompté, il sera prétexte à des rumeurs, certaines proches de la réalité, d’autres complétement farfelues. Il n’en faudra pas davantage pour créer un sentiment de malaise parmi les passagers. Il suffirait d’une étincelle pour que le malaise se transforme en peur panique, et notre tueur sadique adore attiser les braises.

Maria est psychologue de métier, son expertise de la psyché humaine – et tout particulièrement celle de Wyatt Butler – pourrait bien être son principal atout pour arrêter le massacre.

Un roman qui s’adresse bien entendu aux fans de thrillers, mais que je réserverai à un public averti ; notre tueur cible principalement les enfants et fait preuve d’une brutalité extrême dans ses mises en scènes morbides. L’écriture est très visuelle et force est de reconnaître que les auteurs ne laissent que peu de place à l’imagination des lecteurs quant à leurs scènes de crimes.

Les différents personnages sont bien travaillés avec un profil psychologique particulièrement soigné, l’intrigue est rondement menée avec son lot de rebondissements et de fausses pistes, mais l’ensemble reste relativement conventionnel dans son approche. Ça n’en reste pas moins un très bon thriller, mais avec une touche plus personnelle il aurait pu être un excellent thriller.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Aidan Truhen – Sept Démons

AU MENU DU JOUR


Titre : Sept Démons
Série : Jack Price – Livre 2
Auteur : Aidan Truhen
Éditeur : Sonatine
Parution : 2023
Origine : Angleterre (2021)
352 pages

De quoi ça cause ?

Jack Price est désormais à la tête des Sept Démons, une redoutable organisation criminelle internationale. Les temps sont durs et les Démons s’ennuient, Jack va alors accepter un contrat totalement inédit pour eux : braquer une banque suisse réputée inviolable.

Dès leur arrivée en Suisse les choses ne vont pas se dérouler exactement comme prévu, mais il faut plus que ça pour déstabiliser Jack et ses Démons…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que j’avais été totalement emballé par le précédent roman de l’auteur, Allez Tous Vous Faire Foutre, un titre et une couverture qui ne pouvaient qu’attiser ma curiosité. Je n’allais donc pas passer à côté du grand retour de Jack Price.

Ma Chronique

Depuis la sortie du roman Allez Tous Vous Faire Foutre, le voile s’est levé sur la véritable identité de son auteur, Aidan Truhen. Il s’agit en fait de Nicholas Cornwell, fils de John Le Carré, un des grands maîtres de la littérature d’espionnage. Le petit Nicholas est surtout connu sous le nom de plume de Nick Harkaway, auteur de science-fiction et de fantasy.

On ne change pas une recette gagnante, de fait d’entrée de jeu vous retrouvez le ton du précèdent roman. Un récit à la première personne et au présent avec un style et une ponctuation plutôt minimaliste. Pas gênant outre mesure sauf quand Jack Price se lance dans de longues tirades, on perd souvent le fil d’autant que sa logorrhée verbale n’a bien souvent ni queue ni tête.

Je serai tenté de dire que la surenchère semble être le crédo de ce second opus. L’intrigue est plus invraisemblable que jamais, à tel point que parfois on bascule carrément dans le burlesque… déjanté et barré sont des concepts qui font mouche chez moi, mais trop c’est trop.

Avoir lu Allez Tous Vous Faire Foutre avant de se lancer dans cette « suite » n’est pas franchement impératif, mais ça aide toutefois à mieux cerner les personnages et certaines situations.

Dans l’ensemble les lecteurs du précédent roman ne seront pas totalement dépaysés, ça reste délicieusement politiquement incorrect, complétement barré, totalement amoral avec un soupçon de cynisme, le tout largement dopé à l’humour noir. C’est triste à dire mais j’en serai presque réduit à affirmer que la forme sauve le fond.

Dire que je me suis fait chier à lire ce bouquin serait un mensonge, j’ai passé un moment de lecture sympathique mais j’en attendais tellement plus que je ne peux m’empêcher de rester sur un sentiment mitigé (malgré quelques trouvailles des plus originales).

Ne souhaitant pas dézinguer le bouquin, parce qu’il ne le mérite pas, mais ne pouvant m’épancher dessus pour la même raison, j’opte donc pour la concision.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Henri Lœvenbruck – Les Disparus De Blackmore

AU MENU DU JOUR


Titre : Les Disparus De Blackmore
Auteur : Henri Lœvenbruck
Éditeur : XO
Parution : 2023
Origine : France
519 pages

De quoi ça cause ?

1925. Blackmore est une paisible île anglo-normande au large de Guenersey, mais depuis quelques mois des disparitions inexpliquées sèment la terreur au sein de la population.

Face à l’inertie de la police, Lorraine Chapelle, la première femme ayant obtenu un diplôme de criminologie en France, et Edward Pierce, détective privé britannique et expert en sciences occultes, vont devoir s’allier pour lever le voile sur ces inquiétantes disparitions…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Henri Lœvenbruck, un auteur pour le moins éclectique qui excelle dans tous les genres auquel il se frotte.

Pour le côté Lovecraft de l’intrigue… même si celui-ci reste à prouver.

Ma Chronique

Je remercie les éditions XO et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

C’est un pur hasard si, après la lecture du dernier roman de Stephen King, je reste dans un contexte très inspiré par H.P. Lovecraft. Mais ne vous fiez pas aux apparences, le roman de Henri Lœvenbruck est radicalement différent de celui du King, tant par son contexte que par son intrigue.

Henri Lœvenbruck situe son intrigue en 1925 sur l’île de Blackmore, une île anglo-normande née de l’imagination de l’auteur. Un cadre fictif auquel il parvient à donner corps et vie à grand renfort de détails, que ce soit sur la géographie de l’île, son histoire, sa culture et ses traditions. Mais aussi la ville de Blackmore, ses bâtiments et ses habitants. Tout est d’un réalisme saisissant.

Le duo d’enquêteurs atypique est un choix plutôt classique, pour ne pas dire banal, dans les romans policiers et les thrillers. L’auteur ne déroge pas à la règle en associant les personnages de Lorraine Chapelle, une criminologue française qui ne jure que par la science, et d’Edward Pierce, un détective britannique expert en sciences occultes. Elle est aussi extravertie – à la limite de la provocation – que lui est introverti. Sans surprise le duo va s’avérer aussi efficace que complémentaire.

Initialement nos deux enquêteurs vont être mandatés pour lever le voile sur trois disparitions inexpliquées survenues sur l’île ces derniers mois. Une quatrième disparition, puis un meurtre viendront rapidement compliquer une affaire déjà pleine de zones d’ombre.

Ajoutez à cela une généreuse dose de mythologie celtique combinée à un soupçon de culte des Grands Anciens et vous aurez alors une vision d’ensemble (quoique très superficielle) de ce qui attend notre duo de choc. Autant dire que la rationalité et l’esprit cartésien de Lorraine risque d’être mis à rude épreuve face à ce qu’elle considère comme du grand n’importe quoi.

Le roman se veut un hommage à la littérature populaire – pour ne pas dire pulp –, en souvenir de l’œuvre du grand-père de l’auteur. Sur ce point c’est une totale réussite, l’intrigue est plutôt bien construite et le bouquin se lit quasiment tout seul (si j’ai mis près de deux semaines à le lire, c’est parce que j’étais en congés).

Paradoxalement, c’est aussi cet aspect du roman qui me laisse un arrière-goût d’inachevé. J’aurais aimé que certains aspects de l’intrigue soient plus développés, et, plus globalement, que l’ensemble gagne en complexité et en densité.

Un petit bémol qui pourrait rapidement être oublié si Lorraine et Edward devaient revenir à Blackmore dans un prochain roman de l’auteur.

Il n’en reste pas moins que j’ai passé un très agréable moment en compagnie de ce roman. Une fois de plus Henri Lœvenbruck prouve qu’il est comme à la maison, quel que soit le registre auquel il se frotte.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Sonja Delzongle – Thanatea

AU MENU DU JOUR


Titre : Thanatea
Auteur : Sonja Delzongle
Éditeur : Fleuve Éditions
Parution : 2023
Origine : France
416 pages

De quoi ça cause ?

Esther quitte la PJ de Lyon et ses deux amies de toujours, Layla et Hélène, pour prendre un nouveau départ en Suisse. Elle va intégrer Thanatea, une entreprise spécialisée dans le funéraire et le suicide assisté.

Rapidement Esther va constater quelques phénomènes étranges ; est-elle en train de complètement perdre pieds ou est-ce que de sombres secrets se cachent derrière Thanatea.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonja Delzongle et que je n’ai pas encore pris le temps de m’intéresser à ses titres autres que ceux de la série Hannah Baxter.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Fleuve et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Le dernier roman de Sonja Delzongle est avant tout l’histoire de trois femmes, amies d’enfance qui ne sont jamais quitté malgré les épreuves qu’elles ont pu traverser elles sont aujourd’hui toutes les trois officiers à la PJ de Lyon. Le départ d’Esther jette un froid sur le trio mais pour elle quitter la police et s’offrir un nouveau départ, loin de tout, était nécessaire.

Le ton est donné dès les premières pages puisque le roman s’ouvre sur un enterrement. Une de ces trois femmes est morte, ses amies assistent aux funérailles. Qui est la victime ? Comment en est-on arrivé là ?

C’est ce que l’auteure vous invite à découvrir en ramenant le lecteur quelques semaines plus tôt. Le jour où Esther quitte la police pour rejoindre Thanatea en tant que « préposée au café ».

La mort est un commerce comme un autre, nul n’oserait remettre en question l’utilité des entreprises funéraires qui sont un renfort indispensable pour les familles endeuillées. Il est vrai qu’en Suisse, où le suicide assisté est légal en cas de maladie incurable ou fortement invalidante, la chose prend une tout autre dimension.

Thanatea est une de ses entreprises spécialisées à la fois dans le service funéraire et le suicide assisté. C’est aussi le nom de l’île, au large du lac Léman (côté suisse) qui abrite cette infrastructure.

Inutile de vous ruer sur un Atlas ou sur Google Maps, point d’île sur le lac Léman, c’est une invention de l’auteure pour les besoins de son intrigue.

Croyez-moi vous aurez tôt fait d’oublier ce détail et même de vous en accommoder, Sonja Delzongle sait y faire pour brouiller les pistes et rapidement vous vous demanderez si Esther est en train de perdre pied ou s’il se passe vraiment des trucs pas très clairs sur Thanatea…

Parallèlement nous suivrons aussi les parcours de Layla et Hélène, confrontées à la fois à des affaires criminelles à résoudre mais aussi aux difficultés et aux aléas du quotidien.

Si on ne sait pas exactement où tout cela va nous mener, on se laisse toutefois porter par le talent narratif de l’auteure. Au fil des pages et des revirements de situation on va réaliser – à l’instar de Layla et Hélène – que l’on ne connaît vraiment des autres que ce qu’ils veulent bien nous révéler. Chez certaines personnes le fameux « jardin secret » peut s’avérer plus vaste et plus inextricable qu’une forêt tropicale.

Sonja Delzongle sait y faire pour mettre les neurones de ses lecteurs à rude épreuve, vous n’avez pas fini de vos poser des questions et d’être surpris par les révélations en cascade. Une lecture totalement addictive et captivante de bout en bout.

Mon plus grand regret : que l’une de ces trois drôles de dames doive mourir. Et ladite mort surviendra elle aussi de la façon la plus inattendue qui soit.

La mort est un commerce comme un autre… ou pas. Entre de mauvaises mains et pour de mauvaises raisons, les dérives de la thanatopraxie repoussent les limites morales et n’ont plus rien d’honorables.

MON VERDICT