[BOUQUINS] Dan Simmons – Terreur

D. Simmons - TerreurJ’ai bien conscience que mon Stock à Lire Numérique est un véritable puits sans fond dont je ne viendrai sans doute jamais à bout. Je sais tout aussi pertinemment que, de fait, je passerai à certains de nombreux titres qui auraient pourtant mérité que je m’y attarde. Heureusement, de temps en temps, un certain Book Club (que certain(e)s jugeraient sans doute mal famé) permet à un de ces titres oubliés de sortir de la masse. Ce fut le cas ce mois-ci avec le roman Terreur de Dan Simmons.
Mai 1845, l’expédition Franklin (du nom de son commandant : John Franklin), composée du HMS Erebus (commandé par James Fitzjames) et du HMS Terror (sous le commandement de Francis Crozier), soit 138 officiers et matelots, quitte l’Angleterre pour explorer les iles arctiques et découvrir le fameux passage Nord-Ouest reliant l’océan Atlantique à l’océan Pacifique. Suite à un mauvais choix stratégique, les navires se retrouvent coincés dans les glaces au cours de l’hiver 1846. Un hiver qui n’en finit pas de durer. Outre une nature des plus hostiles et des conditions de survie de plus en plus difficiles, les marins vont devoir affronter une autre menace, une créature aussi mystérieuse qu’impitoyable qui va s’acharner à les détruire…
Un peu long comme mise en bouche, mais il me semblait important de replacer le contexte avant d’entrer dans le vif du sujet. Important, parce que dans ce roman Dan Simmons combine Histoire et fiction. L’expédition Franklin a en effet bel et bien existé, sa disparition reste à ce jour encore sujette à de nombreuses questions. John Franklin, Francis Crozier et James Fitzjames, entre autres, ont eux aussi été des personnages réels (disparus, comme le reste de l’équipage).
Si en vous lançant dans ce bouquin vous attendez (espérez ?) un page-turner, il y a de fortes chances que vous déchantiez rapidement. En effet dans la première partie il faut parfois s’accrocher pour y voir clair dans les différents sauts chronologiques d’un chapitre à l’autre ; j’ai aussi rencontré quelques longueurs dont je me serai volontiers passé. Bin oui, dans cette première partie moi aussi j’ai dû ramer et lutter pour m’en sortir ! Mais je ne peux que vous encourager à vous accrocher (quitte à survoler en diagonale certains passages), la suite le mérite largement.
Il faut attendre 1848 pour que les choses se décantent vraiment, mais une fois que l’intrigue passe le turbo le rythme est assuré quasiment jusqu’au clap de fin malgré quelques redondances (notamment dans l’énumération des victimes qui revient çà et là).
Au fil des pages le lecteur prendra conscience que dans cette intrigue il n’y a pas qu’un monstre, peut être réalisera-t-il même que la créature n’est peut être pas pire que certains humains ; pas toujours dans la cruauté, mais incontestablement dans les motivations.
Il faut attendre les derniers chapitres pour comprendre la nature de la bestiole et le pourquoi du comment de ses agissements. Jusqu’à la fin de son récit, Dan Simmons ne manquera pas de vous surprendre.
Pour la petite histoire au moment de la sortie du roman (2007) le mystère entourant l’expédition Franklin était d’autant plus intense que les épaves n’avaient pas été retrouvées ; il faudra attendre 2014 pour que l’Erebus soit localisé et identifié, et 2016 pour qu’il en soit de même avec le Terror.
SI vous souhaitez en savoir plus sur l’expédition Franklin, outre les sites cités en remerciements et le traducteur, je vous invite à consulter la page Wikipédia consacrée à l’expédition ainsi que celle du site Parcs Canada. Pas de méchante bestiole à l’horizon mais vous pourrez ainsi constater à quel point Dan Simmons a habilement combiné la réalité historique et la fiction.
Les fans pourront retrouver prochainement (courant 2017), une adaptation du roman en série télé, The Terror, diffusée par AMC (The Walking Dead) sur une saison de 10 épisodes de 60 minutes chacun. A l’heure qu’il est peu d’infos filtrent mais avec Ridley Scott à la production on peut être confiant quant au résultat.

C’est le quatrième roman de Dan Simmons que je lis, après Collines Noires, L’Echiquier Du Mal et Flashback,à chaque fois la (bonne) surprise est au rendez-vous, aucun roman ne ressemble de près ou de loin aux autres mais, quel que soit le registre, l’auteur semble parfaitement à l’aise et déploie un formidable talent de conteur.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Poppy Z. Brite – Le Corps Exquis

pzblceIl est des titres que j’ai envie de découvrir sans réelle conviction, juste histoire de vérifier s’ils sont à la hauteur de leur réputation sulfureuse. Le Corps Exquis de Poppy Z. Brite appartenait à cette catégorie, désormais je peux partager mes impressions de lecture.
Andrew Compton est britannique, tueur en série, homo et nécrophile. Jay Byrne est américain, tueur en série, homo et nécrophage. Leur rencontre, dans les bas fonds de la Nouvelle-Orléans, va être aussi passionnée que sanguinolante…
Qu’est ce qu’il y a dans ce pitch susceptible de me faire vibrer ? A part le fait qu’il s’agisse d’une histoire de tueurs en série, rien. Rien de rien ! J’assume totalement mon hétérosexualité donc une histoire d’amour entre deux mecs pervers (et Dieu sait qu’ils ne manquent pas de perversité), au mieux je passe mon tour, au pire ça me laisse de marbre. Baiser ou bouffer les morts ? Merci mais je crois que je vais passer mon tour. Courage mon gars, faut pas mourir idiot !
C’est donc pas franchement convaincu que je me suis lancé… et c’est toujours aussi peu convaincu que j’ai refermé ce bouquin (sans toutefois avoir renoncé en cours de route).
Malsain ce bouquin ? Même pas. Juste ultra gore et trash, souvent plus qu’il n’eut été nécessaire, à se demander si l’auteur(e) ne se complaît pas dans la surenchère. Il faut plus que ça pour me choquer mais le trop plein de descriptions finit par se faire au détriment du rythme et de l’intrigue.
Intrigue ? Hmouais faut le dire vite… Pour qu’il y ait intrigue il faudrait un minimum de suspense, en l’occurrence on flirte avec un taux zéro niveau adrénaline. A part peut être sur la fin, et encore ça manque tellement de crédibilité que ça en devient pathétique.
Bon alors quid des personnages ? Andrew et Jay sont de purs produits psychotiques qui accumulent les clichés du genre, résultat des courses on atteint là encore un taux zéro, mais niveau crédibilité cette fois. Et les autres ? D’un côté on a Luke, homo baroudeur séropositif qui vomit son hétérophobie sur une radio pirate. De l’autre Tran, un jeune viet homo, ex-amant de Luke, rejeté par sa famille qui vivote tant bien que mal… Tout un programme ! Ah oui, au cas où vous ne le sauriez pas, la Nouvelle-Orléans semble peuplée à 99% par des homos. Hé hé, que voilà une info qui ne figure pas dans le guide du routard !
Est-il nécessaire de vous dire que le côté romantique / érotique / pornographique (rayez les mentions inutiles) ne m’a aucunement convaincu ? Là encore encéphalogramme (et accessoirement bandogramme) plat… Je suis (sans surprise) définitivement hermétique au gay porn.
Ajoutez à tout ça un style très quelconque, vous aurez alors un bilan exhaustif de mon ressenti. Une lecture sans grand intérêt, parfois même chiante… S’il évite le zéro pointé c’est uniquement par sa noirceur et son amoralité, mais ce n’est pas suffisant pour lui accorder la moyenne.

MON VERDICT
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[BOUQUINS] Dan Simmons – L’Echiquier Du Mal

D. Simmons - L'Echiquier Du MalCa fait un bail que je ne suis pas revenu faire un tour du côté de mon challenge SF (manque de temps et trop de livres qui me font de l’oeil), il est temps de pallier cette lacune avec L’Echiquier Du Mal de Dan Simmons. Roman que beaucoup considèrent comme étant son chef d’oeuvre.
Face à une série de meurtres inexpliqués à Charleston la police piétine. Aucun lien entre les victimes et une suspecte, Mélanie Fuller, semble s’être volatilisée dans la nature. Pour le shérif Rob Gentry c’est l’impasse. Jusqu’à ce qu’il rencontre Natalie Preston, la fille d’une victime, et Saul Laski, un psychiatre rescapé des Camps de la Mort, qui va leur faire des révélations étonnantes. Tous trois vont lancer à la poursuite de ces mystérieux « vampires psychiques », mais ils ne sont pas les seuls à rechercher Mélanie Fuller…
J’avais les trois livres qui composent L’Echiquier Du Mal depuis déjà quelques temps dans mon Stock à Lire Numérique, une fois de plus c’est France Loisirs qui aura déclenché l’étincelle qui m’a poussé à m’y plonger enfin en proposant une intégrale en un seul volume (1300 pages, papier fin et petite police de caractère… joli pavé).
Alors science fiction ou fantastique ? Pour ma part j’opterai plutôt pour la seconde option car Dan Simmons revisite un thème cher au fantastique : le vampire. Mais ne chipotons pas pour une simple question de genre, ce bouquin mérite bien mieux que de se retrouver le cul entre deux chaises genres (en fait on pourrait aussi ajouter un soupçon de thriller, une pointe horrifique avec un puissant arrière goût de roman noir).
L’auteur prend son temps pour poser son intrigue (quasiment tout le livre I), par moment il faut s’accrocher pour savoir où il veut en venir mais croyez moi ça en vaut largement la peine. Quand la machine se met en branle ça décoiffe, si le rythme n’est pas toujours haletant il distille une telle tension que l’on ne ressent aucun ennui. Au contraire, ces alternances dans le rythme deviennent rapidement un point fort.
J’ai mentionné plus haut que Dan Simmons revisitait le thème du vampire, n’allez pas croire qu’il est l’inventeur du vampire à la guimauve, ses « vampires psychiques » sont largement aussi malfaisants que Dracula et consorts. Ils prennent le contrôle de leurs victimes, leur faisant faire leur quatre volontés, s’en servant parfois comme arme contre leurs adversaires, et les abandonnent comme un vieux slip kangourou, le plus souvent en ayant pris soin d’orchestrer leur mort. Le point commun entre ces individus doués du Talent (le nom donné à leur don) : ils appartiennent tous à l’élite, de part leur fortune ou leur position dans la société (parfois même les deux) et semblent n’avoir aucun sens moral.
Je ne perdrais pas mon temps à vanter le style de Dan Simmons, enfoncer les portes ouvertes n’est pas vraiment ma tasse de thé… Je n’ai pas le recul nécessaire pour dire s’il s’agit ou non du chef d’oeuvre de l’auteur mais il est évident que c’est un bouquin qui flirte allègrement avec l’excellence (une intrigue originale, riche et totalement maîtrisée, des personnages soigneusement travaillés).
Entre autres récompenses littéraires L’Echiquier Du Mal compte à son actif le prix Bram Stoker du meilleur roman (1989) et le prix Locus du meilleur roman d’horreur (1990).
Si vous vous inquiétez de savoir si un bouquin écrit en 1989 n’a pas pris un coup de vieux avec les années, je vous rassure de suite, hormis quelques antiquités technologiques du XXème siècle (machine à écrire, téléphone à cadran, appareil photo argentique…) l’intrigue n’a pas besoin d’un lifting pour rester percutante.
Petit bémol qui n’a rien à voir avec l’auteur et son intrigue, la version France Loisirs que j’ai lue comporte un paquet de lacunes au niveau relecture et correction. Erreurs que je n’ai pas retrouvées dans la version numérique (TAZ).