Tiens donc, mais que vient ce titre sorti de nulle part au coeur de mes chroniques ? Je clame mon innocence votre honneur, la coupable est une belette cannibale d’origine belge (si si ça existe). Elle a posté un post tentateur dans son blog et moi, pauvre victime innocente je suis tombé dans le piège de la tentation. Et voilà comment Harry Crews et son roman, Nu Dans Le Jardin D’Eden, se sont retrouvés d’abord entre mes mains puis dans ces modestes colonnes.
Au début des années 60 Garden Hills, la plus grande mine de phosphate du monde, était un Eldorado inespéré pour les habitants de la région mais le rêve a vite fait de se casser la gueule et les investisseurs de retirer leurs billes. Aujourd’hui Garden Hills se sont douze bicoques et une poignée d’habitants qui survivent tant bien que mal. Au sommet de la hiérarchie on trouve Fat Man, l’héritier fortuné qui fait vivoter tout le monde mais il n’y a pas grand chose à attendre de lui. De l’autre côté il y a Dolly, elle rêve de redonner à Garden Hills un nouvel essor grâce au tourisme et au cabaret. Rien ni personne ne pourra la faire renoncer à ses rêves de renouveau…
Vous l’aurez compris ce n’est ni une version érotique de la Bible (l’original l’est suffisamment comme ça), ni une partie de jambes en l’air dans le jardin de la voisine (ou du voisin puisqu’en Belgique il semblerait que le prénom Eden soit mixte. Pour ma part la seule Eden que je connaisse est Eden Capwell de Santa Barbara… Oui je sais c’est du lourd au niveau des références culturelles). Nope rien d’aussi léger ici puisqu’on plonge au coeur de la noirceur et de la misère d’une communauté oubliée de tous ou presque.
En plus de la chronique forte élogieuse de la tentatrice susnommée (non ce n’est pas une dissimulation de fellation) il faut dire que deux autres choses (non que je considère la Belette Cannibale comme une chose) ont contribué à me faire craquer. La première, aussi bête que cela puisse sembler, est l’éditeur : Sonatine, à l’heure d’aujourd’hui je n’ai jamais été déçu par son catalogue. La seconde tient d’avantage à ma curiosité personnelle, pourquoi un bouquin écrit en 1969 ne sort en français qu’en 2013 (l’année suivant la mort de son auteur) ? Et puis bon Harry Crews lui même fait ce qu’il faut pour attiser notre curiosité : « C’est le meilleur roman que j’aie écrit. Au moment où je l’ai terminé, je savais que jamais je ne ferais rien d’aussi bon. »
Paré pour une coloscopie dans le trou du cul du monde ? Le bled en question est aussi déglingué que paumé, noyé sous la poussière et la puanteur du phosphate. Pour ceux qui restent, victimes d’un rêve brisé, il subsiste l’espoir d’un retour à la prospérité, le retour du fils prodigue qui relancera la mine. A se demander s’ils y croient vraiment ou s’ils se rattachent à ce rêve pour éviter de crever la gueule ouverte, le nez dans leur misère. Pathétique me direz-vous ? Et bien non justement, et c’est là tout le talent d’Harry Crews, sous sa plume il donne à chacun de ses personnages une profondeur et une humanité presque palpable.
L’auteur nous plonge dans la vie de quelques uns de ces paumés abandonnés de tous, quelques flashbacks permettent de découvrir leur parcours. Fat Man et Dolly bien sûr, mais aussi des personnages secondaires comme Jester ou Iceman. Des rencontres émouvantes, des destinées hors normes, au fil des pages vous partagerez leurs émotions.
Si vous souhaitez de l’action passez votre chemin. Toutefois, même s’il ne passe pas grand chose de palpitant à Garden Hills, je peux vous promettre que vous ne vous ennuierez pas une minute en lisant ce bouquin. Bien qu’écrit (et bien écrit) en 1969, le récit est intemporel, il pourrait s’appliquer à n’importe quel bled qui subirait le même coup du sort de nos jours.
Le titre original Naked In Garden Hills (Nu Dans Garden Hills pour les anglophobes) trouve son explication dans le roman mais je ne vous en dirai pas plus. Lisez ce bouquin pour le savoir, vous ne regretterez pas cette expérience de lecture. C’est relativement court (235 pages) mais intense.
bon s’il est intemporel, j’ai encore le temps de le lire alors ;-). En tout cas tu confirmes mon envie de le faire !
Ca vaut le coup d’oeil, et puis ça change un peu 🙂
Je l’ai lu la semaine dernière, et en tout points le même ressenti… Un sacré bon bouquin!
Une très bonne surprise oui. Il va falloir que je trouve le suivant rapidement.