Direction la maison de retraite pour la prochaine étape de mon Challenge retrouvailles puisque j’ai opté pour Ne Deviens Jamais Pauvre de Daniel Friedman, second opus consacré à Buck Schatz… Un inspecteur Harry retraité et décrépi ! Mais qui, à défaut d’avoir toute sa tête, ne manque pas de verve. Buck Schatz, 88 ans, se remet péniblement de ses blessures dans une maison de retraite médicalisée. Il va se retrouver, bien malgré lui, au coeur de l’action quand Elie, un braqueur dont il a croisé le chemin cinquante ans plus tôt, vient lui demander son aide… On retrouve un Buck Schatz fortement diminué, il a besoin d’un déambulateur pour se déplacer et a parfois des pertes de mémoire. Pas franchement l’idée que l’on se fait d’un héros de roman policier… Un état des lieux affligeant qui n’a rien pour améliorer son doux caractère de perpétuel râleur asocial. Un dernier détail concernant l’ami Buck, il est juif. On s’en fout me direz-vous ; et bien non car c’est un détail qui a toute son importance pour comprendre la partie du récit qui se déroule en 1965. Ah oui j’ai oublié de vous signaler qu’au fil des chapitres on voyage entre l’année 1965, celle de la première rencontre en Buck et Elie et 2009, l’instant présent de l’intrigue. Cinquante ont passé mais Buck à la rancune tenace quand il s’agit d’Elie : « Je vois trois trucs qui clochent dans ton raisonnement. Primo, j’ai 88 ans. Deuxio, je suis pratiquement grabataire. Et tertio, je ne t’aime pas. » Revenons au judaïsme de nos deux gugusses (Elie aussi est juif). Comme je l’ai signalé une partie de l’intrigue se déroule en 1965, cela fait à peine un an que la discrimination raciale contre les Noirs a été interdite. La pilule a encore du mal à passer chez certains. Cerise sur le gâteau l’intrigue se déroule à Memphis, Tennessee. Un état du Sud des Etats Unis où tout ce qui n’est pas WASP (White – Anglo-Saxon – Protestant) est suspect… Si le roman est porté par Buck et son fichu caractère il n’en est pas moins bâti autour d’une intrigue qui tient la route. La guerre des papys va faire rage ! Pour notre plus grand plaisir.
Ecrit à la première personne, on suit l’intrigue par les yeux (et les pensées) de Buck, le style est décapant mais efficace. Lire le précédent opus, Ne Deviens Jamais Vieux, ne s’impose pas mais ça permet de comprendre dans quelles circonstances Buck s’est retrouvé là où il est. Et puis ce serait dommage de s’en priver, c’est un très bon roman, à l’image de ce second volet (la surprise en plus).
Par certains aspects le personnage de Buck me fait penser à Dave Gurney de John Verdon, on pourrait sans mal imaginer que dans quelques années, Dave sera à l’image de Buck. Tous deux ont un besoin maladif et égoïste de se confronter au danger pour se sentir vivant (et les deux portent difficilement le deuil d’un fils perdu et peuvent compter sur le soutien de leur tendre moitié). Deux personnages que j’aurai plaisir à retrouver aussi longtemps que les auteurs voudront bien nous faire partager leurs aventures.
Étiquette : Daniel Friedman
MON VERDICT
[BOUQUINS] Daniel Friedman – Ne Deviens Jamais Vieux
A contrario il est des livres pour lesquels je craque sans me poser la moindre question, Ne Deviens Jamais Vieux de Daniel Friedman fait partie de cette catégorie. Rien que le titre est une invitation à la lecture, la couverture est tout aussi craquante et la quatrième de couv’ plutôt alléchante. Ajoutez à cela que c’est Sonatine l’éditeur et voilà la cerise sur le gâteau (ou le gâteux en l’occurrence).
A quelques jours de ses 88 ans Buck Schatz est une ancienne gloire de la police de Memphis à la retraite. Son quotidien plus ou moins paisible et routinier est chamboulé quand il apprend que son tortionnaire pendant la Seconde Guerre Mondiale, Heinrich Ziegler serait vivant et aurait fui avec un trésor de guerre conséquent. Le hic c’est qu’il n’est pas le seul à le savoir et que l’or nazi semble susciter bien des convoitises, pas toujours bien intentionnées…
Une fois de plus Sonatine a su me surprendre et me séduire. Le personnage de Buck Schatz est des plus pittoresques, un vieux grincheux qui n’a pas sa langue dans sa poche et encore toute sa tête (même si parfois il semble en douter). Comme le bouquin est écrit à la première personne c’est lui qui nous guide tout au long de l’intrigue. Et le moins que l’on puisse dire c’est que la ballade ne sera pas de tout repos et parsemée de morts brutales. Buck est le plus souvent taciturne et bourru mais il lui arrive aussi d’être touchant (dans la complicité et la tendresse qu’il partage avec Rose, sa femme qui le supporte depuis 64 ans) et souvent drôle dans ses analyses (même si parfois c’est malgré lui). Un flic à l’ancienne complétement dépassé par la technologie actuelle. Mais il n’est pas facile de vouloir jouer les durs à cuire quand le corps ne suit plus. C’est ce mélange de force et de fragilité qui rend le personnage de Buck aussi attachant.
Daniel Friedman nous propose un polar qui révise avec intelligence et brio les règles du genre. On a tout de même droit à une intrigue pleine de rebondissements, on se prend vite au jeu à essayer de trouver les réponses avant Buck. Si au départ Buck semble se lancer dans l’affaire simplement pour égayer une routine un peu trop paisible pour l’homme d’action qu’il a été, il va rapidement ses réflexes (façon de parler) d’enquêteur pour démêler ce sac d’embrouilles. Un dernier baroud d’honneur avant de tirer sa révérence…
Pour un premier roman l’auteur réussi un véritable coup de maître, c’est plutôt prometteur pour la suite, en espérant que suite (ou plus exactement autres romans) il y ait. J’ai été scotché dès les premières phrases et je n’ai pas décroché avant le clap de fin et quelle fin ! Même si j’avais identifié l’assassin avec une quasi certitude mais plus au feeling qu’autre chose.