[BOUQUINS] Stephen King – Conte De Fées

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Titre : Conte De Fées
Auteur : Stephen King
Éditeur : Albin Michel
Parution : 2023
Origine : États-Unis
736 pages

De quoi ça cause ?

Charlie Reade, 17 ans, est un lycéen comme les autres, jusqu’au jour où il vient en aide à un voisin reclus et irascible, Howard Bowditch. La relation entre le vieil homme et l’adolescent, tendue au début, va peu à peu évoluer vers une confiance mutuelle, voire une amitié improbable. Jusqu’à ce que Howard révèle à Charlie un secret qui va à jamais changer sa vie…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

C’te question ! Stephen King, le seul et unique.

Ma Chronique

Stephen King est un touche-à-tout qui réussit presque à tous les coups à surprendre ses lecteurs (je n’ai toujours pas digéré Sleeping Beauties, même si depuis il a largement su se faire pardonner). Ce n’est pas la première fois qu’il met en scène des univers parallèles (Le Talisman Des Territoires, coécrit avec feu Peter Straub), tout comme il s’est déjà essayé à la fantasy avec Les Yeux Du Dragon (plutôt destiné à un public jeune) ou encore le cycle de La Tour Sombre (il faut absolument que je trouve le temps – c’te bonne blague – de le reprendre depuis le début et d’aller jusqu’au bout cette fois).

Dès la dédicace le King annonce la couleur en pensant à REH (Robert E. Howard, créateur, entre autres, de Conan et Solomon Kane), ERB (Edgar Rice Burroughs, papa notamment de Tarzan et de John Carter) et bien évidemment l’incontournable HPL (H.P. Lovecraft, père fondateur du mythe de Cthulhu).

Un petit mot sur la forme avant d’entrer dans le vif du sujet, chaque chapitre (il y en 32, plus l’épilogue) est présenté par une illustration de Gabriel Rodriguez (chapitres impairs) ou de Nicolas Delort (chapitres pairs). Un choix qui ne s’imposait sans doute pas mais qui ajoute un incontestable bonus esthétique au roman, même si certaines viennent spoiler la suite des événements (je pense surtout au sort du Grand Intendant).

Qui saurait mieux raconter cette histoire que Charlie lui-même ? L’auteur opte donc naturellement pour un récit à la première personne avec son jeune héros comme narrateur.

Charlie prend le temps de nous raconter son histoire et notamment les épreuves qu’il a dû traverser (le décès brutal de sa mère et l’alcoolisme de son père en réponse à ce drame). On pourrait penser que c’est juste afin de faire pleurer dans les chaumières mais ce serait mal connaître le King. Rien n’est laissé au hasard sous la plume du maître, sans ces deux épreuves Charlie n’aurait sans doute pas pris les mêmes engagements vis-à-vis de M. Bowditch.

Vient ensuite la rencontre avec M. Bowditch alors que ce dernier est en bien mauvaise posture… et le coup de foudre de Charlie pour la chienne Radar. Puis l’on suit l’évolution de la relation entre le vieil homme et l’adolescent. C’est à travers cette relation que l’on éprouve rapidement de l’empathie pour ce vieux grincheux (pas de problème au niveau de Charlie, il gagne immédiatement nos cœurs).

Stephen King n’a pas son pareil pour décrire cette relation intergénérationnelle, ainsi que lien qui va se nouer entre Charlie et Radar. Il ne se passe grand-chose de vraiment palpitant pendant ce premier tiers du roman, et pourtant le lecteur (moi en tout cas) ne s’ennuiera jamais tant le récit est vivant et vibrant d’humanité.

Et puis tout bascule. Charlie apprend qu’il existe un mode parallèle, Empis, auquel on peut accéder en descendant un long escalier camouflé par le cabanon de jardin de M. Bowditch. Sceptique dans un premier temps, Charlie va constater par lui-même que son vieil ami ne délirait pas en lui faisant ces révélations.

Dans un premier temps c’est par amour pour Radar que le jeune homme va s’aventurer dans les profondeurs d’Empis et affronter les dangers de la Citadelle. Frappé par l’injustice qui dévaste les habitants d’Empis, soumis à la folie vengeresse d’un tyran de plus en plus incontrôlable, Charlie va prendre fait et cause pour les Empisariens.

Là encore le talent de conteur de Stephen King fait des merveilles. Il donne véritablement vie à ce monde imaginaire. Pour ce faire il puise dans les contes de fées, dans leur forme originelle, pas les versions aseptisées et édulcorées de Disney, mais aussi et surtout dans l’univers de Lovecraft (souvent cité par Charlie).

On découvre alors de nouveaux personnages, parfois surprenants, pour ne pas dire déroutants (à l’image du Snab). Des réfugiés qui essayent tant bien que mal d’échapper au fléau gris qui s’étend inexorablement, les condamnant à une lente et douloureuse agonie. Une famille royale en déroute, frappée elle aussi par une terrible malédiction. Des habitants « sains » (comprendre épargnés par le gris) pourchassés par les troupes du tyran et emprisonnés dans les pires conditions.

Dans le camp du Mal il faudra se montrer patient pour découvrir le tyran en question… mais il sera à la hauteur de sa sinistre réputation. Avant ça nous aurons croisé le chemin d’une géante cannibale et pétomane, d’une escouade de morts-vivants électrifiés et bien d’autres surprises… souvent mauvaises pour Charlie et ses amis.

Alors oui certains diront que c’est un tantinet manichéen, mais après tout Stephen King nous offre un conte de fée pour adultes dans un univers où tout est permis. Le combat qui oppose le Bien au Mal n’a jamais cessé – et ne cessera sans doute jamais – d’être source d’inspiration pour les auteurs. À ce petit jeu Stephen King et son Conte De Fées tirent leur épingle du jeu.

MON VERDICT

Illustration de Nicolas Delort

Illustration de Gabriel Rodriguez

[BRD] La Belle Et La Bête

La Belle Et La BêteUne pause cinéma au royaume des contes de fées pour changer un peu. Place à La Belle Et La Bête, version 2014, avec Christophe Gans aux manettes.
Est-il encore besoin de présenter l’histoire ? Belle (Léa Seydoux) se rend auprès de la Bête (Vincent Cassel) à la place de son père (André Dussolier). Au lieu de la tuer la Bête lui offre l’hospitalité mais elle a interdiction de quitter le domaine. D’abord effrayée, elle va peu à peu découvrir la vérité à propos du « monstre »…
Comme tous les contes issus de la tradition orale il est difficile d’avoir une idée précise de l’origine de cette histoire ; toutefois la première version écrite est attribuée à Suzanne de Villeneuve et date de 1740. C’est cependant la version raccourcie de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, écrite en 1757, qui s’imposera comme la référence.
Le conte a fait l’objet de nombreuses adaptations (films, dessins animés, téléfilms, comédies musicales, théâtre…). Au niveau cinéma, puisque c’est quand même l’objet de ce post, je suis resté sur la version de Jean Cocteau (1946, avec Josette Day et Jean Marais) et la version animée de Disney (1991). Présentement, le réalisateur, Christophe Gans (Crying Freeman, Le Pacte Des Loups…), a pris le parti de renouer avec le conte original de Mme de Villeneuve.
Est-ce qu’une énième adaptation s’imposait ? Au vu du résultat je n’hésiterai pas à répondre OUI. Esthétiquement le film est un vrai régal pour les yeux, le jeu des acteurs est plus que convaincant et sert une intrigue enrichie par rapport au film de Cocteau. Je ne dis pas ça pour le plaisir de dézinguer un classique de plus ; j’apprécie le film de Cocteau dans son contexte mais il a quand même pris un sacré coup de vieux à plus d’un titre. Je faisais 100% confiance à Christophe Gans pour parvenir à faire du neuf avec du vieux, le pari est totalement réussi. Le réalisateur et son équipe nous offrent un film tout bonnement enchanteur, que demander de plus d’un conte de fées ?
J’ajouterai simplement que le film devrait séduire petits et grands. La dimension féerique est bien entendue respectée, si la romance entre Belle et la Bête passe au second plan c’est pour privilégier une intrigue plus dense. Une intrigue qui va se jouer sur deux plans temporels, d’une part avec une série de flash-backs qui nous expliqueront le pourquoi du comment de la malédiction de la Bête (même si on en devine la cause rapidement), d’autre part dans le présent avec les conséquences des magouilles foireuses du frère aîné de Belle. A noter que la bande son contribue aussi à créer cette ambiance enchanteresse. Peut être pas le film de l’année mais une belle réussite tout de même.