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Titre : La Femme Parfaite
Auteur : JP Delaney
Éditeur : Fayard
Parution : 2020
Origine : États-Unis
464 pages
De quoi ça cause ?
Lorsque Abbie se réveille dans une chambre hôpital, Tim Scott, un des acteurs majeurs de l’Intelligence Artificielle, lui apprend qu’elle n’est pas la « vraie » Abbie mais un robot créé à l’image de la jeune femme disparue cinq ans plus tôt. Une IA ultra perfectionnée, dotée de capacités d’apprentissage et d’empathie.
À en croire Tim, son époux, ils formaient un couple idéal et elle était une épouse et une mère parfaite. Et pourtant, plus Abbie se renseigne sur sa relation avec Tim et sur « sa » disparition, plus elle s’interroge et doute…
Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?
Parce que j’avais beaucoup aimé les deux précédents romans de JP Delaney, La Fille D’Avant et Mensonge.
Contrairement à son précédent roman, Mensonge, qui divisait clairement les lecteurs, les réactions allant de « j’ai adoré » à « j’ai détesté » ; celui-ci suscite des réactions globalement positives sur Babelio.
Ma Chronique
Je remercie les éditions Fayard / Mazarine et Net Galley pour leur confiance renouvelée.
Tout laisse à penser que JP Delaney est particulièrement friand de nouvelles technologies, après la maison hyper connectée de La Fille D’Avant c’est cette fois une IA empathique qui est au cœur du présent roman. Une IA qui, à ce jour, reste du domaine de la fiction mais pour combien de temps encore ? Quand on voit la vitesse à laquelle évoluent les recherches autour de la question on peut légitimement supposer que la réalité va bientôt rattraper la fiction.
Si l’essentiel du bouquin est consacré à l’intrigue présente, construite autour du « personnage » d’Abbie version IA, quelques chapitres (bénéficiant d’une numérotation distincte) retracent le parcours d’Abbie (version humaine) depuis son arrivée dans les locaux de Scott Robotics (la société fondée par Tim) jusqu’à sa disparition.
Mais c’est surtout dans sa narration que le roman se distingue. Jusqu’à ce que l’auteur ne lève le voile sur le sujet, on ne sait pas avec certitude qui est le narrateur ou la narratrice. L’emploi de la seconde personne du singulier sème en effet le doute. S’agit-il d’Abbie qui, par sa nature non-humaine, porte un regard distant sur elle-même ou il y aurait-il une autre explication à ce choix ?
Si la forme est maîtrisée, le fond l’est tout autant. Les personnages sont particulièrement bien travaillés. On ressent rapidement une réelle empathie pour cette IA qui cherche à comprendre ce qui est arrivé à son homologue humaine ; paradoxalement c’est sans doute le personnage qui dégage le plus d’humanité dans ce roman.
Il faut dire que le personnage de Tim Scott apparaît d’entrée de jeu comme imbuvable, certes c’est un génie dans son domaine (l’Intelligence Artificielle) mais humainement parlant c’est une merde finie ! Un égo démesuré combiné à un manque total d’empathie… Au fil des pages mon aversion pour le bonhomme ne s’est jamais démentie.
Le troisième personnage central de ce roman est Danny, le fils de Tim et Abbie. Souffrant du syndrome de Heller, une forme aussi sévère que rare d’autisme apparaissant entre 2 et 3 ans chez l’enfant et se caractérisant par une brusque détérioration du langage et du comportement. La situation de Danny va rapidement s’imposer comme l’un des éléments phares dans le déroulé de l’intrigue.
Un thème qui tient particulièrement à cœur à JP Delaney, étant lui-même parent d’un enfant autiste. De fait le roman est très bien renseigné sur cette forme méconnue d’autisme et les façons de gérer la situation. Le message passe sans jamais prendre le dessus sur l’intrigue elle-même.
La nature même d’Abbie 2.0 pose inévitablement des questions d’éthique, là encore l’auteur aborde le sujet avec beaucoup de savoir-faire. Ce sont en effet des questions que les développeurs (et même, le cas échéant, le législateur) devront se poser si un jour des formes aussi avancées d’IA devaient voir le jour.
D’autres thèmes sont abordés au fil des pages, mais je vous laisse le plaisir de les découvrir par vous-même…
Avec La Femme Parfaite, JP Delaney signe son roman le plus abouti. Une lecture à la fois addictive, divertissante et intelligente ; le piège se referme dès les premières pages sur le lecteur, pour ne se rouvrir qu’une fois le bouquin terminé !
Quant à moi, il me tarde de découvrir le quatrième roman signé JP Delaney dont le pitch est des plus alléchant ! Qui sait, peut-être que pour patienter un peu je me lancerai dans la découverte de thrillers signés sous un autre nom de plume (Jonathan Holt ou Tony Strong). Les titres publiés sous sa véritable identité (Anthony Capella) ne m’inspirent pas outre mesure… en plus de ne pas être disponibles dans la langue de Molière.