[BOUQUINS] Emily Koch – Il Était Une Fois Mon Meurtre

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E. Koch - Il était une fois mon meurtre

Titre : Il Était Une Fois Mon Meurtre
Auteur : Emily Koch
Éditeur : Calmann-Lévy
Parution : 2019
Origine : Angleterre (2018)
416 pages

De quoi ça cause ?

Alex Jackson est dans un profond coma suite à un accident d’escalade. C’est du moins le verdict sans appel énoncé par les médecins, mais si le corps d’Alex ne lui obéit plus, son esprit fonctionne à plein régime.

Prisonnier d’un corps inerte, Alex va réaliser, au fil des visites de ses proches et à partir des bribes de ses souvenirs, que sa chute pourrait bien ne pas avoir été accidentelle…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que le pari un peu fou de proposer un thriller ayant pour héros victime d’un locked-in syndrom avait de quoi titiller ma curiosité.

Parce que malheureusement la question de la fin de vie est plus que jamais d’actualité avec l’affaire Vincent Lambert, entre les parents qui souhaitent la poursuite de son hospitalisation et son épouse qui voudrait lui accorder le droit de mourir dans la dignité.

Ma Chronique

Je ne voudrais pas paraître fanfaronner en disant que la mort ne me fait pas peur, mais elle est de toute façon inéluctable, alors autant se faire une raison et ne plus y penser. Cette acceptation ne signifie pas pour autant que je sois pressé de passer de vie à trépas, j’aime la vie et j’entends bien continuer à la croquer à pleine de dents… et parfois même brûler la chandelle par les deux bouts. Par contre j’avoue sans fard que la dépendance et la souffrance me terrifient ; à ce titre le locked-in syndrom serait de loin mon pire cauchemar.

Et c’est justement ce qui arrive au héros du roman d’Emily Koch, Alex Jackson, bien que parfaitement conscient, il se retrouve prisonnier d’un corps qui ne lui obéit plus. Le moins que l’on puisse dire c’est que le choix du thème est plutôt audacieux pour un premier roman. Plus audacieux encore le choix de placer au centre d’un thriller un héros cloué dans son lit d’hôpital, incapable du moindre mouvement. Et pour couronner le tout, l’auteure nous propose un récit à la première personne, nous plaçant dans la peau et surtout l’esprit d’Alex.

Non seulement Emily Koch ose, mais en plus elle s’en tire d’une façon tout simplement magistrale, le résultat est tout simplement bluffant. Un tel degré de maîtrise a de quoi nous laisser sur le cul, et c’est quasiment KO debout (mais un sourire béat aux lèvres) que l’on referme ce bouquin.

L’auteure nous offre un huis clos époustouflant, d’autant que vous en aurez deux pour le prix d’un. D’une part quasiment tout le récit se déroule dans la chambre d’hôpital d’Alex, d’autre part Alex est enfermé dans son propre corps (d’où le nom français de syndrome d’enfermement parfois utilisé en lieu en place de l’anglicisme locked-in syndrom).

Alex dont seul l’esprit semble encore fonctionner normalement, qui ressent de fait non seulement les émotions, mais aussi les douleurs physiques liées à son état. Qui voudrait forcer son corps à répondre alors que celui-ci s’obstine dans son inertie. C’est depuis son lit d’hôpital qu’il essayera de comprendre ce qui lui est arrivé, aussi bien à partir des visites qu’il reçoit, qu’à partir des bribes de souvenirs qui se remettent peu à peu en place. Au fil des pages, on devient Alex, on lutte avec lui, on souffre avec lui, on doute avec lui.

Contre toute attente cette enquête semblable à nulle autre est captivante de bout en bout. Les différentes pièces du puzzle s’imbriquent à la perfection au fur et à mesure qu’Alex approche de la vérité sur les circonstances de sa chute.

Une des autres grandes forces de ce roman est de réussir à donner corps aux autres personnages uniquement par la perception qu’Alex a d’eux. Ça pourrait sembler un peu léger, mais là encore l’auteure tire parfaitement son épingle du jeu, tous prennent véritablement part au déroulé de l’intrigue.

Plus le dénouement approchait plus se posait la question de la fin, il eut vraiment été dommage que le charme soit rompu par un mauvais choix final ; un écueil adroitement contourné qui nous offre une fin en totale cohésion avec l’ensemble du récit (vous comprendrez aisément que je ne m’attarde pas sur la question).

Un thriller psychologique d’une rare intensité, mais aussi profondément humain. Encore une fois je tire mon chapeau à Emily Koch et lui décerne avec plaisir un doublé coup de cœur / coup de poing amplement mérité.

À la décharge des médecins, d’un point de vue strictement médical il n’est pas évident de différencier un locked-in syndrom comme celui d’Alex (le corps n’a aucune réaction, mais l’esprit fonctionne) d’un état de coma végétatif (dans lequel l’esprit est supposé être aussi inerte que le corps). Les ondes cérébrales échappent encore aux IRM, à moins de répondre à des schémas que le corps médical est en mesure d’interpréter.

Sur la question des soins en fin de vie (il en sera forcément question dans le roman) ma position est dans la logique de ce que j’ai écrit en ouverture de cette chronique ; si je ne veux ni souffrance ni dépendance, je ne peux donc qu’être farouchement opposé à toute forme d’acharnement thérapeutique.

La loi française étant encore frileuse sur la question, seules les directives anticipées permettent au patient de faire connaître ses choix (ça peut paraître macabre d’y penser alors que l’on est encore en pleine santé, mais c’est justement avant qu’il ne soit trop tard qu’il faut accomplir les démarches). Mon choix est fait, ma décision est irrévocable et c’est mon dernier mot Jean-Pierre.

Pour être totalement honnête, si j’en avais la possibilité et les moyens j’irais même beaucoup plus loin dans le baisser de rideau, un ultime voyage vers des contrées pratiquant l’euthanasie ou le suicide assisté avant d’aller boire un verre avec la Faucheuse.

MON VERDICT
Coup double

 

[BOUQUINS] Bill Loehfelm – Face Au Mal

B. Loehfelm - Face Au MalMa PàL papier diminue aussi vite que mon Stock à Lire Numérique augmente, ça me donne l’occasion d’aller piocher dans les achats France Loisirs laissés (à tort ou à raison ?) en stand-by. C’est donc au tour de Face Au Mal de Bill Loehfelm de passer sur le grill.
Maureen, serveuse dans un club de Staten Island, surprend à la fin de son service son patron et Frank Sebastian, un politicien qui a le vent en poupe, dans une situation plus que compromettante. Le lendemain elle apprend que son boss est mort dans des circonstances louches. Quand des gros bras de Sebastian débarquent chez elle, elle réalise alors qu’elle est la prochaine sur la liste. Sur qui peut elle vraiment compter face à un ennemi aussi puissant que Sebastian ?
Encore une avant-première France Loisirs, mais depuis le temps qu’il prend la poussière dans ma PàL je suppose que le bouquin est dispo en librairie depuis un moment. Quoi qu’il en soit autant jouer cartes sur table d’entrée de jeu : ce bouquin n’a rien d’exceptionnel, si vous le ratez vous ne perdrez pas grand chose…
L’intrigue me semblait prometteuse, quoique relativement classique, mais son traitement manque cruellement de profondeur et de surprises. L’auteur arrive à nous donner l’envie de connaître le fin mot de l’histoire mais sans plus.
Les personnages sont creux et ridiculement manichéens (à peut être celui de l’inspecteur Waters, le seul qui ait un semblant de consistance). Sebastian est l’archétype du méchant pas beau de série B, sadique, pervers, sûr de lui, ambitieux… au point d’en devenir stupide. Le pire dans l’affaire reste le personnage de Maureen, alors qu’elle aurait mérité le plus d’attention de la part de l’auteur (après tout c’est son perso principal), tout en elle sonne creux, on frôle le trou noir. Difficile d’avoir une quelconque empathie pour une palourde échouée sur le sable chaud à marée basse…
C’est le troisième roman de Bill Loehfelm et le premier traduit en français, on ne peut pas vraiment dire que la mise en bouche soit une réussite. Pas certain d’avoir envie d’aller en avant dans l’univers littéraire de l’auteur. On ne peut pas viser juste à tous les coups… Heureusement les top sont plus fréquents que les flop !