[BOUQUINS] Jo Nesbo – Le Téléphone Carnivore

Richard Elauved, quatorze ans et mal dans sa peau, est recueilli, après la mort de ses parents, par son oncle et sa tante dans une petite ville où il s’ennuie ferme, ne fréquentant que Tom, bègue et moqué de tous.

Le jour où ce dernier se volatilise, on accuse Richard de l’avoir poussé dans la rivière. Personne ne le croit quand il raconte que le téléphone de la cabine publique où il avait entraîné son camarade pour faire des blagues a dévoré l’oreille, puis la main, le bras et… le reste du corps de Tom. Personne sauf l’énigmatique Karen, qui l’encourage à mener une investigation jugée superflue par la police.

Envoyé en centre de redressement, Richard réussit à s’enfuir avec la complicité de jumeaux maléfiques et aboutit à un manoir abandonné dans la forêt, où se succèdent des phénomènes paranormaux qui semblent tous dirigés contre lui.

Je suis fan de Jo Nesbo et, bien entendu, de son personnage fétiche de Harry Hole. Point de Harry dans le présent roman – laissons le savourer un repos bien mérité avec son précieux Jim Beam –, l’auteur vient surprendre ses lecteurs en s’essayant à la littérature horrifique.

Si on m’avait dit qu’un jour Jo Nesbo allait se frotter à la littérature horrifique, qui plus est à de l’horreur façon série B (voire Z) qui connut ses heures de gloires dans les années 80, j’aurai sans doute ricané en secouant la tête devant une telle aberration (oui, je sais, j’aurai eu l’air très con). Et pourtant, c’est chose faite avec Le Téléphone Carnivore.

Commençons par le visuel avec une couv’ délicieusement kitsch et tape à l’œil qui n’est pas sans rappeler la cultissime collection Gore des éditions Fleuve. La quatrième de couv’ est tout autant racoleuse (quoiqu’un peu trop disserte)… Ça promet !

Reste à savoir si le ramage se rapporte au plumage.

Dès les premières pages on peut d’ores et déjà affirmer que oui. Tous les ingrédients du genre sont là, un ado mal dans sa peau au passé tourmenté et sa bonne copine compréhensive qui veut l’aider, des scènes horrifiques bien détaillées riches en hémoglobine, un scénario qui part un peu dans tous les sens, faisant fi de la cohérence et de la vraisemblance… On plonge de plein pied dans un récit délicieusement régressif (pour les anciens qui ont connu cette littérature des années 80).

Que les choses soient claires, n’espérez pas le grand frisson et les sueurs froides, à moins d’être un ado prépubère en mal de sensations fortes. Comme souvent avec ce genre de romans, nous sommes davantage dans le divertissement horrifique qu’autre chose, il manque une réelle dimension psychologique pour que la peur vous prenne aux tripes.

Les personnages, adolescents comme adultes, font souvent un peu clichés mais ça colle parfaitement au contenu. Des ados un peu paumés (outre Richard, on peut aussi citer Tom et Jack), d’autres imbus d’eux-mêmes, sûrs de leur prétendue supériorité (la palme revient ici à Oscar), sans oublier l’énigmatique Karen, la seule qui semble disposée à croire Richard. Des adultes plutôt incrédules (à l’image de Frank et Jenny, les parents adoptifs de Richard), d’autres franchement soupçonneux (tels le sheriff McClelland ou l’agent Dale).

Si Jo Nesbo semble véritablement prendre plaisir dans ce nouveau registre inattendu, il reste toutefois le maître du jeu et va finalement rebattre les cartes de son récit dans la dernière partie du roman. À l’image du Canada Dry, il ne faut pas se fier aux apparences. Certains regretteront sans doute cet ultime revirement, les plus rationnels seront plutôt soulagés… Pour ma part je suis mi-figue mi-raisin, certes j’aurai aimé que le final soit à l’image du reste du bouquin, mais le choix de l’auteur s’inscrit dans une certaine logique.

Un titre qui n’aurait pas dépareillé dans la défunte collection Gore, une collection et un genre que les éditions Faute de Frappe se font un plaisir de remettre en avant. Il n’en reste pas moins que Jo Nesbo rafle la mise avec son pari un peu fou, force est de reconnaître que j’en suis le premier surpris.

[BOUQUINS] J0 Nesbo – Éclipse Totale

À Oslo, deux jeunes femmes sont retrouvées, l’une sans cerveau, l’autre décapitée.

Soupçonné, l’exécrable Markus Røed, magnat de l’immobilier, charge son avocat d’engager un détective, le meilleur, pour le disculper.

Hole, exclu de la police, serait l’homme de la situation s’il n’était en train de se soûler méthodiquement dans un bar de Los Angeles en compagnie de Lucille, actrice vieillissante qui doit 960 000 dollars à des recouvreurs de dette mexicains.

Pour sauver son amie, Harry accepte l’offre de Røed. À ce tarif. Il a dix jours devant lui pour rentrer affronter ses démons, trouver le coupable et envoyer l’argent.

Harry Hole, what else ? Un rendez-vous nordique incontournable, reste à savoir si cette treizième enquête sera placée sous le signe de la chance ou pas…

Dès l’ouverture du bouquin, on retrouve Harry Hole dans un bar de Los Angeles, en mode Leaving Las Vegas (le film de Mike Figgis, adapté du roman de John O’Brien). Même si Hole n’est pas vraiment l’archétype du bon samaritain, c’est pourtant en se mêlant   – activement – d’une affaire qui ne le regarde pas qu’il va devoir revoir ses plans et rentrer en Norvège… pour notre plus grand plaisir (on va pas se mentir) !

N’ayant aucun mandat officiel, Hole va s’entourer d’amis de confiance pour l’aider à avancer dans une affaire qui s’annonce bien plus complexe que prévu. Il va ainsi faire équipe avec Stale Aune, ancien psychologue et consultant pour la police, actuellement hospitalisé (c’est d’ailleurs sa chambre d’hôpital qui servira de QG à l’équipe), Oyesten Eikeland, ami d’enfance et chauffeur de taxi qui traîne dans des combines pas toujours très légales et Truls Bernsten, policier soupçonné de corruption et de détournement de preuves… une fine équipe, n’est-il pas ?

Même si Harry Hole n’œuvre pas en tant que policier sur cette affaire de double meurtre, pas question pour lui de piétiner les plates-bandes de ses anciens collègues. Il envisage plutôt une collaboration gagnant-gagnant. C’est ainsi qu’il pourra compter sur l’aide de Katrine Bratt, responsable du groupe d’enquête, et de la légiste Alexandra Sturdza.

C’est avec un réel plaisir que j’ai retrouvé tous ces personnages déjà croisés dans les précédentes enquêtes de Harry Hole. Même si ce brave Harry est loin d’être un aussi exemple de sobriété, au fil des chapitres il tente, avec plus ou moins de succès, de combattre ses démons intérieurs et résister à l’appel du Jim Beam. On va aussi découvrir Harry endossant le costume de « oncle Hallik » quand il s’occupera de Gert, le fils de Katrine.

Il faut dire que tout ce petit monde ne sera pas de trop pour contrecarrer les plans d’un tueur dont le mode opératoire dépasse l’entendement. À éviter pendant les repas… sinon je ne réponds de rien quant au risque de retour à l’envoyeur.

Les habitués le savent, Jo Nesbo est un pervers qui n’hésite pas à malmener ses personnages et à jouer avec les nerfs de ses lecteurs. Une fois de plus il prendra un malin plaisir à orienter le lecteur vers des suspects potentiels, sans jamais qu’il ne nous soit possible de trancher sur la culpabilité de l’un ou de l’autre…

Son psychopathe du moment prend aussi un certain plaisir à lancer les enquêteurs sur de fausses pistes. Il saura faire montre d’un redoutable sens de l’adaptation quand son plan ne prendra pas la direction souhaitée, en deux temps et trois mouvements (accessoirement une victime de plus) il retournera la situation en sa faveur.

Impossible de faire l’impasse sur le personnage de Markus Roed, l’employeur de Hole. Ce type apparaît dès le départ comme détestable au plus haut point, et plus on découvrira sa face cachée, plus il deviendra franchement exécrable.

Un retour gagnant sous le feu des projecteurs pour Harry Hole, mais gageons qu’il n’aura guère le temps de savourer cette victoire au goût amer. La fin du roman laisse en effet entendre qu’il va rapidement se retrouver face à un nouveau défi.

Au cas où certains en douteraient encore, Jo Nesbo confirme sa place au top du top dans le vaste monde du polar nordique, et même du polar tout simplement. Je pense pouvoir affirmer sans me tromper que de tous les personnages récurrents de romans policiers, Harry Hole est celui qui a ma préférence.

[BOUQUINS] Jo Nesbo – De La Jalousie

AU MENU DU JOUR


Titre : De La Jalousie
Auteur : Jo Nesbo
Éditeur : Gallimard
Parution : 2022
Origine : Norvège (2021)
352 pages

De quoi ça cause ?

La Jalousie et la tromperie serviront de fil rouge aux sept nouvelles du présent recueil.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Jo Nesbo, what else ? Le top du top aurait été un retour de Harry Hole mais je n’en reste pas moins curieux de le découvrir en tant que novelliste.

Ma Chronique

Bien que ce ne soit pas la première fois que Jo Nesbo se frotte à la nouvelle (un premier recueil, non traduit, est paru en 2001 en Norvège), c’est une grande première pour le public français de découvrir l’auteur dans ce difficile exercice de style.

Il sera donc question de jalousie (voire de jalousies, tant Jo Nesbo se plait à décortiquer la chose) au fil de sept nouvelles qui composent le présent recueil. L’auteur reste dans le domaine dans lequel il excelle, le polar teinté de noir, pour tisser ses toiles et surprendre le lecteur. Bien entendu, pour corser le tout, la jalousie va pousser au crime.

Londres ouvre le bal. Un vol New York Londres en classe affaires, une passagère confie à son voisin que son mari la trompe avec sa meilleure amie et qu’elle va mourir dans les jours à venir… On ne pouvait rêver mieux en matière de mise en bouche.

On enchaîne avec Phtonos, la nouvelle la plus longue du recueil (quasiment la moitié du bouquin à elle seule). Nikos Balli, un inspecteur d’Athènes, est dépêché sur l’île de Kalymnos afin d’interroger le frère jumeau d’un individu porté disparu. Une affaire en apparence banale qui va réserver bien des surprises aux policiers avant de trouver sa conclusion… cinq ans plus tard. Une enquête fort bien menée dans laquelle deux histoires de jalousie vont cohabiter.

Suivra La File D’Attente, dans laquelle un petit con va apprendre à ses dépens que la jalousie n’est pas toujours une question d’amour. Courte mais noire à souhait.

Dans Déchet c’est un éboueur (un ripeur, parait que c’est plus mieux bien) qui va devoir lutter contre sa gueule de bois pour se remémorer les événements de la nuit passée. Globalement bien ficelée mais elle m’a un peu laissé sur ma faim.

Dans Les Aveux un suspect très loquace est confronté à un policier plutôt taiseux, le suspect en question est le mari de la victime, retrouvée morte à la suite d’un empoisonnement au cyanure. Un quasi monologue qui s’achève sur un twist renversant.

Odd met en scène un écrivain désabusé qui plante à la dernière seconde son public et la journaliste venue l’interviewer dans le cadre d’un direct télévisé. Une décision qui va tout changer dans la vie d’Odd Rimmen. De loin la nouvelle la plus surprenante du recueil même si elle ne m’a pas totalement convaincue.

Dans La Boucle D’Oreille c’est ce bijou, trouvé dans un taxi, qui va faire naître le soupçon et attiser les braises de la jalousie. Une belle réussite pour clore ce recueil.

Comme souvent dans ce genre de recueil, les nouvelles sont inégales mais globalement Jo Nesbo démontre qu’il maîtrise les règles du genre, il sait faire court mais efficace même si, soyons franc du collier, ces nouvelles ne resteront sans doute pas dans les annales.

Le point commun entre ces nouvelles – outre le thème de la jalousie – est qu’elles sont (à l’exception de Odd)  écrites à la première personne. Ainsi à chaque fois c’est un des acteurs des évènements qui nous les relate et accessoirement les adapte à sa vision des choses.

L’heure des comptes est venue, voici mes notes (sur 5) pour chacune de ces nouvelles :

  • Londres : 5
  • Phtonos : 4
  • La File D’Attente : 3
  • Déchet : 3
  • Les Aveux : 5
  • Odd : 3
  • La Boucle D’Oreille : 5

Soit une honorable moyenne de 4/5.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Deon Meyer – La Proie

AU MENU DU JOUR

D. Meyer - La Proie
Titre : La Proie
Série : Benny Griessel – Livre 7
Auteur : Deon Meyer
Éditeur : Gallimard
Parution : 2020
Origine : Afrique du Sud (2018)
576 pages

De quoi ça cause ?

Au Cap, Benny Griessel et Vaughn Cupido, membres des Hawks (l’unité d’élite de la police criminelle sud-africaine), sont chargés de reprendre l’enquête concernant un corps retrouvé le long d’une voie ferrée. La victime était un passager Rovos, un train de luxe, et avait été embauché comme garde du corps d’une riche hollandaise.

À Bordeaux, Daniel Darret, ancien activiste du bras armé de l’ANC, est rattrapé par son passé quand un ancien camarade de lutte lui confie une mission de la plus haute importance pour l’avenir de l’Afrique du Sud.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que ça fait déjà un moment que j’ai envie de découvrir l’univers littéraire de Deon Meyer. J’aurai pu opter pour un roman one-shot, d’autant plus aisément que son précédent roman, L’Année Du Lion, dans lequel l’auteur s’essaye au roman post-apocalyptique, me fait de l’œil depuis qu’il a intégré mon Stock à Lire Numérique.

Finalement j’ai opté pour sa série mettant en scène Benny Griessel… en espérant ne pas être complètement largué en la commençant par le dernier opus.

Ma Chronique

Avant de commencer à vous parler du roman de Deon Meyer je souhaiterai le replacer dans son contexte. En effet, l’auteur dénonce sans détour la corruption du pouvoir en place, via notamment des relations troubles (pour rester poli) avec de riches et puissants industriels indiens (la famille Gupta). Relations qui iront jusqu’à l’ingérence des Gupta dans la vie politique et économique du pays, jusqu’à la forme la plus ultime de corruption : la captation d’état…

Quelques rapides recherches via Google vous permettront de situer la présente intrigue en 2017 (outre quelques détails qui ne trompent pas, les dates correspondent), et donc sous la présidence de Jacob Zuma (2009-2018). Lequel sera poussé à la démission par son propre parti (l’ANC) avant d’être remplacé par Cyril Ramaphosa en février 2018.

Un bonheur n’arrivant jamais seul, Jacob Zuma entraînera dans sa chute la famille Gupta qui perdra de fait son statut d’intouchable en Afrique du Sud. J’aimerai vous dire que depuis la justice a fait son office mais savez aussi bien que moi que nous ne vivons pas au pays des Bisounours…

Si La Proie est le sixième roman traduit en français de la série Benny Griessel, il existe un titre encore inédit dans la langue de Molière qui vient se glisser entre En Vrille et celui-ci ; La Proie est donc bel et bien le septième opus de la série.

Il est des romans qui vous font d’emblée regretter de ne pas vous être intéressé plus tôt à leur(s) personnage(s) – surtout quand il est question de héros récurrent(s) – ; incontestablement La Proie fait partie du lot ! Avant même de le refermer j’ai compris qu’en faisant l’impasse sur la série Benny Griessel de Deon Meyer, j’étais passé à côté d’un truc grandiose (même s’ils ne sont pas tous aussi aboutis que celui-ci, je reste convaincu que les précédents romans de la série se situent dans le haut du panier).

L’auteur construit son intrigue en suivant deux arcs narratifs distincts (pour ne pas dire totalement indépendants), le premier est axé sur l’enquête de Benny Griessel et son équipe en Afrique du Sud, alors que le second nous transporte en Europe pour y suivre le parcours de Daniel Darrett. Même si on peut légitimement supposer qu’il existe un fil rouge reliant les deux récits, Deon Meyer prend son temps pour le tisser et plus encore pour nous lever le voile sur nos questionnements.

Si ces deux arcs narratifs sont aussi captivants à suivre l’un que l’autre, j’avoue toutefois avoir eu un faible pour les chapitres se concentrant sur Daniel Darret. Le rythme imposé est en effet beaucoup plus soutenu et la tension est quasiment omniprésente.

Non seulement l’auteur apporte énormément de soin à ses personnages, mais son récit, même ai cœur de la tourmente, reste empreint d’humanité. Qu’il s’agisse de Benny Griessel, Vaughn Cupido ou Daniel Darret, chacun doit, en plus de ses obligations (et/ou missions), faire face à des choix personnels, des doutes et des questionnements.

Gros coup de cœur pour cette équipe des Hawks (une unité d’élite de la police sud-africaine) qui reste soudée et complice contre vents et marées. Une complicité et une confiance réciproque qui s’étendent bien au-delà du strict cadre professionnel. À l’image du duo Griessel / Cupido dont les échanges sont souvent ponctués de touches d’humour afin de faire tomber la pression.

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas encore les personnages de Deon Meyer, et hésitent à commencer la série Benny Griessel par le dernier tome paru à ce jour, je peux vous assurer qu’à aucun moment vous ne serez largué. D’une part il y a très peu de références à des enquêtes ultérieures. D’autre part l’auteur sait y faire, quand besoin, pour que les événements présents s’imbriquent avec ceux du passé. Enfin je suis convaincu que, à peine ce bouquin refermé, vous mourrez envie de dévorer les cinq tomes précédents.

MON VERDICT
Coup double

[BOUQUINS] Jo Nesbo – Le Couteau

AU MENU DU JOUR

J. Nesbo - Le Couteau
Titre : Le Couteau
Série : Harry Hole – T12
Auteur : Jo Nesbo
Éditeur : Gallimard
Parution : 2019
Origine : Norvège (2019)
608 pages

De quoi ça cause ?

Harry Hole n’est plus que l’ombre de lui même depuis que Rakel l’a quitté. Et comme toujours dans ces moments-là, c’est dans l’alcool qu’il trouve refuge.

Se croyant déjà au plus bas, Harry va découvrir, de la cruelle des manières, que l’on a toujours quelque chose à perdre, même quand on croit avoir déjà tout perdu…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

C’te question ! C’est Jo Nesbo, mais aussi et surtout c’est le grand retour de Harry Hole. What else ?

Ma Chronique

Jo, mon petit Jo, pourquoi tant de haine ? Pourquoi un tel acharnement contre Harry ? OK, je reconnais que c’est quand il est au plus bas que Harry s’avère le plus efficace et le plus convaincant. Mais merde, là tu pousses le bouchon un peu loin ! Tu n’avais pas le droit de lui faire ça ; pas à lui… pas à elle ! Putain, Jo, tu déconnes.

À en croire la sagesse populaire « Qui aime bien, châtie bien« , si tel est le cas alors Jo Nesbo doit vraiment être raide dingue de son flic fétiche : Harry Hole. Ceux et celles qui se sont déjà frottés à la série savent que l’auteur prend un malin plaisir à malmener son personnage ; mais jamais il n’avait été aussi loin dans les tourments qu’il lui inflige. Mon entrée en la matière résume à la perfection ce que j’ai ressenti en découvrant la scène de crime…

Même si Harry est anéanti par cet ultime outrage, il pourrait faire sienne la devise de la ville de Paris : « Fluctuat nec mergitur » (il est battu par les flots, mais ne sombre pas) ; et ce n’est certainement pas une suspension qui l’empêchera de mener sa propre enquête afin de découvrir la vérité.

Avec les moyens du bord et le soutien de quelques précieux amis, Harry va mener une enquête de façon plus ou moins empirique. Suivant la piste qui se présente à lui jusqu’à ce qu’elle ait délivré tous ses secrets, puis recommençant ses investigations à zéro à partir d’une nouvelle piste. Plus les pistes suivies n’aboutissent à rien, plus une vérité encore plus indicible que tout ce qu’il aurait pu imaginer va se dessiner.

Les habitués retrouveront avec plaisir des personnages déjà croisés dans les précédents romans de la série, mais il faudra aussi compter avec les nouveaux venus, dont certains joueront un rôle déterminant dans le déroulé de l’intrigue.

Si l’intrigue ne brille pas vraiment par son originalité, elle n’en reste pas moins totalement maîtrisée et devrait surprendre même les lecteurs les plus perspicaces (à ce titre l’ultime revirement de situation, à savoir l’identification du (ou de la) coupable, m’a laissé sur le cul ; je n’avais rien vu venir).

Ça fait bien longtemps que Jo Nesbo n’a plus rien à prouver pour mériter sa place au panthéon des auteurs de polars nordiques, et même de polars tout simplement. Il sait y faire pour rendre son intrigue addictive et monter crescendo en puissance.

Ce douzième roman de la série fait honneur à ses prédécesseurs, c’est vraiment une réussite à tout point de vue. Je reconnais volontiers qu’étant totalement accro au personnage de Harry Hole, je ne suis peut-être pas totalement objectif sur le sujet. Il parait que l’amour rend aveugle, c’est peut-être ce qui explique que je n’aie relevé aucune ombre au tableau.

Et maintenant ? Le lecteur est en droit de se poser la question en refermant le bouquin. On quitte Harry Hole face à plusieurs options quant à son avenir ; un avenir qu’il jouera sur un coup de dé, mais dont on ne connaîtra pas l’issue… Personnellement j’ai ma préférence, mais, quel que soit le choix que fera Harry j’espère qu’on le retrouvera dans d’autres aventures.

MON VERDICT

Coup double

[BOUQUINS] Bryan Reardon – Le Vrai Michael Swann

AU MENU DU JOUR

B. Reardon - Le vrai Michael Swann
Titre : Le Vrai Michael Swann
Auteur : Bryan Reardon
Éditeur : Gallimard
Parution : 2019
Origine : USA (2018)
432 pages

De quoi ça cause ?

Julia et Michael Swann vivent paisiblement dans leur maison de la banlieue de Philadelphie avec leurs deux enfants.

Un soir, alors que Michael est au téléphone avec Julia depuis New York, la liaison est brusquement interrompue. Une bombe a explosé à Penn Station, où se trouvait justement Michael…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que Bryan Reardon m’avait bluffé avec son précédent et premier roman, Jake. J’espérais retrouver la même intensité et la même humanité dans ce second roman ; mais aussi quelque chose de différent.

Ma Chronique

La lecture du roman Jake de Bryan Reardon fut incontestablement une révélation de l’année 2018, un véritable tsunami émotionnel d’où se dégageaient une humanité et une empathie phénoménales ; c’est ce que j’espérais retrouver en ouvrant Le Vrai Michael Swann, le second roman de l’auteur. La même intensité, mais servie par une intrigue complètement différente de celle de Jake.

Incontestablement Bryan Reardon sait mettre des mots sur la détresse humaine et nous faire ressentir des émotions fortes. De nouveau il confronte ses personnages (Julia Swann en l’occurrence) aux pires situations et pour y faire face ils devront puiser dans une force qu’ils ignoraient posséder. Le premier deal est donc rempli haut la main, on retrouve des émotions brutes et un récit profondément humain.

L’intrigue est plutôt bien construite et devient rapidement addictive, mais je l’ai trouvée trop proche de celle de Jake ; les deux récits n’ont bien évidemment rien en commun sur le fond, mais c’est dans la forme et plus particulièrement dans la façon de les traiter que les similitudes sont flagrantes. J’espérais une approche totalement nouvelle, donc un peu déçu sur ce coup.

Au fil des chapitres l’on découvre les grandes étapes qui ont marqué la vie de Julia et Michael, leur rencontre, la naissance des enfants, le déménagement… Une famille de la classe moyenne parmi tant d’autres, avec des hauts et des bas comme tout le monde. Des gens ordinaires en somme dont on partage le quotidien dans une Amérique en proie à la crise ; en pleine campagne électorale qui se soldera par la victoire de Donald Trump.

Bryan Reardon nous mitonne une intrigue qui tient plutôt bien la route malgré quelques détails qui manquent de vraisemblance, pas de quoi gâcher le plaisir, ni de quoi nous couper l’envie de connaître le fin mot de l’histoire.

C’est volontairement que je ne m’épanche ni sur l’intrigue ni sur les personnages. C’est un roman qui gagne à être découvert au fil des pages.

Je referme le bouquin plutôt satisfait, mais pas totalement conquis. J’espère que le troisième roman de l’auteur, déjà disponible outre-Atlantique, me surprendra par une approche différente de l’intrigue et une construction inédite du récit.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Jo Nesbo – Macbeth

AU MENU DU JOUR

J. Nesbo - Macbeth

Titre : Macbeth
Auteur : Jo Nesbo
Éditeur : Gallimard
Parution : 2018
Origine : Norvège
624 pages

De quoi ça cause ?

Après une opération de police réussie, Macbeth, le chef de la Garde, unité d’élite de la police, est promu à la tête de la Brigade du Crime Organisé. Pour l’ambitieuse, Lady, l’épouse de Macbeth, ce n’est que la première marche de leur ascension vers de plus hautes responsabilités ; elle suggère à son époux de viser le poste de préfet. La meilleure façon d’y parvenir étant d’assassiner l’actuel préfet.

L’ambition de Lady et son emprise sur Macbeth semblent ne connaître aucune limite, au risque d’entraîner le couple dans une spirale destructrice dont nul ne sortira indemne…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Jo Nesbo et que j’étais franchement curieux de découvrir ce que deviendrait l’une des plus célèbres tragédies de Shakespeare entre les mains d’un des maîtres du polar nordique.

La rentrée littéraire 2018 a été particulièrement riche, avec, dans le lot, plusieurs auteurs que j’apprécie tout particulièrement et plusieurs titres qui se bousculent au portillon ; il faut faire des choix et prioriser les uns et les autres…

Ma chronique

Macbeth est la réponse de Jo Nesbo au Hogarth Shakespeare Project, l’éditeur Hogarth Press a en effet mis au défi les auteurs contemporains d’adapter et de moderniser l’oeuvre de William Shakespeare. Plusieurs auteurs ont déjà relevé le défi (dont Margaret Atwood qui a choisi de revisiter La Tempête), d’autres titres sont en préparation (dont une revisite de Hamlet par Gillian Flynn). Un pari un peu fou qui ne pouvait que titiller la curiosité de l’inconditionnel de Jo Nesbo que je suis…

N’étant pas naturellement porté vers la littérature classique, je ne connaissais Macbeth, la pièce de Shakespeare, que de nom. Avant de me lancer à la découverte de cette revisite j’ai voulu me faire une idée un peu plus précise de la chose sans pour autant me farcir sa lecture (je ne dis pas que c’est désagréable à lire, juste que je n’en ai pas envie) ; à l’aide de mes amis Google et Wikipedia c’est désormais chose faite.

Soit dit en passant la démarche ne s’impose pas, le roman de Jo Nesbo se suffisant à lui-même. Si toutefois vous souhaitez une rapide comparaison avec la pièce de Shakespeare, je ne saurai que trop vous conseiller (pour des raisons évidentes) de le faire après la lecture du bouquin…

Difficile de situer l’intrigue dans le temps et dans l’espace, quelques repères chronologiques permettent toutefois de se positionner dans les années 70, la mention, à plusieurs reprises, du comté de Fife fait référence à l’Écosse (ce qui paraît logique, la pièce de Shakespeare se déroulant en Écosse). Une métropole anonyme relativement importante, mais économiquement sur le déclin et rongée par la corruption et le trafic de drogue… Partout et nulle part en quelque sorte.

Force est de reconnaître que j’ai eu un peu de mal à enter dans l’histoire, il faut dire que pour se prêter au jeu de cette revisite Jo Nesbo adopte un style totalement différent de celui qu’il emploie pour ses autres romans (je pense notamment à la série Harry Hole). C’est déconcertant, mais surtout ça semble manquer de naturel ; il faut dire que, histoire de corser le challenge, l’auteur intègre çà et là des citations (plus ou moins réécrites pour la circonstance) de la pièce de Shakespeare.

Mais au fil des chapitres on s’adapte pour ne se concentrer que sur l’intrigue et se laisser guider par la plume de l’auteur. Il faut dire que Jo Nesbo ne nous laisse pas vraiment profiter du paysage avant de nous plonger au cœur de l’action. Sa revisite moderne de Macbeth s’écrit clairement en rouge et noir, rouge comme le sang qui coule à flots, noir comme l’ambiance qui plombe le bouquin de la première à la dernière page.

Au risque de spoiler (quoique, ce n’est pas pour rien que ça s’appelle une tragédie… au fil des chapitres on comprend que les choses ne peuvent qu’aller de mal en pis et très mal se finir) je serai tenté de comparer la destinée de Macbeth à un soufflé réalisé par un apprenti cuisinier qui ne maîtrise pas la cuisson de son appareil. Ça monte, ça monte, ça monte, mais juste avant d’attendre le firmament ça s’écrase comme une merde (je confirme, c’est du vécu la tragédie du soufflé au fromage)…

Je serai tenté de dire quel gâchis. En effet Macbeth, comme chef de la Garde, était un mec bien, plutôt intègre, un leader efficace apprécié par ses hommes. La sagesse populaire prétend que l’amour rend aveugle, en l’occurrence il a rendu notre Macbeth très con. Il se laisse contaminer par l’ambition de Lady, puis, empoisonné par le retour d’un de ses vieux démons sombre jusqu’au point de non-retour.

Au pays de Macbeth, celui qui voulu devenir calife à la place du calife, tout n’est que mensonges, complots et trahisons, un joli foutoir dans lequel il est bien difficile de distinguer ses amis de ses ennemis. Noir c’est noir, mais heureusement certains croient encore en des lendemains meilleurs.

Le pari de la revisite est relevé et remporté haut la main, mais je ne sors pas complètement béat de cette lecture. On va dire que c’est une sympathique mise en bouche en attendant de savourer le douzième volume de la saga Harry Hole (annoncé en VO pour 2019).

Comme indiqué plus haut l’intrigue se déroule en Écosse, et pourtant lorsque Lady parle de son casino elle mentionne une mise en couronnes (la monnaie norvégienne, patrie de Jo Nesbo) ; une maladresse qu’il eut pourtant été facile d’éviter (ou, à défaut, de corriger). C’est un détail certes, mais quand même ça fait négligé.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Bryan Reardon – Jake

AU MENU DU JOUR

B. Reardon - Jake

Titre : Jake
Auteur : Bryan Reardon
Éditeur : Gallimard
Parution : 2018
Origine : USA (2015)
352 pages

De quoi ça cause ?

La vie de Simon Connolly bascule le jour où une fusillade éclate dans le lycée de ses enfants. Sur place il retrouve sa fille, Laney, mais son aîné, Jake, est introuvable.

Le tireur, Doug, a tué treize jeunes avant de se suicider. Un élève asocial qui pour seul ami Jake, lui même d’un naturel plutôt réservé, ce dernier peut-il être mêlé, de près ou de loin, à cette fusillade ?

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

La couv’ et le pitch ont tout de suite titillé ma curiosité. L’enthousiasme quasi unanime de la blogosphère a fait le reste…

Ma chronique

Il est des bouquins qui vous prennent aux tripes par le rythme effréné de leur intrigue, d’autres vous feront tout autant d’effet en misant uniquement sur les personnages. Jake, de Bryan Reardon, s’inscrit incontestablement dans la seconde catégorie ; il m’a rarement été donné de lire un roman dont les personnages dégagent une telle humanité. Impossible de ne pas éprouver une sincère empathie pour la famille Connolly face à l’épreuve qu’ils traversent, en particulier pour Simon.

L’intrigue n’est pas pour autant laissée pour compte, mais elle reste relativement classique et, osons le dire haut fort, tristement banale (c’est d’autant plus vrai qu’elle colle a l’actualité du moment, trois semaines après la fusillade survenue dans un lycée Parkland qui a fait 17 morts). C’est plutôt dans son traitement que l’intrigue se démarque, ici le sensationnalisme ou le voyeurisme n’ont pas leur place, de nouveau c’est le côté humain qui est mis en avant.

Le récit est à la première personne, c’est Simon qui nous raconte le drame que lui et sa famille subissent. Il faut dire que la situation familiale des Connolly est un peu atypique, le couple a en effet décidé, d’un commun accord, que Simon resterait à la maison pour s’occuper des enfants, tandis que Rachel, son épouse, poursuivrait sa brillante carrière professionnelle.

Nul besoin d’être soi-même père de famille pour partager la détresse de Simon, une détresse faite d’inquiétudes pour son fils disparu, mais aussi de doutes et de colère alors que les médias et une partie du voisinage désignent sans la moindre hésitation Jake comme complice et pointent du doigt la responsabilité des parents.

Si l’on s’identifie aisément au personnage de Simon, c’est parce qu’il n’a rien du héros nourri à la testostérone ; ce serait plutôt monsieur Tout-le-Monde, un type réservé qui s’efforce d’élever au mieux ses enfants et qui, du jour au lendemain, se retrouve confronté au plus inconcevable des cauchemars.

Les chapitres alternent entre le présent et les souvenirs de Simon, des flashbacks relatifs à Jake bien entendu, mais qui impliquent aussi Rachel et Laney. En puisant dans le passé, Simon essaye de comprendre le présent.

La grande force du roman reste la formidable écriture de Bryan Reardon, une écriture criante de vérité par son authenticité, mais aussi une écriture chargée d’une énorme intensité émotionnelle. Si vous avez encore ne serait-ce qu’une once d’empathie, impossible que ce roman vous laisse de marbre ! C’est une lecture qui vous prendra au coeur et aux tripes ; je parierai même que vous ne refermerez pas ce bouquin sans avoir versé une larme.

Il me semble donc parfaitement légitime de saluer le travail de la traductrice, Flavia Robin, qui a su retranscrire ce tourbillon d’émotions avec beaucoup de justesse. Une profession de la chaîne du livre trop souvent oubliée malgré son rôle essentiel.

Bon, et Jake dans tout ça ? Ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler la clé de l’intrigue. Je dirai juste que j’ai rapidement pressenti le fin mot de l’histoire ; mais ça ne m’a nullement empêché de profiter pleinement de ce bouquin.

Nous ne sommes qu’en mars, mais je peux d’ores et déjà affirmer que Jake sera certainement l’une de mes lectures les plus marquantes de cette année 2018.

MON VERDICT
Coup double

[BOUQUINS] Jo Nesbo – La Soif

AU MENU DU JOUR

J. Nesbo - La Soif
Titre : La Soif
Série : Harry Hole – T11
Auteur : Jo Nesbo
Editeur : Gallimard
Parution : 2017
Origine : Norvège
624 pages

De quoi ça cause ?

Harry Hole profite enfin d’une existence apaisée. En couple avec Rakel, il enseigne la criminologie à l’école de police. Oleg s’est installé avec une copine, mais leur rend visite régulièrement.

Aussi, quand Mikael Bellman, le directeur de la police criminelle, le sollicite afin qu’il participe à une enquête sur le meurtre sordide d’une jeune femme, il lui oppose une fin de non-recevoir.

Mais quand le tueur fait une deuxième victime, Harry change d’avis et décide de s’impliquer dans l’enquête en parallèle avec l’équipe de la criminelle, dirigée par Katrine Bratt, déjà sur l’affaire. Ces meurtres pourraient en effet être liés à une autre affaire, la seule que Harry Hole n’a su résoudre…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Quelle question ! Parce que c’est Jo Nesbo et son flic fétiche, Harry Hole.
Un retour que les fans attendaient / espéraient depuis trois longues années !

Ma chronique

Pour les inconditionnels, dont je suis, l’arrivée d’une nouvelle enquête de Harry Hole est un pur moment de bonheur, mais aussi de questionnement. Sera-t-il toujours à la hauteur ? Comme dans toutes les séries on craint le tome de trop… D’autant que, généralement, une fois la dégringolade amorcée, il est difficile, voire impossible, de remonter la pente.

Ces mêmes inconditionnels savent aussi que les meilleurs romans de la série sont ceux dans lesquels Harry Hole est au plus bas. Du coup forcément quand on découvre notre (ex-)flic préféré sur un petit nuage, on est en droit de douter. Même s’il a incontestablement mérité son petit nuage !

Bon alors cette onzième enquête de Harry Hole est-elle celle qui fera tomber le mythe ? Sans la moindre hésitation, la réponse est NON ! Jo Nesbo et harry Hole signent au contraire un retour gagnant, sans la moindre ombre au tableau.

Une fois de plus Jo Nesbo n’épargne pas son flic préféré, il le malmène sur tous les terrains à la fois (vie privée et vie professionnelle simultanément) ; on aurait presque envie de lui crier de lâcher la bride, de laisser souffler ce pauvre Harry. Presque… Bin oui, sadiques que nous sommes, nous prenons plaisir à voir Harry puiser jusque dans ses ultimes réserves pour se sortir du merdier dans lequel il se trouve.

Heureusement Harry n’est pas seul pour affronter un (?) criminel particulièrement retors. Il pourra non seulement compter sur ces alliés de toujours : Bjorn Holm, Katrine Bratt, Stale Aune ; mais aussi sur de nouveaux alliés potentiels, dont un jeune flic prometteur, Anders Wyller.

Comme d’habitude l’intrigue est parfaitement maîtrisée et dosée, l’auteur distribue des indices tout autant qu’il brouille les pistes. Même si au final on se dit « Bon sang, mais c’est bien sûr ! », force est de constater que, au mieux nous n’avons rien vu venir, au pire nous avons carrément fait fausse route. Une chose est certaine, en refermant le bouquin vous ne pourrez pas nier avoir eu votre dose d’adrénaline.

Chronologiquement l’affaire se situe trois ans après la fin de Police, le précédent opus. Trois années, autant de temps où nous sommes restés sans nouvelle de Harry Hole. Un délai qui permet justement de ménager une zone d’ombre dans laquelle l’auteur peut puiser afin d’y ancrer des éléments clés de son intrigue sans avoir besoin de les rattacher aux romans précédents. Inutile de vous triturer les méninges quant à cette affaire jamais résolue par Harry Hole, elle trouve sa source dans cette fameuse zone d’ombre.

Si Harry Hole se montre toujours perspicace comme enquêteur, il n’en reste pas moins humain et commet des erreurs. Comme tout un chacun, il peut lui arriver de craquer quand tout se casse la gueule autour de lui… On a beau le savoir, ça ne nous empêche pas d’avoir envie de lui mettre des baffes parfois.

Non seulement cette onzième enquête de Harry Hole se montre largement à la hauteur des précédentes, mais en plus le final laisse fortement présager un douzième roman. Reste à savoir combien de temps nous devrons patienter avant d’avoir le plaisir de le découvrir.

MON VERDICT
Coup double

[BOUQUINS] Ian McEwan – Dans Une Coque De Noix

I. McEwan - Dans une coque de noixUn invité surprise au menu du jour, je suis en effet par le plus grand des hasards sur le roman de Ian McEwan, Dans Une Coque De Noix. Jamais entendu parler de ce titre, auteur qui m’est inconnu, mais un pitch qui a fait immédiatement mouche. Faible créature que je suis, je n’ai pu résister à la tentation…
Lorsque le narrateur découvre que sa mère complote avec son amant en vue d’éliminer le mari cocu (et donc le père du narrateur), il décide de tout mettre en oeuvre pour faire échouer ce sinistre plan. Circonstance aggravante, l’amant n’est autre que le frère du mari (et donc l’oncle du narrateur). Mais le narrateur est un foetus encore dans le ventre de sa mère, pas facile dans ces conditions d’interagir sur les événements et les individus…
Ian McEwan nous livre un court (224 pages dans sa version papier) roman noir qui ne manque ni d’humour (tout aussi noir cela va de soi), ni d’originalité (revisiter Hamlet en version in utero, il fallait oser… et en plus l’auteur y ajoute une bonne couche de vaudeville).
Le moins que l’on puisse dire c’est que la plume de l’auteur est un pur délice pour les amateurs de jolies phrases. Que ce soit par la richesse de son vocabulaire ou la qualité de ses tournures de phrases, c’est clairement un roman qui se déguste plus qu’il ne s’engloutit.
Mais… car il y a un mais, comme bien souvent. A force d’user (et d’abuser) de périphrases, la narration perd de son naturel ; dommage pour un récit écrit à la première personne. C’est vrai que le narrateur en question est un foetus à quelques semaines de sa naissance, bien malin celui ou celle qui pourra affirmer ce qui passe par la tête de ces petites choses.
Outre sa préoccupation du moment, qui consiste à éviter que son père ne soit trucidé tout en préservant l’intégrité physique (pour l’intégrité morale c’est trop tard vu qu’elle se tape déjà Tonton Claude) de sa mère, notre jeune narrateur ne manque pas de bon sens quand il juge ses contemporains ou plus généralement la société et le monde. Un bon sens non dénué de sens critique et d’une once de causticité.
Une once ça pèse pas bien lourd (un peu plus de 28 grammes), et c’est bien là que se placera mon second bémol. Si je ne peux nier avoir passé un bon moment en compagnie de ce bouquin j’espérais plus de causticité dans le ton et un humour encore plus noir, bref un truc plus percutant.
Une lecture agréable tant par la forme que par le fond, originale, bien construite, mais avec un peu trop retenue à mon goût.

MON VERDICT