[BOUQUINS] Olivier Norek – Les Guerriers De L’Hiver

Imaginez un pays minuscule.
Imaginez-en un autre, gigantesque.
Imaginez maintenant qu’ils s’affrontent.

Au cœur du plus mordant de ses hivers, au cœur de la guerre la plus meurtrière de son histoire, un peuple se dresse contre l’ennemi, et parmi ses soldats naît une légende.

La légende de Simo, la Mort Blanche.

Parce que c’est Olivier Norek, même s’il se lance dans un registre totalement inattendu et audacieux.

Mais quelle mouche a bien pu piquer Olivier Norek pour qu’il se lance dans un roman historique — et surtout qu’il choisisse comme cadre un épisode aussi méconnu de la Seconde Guerre mondiale ? À moins d’être un passionné d’Histoire, peu de lecteurs francophones ont entendu parler de cette Guerre d’Hiver qui opposa la Finlande à l’URSS entre novembre 1939 et mars 1940.

Si l’auteur livre quelques éléments d’explication dans ses remerciements, on comprend très vite pourquoi ce conflit oublié pouvait susciter son intérêt : un décor d’une intensité dramatique rare, une lutte désespérée, et des figures de courage exceptionnelles.

Dès les premières pages, le roman séduit par son contexte historique fascinant : celui d’un combat inégal opposant le David finlandais au Goliath soviétique. Tout semblait jouer en faveur de l’Armée rouge – Staline avait même promis une victoire en quelques jours, sans pertes russes. En face, une Finlande isolée, sous-équipée, mais portée par un patriotisme farouche. Contre toute attente, elle résistera héroïquement à l’envahisseur, infligeant de lourdes pertes aux troupes soviétiques.

C’est dans ce cadre que Norek nous fait découvrir deux personnages réels dont le destin incarne la bravoure finlandaise.

D’abord Simo Häyhä, modeste fermier et chasseur émérite, réserviste de la garde civile, qui se retrouve propulsé en première ligne. Avec son fusil à visée mécanique, sans lunette, il deviendra un tireur d’élite redoutable : entre 500 et 700 soldats russes tomberont sous ses balles. Sa précision et sa discrétion lui vaudront le surnom terrifiant de Mort Blanche et feront de lui une légende de la guerre moderne.

À ses côtés, le lieutenant Juutilainen, commandant de la 6ᵉ compagnie du régiment d’infanterie 34, ancien de la Légion étrangère où il s’était déjà distingué – ou plutôt fait craindre – sous les surnoms évocateurs de Terreur et d’Horreur. Peu charismatique mais téméraire, très porté sur la bouteille, il incarne la folie et la fureur du champ de bataille.

À travers ce récit, on devine l’immense travail de documentation auquel Olivier Norek s’est livré. Comme il le rappelle dans ses remerciements, la réalité dépasse souvent la fiction : les épisodes qu’il relate, aussi spectaculaires soient-ils, sont largement inspirés de faits réels.

La construction du roman repose sur des chapitres courts qui restituent bien l’urgence et la tension du conflit. Le style, direct et sans fioriture, privilégie l’efficacité à la démonstration. On pourrait reprocher un début un peu lent, le temps de que les personnages s’acclimatent à ce conflit totalement inattendu et en mesurent tous les enjeux.

Je l’avoue, c’est sans grande conviction que j’ai ouvert ce livre. Pourtant, les talents de conteur d’Olivier Norek et la force de son récit m’ont captivé de la première à la dernière page. Ce n’était pas un pari gagné d’avance, malgré toute l’admiration que je porte à l’auteur. Et pourtant, cette lecture n’a fait que renforcer cette admiration. Il fallait oser ce grand écart entre le polar contemporain, son terrain de jeu habituel, et la fresque historique. Pari risqué, mais pari magistralement remporté.

[BOUQUINS] Christophe Agnus – La Liste De L’Écrivain

AU MENU DU JOUR


Titre : La Liste De L’Écrivain
Auteur : Christophe Agnus
Éditeur : Robert Laffont
Parution : 2023
Origine : France
414 pages

De quoi ça cause ?

Otto Callac est un meurtrier très spécial : il avoue spontanément ses crimes – nombreux et sanglants –, mais nul ne connaît sa véritable identité. Et il n’est pas un cas isolé. D’autres criminels, tout aussi mystérieux, se mettent à sévir aux États-Unis.

Peu à peu, une piste se dégage : leurs noms sont empruntés à de macabres héros d’un auteur à succès… Or, ce dernier est au milieu de l’Atlantique sur son voilier, en pleine tempête.

Pour Frank French, agent spécial du FBI, une course contre la montre s’engage.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que Christophe Agnus avait forte impression l’année dernière avec son premier roman, L’Armée D’Edward, un techno-thriller aussi audacieux que maîtrisé.

Ma Chronique

Pour de nombreux lecteurs, dont je suis, L’Armée D’Edward a été l’une des plus grandes révélations littéraires de l’année dernière. Avec ce premier roman, Christophe Agnus, faisait une entrée remarquée et remarquable sur la scène du polar / thriller francophone.

L’auteur ayant placé la barre haute, le lecteur attendait avec impatience de découvrir son second roman. On veut surtout y retrouver la même audace et être emballé par l’intrigue du roman.

Christophe Agnus relève le défi haut la main. Une fois de plus il nous a concocté une intrigue à nulle autre pareille. Plus exactement il nous offre deux intrigues pour le prix d’une, avec d’un côté les tueurs en série nés de l’imagination d’un auteur à succès, et de l’autre les actions coups de poing d’un groupe d’activistes écologistes. Deux arcs narratifs que tout semble opposer mais peut-être pas tant que ça en creusant un peu.

Un thriller dont la clé pourrait bien résider dans les nombreuses théories quantiques… à moins d’être plus pragmatique et d’accepter que des éléments fantastiques ne viennent se greffer à l’intrigue du thriller. De quoi tenir en haleine le lecteur de la première à la dernière page.

En matière de théories quantiques je suis complétement profane (déjà la physique classique dépasse parfois ma capacité / volonté de compréhension). Hormis la fameuse expérience du Chat de Schrödinger que j’ai eu l’occasion de croiser çà et là, le reste est d’une totale opacité. Christophe Agnus réussit l’exploit de s’appuyer sur des démonstrations théoriques sans jamais assommer le lecteur. Du coup on adhère assez facilement au concept et l’on accepte que l’impossible devienne probable.

Pour ancrer encore davantage son roman dans la réalité, l’auteur peut s’appuyer sur une grande connaissance de la société américaine, et notamment rapport aux arcanes judiciaires et pénales du pays.

Si on m’avait dit que je pourrai être amener à ne pas éclater de rire à l’idée que des tueurs issus de l’imagination d’un auteur à succès puissent débarquer dans notre monde pour y perpétrer leurs forfaits, j’aurai certainement souri d’un air désabusé. Je n’irai pas jusqu’à dire que je suis convaincu par les explications de Christophe Agnus, mais je les accepte pour me laisser embarquer dans son intrigue.

Si j’ai été complétement baladé par l’auteur sur les parties tueurs en série et écologistes – très bonne idée la mise en parallèle des deux opérations ; on s’attend à un carnage et finalement… –, j’ai eu très rapidement de sérieux soupçons au niveau du tueur de surfeurs. La suite m’aura donné raison.

Le roman repose sur deux personnages forts qui vont essayer de mettre un terme à une situation de crise aussi inédite que meurtrière. D’un côté l’agent spécial Frank French qui ne vit que pour son boulot au FBI et sa passion pour le surf. Un enquêteur qui va se retrouver confronté à une (des) situation(s) qui dépasse(nt) l’entendement. De l’autre Edwin Lee, auteur à succès qui a imaginé ces tueurs devenus bien réels. Afin de compliquer les échanges entre les deux hommes, Edwin et sa famille sont en pleine traversée de l’Atlantique. Et, cerise sur le gâteau, ils doivent se préparer à affronter un ouragan qui s’annonce particulièrement violent.

Avec ce second roman Christophe Agnus fait, une fois de plus, le pari de l’audace en jouant avec les codes traditionnels du thriller. Force est de reconnaître que, une fois de plus, le pari est gagnant. Un roman très différent de L’Armée D’Edward même si on retrouve certaines préoccupations (notamment au niveau environnemental) qui confirme qu’il faut désormais compter avec ce petit niveau sur la scène du thriller francophone… voire même mondiale, tant il ose remanier les règles du jeu.

MON VERDICT

Coup de poing

[BOUQUINS] Collectif, sous la direction d’Yvan Fauth – Toucher Le Noir

AU MENU DU JOUR


Titre : Toucher Le Noir
Auteur : Collectif, sous la direction d’Yvan Fauth
Éditeur : Belfond
Parution : 2021
Origine : France
336 pages

De quoi ça cause ?

11 auteurs mettent le toucher à l’honneur.
10 nouvelles fondues au noir.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Principalement pour la même raison qui m’avait poussé à découvrir les deux précédents recueils proposés par Belfond et dirigé par Yvan Fauth : Yvan himself ! Le seul, l’unique !

Une fois encore l’ami Yvan réunit une belle brochette d’auteurs autour d’un thème commun.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Belfond et Yvan qui m’ont fait parvenir le présent recueil.

Après l’audition et la vue, Yvan Fauth continue d’explorer le noir à travers nos cinq sens (et un soupçon de sixième sens) ; les onze auteurs qui ont répondu présents à l’invitation du maître de cérémonie mettent le toucher à l’honneur. Un toucher qui, à n’en point douter, va se décliner sous toutes ses formes (sauf rectal !).

Parmi les invités à la table d’honneur on retrouve deux auteurs qui s’étaient déjà prêtés au jeu dans Regarder Le Noir (Laurent Scalère et Maud Mayeras) ; les neuf autres sont des nouveaux venus dans l’aventure… nouveaux mais certainement pas novices ! Ce sont des plumes connues et reconnues de la littérature noire et/ou policière.

Ce sont Frank Thilliez et Laurent Scalèse qui ouvrent le bal avec un texte écrit à quatre mains. Les auteurs font le pari audacieux de nous raconter leur histoire dans l’ordre antéchronologique (on commence par la fin pour remonter vers le début).

Valentin Musso nous invite ensuite à suivre un couple qui sur le chemin du retour après une sortie au restau. Un retour de soirée où tout va basculer.

Avec Solène Bakowski nous cheminerons sur les sentiers tortueux et hypocrites de la foi. Un texte aussi puissant qu’émouvant (on pourrait ajouter éprouvant, énervant…).

Benoît Philippon nous offre un périple à fleur de peau dans le monde de l’art dans ce qu’il a de plus indécent, non par ce qu’il peut montrer ou représenter mais par les prix que certaines œuvres peuvent atteindre. Un concept poussé à l’extrême.

Eric Cherrière nous concocte une histoire de vengeance qui se mange froide sur fond de pollution plastique.

Michaël Mention signe la nouvelle la plus longue du présent recueil. La plus minimaliste aussi puisqu’elle met en scène deux individus dans une cabine d’ascenseur à l’arrêt. L’auteur déploiera tout son savoir-faire pour sublimer ce point de départ et surprendre les lecteurs.

Avec Danielle Thiéry vous découvrirez que la musique n’adoucit pas toujours les mœurs, les dernières notes sont juste sublimes.

Ghislain Gilberti nous invite à une traque aux frontières du réel dans laquelle les prédateurs se feront proies et inversement. Une approche audacieuse qui démarque clairement son récit des autres.

Jacques Saussey nous emmène en Italie à la rencontre d’un prisonnier qui a un véritable don pour le dessin… un don qui va se transformer en malédiction.

Maud Mayeras nous livre un récit qui nous glacera les sangs tant par son absolue noirceur que par sa triste part de vérité que l’auteure nous rappelle à la fin de son récit.

La visite s’achève en compagnie de Franck Thilliez et Laurent Scalése qui nous font découvrir la seconde partie de leur récit en deux actes. Une relecture des faits dans l’ordre chronologique cette fois.

Comme pour les précédents recueils je vais donc attribuer une note sur 5 à chacune des nouvelles composant ce recueil. Au risque de me répéter ces notes n’engagent que moi et sont le reflet de mon ressenti personnel.

  • F. Thilliez & L. Scalèse – 8118 : Envers / 4
  • V. Musso – Retour De Soirée / 4.5
  • S. Bakowski – L’Ange De La Vallée / 5
  • B. Philippon – Signé / 5
  • E. Cherrière – Mer Carnage / 4
  • M. Mention – No Smoking / 5
  • D. Thiéry – Doigts D’Honneur / 4.5
  • G. Gilberti – L’Ombre De La Proie / 5
  • J. Saussey – Une Main En Or / 4.5
  • M. Mayeras – Zeru Zeru / 5
  • F. Thilliez & L. Scalèse – 8118 : Endroit / 4

Soit une honorable moyenne de 4,6 sur 5 que mon infinie mansuétude me pousse à arrondir à un carton plein de 5 Jack ! Pour remercier les auteurs, parce qu’ils le valent bien comme le prouvent leurs récits. Et pour remercier Yvan qui poursuit, pour notre plus grand plaisir, l’aventure.

Rendez-vous l’année prochaine pour une nouvelle exploration du noir par le biais d’un sens encore inédit (l’odorat ou le goût ? telle est la question).

MON VERDICT

[BOUQUINS] Collectif, à l’initiative d’Yvan Fauth – Écouter Le Noir

AU MENU DU JOUR


Titre : Écouter Le Noir
Auteur : Collectif
Éditeur : Belfond
Parution : 2019
Origine : France
288 pages

De quoi ça cause ?

13 auteurs réunis autour du thème de l’audition.
11 nouvelles sur fond noir.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que cet ouvrage est une initiative d’Yvan, ami (même si nous ne nous « connaissons » que par le biais du net) et blogueur pour qui j’ai énormément d’estime.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Belfond et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Je ne suis pas forcément un grand fan de la nouvelle même si je reconnais volontiers que, pour un auteur, l’exercice est délicat, voire périlleux. Le temps de quelques pages, il faut donner vie à des personnages et mener à terme une intrigue ; aller à l’essentiel pour toucher le lecteur au cœur et aux tripes, en évitant les raccourcis trop faciles qui laisseraient une impression de travail inachevé (ou pire, bâclé).

Les auteurs ayant répondu à l’invitation d’Yvan comptent parmi la fine fleur de la littérature noire francophone (mais pas que…), le nec plus ultra du genre. À travers ce recueil ils confirment leur immense talent, certains se dévoileront même sous un jour totalement inattendu.

C’est Barbara Abel et Karine Giebel qui ouvrent le bal, avec une nouvelle à quatre mains qui donne le ton et m’a laissé sans voix (à défaut de me laisser sans ouïe). Suivront, par ordre d’apparition, Jérôme Camut et Nathalie Hug, Sonja Delzongle, François-Xavier Dillard, R.J. Ellory, Nicolas Lebel, Sophie Loubière, Maud Mayeras, Romain Puértolas, Laurent Scalese et Cédric Sire.

Si aucun des auteurs présents ne m’est inconnu, il y en a certains dont je n’ai pas encore eu l’occasion d’explorer l’univers (Barbara Abel, Nicolas Lebel, Sophie Loubière et Laurent Scalese) ; découvrir leurs nouvelles me donne un aperçu de leur immense talent et ne fait qu’attiser davantage ma curiosité eu égard à leur travail…

Je ne vais pas me lancer dans un avis détaillé pour chacune des nouvelles ici présentes, d’une part afin de laisser intact le plaisir de la découverte, mais aussi parce que j’estime que cette approche ne ferait pas pour autant avancer le schmilblick (et un peu aussi par pure fainéantise).

Tour à tour les auteurs explorent le thème de l’audition sous toutes ses facettes (qu’il s’agisse de surdité, de bruits en tout genre – parfois amis, parfois ennemis – ou encore de musique…). De même les auteurs jouent sur tout le spectre du noir, du classique sur fond policier / thriller, au fantastique en passant même par l’humour.

Comme souvent dans ce genre de recueil, il y a les nouvelles qui font mouche et celles pour lesquelles on a l’impression d’avoir raté le coche sans vraiment pouvoir s’expliquer le pourquoi du comment de la chose. Il n’en reste pas moins que globalement la qualité est au rendez-vous (certaines flirtent même avec l’excellence) ; pas vraiment une surprise vu le panel des auteurs ayant accepté de se prêter au jeu.

Afin d’illustrer mon propos ci-dessus, je terminerai cette chronique par l’attribution d’une note (sur 5) à chacune de ces nouvelles ; comme d’hab cette notation n’engage que moi :

B. Abel et K. Giebel – Deaf : 5
J. Camut et N. Hug – Archéomnésis : 2.5
S. Delzongle – Tous les chemins mènent au hum : 3.5
F.X. Dillard – Ils écouteront jusqu’à la fin : 5
R.J. Ellory – Bloodline : 4.5
N. Lebel – Sacré chantier : 3.5
S. Loubière – Zones de fracture : 4
M. Mayeras : Echos : 4
R. Puértolas – Fête foraine : 4
L. Scalese – Quand vient le silence : 5
C. Sire – Le diable m’a dit : 5

Ce qui nous fait une honorable moyenne de 4.2 sur 5 que j’arrondis volontiers à 4.5 pour saluer l’initiative de ce recueil.

Mon cher Yvan tu peux considérer que le challenge a été remporté haut la main. Tu peux remettre ça quand tu veux !

MON VERDICT