[BOUQUINS] Colin Winnette – Là Où Naissent Les Ombres

C. Winnette - Là où naissent les ombresJe ne suis pas du genre à me laisser influencer par les accroches commerciales mais j’avoue que la promesse du Washington Post, d’un roman qui « révolutionne le genre du western » a titillé ma curiosité et rapidement propulsé sur les hauteurs de mon Stock à Lire Numérique le roman de Colin Winnette, Là Où Naissent Les Ombres.
Brooke et Sugar sont frères et chasseurs de primes. Suite à un accrochage en ville ils sont contraints de trouver refuge en forêt histoire de se faire oublier. Un matin ils retrouvent, allongé entre eux, un gamin, nu et amnésique. Bon an, mal an, les deux frères vont accepter qu’il les accompagne. mais avec eux le voyage ne sera pas de tout repos…
Ah que voilà un roman qu’il n’est pas simple de présenter, à tel point qu’on peut se demander si le gars qui a rédigé la quatrième de couv’ chez Denoël a bien lu le bon bouquin…
Si vous aimez les romans noirs et les western alors ce bouquin est fait pour vous, l’auteur vous propose en effet un western d’une noirceur absolue qui vous prendra aux tripes dès les premières pages. Le genre de noirceur d’où ne perce aucune source d’espoir, pas même une étincelle ; une plongée en aveugle dans les tréfonds les plus obscurs de l’âme humaine.
Un sentiment renforcé par une forme brute de décoffrage qui n’est pas sans rappeler La Route de Cormac McCarthy, aucun chapitrage et une mise en page minimaliste (un saut de ligne pour passer d’un personnage à l’autre, un retrait en début de paragraphe et puis basta).
Même le style contribue à ce sentiment de malaise diffus, l’écriture est froide, l’auteur nous expose les faits sans fioriture (ce qui n’empêche pas une grande richesse dans le vocabulaire) ; comme s’il souhaitait garder ses distances avec ses personnages par crainte que leur noirceur ne déteigne sur lui. Un ressenti qui n’est pas sans rappeler l’effet que m’avait fait Sukkwan Island de David Vann.
Et pourtant une fois le bouquin commencé je n’ai plus pu le lâcher, hypnotisé par cette intrigue (où plutôt par cette succession d’événements) d’où personne ne sortira indemne. Peut être que je suis maso à rechercher du noir toujours plus noir.
On peut sans trop de risque de se tromper situer le récit dans l’Ouest américain du XIXème siècle même si nous n’avons quasiment aucun repère, ni géographique, ni temporel. Peut être une façon de souligner que la noirceur de l’âme humaine ne connaît aucune frontière spatio-temporelle…
De la même façon il est difficile de s’attacher aux personnages, mais là encore on sent une volonté délibérée de l’auteur de vouloir imposer une certaine distance. On saura finalement assez peu de choses concernant Brooke et Sugar (mais attendez vous quand même à un retournement de situation qui devrait vous laisser sur le cul). Difficile, pour ne pas dire impossible, de faire un tri entre les gentils et les méchants, ici nous ne sommes pas dans le tout blanc et tout noir mais plutôt dans une large palette de nuances de gris.
C’est le premier roman de l’auteur traduit en français, en VO c’est son cinquième et dernier titre en date (paru en 2015). Je ne sais pas si Denoël (ou tout autre éditeur francophone) compte publier les précédents mais si tel était le cas alors je serai fidèle au rendez-vous.
Je comprendrais parfaitement que mon enthousiasme laisse de marbre certains de mes visiteurs craignant une overdose de noirceur, tout comme je ne serai pas surpris que certains lecteurs ne partagent pas mon engouement pour ce roman… Si je peux donner un conseil aux futurs lecteurs potentiels : évitez de vous lancer dans un moment de blues à l’âme !

MON VERDICT
jd5Coup double

[BOUQUINS] Brian Panowich – Bull Mountain

B. Panowich - Bull MountainUne lecture qui m’a été chaudement recommandé et, au vu des critiques lues sur le net, le bouquin semble s’annoncer comme un incontournable de l’année 2016. Place donc à ma chronique de Bull Mountain, un premier roman signé Brian Panowich.
Depuis toujours Bull Mountain est le territoire du clan Burroughs, de là partent toutes sortes de trafics (armes, alcool, drogue…) sous la direction de Halford Burroughs. Clayton Burroughs, son frère cadet, a réussi à s’extirper de cette spirale infernale, il est même devenu shérif du comté et tente, avec les moyens du bord et sans mettre la région à feu et à sang, d’endiguer le flot de merde qui s’écoule de Bull Mountain. Mais cet équilibre précaire risque d’être mis à mal par l’arrivée de l’agent fédéral Simon Holly, bien décidé à nettoyer Bull Mountain, quel qu’en soit le prix à payer…
Ai-je bien fait de bouleverser mon planning de lecture pour privilégier ce bouquin ? Incontestablement la réponse est OUI. Mais comme ça fait un peu court comme réponse je vais maintenant argumenter.
Comme souvent avec les éditions Actes Sud, la couv’ est sobre mais efficace. Et oui, même quand on lit en numérique on reste sensible aux couvertures, ça reste le premier contact que l’on a avec le livre. Certes elle ne jouera pas un rôle décisif dans le choix final mais une couverture bien fichue peut m’amener à m’intéresser à un bouquin qui aurait pu me laisser indifférent en d’autres circonstances.
Direction le sud des Etats-Unis, plus précisément la Géorgie, pour un thriller 100% redneck mais aussi et surtout 100% noir. Une histoire de famille plus proche de Caïn et Abel que de Arnold et Willy, chez les Burroughs l’Histoire s’écrit dans la violence, en lettres de sang. Une histoire de famille qui commence en 1949 par un meurtre brutal et s’achève en 2015 dans un bain de sang.
Une histoire qui repose sur trois personnages principaux. Clayton, le cadet du clan Burroughs, devenu shérif pour échapper à Bull Mountain. Halford, son aîné, maître auto-proclamé de Bull Mountain (même si personne ne lui conteste ce titre). Simon Holly, un fédéral qui semble avoir un compte personnel à régler avec le clan Burroughs.
Il faudra aussi compter avec les Burroughs du passé. Cooper, le grand-père, et Gareth, le père qui étendront l’activité de Bull Mountain à la drogue (cannabis puis méth) et aux armes lourdes (finies les pétoires de grand p’pa, place aux fusils d’assaut).
Mais les personnages secondaires ne sont pas pour autant laissés en plan. Qu’il s’agisse de Kate, l’épouse de Clayton, ou d’Angel, une prostituée prise au piège d’une spirale infernale ; les personnages féminins ne sont pas de faibles femmes sans défense, loin s’en faut. Sans oublier Wilcombe qui règne sur la trafic d’armes lourdes en Floride avec son associé Bracken.
Une intrigue qui vous prend aux tripes dès les premières pages et ne vous lâche plus jusqu’au clap de fin. Une intrigue noire à souhait, violente et sanglante, mais il serait réducteur de n’en retenir que ces aspects, le scénario est en béton armé et au milieu des ténèbres subsiste une lueur d’espoir… faible mais elle a le mérite d’exister.
Un premier roman parfaitement maîtrisé, mais j’avoue que j’ai trouvé le pied de nez final un peu (beaucoup) tiré par les cheveux. Du coup il passe à un cheveu du coup de coeur, ce qui ne m’empêchera pas de me ruer sur les prochains romans de Brian Panowich.

MON VERDICT
jd4dCoup de poing

[BOUQUINS] Maxime Chattam – Le Coma Des Mortels

EUROBUTDifficile de faire un choix quand, à quelques jours d’intervalle, débarquent dans mon Stock à Lire Numérique le dernier roman de Franck Thilliez, Rêver, talonné par celui de Maxime Chattam, Le Coma Des Mortels. Comme bien souvent mon choix aura été instinctif, compulsif, impulsif… et guidé par ma curiosité. Place donc à ma chronique du Coma Des Mortels.
4ème de couv’ : Qui est Pierre ? Et d’ailleurs, se nomme-t-il vraiment Pierre ? Un rêveur ? Un affabulateur ? Un assassin ? Une chose est certaine, on meurt beaucoup autour de lui. Et rarement de mort naturelle.
Pourquoi pas de présentation personnalisée ? Juste parce que je trouve cette quatrième de couv’ géniale, elle suscite l’intérêt du lecteur sans rien dévoiler du contenu du roman.
Vous êtes incollable sur Maxime Chattam, sa vie, son oeuvre. Oubliez tout ! Avec Que Ta Volonté Soit Faite l’auteur avait déjà délaissé le thriller pur et dur pour une incursion dans le roman noir ; ça avait surpris certains de ses inconditionnels et totalement convaincus d’autres. Je me classe sans hésitation dans la deuxième catégorie. Avec Le Coma Des Mortels l’auteur va encore plus loin dans le roman noir et surtout y ajoute une bonne dose d’humour (noir forcément) et de cynisme.
Le récit est à la première personne, c’est Pierre qui vous raconte son histoire. En commençant par la fin mais pas en allant complètement à rebours, disons que la chronologie est un peu décousue. Comme le chapitrage qui est inversé (on commence par le chapitre 39 pour terminer par le premier chapitre). A la lecture on constate rapidement que le chaos apparent est parfaitement organisé, à aucun moment le lecteur n’est largué, tout s’imbrique à la perfection.
Comme narrateur, et comme individu, Pierre est un personnage hors norme. Son regard sur la société, l’amour, l’humanité et la vie en général est au mieux désabusé ou ironique, au pire franchement cynique. L’occasion d’ailleurs pour l’auteur d’aborder des thèmes multiples et variés de façon pour le moins décalée. Un florilège de bons mots, parfois je me demandais si le fantôme de Raymond Devos ne dictait son texte à Maxime Chattam.
Décalé. C’est d’ailleurs le mot qui définirait le mieux ce roman tant il sort des sentiers battus. Je peux comprendre que ça puisse passer ou casser, pour moi c’est passé haut la main. J’ai adoré, tout simplement ! J’espère que nous serons nombreux à faire remonter sa note sur Babelio (2,94 sur 17 notes), il faut dire que les premières critiques étaient impitoyables.
J’ai aimé la lecture à plusieurs niveaux du récit de Pierre. On peut soit se contenter du premier degré, considérer qu’il relate les faits bruts de décoffrage. Soit creusez plus avant, et Pierre lui même donne une piste allant en ce sens. Une piste parmi d’autres serai-je tenté de dire. D’un autre côté on ne pourra pas reprocher à Pierre / Maxime de ne pas nous avoir prévenu.
Dès le préambule il annonce la couleur : « La vérité est bien là, elle glissera sous vos yeux par moments, mais je ne vous la servirai pas sur un plateau. Je ne peux pas. »
Plus tard quand il parle à la police : « Vous devez d’abord entendre toute l’histoire, pour comprendre. »
Et enfin, ultime pied de nez : « Peut-on réellement faire confiance à ce qui sort de l’ordinateur d’un romancier ? »
Et de fait même après avoir refermé le bouquin je ne serai pas surpris qu’il vou prenne l’envie de revenir en arrière vérifier/confirmer certains doutes. Rares sont les bouquins qui font encore mouliner les neurones à plein régime après leur lecture, Le Coma Des Mortels est de ceux-là. On s’interroge, on dépèce, on triture, on tourne et retourne le récit pour essayer de découvrir tous les non-dits.
Vous constaterez que je n’ai pas abordé l’intrigue du roman dans cette chronique, c’est là un choix délibéré de ma part afin de laisser intacte la surprise et la découverte de ce bouquin hors norme.
Un pari courageux de la part de Maxime Chattam de se remettre ainsi en question et de nous proposer des romans qui sortent des sentiers battus. Ceux qui comme moi ont pris un pied d’enfer en lisant ce bouquin seront ravis d’apprendre qu’une suite est en projet (annonce faite par l’auteur sur l’excellent fan-site Les Chattamistes)… mais il faudra se montrer patient, d’autres chantiers sont déjà engagés (dont la suite et fin de la saga Autre-Monde).
Merci Monsieur Chattam pour ce moment de lecture égal à nul autre, les mots me manquent pour définir exactement mon ressenti : génial, jouissif, excellent, un orgasme littéraire ! Bref j’ai adoré, et j’en redemande !

MON VERDICT
jd5Coup de Coeur

[BOUQUINS] Tom Cooper – Les Maraudeurs

T. Cooper - Les MaraudeursBorn on the Bayou chantait John Fogerty (oublions la très quelconque reprise de Francis Cabrel, Né dans le Bayou) ; une mélodie plutôt joyeuse emplie de nostalgie. Tout le contraire du Bayou qui sert de toile de fond au roman de Tom Cooper, Les Maraudeurs. L’hymne du Bayou ressemblerait davantage à Noir c’est noir. A la décharge de ses habitants notre bayou s’est pris de plein fouet l’ouragan Katrina en aôut 2005, une catastrophe naturelle qui a laissé des cicatrices indélébiles dans le décor mais aussi dans les coeurs et les âmes (1 577 morts en Louisiane). En avril 2010, la Lousiane est le premier état américain touché par la marée noire suite à l’explosion de Deepwater Horizon, la plate-forme pétrolière exploitée par BP ; une catastrophe économique sans précédent pour le premier état producteur de crevettes aux USA (sans parler des conséquences écologiques et environnementales).
À Jeanette, en Louisiane, on survit tant bien que mal grâce à la pêche, de génération en génération, mais depuis le passage de l’ouragan Katrina rien n’est plus pareil. Et quand la marée noire vient polluer les côtes, les habitants sont de nouveau confrontés au pire…
Le bouquin est construit selon le principe des PoV (Point of View) popularisé par Le Trône De Fer ; chaque chapitre se concentre sur un personnage phare de l’intrigue. Par ordre d’apparition, nous ferons connaissance avec :
– Les frères Toup, des jumeaux, charmants agriculteurs, un tantinet psychopathes qui vivent de la culture à grande échelle de cannabis qu’ils font pousser dans les marais.
– Lindquist, un pêcheur manchot qui passe le peu de temps libre dont il dispose à courir après le supposé trésor du flibustier Jean Lafitte ; quand il n’est pas défoncé par l’alcool et les médocs.
– Wes Trench, un ado résigné à vivoter de la pêche à la crevettes, mais déterminé à prendre ses distances avec son père acariâtre.
– Cosgrove & Hanson, deux losers bien déterminés à devenir riches, de préférence en faisant le minimum d’efforts… Et tant pis si leur business n’est pas franchement légal.
– Grimes, mandaté par la BP suite à la marée noire afin de convaincre les habitants d’accepter un règlement à l’amiable via une indemnisation minable.
C’est quasiment par hasard que ces personnages vont se croiser, se lier d’amitié, se détester ou même se traquer. La tension monte crescendo dans la moiteur hostile du Bayou.
Pour un premier roman, Tom Cooper signe une oeuvre magistrale, une fois que vous aurez plongé dans le Bayou en compagnie de ses personnages, déglingués et malmenés, vous ne pourrez plus lâcher le bouquin. Non que ce soit un condensé d’action, mais juste par vous serez possédé par le Bayou et ses habitants ; vous aurez de partager ses tranches de vie, que vous aimiez ou que vous détestiez le personnage auquel le chapitre est dédié. Les lecteurs du Trône De Fer comprendront sans mal ce que je veux dire par là, pour les autres je vous invite à vous lancer dans cette expérience.
Un roman qui par son ambiance n’est pas sans me rappeler la recueil Chiennes De Vie de Frank Bill, un bouquin qui m’avait bien pris aux tripes lors de sa lecture. Si ces tranches de vie, qu’elles se déroulent dans l’Indiana ou en Louisiane, sont pour nous des histoires fictives, il ne faut pas perdre de vue que pour certains elles sont le reflet de leur triste réalité. C’est sans doute cet ancrage dans le monde réel qui rend ce type de bouquin particulièrement percutant. Un régal à lire mais on garde un arrière goût de bile dans la gorge. Bravo et merci monsieur Cooper.

MON VERDICT
jd5Coup double

Jim Thompson – Pottsville, 1280 Habitants

J. Thompson - Pottsville, 1280 habitantsCa fait un bail que je connais, de nom et de réputation, le roman Pop. 1280 (titre en VO) de Jim Thompson et ça fait certainement tout aussi longtemps qu’il me fait de l’oeil. Seulement voilà le public français devait jusqu’à présent se contenter d’une traduction tronquée (pour être poli) disponible dans la collection Série Noire sous le titre 1275 Âmes. Il aura fallu attendre 2016 (soit 50 ans après la traduction SN) pour bénéficier enfin d’une traduction intégrale de ce titre considéré comme un chef d’oeuvre du roman noir, c’est Rivages qui a repris le flambeau et nous le propose sous le titre Pottsville, 1280 Habitants.
Nick Corey, shérif du comté de Pottsville, est un gars plutôt effacé et passif, ne surtout pas faire de vague semble être sa devise. Seulement voila, à force de se la couler douce sa réélection au poste de shérif pourrait bien être compromise. Comme il ne sait rien faire d’autre Nick décide de prendre les choses en main et de faire le grand ménage…
Alors là le moins que je puisse dire c’est que ce bouquin aura su me surprendre, je m’attendais à du noir certes mais pas à la sauce humour noir. Une surprise d’autant plus agréable qu’elle est totalement maîtrisée et assumée. Jim Thompson nous fait sourire, et même rire, avec un récit délicieusement amoral, une farce aussi cruelle que drôle.
Nick Corey est la parfaite illustration du dicton « Il faut se méfier de l’eau qui dort« . Sous ses airs de benêt inoffensif dont la sempiternelle rengaine semble être « Ce que je devais faire, j’ai décidé que j’en savais rien.« , se cache un redoutable calculateur… même si parfois la situation lui échappe, il ne tarde pas à trouver un moyen de retomber sur ses pattes.
A sa décharge Nick vit avec une épouse acariâtre qui lui a mis la corde au cou de la façon la plus déloyale qui soit. Cerise sur le gâteau il doit aussi supporter son beau frère, un espèce de dégénéré consanguin qui profite de ses escapades nocturnes pour jouer les voyeurs. Avec une telle paire de branques à la maison on comprend qu’il ressente le besoin d’aller trouver le réconfort entre d’autres paires de bras… et de cuisses. Même si courir plusieurs lièvres à la fois peut parfois s’avérer casse gueule : « Depuis toujours, je me montre aussi aimable et aussi poli qu’on peut l’être. Ce que je crois, c’est que si un type est gentil avec tout le monde, eh bien, les gens seront gentils avec lui aussi. Mais ça ne marche pas comme ça à tous les coups. La plupart du temps, apparemment, je me retrouve dans le pétrin, comme en ce moment. Et je ne sais vraiment pas comment en sortir. »
Bien qu’écrit en 1964, l’auteur situe son intrigue au début des années 20, hormis quelques détails techniques le récit est totalement intemporel ; il pourrait parfaitement se dérouler de nos jours au fin fond de la cambrousse. Sur ce point je tire mon chapeau à Jean-Paul Gratias qui a complètement remanié la traduction du roman, le bouquin (270 pages dans sa version papier) se lit quasiment d’une traite avec la même jubilation.

MON VERDICT
jd5Coup de Coeur

A propos de la traduction.

D’autres ont déjà abordé le sujet avec pertinence, je ne m’aventurerai donc pas sur ce terrain. Pour ceux et celles que ça intéresse je vous indique deux liens très instructifs :
– Le blog de Cannibal Lecteur et un article fort bien construit sur le sujet.
– Un article paru dans L’Express en octobre 2012

Si après ça vous avez encore des doutes voici deux exemples concrets extraits des versions 1966 et 2016 du roman de Jim Thompson.

Chapitre 1 – Texte remanié

Traduction 1966 – Marcel Duhamel
Eh ben, mes enfants, je devrais l’avoir belle. Être peinard, ce qui s’appelle. Tel que vous me voyez, je suis le shérif en chef du canton de Potts, et je me fais pas loin de deux mille dollars par an — sans compter les petits à-côtés. En plus, je suis logé à l’œil au premier étage de l’immeuble du tribunal, et il faudrait être bougrement difficile pour pas se contenter de ça: il y a même une salle de bains, ce qui fait que j’ai pas à me laver dans une lessiveuse ni à patauger jusqu’au fond du jardin pour aller aux cabinets, ce qui est le cas de la plupart des habitants de ce pays. Moi, mon paradis, je peux dire que je l’ai sur terre. Un vrai filon, que je tiens là, et pourquoi je continuerais pas à faire ma pelote, du moment que je m’occupe de mes oignons et que je prends bien garde de n’arrêter personne, à moins que je puisse pas faire autrement — et encore, à condition que ça ne mène pas loin !

Traduction 2016 – Jean-Paul Gratias
Tout compte fait, voyez-vous, je devrais m’estimer heureux, pratiquement aussi heureux qu’on peut l’être. Rendez-vous compte : en tant que shérif en chef du Comté de Potts, je touche presque deux mille dollars par an – sans parler des à-côtés que je peux récolter par-ci par-là. En plus, j’ai droit à un logement gratuit dans le bâtiment du tribunal, à l’étage, et dans le genre on ne peut pas rêver mieux ; il y a même une salle de bains, si bien que je ne suis pas obligé de me laver dans un baquet à lessive ni de sortir de chez moi pour aller aux cabinets, comme la plupart des gens de la ville. On pourrait dire, je crois bien, que pour ma part j’ai déjà gagné mon paradis sur terre. J’ai décroché la timbale, et je devrais pouvoir la garder – en tant que shérif du Comté de Potts – aussi longtemps que je m’occuperai de mes affaires, et que j’éviterai d’arrêter qui que ce soit, sauf si je ne peux pas faire autrement et qu’il s’agit de gens sans importance.

Chapitre 2 – Texte coupé

Traduction 1966 – Marcel Duhamel
Je finis de manger et je vais à la toilette des hommes. Comme elle est occupée, je vais à celle du wagon suivant. Là, je me lave les mains et la figure à l’évier, après quoi je retourne à ma place. Et voilà qu’en retraversant le wagon, je repère Amy Mason.

Traduction 2016 – Jean-Paul Gratias
Je finis de manger et je me rends aux toilettes pour hommes. Je me lave les mains et le visage au lavabo, et je salue d’un signe de tête le type qui est assis sur la banquette recouverte de cuir.
(S’en suit un échange entre Nick et le type en question, jusqu’à ce que Nick, tiraillé par son envie de pisser ne prenne la tangente. Un passage qui permet de comprendre à quel point Nick ne veut surtout pas faire de vague)
Je m’engouffre dans l’autre wagon pour me soulager – et croyez-moi, c’est un sacré soulagement. C’est en reprenant le couloir dans l’autre sens, à la recherche d’une place libre pour ne pas retomber sur le type en costume à carreaux, que je repère Amy Mason.

Jérémy Fel – Les Loups A Leur Porte

J. Fel - Les loups à leur porteUn titre découvert un peu au hasard de mes pérégrinations webesques, devant l’enthousiasme des lecteurs (et notamment d’une certaine Belette Cannibale endémique à la Belgique) je me suis donc laissé tenter par Les Loups A Leur Porte de Jérémy Fel.
Difficile, voire impossible de vous proposer un pitch quelconque tant la construction du roman est déconcertante. Rassurez j’ai été déconcerté (et occasionnellement surpris) dans le bon sens du terme, le moins que l’on puisse c’est que pour un premier roman Jérémy Fel n’a pas fait le choix de la simplicité en optant pour ce que j’appellerai un roman de nouvelles.
Roman de nouvelles ? Ca y est il a fumé la moquette le Lord !!! Et bin non, je suis toujours non fumeur, alcoolémie au niveau zéro et à peu près sain d’esprit (faut le dire vite). En lisant les deux premiers chapitres je me dis que j’ai entre les mains un recueil de nouvelles tant il n’y a aucun lien entre les deux récits. Avec le troisième chapitre un semblant de lien (ténu, vachement ténu même) pointe son museau. Au fil des chapitres, du temps (de la fin des années 70 à nos jours) et de l’espace (des Etats-Unis à la France), on découvre des personnages, des liens et tout se met progressivement en place. Chapeau bas Monsieur Fel, vous avez réussi un coup de maître !
Etrange que les éditions Rivages ait inscrit ce titre dans leur collection littérature générale, il a en effet tous les atouts pour figurer chez Rivages Noir. Peut être une option marketing visant à séduire un public plus large. Globalement l’intrigue distille un sentiment de malaise, certains chapitres sont d’une dureté et d’une noirceur incontestable. Âmes sensibles s’abstenir mais vous passeriez alors à côté d’une perle rare.
Une fois que l’esprit s’est adapté à ce choix narratif hors norme, l’intrigue prend une tout autre dimension, on essaye (vainement) de trouver les liens avant que l’auteur ne nous les dévoile. Un bouquin qui de déconcertant devient rapidement hautement addictif. Cerise sur le gâteau, l’auteur adopte un style qui tend à fluidifier la lecture.
Je peux aisément concevoir que la sauce ne prenne pas auprès de certains lecteurs ; pour ma part je me suis lancé sans réelle conviction et j’en ressors aux anges. C’est une lecture qui exige un réel investissement personnel, aussi bien en terme de temps (laissez le bouquin 3 mois sur la table de chevet avant de le reprendre et vous serez largué) que de réflexion. Pour un premier roman Jérémy Fel place la barre haute, très haute…

MON VERDICT
jd4Coup de poing

[BOUQUINS] Roger Smith – Blondie Et La Mort

rsbelmAu menu de cette chronique un auteur dont j’ignorais jusqu’à l’existence il y a encore quelques semaines, c’est l’enthousiasme d’un lecteur qui m’a convaincu de franchir le pas et de me lancer dans Blondie Et La Mort de Roger Smith.
Le soir où Roxy et Joe Palmer se font braquer leur voiture, Roxy y voit l’occasion rêvée de se débarrasser de son abruti de mari en faisant porter le chapeau aux petites frappes qui leur ont piqué la BM. Sauf qu’en tuant son mari elle ignore qu’elle vient de s’engager dans une spirale infernale qui ne laissera personne indemne…
Direction l’Afrique du Sud mais oubliez les plages et les quartiers chics du Cap, l’auteur vous invite à une immersion au coeur des Flats, le pire ghetto de la ville avec au programme guerre des gangs, drogue et corruption à tous les niveaux sur fond de misère et de crasse… Pas top pour le tourisme mais c’est bel et bien une autre réalité sud-africaine.
Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir… Bien vu mon petit Johnny, ça résume parfaitement l’ambiance de ce bouquin. Vous voulez de la noirceur ? Roger Smith vous en sert à la louche avec une ambiance d’une absolue noirceur, où l’espoir n’a plus sa place. On retrouve la même noirceur dans l’âme de certains personnages qui n’ont plus une once d’humanité (je pense notamment à Piper).
La peur, elle viendra un jour pour te bloquer le cœur. La peur, elle fait l’amour avec l’horreur… C’est pas faux Johnny, mais maintenant tu fermes ta gueule ! La peur, presque palpable chez de nombreux protagonistes (Roxy, Disco et même Billy) de cet opéra de sang et de mort. Une peur qui baise avec l’horreur, éparpillant les cadavres à tout va.
Alors quid de l’empathie dans cet enfer ?
J’en ai eu pour Roxy même si c’est elle qui a été lle déclencheur de tout ce bordel ; certes elle a flingué son mari, mais franchement il ne méritait pas mieux (à part peut être souffrir plus longtemps, elle aurait dû lui vider le chargeur dans le ventre).
Billy aussi a su me toucher, lui aussi au départ était motivé par de bonnes intentions, pris dans l’engrenage meurtrier, il s’est adapté et a réagi en conséquence… réaction qui a causé un max de dommages collatéraux.
Aucune sympathie par contre pour Disco et encore moins pour Piper. Les autres personnages sont des seconds couteaux, je ne m’attarderais donc pas à en faire l’inventaire.
Aucun doute c’est du lourd, du très lourd même ! Un summum de noirceur servi par une écriture crue, sans fioriture, comme si l’auteur trempait sa plume dans un mélange de sang, tripailles et vitriol. Pour une découverte c’est une sacrée découverte, âme sensible s’abstenir… Contrairement à ce que vous pourriez penser en me lisant l’auteur ne fait pas dans la surenchère gratuite ; la mort est trash au fin fond du ghetto, pire encore quand, par un effet domino savamment orchestré, les Flats menacent de s’enflammer.
Incontestablement un livre coup de poing et coup de coeur, le genre de truc qui vous prend les tripes et les vrille jusqu’à en extraire la dernière goutte de substance vitale. Un grand merci à Pausilucas pour son conseil de lecture.
Comme je l’ai dit au début de ce post je ne connaissais pas Roger Smith, j’ai appris depuis que Blondie Et La Mort était son second roman, sur cinq titres disponibles en français ; inutile de préciser que je compte bien réussir à mettre la main dessus.

(…) ces guerres de gangs avaient la fâcheuse habitude de traîner en longueur. Les flics préféraient ne pas s’en mêler et observer à distance ce qu’ils considéraient comme un processus de sélection nécessaire. Une manière de se débarrasser des ordures qui traînaient les rues. Et si quelques innocents y laissaient la peau, personne n’en avait rien à foutre.

Rien de tel que la haine féroce d’un être pour vous donner une raison de vivre.

MON VERDICTjd5Coup double

[BOUQUINS] Jo Nesbo – Du Sang Sur La Glace

J. Nesbo - Du Sang Sur La GlaceLe seul nom de Jo Nesbo sur une couverture suffit à mettre en branle le signal « A LIRE DE TOUTE URGENCE », j’étais d’autant plus curieux de découvrir Du Sang Sur La Glace car c’est son premier roman que je lis en dehors de la série Harry Hole.
Olav est un tueur à gages qui bosse pour Daniel Hoffman, un caïd du milieu à Oslo. Tout va pour le mieux dans son train train quotidien, jusqu’à ce que son patron lui demande d’éliminer son épouse, qu’il soupçonne de lui être infidèle…
La première chose qui frappe le fidèle lecteur de Jo Nesbo est l’épaisseur du bouquin, à peine 160 pages (Police, le dernier tome de la série Harry Hole faisait 608 pages). On va dire que la taille ne compte pas et se focaliser plutôt sur la qualité de la chose que l’on tient entre nos mains.
D’entrée de jeu on ne retrouve pas la griffe de l’auteur dans le style narratif, ça peut être déconcertant au départ. Le récit est à la première personne (raconté par Olav), on peut donc supposer que l’auteur ait pris le parti de se mettre dans la peau de son personnage afin de donner une touche originale et plus de crédibilité à son roman. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un problème de traduction, les trois derniers tomes de la série Harry Hole ont été traduits par trois traducteurs différents qui ont su préserver une continuité dans le style. Je reconnais toutefois que certaines tournures de phrases sont parfois indigestes : « Affaire pour laquelle la police avait déjà un suspect, fut donc à côté de la plaque dès le premier jour… » ; ou encore : « Disait qu’il ne supportait plus la puanteur de la poissonnerie. Aurait sans doute dû peaufiner un peu sa couverture.« .
Une fois n’est pas coutume j’ai commencé par le point négatif, je dis bien LE car c’est le seul bémol que je peux signaler concernant ce bouquin. Même s’il fait un boulot pas franchement honnête on s’attache rapidement au personnage d’Olav. Au-delà du tueur froid et implacable on découvre l’homme ; un homme fragile, timide, doux comme un agneau , plein de rêves et d’illusions. Un homme passionné par les livres malgré le fait qu’il soit dyslexique. On suit avec plaisir son périple de quelques jours dans l’hiver norvégien, mais surtout on croise les doigts pour que les choses se terminent au mieux pour lui.
L’intrigue est bien menée, c’est court mais intense. Un sympathique clin d’oeil au polar noir avec quelques touches d’humour çà et là et même une romance en toile de fond. Bref ça se lit d’une traite et on se régale au fil des pages. Jo Nesbo nous prouve brillament qu’il n’a pas besoin de Harry Hole pour tenir ses lecteurs en haleine.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’auteur s’écarte de Harry Hole, à ce jour il a publié quatre romans isolés en plus de celui-ci, seul Chasseurs De Têtes est disponible en français. Plus surprenant, il a aussi à son actif trois titres jeunesse.
Je sais que Harry Hole aurait déjà amplement mérité sa retraite mais j’ai bon espoir que l’auteur lui réserve encore quelques enquêtes bien tordues. Rien ne semble s’annoncer à l’horizon…

MON VERDICT
jd3d

[BOUQUINS] Samuel Sutra – Kind Of Black

S. Sutra - Kind Of BlackJe poursuis mon incursion dans le catalogue des éditions Flamant Noir avec Kind Of Black de Samuel Sutra, un polar noir sur fond de jazz… tout pour me plaire ! Encore faut-il que le résultat soit à la hauteur de mes attentes.
Sarah Davis, étoile montante du jazz, est assassinée dans la loge d’un club parisien, quelques minutes avant le début du concert qu’elle devait y donner. Jacques, lieutenant à la PJ et grand fan de jazz, va se donner à fond dans cette enquête…
Une fois de plus Flamant Noir nous offre une véritable perle rare, une perle noire. Un polar noir qui se veut aussi un hommage au Jazz, la musique mais aussi l’univers du jazz, un monde à part… De prime abord le cocktail peut sembler curieux mais l’auteur maîtrise parfaitement sa partition, du coup le lecteur, avisé ou non, ne peut qu’être sous le charme.
La clé d’un polar réussi reste son intrigue, en l’occurrence un meurtre à huis-clos et de fait un nombre réduit de suspects clairement identifiés dès le départ. Facile me direz vous ? Et bien non, Samuel Sutra sait s’y prendre pour brouiller les pistes, bien malin celui ou celle qui démasquera le coupable avant Jacques.
Second atout majeur de ce Kind Of Black, ses personnages. Au centre du plateau, Sarah Davis, omniprésente malgrè sa mort dans les premières pages du roman. Pour élucider son meurtre, Jacquers va devoir apprendre à la découvrir, sans fard, ni paillettes. Jacques, justement, notre cher enquêteur que l’auteur a privé de nom de famille. Un flic qui aurait vu être pianiste de jazz, mais un flic obstiné qui sera amené, plus d’une fois, à gratter sous la surface des apparences. N’oublions pas Stan Meursault, un pianiste que Jacques admire mais qui n’a jamais connu la gloire qu’il aurait mérité. Un gars qui n’a jamais vraiment réussi à panser ses blessures du passé et condamné à court terme par une maladie qui le bouffe lentement mais sûrement. Et les autres, nul n’est laissé pour compte, tous contribuent à l’ambiance si particulière de ce roman.
Pas besoin d’aimer le jazz pour apprécier le bouquin, si vous ne connaissez pas le genre ayez juste la curiosité de chercher sur Youtube les titres cités ; qui sait peut être qu’une révélation vous attend au détour d’un clic.
Cerise sur le gâteau, la version numérique, concoctée par ChrisEBouquin, propose justement deux liens Youtube vers des titres d’artistes cités dans le roman. Ce genre de bonus, qui exploite certaines exclusivités du numérique sur une version papier restent trop rares.
Bien que mon père ait été un grand amateur de jazz c’est une musique que j’ai appris à apprécier tardivement, je suppose qu’il faut une certaine maturité pour en saisir toutes les subtilités. Il faut surtout se donner le temps de l’écouter attentivement et non comme un simple bruit de fond, écouter et s’en imprégner. Si vous souhaitez une immersion en douceur dans le jazz je vous suggère la compilation Je n’aime pas le Jazz mais ça j’aime bien (en version double ou quadruple CD), laissez vous simplement porter par la musique et les chants. Parce que le Jazz, plus que tout autre genre musical, c’est aussi la parfaite fusion entre la voix et les instruments. Essayez et je suis convaincu que vous serez sous le charme… Oui je sais je radote, mais quand c’est bon…

[BOUQUINS] Maxime Chattam – Que Ta Volonté Soit Faite

M. Chattam - Que ta volonté soit faiteLentement mais sûrement je vais tenter de retrouver mon rythme de lecture après une longue pause due d’abord aux fêtes de fin d’année, puis à l’actualité. Le fait de ne pas lire ne m’a nullement empêché de suivre les sorties littéraires et de gonfler mon Stock à Lire Numérique, il m’a semblé évident de retrouver mon rythme de croisière avec Que Ta Volonté Soit Faite de Maxime Chattam.
Depuis qu’il est enfant Jon Petersen doit vivre avec des pulsions malsaines, quand il va laisser libre cours à son instinct bestial pour la première fois ça va être pour lui le début d’une plongée dans le vice et la violence. Une plongée qui ne laissera personne indemne dans son entourage…
J’ai lu suffisamment de romans de Maxime Chattam pour savoir qu’une escapade littéraire en sa compagnie ne serait pas un voyage au pays des Bisounours. Pour son nouveau roman l’auteur délaisse le thriller pur et dur pour s’essayer au roman noir. Et le moins que l’on puisse dire c’est que l’essai est transformé !
Déjà le style narratif choisi est plutôt original, pas tout à fait un récit à la troisième personne puisque l’auteur se place dans la peau du narrateur qui nous raconterait l’histoire de sa ville et plus particulièrement des événements qui gravitent autour de Jon Petersen ; avec parfois des interventions directes du narrateur en question. Un récit qui s’étend des années 60 aux années 80 sans qu’il ne soit jamais fait état d’une date précise. Un récit qui prend racine dans un patelin du Midwest américain.
L’auteur a coutume de décortiquer le Mal sous toutes ses formes, dans ce roman il ne déroge pas à son habitude, seule l’approche change et c’est toujours aussi foutrement efficace. Moins trash que certains autres titres de l’auteur (et moins épais) ce récit baigne du début à la fin dans une ambiance glauque à souhait avec un personnage central détestable à tout point de vue, aucune empathie possible envers un tel fumier.
Si Jon Petersen reste le centre de gravité du récit, les autres intervenants ne sont pas pour autant laissés pour compte, ils bénéficient d’une réelle profondeur. Je pense notamment à Riley, le fils de Jon et au sherif Jarvis Jefferson qui jouent un rôle essentiel dans l’intrigue. Et bien entendu il y a le narrateur, dont vous devriez deviner l’identité à la toute fin du roman.
La transition est idéale pour aborder la fin, ou plutôt devrai-je dire les fins (vous comprendrez pourquoi après avoir lu le bouquin), Maxime Chattam réussit une fois de plus à nous surprendre avec un final éblouissant… A tel point que c’en devient presque frustrant de ne pouvoir s’épancher sur la question. C’est avec l’ultime révélation de l’intrigue que le titre du roman prend toute sa signification…
Pour sa première incursion dans le roman noir l’auteur rend hommage, en les citant à plusieurs reprises, à quelques grands noms du genre. Au vu de l’excellence du résultat j’espère sincèrement que Maxime Chattam ne se contentera pas de cet essai superbement transformé.