[BOUQUINS] Chrystel Duchamp – L’Ile Des Souvenirs

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Titre : L’Ile Des Souvenirs
Auteur : Chrystel Duchamp
Éditeur : L’Archipel
Parution : 2023
Origine : France
300 pages

De quoi ça cause ?

Quand Delphine se réveille dans un lieu inconnu, elle est menottée à un radiateur. Bientôt rejointe par une autre prisonnière, qu’elle connaît. L’une des deux ne survivra pas à l’horreur…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Chrystel Duchamp. J’ai lu deux autres romans de l’auteure et chacun m’avait fait forte impression donc aucune raison valable de ne pas se laisser à nouveau tenter.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions L’Archipel et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Chrystel Duchamp fait partie de ces rares auteur(e)s qui osent se remettre en question à chaque nouveau roman. Si elle demeure fidèle au thriller, aucun de ses titres ne ressemble aux précédents, aussi bien par les thématiques abordées que par leur construction. Un vrai régal pour les lecteurs !

Le présent roman se divise en quatre parties, chacune se concentrant sur un personnage central. Nous découvrirons ainsi tour à tour, Delphine (la première victime), Maelys (la seconde victime), Romain (l’enquêteur), Erwann (le profiler) et Jessica (la psychotraumatologue).

Les deux premières vont poser les bases (et surtout la scène de crime) d’une intrigue qui pourrait sembler relativement classique. Mais ne vous fiez pas aux apparences, surtout sous la plume acérée de Chrystel Duchamp.

Le moins que l’on puisse dire c’est que l’auteure n’a pas offert une mort brutale à sa victime, la pauvre a eu le temps d’appréhender sa fin dans une longue et douloureuse agonie.

À vrai dire le déroulé de l’intrigue tend vers une hypothèse que mon esprit tordu avait envisagée mais sans parvenir à donner corps à ma conclusion. L’auteure démêle lentement mais surement l’écheveau de l’amnésie post-traumatique de la survivante, ouvrant peu à peu la voie à une sinistre vérité.

Mais comme dirait l’autre « quand y’en a plus, y’en a encore », alors que tout semblait enfin clair comme de l’eau de roche, un putain d’écureuil va rebattre les cartes pour nous offrir un final encore plus sinistre, pervers et machiavélique. Quel coup de maître, chapeau bas miss Duchamp !

Un roman dans lequel la dimension psychologique joue un rôle essentiel, que ce soit dans la personnalité des deux jeunes femmes, dans leur(s) relation(s) ou dans le travail des enquêteurs qui vont tout déployer pour que la rescapée parvienne à passer outre son amnésie post-traumatique. L’auteure ne laisse rien au hasard dans la construction de son intrigue.

Même la couv’ ne doit rien au hasard puisqu’il s’agit de la réinterprétation d’un tableau qui jouera un rôle important dans le déroulé de l’intrigue.

Difficile de ne pas se laisser ferrer par un tel roman, plus difficile encore de le lâcher une fois que vous aurez mordu à l’hameçon.

Pour information Chrystel Duchamp est l’une des fondatrices du collectif Les Louves Du Polar qui réunit les auteures francophones de romans policiers et thriller. Je vous invite à consulter leur site internet ou leur page Facebook pour (re)découvrir une belle brochette de talents. Pub gratuite offerte avec le plus grand plaisir… Parce que vous le valez bien mesdames.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Pierre Lemaitre – Le Silence Et La Colère

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Titre : Le Silence Et La Colère
Série : Les Années Glorieuses – Livre 2
Auteur : Pierre Lemaitre
Éditeur : Calmann-Lévy
Parution : 2023
Origine : France
592 pages

De quoi ça cause ?

1952. François Pelletier s’est fait un nom à la rubrique faits-divers du Journal du soir, mais il voit plus loin pour son avenir en tant que journaliste. Une ambition qui pourrait bien être contrariée par la place de plus en plus grande que prend sa sœur, Hélène, au sein de la rédaction.

De son côté Jean entreprend de se lancer dans une affaire commerciale ambitieuse. Rongé par les doutes face à un défi qu’il n’est pas sûr de pouvoir relever, perpétuellement invectivé par une épouse plus acariâtre que jamais, il trouve du réconfort en présence de leur fille, Colette.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est le second opus de la tétralogie Les Années Glorieuses de Pierre Lemaitre, malgré un premier tome, Le Grand Monde, un tantinet en deçà de la trilogie Les Enfants Du Désastre, on se laisse volontiers porté par le talent narratif de l’auteur.

Ma Chronique

C’est avec un plaisir non dissimulé que j’ai retrouvé la famille Pelletier quatre ans après les événements racontés dans Le Grand Monde. Pierre Lemaitre poursuit son exploration des Trente Glorieuses en privilégiant les approches humaines et sociales plutôt que d’opter pour une vision strictement historique.

Il n’empêche que pour les besoins de son intrigue (« ses intrigues » serait plus approprié tant le roman est vaste) la fiction s’inspire de la réalité historique. Ainsi l’histoire du village de Chevrigny, condamné à disparaître à la suite de l’édification d’un barrage hydro-électrique, est une libre adaptation de celle du village de Tignes inondé en 1952 et reconstruit plus haut dans la vallée. C’est Hélène, envoyée sur place par son patron pour une série de reportages, qui nous fera vivre les derniers jours de Chevrigny.

C’est encore le personnage d’Hélène qui donnera à l’auteur l’occasion de se pencher sur la condition féminine au début des années 50. Enceinte « par accident », elle va faire le choix d’avorter. Un choix pénalement répréhensible et dont les conséquences peuvent parfois être dramatiques – voire mortelles – pour celles qui ne trouvent de personnel qualifié (médecin ou sage-femme) pour les assister.

Petit aparté historique et féminin si vous le permettez (d’ailleurs même si vous ne me le permettez pas, non mais, c’est chez moi ici). Il faudra attendre la fin de l’année 1967 pour que la contraception médicale (la pilule) soit légalisée… sur le papier, dans les faits le texte ne sera applicable qu’à partir de 1971. C’est la ténacité de Simone Veil – et d’autres avant elle – qui permettra de dépénaliser l’avortement en 1975, un droit élargi et simplifié au fil des années suivantes.

Les femmes sont à l’honneur dans ce roman… leurs combats surtout. Inutile de préciser qu’au début des années 50 il n’est pas question de parité, d’égalité professionnelle ou encore d’équité salariale (même si, aujourd’hui encore, dans de trop nombreuses entreprises ces notions demeurent très théoriques). C’est Jean qui va être confronté à la colère de ses ouvrières face à un gérant trop zélé et misogyne.

Je terminerai mon élan féministe par l’inénarrable et incontournable Geneviève, l’épouse de Jean. Si dans Le Grand Monde j’ai eu envie de lui foutre des baffes quasiment à chacune de ses interventions, cette fois on grimpe au niveau supérieur, ce sont des envies de meurtres qui me passaient par la tête. J’en venais franchement à espérer que les pulsions meurtrières de Jean se retournent contre elle… et Dieu sait qu’il ne manque pas d’arguments pour la zigouiller, un jury populaire pourrait même lui trouver des circonstances atténuantes !

De son côté François relance, au grand dam de son frère, l’affaire Mary Lampson. En parallèle il découvre peu à peu que la femme qu’il aime semble avoir un jardin secret bien plus vaste qu’il ne l’imaginait.

Et pendant ce temps-là, au Liban, Louis, le patriarche du clan Pelletier, se prend d’une soudaine passion pour la boxe. Au point de manager un jeune boxeur, ouvrier de la savonnerie, dont les victoires doivent plus à la chance qu’à de véritables talents pugilistiques.

Bien entendu ce roman vous fera aussi découvrir de nouveaux personnages, j’ai pour ma part eu un coup de cœur pour Petit Louis, un enfant du village de Chevrigny qui va se prendre d’affection pour Hélène. C’est aussi à Chevrigny que nous découvrirons Lambert, un jeune correspondant de presse chargé d’assister Hélène, et Destouches, ingénieur chez Électricité de France chargé de superviser l’évacuation / expulsion des villageois. Un village condamné qui va fortement intéresser le très zélé inspecteur Palmari qui fait de la traque aux médecins avorteurs et autres faiseuses d’anges une affaire personnelle.

Retour à Paris où j’ai eu un faible pour Nine, la très secrète fiancée de Philippe. Ne vous fiez pas à son air effacé, la jeune damoiselle ne manque ni de caractère ni de détermination.

Comme vous pouvez le constater ça part dans tous les sens mais sans jamais embrouiller le lecteur. Pierre Lemaitre tient fermement les rênes de son roman et nous entraîne sur des pentes dûment choisies au rythme adapté à l’intrigue. Selon les situations le ton se fera tantôt sérieux, tantôt plus léger.

Avec ce roman, le formidable talent narratif de Pierre Lemaitre fait mouche, il mène la danse en véritable chef d’orchestre virtuose. Inutile de préciser (mais je le fais quand même) que j’ai déjà hâte de retrouver le clan Pelletier pour la suite de leurs aventures.

Et pendant ce temps-là, tout va bien pour ce brave Joseph…

MON VERDICT

[BOUQUINS] Sonja Delzongle – Thanatea

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Titre : Thanatea
Auteur : Sonja Delzongle
Éditeur : Fleuve Éditions
Parution : 2023
Origine : France
416 pages

De quoi ça cause ?

Esther quitte la PJ de Lyon et ses deux amies de toujours, Layla et Hélène, pour prendre un nouveau départ en Suisse. Elle va intégrer Thanatea, une entreprise spécialisée dans le funéraire et le suicide assisté.

Rapidement Esther va constater quelques phénomènes étranges ; est-elle en train de complètement perdre pieds ou est-ce que de sombres secrets se cachent derrière Thanatea.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Sonja Delzongle et que je n’ai pas encore pris le temps de m’intéresser à ses titres autres que ceux de la série Hannah Baxter.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Fleuve et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Le dernier roman de Sonja Delzongle est avant tout l’histoire de trois femmes, amies d’enfance qui ne sont jamais quitté malgré les épreuves qu’elles ont pu traverser elles sont aujourd’hui toutes les trois officiers à la PJ de Lyon. Le départ d’Esther jette un froid sur le trio mais pour elle quitter la police et s’offrir un nouveau départ, loin de tout, était nécessaire.

Le ton est donné dès les premières pages puisque le roman s’ouvre sur un enterrement. Une de ces trois femmes est morte, ses amies assistent aux funérailles. Qui est la victime ? Comment en est-on arrivé là ?

C’est ce que l’auteure vous invite à découvrir en ramenant le lecteur quelques semaines plus tôt. Le jour où Esther quitte la police pour rejoindre Thanatea en tant que « préposée au café ».

La mort est un commerce comme un autre, nul n’oserait remettre en question l’utilité des entreprises funéraires qui sont un renfort indispensable pour les familles endeuillées. Il est vrai qu’en Suisse, où le suicide assisté est légal en cas de maladie incurable ou fortement invalidante, la chose prend une tout autre dimension.

Thanatea est une de ses entreprises spécialisées à la fois dans le service funéraire et le suicide assisté. C’est aussi le nom de l’île, au large du lac Léman (côté suisse) qui abrite cette infrastructure.

Inutile de vous ruer sur un Atlas ou sur Google Maps, point d’île sur le lac Léman, c’est une invention de l’auteure pour les besoins de son intrigue.

Croyez-moi vous aurez tôt fait d’oublier ce détail et même de vous en accommoder, Sonja Delzongle sait y faire pour brouiller les pistes et rapidement vous vous demanderez si Esther est en train de perdre pied ou s’il se passe vraiment des trucs pas très clairs sur Thanatea…

Parallèlement nous suivrons aussi les parcours de Layla et Hélène, confrontées à la fois à des affaires criminelles à résoudre mais aussi aux difficultés et aux aléas du quotidien.

Si on ne sait pas exactement où tout cela va nous mener, on se laisse toutefois porter par le talent narratif de l’auteure. Au fil des pages et des revirements de situation on va réaliser – à l’instar de Layla et Hélène – que l’on ne connaît vraiment des autres que ce qu’ils veulent bien nous révéler. Chez certaines personnes le fameux « jardin secret » peut s’avérer plus vaste et plus inextricable qu’une forêt tropicale.

Sonja Delzongle sait y faire pour mettre les neurones de ses lecteurs à rude épreuve, vous n’avez pas fini de vos poser des questions et d’être surpris par les révélations en cascade. Une lecture totalement addictive et captivante de bout en bout.

Mon plus grand regret : que l’une de ces trois drôles de dames doive mourir. Et ladite mort surviendra elle aussi de la façon la plus inattendue qui soit.

La mort est un commerce comme un autre… ou pas. Entre de mauvaises mains et pour de mauvaises raisons, les dérives de la thanatopraxie repoussent les limites morales et n’ont plus rien d’honorables.

MON VERDICT