[BOUQUINS] Christophe Guillaumot – Un Morceau De Toi

AU MENU DU JOUR


Titre : Un Morceau De Toi
Série : Le Bureau Des Affaires Non Résolues – Livre 1
Auteur : Christophe Guillaumot
Éditeur : Rageot
Parution : 2022
Origine : France
336 pages

De quoi ça cause ?

Gaspard, 16 ans, est un ado à la dérive. Voler une voiture pour éviter de se faire tremper par la pluie ne fut sans doute pas une idée de génie… surtout quand on ne conduit que devant sa console !

L’heure des comptes a sonnée. Pour éviter la case prison, il va devoir intégrer un programme de réinsertion particulièrement innovant. Pendant trois mois il va devoir faire équipe avec un policier confirmé, le capitaine Ruben Arcega, ensemble ils vont devoir résoudre un cold case de leur choix.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Christophe Guillaumot et même si j’aurai apprécié de retrouver « son » Kanak, j’admets volontiers qu’après tout ce qu’il a traversé dans le roman Que Tombe Le Silence, il puisse bénéficier d’un répit – temporaire – bien mérité.

Si l’auteur reste dans le milieu policier qu’il connaît sur le bout des doigts pour le pratiquer au quotidien, la cible visée est davantage young adult avec cette nouvelle série. J’étais donc à la fois curieux et un tantinet dubitatif, craignant une enquête un peu trop light à mon goût.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Rageot et Net Galley qui ont répondu favorablement à ma sollicitation.

Ce roman est la seconde incursion de Christophe Guillaumot dans la littérature jeunesse, j’avoue sans aucun complexe que le précédent, Lady Elliot Island, ne m’inspirait pas plus que ça… à tort ou à raison je l’ai supposé trop ciblé vers un public young adult (voire young tout court).

Avec ce premier opus du Bureau Des Affaires non Résolues, l’auteur revient dans le domaine policier, un monde dont il connaît tous les rouages – il faut dire que c’est son quotidien – comme peut en témoigner l’excellente trilogie autour de son personnage de Renato Donatelli, aussi surnommé, plus ou moins affectueusement, le Kanak.

Mais laissons Renato profiter d’un repos amplement mérité au vu des multiples épreuves qu’il a dû surmonter dans Que Tombe Le Silence, il lui faudra certainement un temps pour se reconstruire… mais j’espère bien que nous le retrouverons très vite, Christophe Guillaumot ayant promis de continuer à le « martyriser dans les enquêtes à venir ».

Fidèle à sa ville de cœur, l’auteur situe son intrigue à Toulouse mais opte pour un service de police qui, à ma connaissance, n’existe pas encore. L’idée étant que des adolescents en perte de repères (mais pas encore complètement irrécupérables) soient associés à des policiers expérimentés afin que chaque binôme décortique un cold case (une affaire ancienne non encore élucidée) et, pourquoi pas, permette de faire avancer l’enquête.

Concrètement les cold cases n’intéressent les autorités françaises que depuis peu, des services dédiés ont été mis en place mais ils n’ont que quelques mois d’ancienneté. Il faut dire que l’affaire de la petite Maelys, tuée par Nordhal Lelandais, a permis de révéler une personnalité complexe qui pourrait être rattachée à d’autres affaires non encore élucidées – il a d’ores et déjà été condamné pour le meurtre de Maelys, mais aussi pour celui d’Arthur Noyer, un jeune militaire porté disparu depuis 2017.

Revenons à nos moutons… C’est donc dans le cadre de cet innovant programme de réinsertion que Gaspard, 16 ans, va se retrouver associé au capitaine Ruben Arcega.

Gaspard est le profil type du jeune qui fait des conneries sans vraiment réaliser la portée de ses actes. Il vit seul avec sa mère (dans un très vieil appartement… non Charles, pas maintenant !) sans emploi qui s’est réfugiée dans l’alcool depuis que son mari a disparu du jour au lendemain sans un mot d’explication. Pour échapper à son quotidien il peut compter sur sa bande de potes avec qui il pratique l’urbex, mais aussi sur Jade, sa copine… si ce n’est qu’il ne sait plus trop où ils en sont tous les deux, leur histoire a depuis la rentrée plus de bas que de hauts.

De son côté Ruben Arcega est un flic solitaire et taciturne – il habite sur une péniche avec pour seule compagnie son chien, Poker –, pas franchement à cheval sur la discipline et les procédures… sauf quand il s’agit de les contourner. C’est d’ailleurs pour un « geste déplacé » qu’il s’est retrouvé au placard et intègre, bien malgré lui, le Bureau des affaires non résolues.

Pas question pour Ruben de s’encombrer d’une collaboration qu’il juge d’emblée de pacotille et vouée à l’échec. Pour lui la distribution des rôles est on ne peut plus simple, lui va « s’occuper de dégoter dans toute cette paperasse une affaire pas trop compliquée, un truc simple qui me permettra de nous sortir de ce guêpier. », pour Gaspard le verdict est sans appel : « Tu te tiens à carreau. » et « Toi, tu fais comme tous les morveux de ta génération. Tu prends ton téléphone, tu fais ce que tu veux dessus et tu ne me fais pas chier ! »

Comme vous vous en doutez déjà, ce n’est pas tout à fait comme ça que les choses vont se dérouler. Alors que Ruben mène les premières investigations sur l’affaire qu’il a sélectionné, il s’aperçoit rapidement que les rares pistes dont il dispose finissent par faire chou blanc. C’est finalement Gaspard qui aura le nez creux en se penchant – pour passer le temps – sur des cas multiples de mutilations de chevaux (128 affaires au total). Une affaire qui pourrait s’avérer bien plus complexe qu’il n’y paraît.

Dès lors la dynamique change, Ruben et Gaspard vont devoir apprendre à travailler ensemble et, au fil de l’eau, apprendre à se connaître, à se respecter et à s’apprécier. Une recette certes classique dans le registre des « duos improbables mais finalement efficaces » mais qui porte généralement ses fruits. Et c’est le cas présentement, on apprécie la confiance mutuelle et la complicité qui s’installent au fil de la collaboration du binôme.

L’étiquette young adult me faisait redouter une enquête un peu trop édulcorée ou trop facile mais il n’en est rien. L’intrigue n’a rien à envier à certains romans destinés à un public adulte, elle se complexifie au fil des révélations et pourrait bien n’être que la partie émergée de l’iceberg.

Dubitatif j’étais, tort j’avais. Christophe Guillaumot signe une intrigue totalement convaincante et addictive. Il me tarde de retrouver ce Bureau des affaires non résolues, avec Gaspard et Ruben… ou avec un nouveau binôme. Vous voilà condamné à lire ce roman si vous voulez un début de réponse à cette question.

Juste une ultime précision avant de clore cette chronique, ce premier opus boucle l’enquête en cours – dans un sens ou dans l’autre –, mais certaines interrogations restent sans réponse… si réponse il y a.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Antti Tuomainen – Ce Matin, Un Lapin…

AU MENU DU JOUR


Titre : Ce Matin, Un Lapin…
Auteur : Antti Tuomainen
Éditeur : Fleuve Éditions
Parution : 2022
Origine : Finlande (2020)
349 pages

De quoi ça cause ?

Dans la vie d’Henri Koskinen, mathématicien actuaire dans les assurances, tout est carré, rationnel et logique, il n’y a aucune place pour l’imprévu.

Mais la vie est par définition imprévisible. Du jour au lendemain Henri se retrouve poussé à la démission. Il apprend ensuite que son frère est décédé, et qu’il lui lègue son parc d’aventure, en lui confiant la mission de renflouer le truc.

Un héritage qui n’a pas fini de lui réserver des surprises… et pas toujours des plus agréables.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que ça faisait déjà quelques temps que j’avais envie de découvrir l’univers littéraire d’Antti Tuomainen. Si c’est le thriller qui lui a permis de se faire connaître, il s’illustre depuis quelques années dans la comédie noire.

D’un autre côté, impossible de résister à l’appel de cette couv’ !

Ma Chronique

Ce matin, un lapin
A tué un chasseur…

Osez affirmer que vous ne connaissez pas cette rengaine ; le redoutable refrain de Chantal Goya qui n’aura de cesse de vous hanter si un malfaisant entonne cette lugubre litanie alors que vous passez à proximité.

Sous la plume d’Antti Tuomainen le lapin tue un tueur, ou plus exactement il sera l’arme du crime qui permettra à Henri Koskinen de se débarrasser de cet encombrant poursuivant… C’est ainsi que s’ouvre le nouveau roman de l’auteur finlandais.

Pas très rationnel tout ça me direz-vous, et pourtant figurez-vous qu’il n’y a pas plus rationnel et carré que Henri Koskinen, le personnage principal de ce roman. Comme il se plait à le répéter pour justifier son implacable logique : « Je suis actuaire ».

Dans les faits, quand Henri hérite du parc d’aventures (ne lui parlez surtout pas de parc d’attractions, ça n’a rien à voir) il n’est plus actuaire. Il vient en effet de démissionner à la suite d’une divergence de vue avec son supérieur hiérarchique.

Est-il besoin de préciser que le monde de l’actuariat n’a pas grand-chose à voir avec la gestion d’un parc d’aventures ? Surtout quand ledit parc est un joyeux bazar au sein duquel chaque employé mène sa barque comme il l’entend. Henri va devoir remettre tout ce petit monde sur les rails afin d’assurer le bon fonctionnement et la rentabilité de son parc.

Et comme si cela ne suffisait pas à lui compliquer la vie, v’là t’y pas que des gens peu recommandables viennent lui réclamer le remboursement des dettes de jeu de son regretté frangin… le genre d’individu chez qui la patience est plus que limitée.

Dans un pareil contexte Antti Tuomainen a de quoi nous concocter une galerie de portraits des plus hétéroclites ; et il ne s’en prive pas ! À commencer par Henri, qui n’est pas le typer le plus abordable qui soit tant il est obsédé par sa rigueur… mais qui va peu à peu s’ouvrir aux autres, et découvrir des facettes totalement inattendues de sa propre personnalité. De franchement barbant, le gars devient rapidement très attachant.

Vient ensuite le personnel du parc, tous méritent le détour tant leurs personnalités sont diverses et variées. Mais c’est surtout la belle Laura Helanto qui troublera notre brave Henri au plus haut point.

Par définition moins agréables à côtoyer, les truands font alors leur entrée en scène. Si certains respectent les clichés du genre (je pense notamment à l’Iguane et à son fidèle lieutenant, AK), d’autres s’en écartent allégrement (le big boss qui se détend en faisant de la pâtisserie mais n’hésite pas à exécuter de sang-froid – et avec beaucoup d’imagination – ceux qui se mettent à travers de son chemin).

Vous aurez même le droit, en guest-star, à un policier qui semble un peu perdu au milieu d’une enquête n’ayant ni queue ni tête…

Antti Tuomainen opte pour un ton décalé qui colle parfaitement à son intrigue. Au fil des tableaux on passe de situations totalement cocasses et improbables, à des scènes plus intimistes, voire à des moments où l’intensité dramatique est de mise. La barque est rondement menée, on se laisse volontiers balader par l’auteur qui jongle avec justesse entre roman noir et feel good. Un cocktail improbable qui se laisse déguster sans modération.

Ce roman est le premier tome d’une trilogie annoncée, au cas où vous vous poseriez la question, il peut parfaitement se lire comme un one shot, l’intrigue se joue du début à la fin, tout en ouvrant les portes vers d’autres péripéties…

Nul doute que je serai fidèle au poste pour retrouver, Henri, Schopenhauer, Laura… et le lapin !

MON VERDICT

[BOUQUINS] Estelle Tharreau – Digital Way Of Life

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Titre : Digital Way Of Life
Auteur : Estelle Tharreau
Éditeur : Taurnada
Parution : 2022
Origine : France
176 pages

De quoi ça cause ?

À travers ce recueil de nouvelles, Estelle Tharreau décline des futurs possibles dans un monde entièrement connecté où l’humain est totalement dépendant de la technologie.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

J’étais curieux de découvrir Estelle Tharreau dans un tout autre registre, sa plume est d’une redoutable efficacité quand elle se frotte au polar ou au roman noir, voyons ce que ça donne quand elle s’essaye à la science-fiction.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Taurnada, et tout particulièrement Joël, pour leur confiance renouvelée.

Le fil rouge qui relie les dix nouvelles composant ce recueil est la dépendance de l’humain vis-à-vis des nouvelles technologies. Chaque nouvelle est précédée par un ou plusieurs articles de presse en lien avec le thème abordé.

Pour servir son propos, l’auteure pousse à l’extrême le lien entre l’humain et la technologie, c’est la vision la plus sombre de l’avenir possible qu’elle nous propose de découvrir.

Quelques mots sur chacune des nouvelles composant ce recueil et ma note sur 5 :

  • Pathologique : quand la communication est considérée comme néfaste à l’épanouissement de l’enfant. Excellente mise en bouche. 5
  • Virtualité Réelle : quand la réalité virtuelle est l’unique garante du bien vivre ensemble. Glauque à souhait. 3.5
  •  Aveuglement Amoureux : quand la justice se met à l’heure du verdict numérique. Un sujet grave traité avec une légèreté rafraichissante. 4.5
  • Inhumains : quand les nanotechnologies se mettent au service de la médecine. Au-delà des apparences, humanité augmentée ou inhumanité, la question est posée en une revisite du mythe de Frankenstein fondue au noir. Mention spéciale pour le clin d’œil final. 5
  • Automatique : quand les assistants numériques se font un peu trop envahissants. J’avais deviné la fin mais ça ne m’a pas empêché de savourer cette nouvelle. 4.5
  • Éternité : quand l’homme pense que la machine peut l’aider à défier l’ordre naturel des choses. Je n’ai pas vraiment accroché à ce récit. 2.5
  • Profil : quand vos traces numériques se retournent contre vous… en dépit du bon sens. Malheureusement peut-être pas si dystopique que ça devrait l’être. 5
  • Bouton Rouge : quand les moteurs de recherche encouragent l’ignorance et occultent le passé. Court mais d’une redoutable efficacité. 4.5
  • Harceleuse : quand le tout numérique n’attend pas le poids des années pour affirmer son emprise sur l’individu. Là encore on oscille entre triste réalité et dystopie. La dernière phrase de la gamine est une tuerie. 5
  • La Trappe : quand l’obscurantisme religieux pousse l’homme à se substituer à Dieu. Un clap de fin apocalyptique. 4.5

Soit une moyenne de 4.4 / 5 que j’arrondis sans la moindre hésitation à 4.5.

Je ne vois pas ces nouvelles comme une attaque en règle contre les nouvelles technologies (il faudrait être très con pour tout rejeter en bloc) mais plutôt comme un cri d’alarme, un appel à la vigilance afin de ne pas se laisser submerger et ne pas placer notre confiance absolue dans le numérique. Pour que le message passe, il faut taper fort, là où ça fait mal et c’est exactement ce que fait Estelle Tharreau.

Une chose est sûre, avec ce recueil l’auteure ajoute une nouvelle corde à son arc. Ses premiers pas dans le monde de l’anticipation sont totalement convaincants.

Pour ma part je ne m’estime pas encore totalement techno accro, je ne suis pas pendu à mon téléphone H24, il ne me sert qu’à téléphoner (surtout répondre au téléphone) ou envoyer des SMS. En revanche je n’envisage pas de me passer de ma tablette et encore moins de ma liseuse.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Stuart Turton – L’Étrange Traversée Du Saardam

AU MENU DU JOUR


Titre : L’Étrange Traversée Du Saardam
Auteur : Stuart Turton
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : Angleterre (2020)
608 pages

De quoi ça cause ?

1634. Le Saardam quitte les Indes orientales pour Amsterdam. À son bord : le gouverneur de l’île de Batavia, sa femme et sa fille. Au fond de la cale, un prisonnier : le célèbre détective Samuel Pipps, victime d’une sombre affaire.

Alors que la traversée s’avère difficile et périlleuse, les voyageurs doivent faire face à d’étranges événements. Un symbole de cendres apparaît sur la grand-voile, une voix terrifiante se fait entendre dans la nuit, et les phénomènes surnaturels se multiplient. Le bateau serait-il hanté, ses occupants maudits ? Aucune explication rationnelle ne semble possible. Et l’enquête s’avère particulièrement délicate, entre les superstitions des uns et les secrets des autres.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Déjà parce que c’est Sonatine mais aussi parce que Stuart Turton m’avait agréablement surpris et séduit avec son précédent (et premier) roman, Les Sept Morts D’Evelyn Hardcastle.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Sonatine et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

J’apprécie tout particulièrement de découvrir des auteurs audacieux qui n’hésitent pas à sortir des sentiers battus, et c’est précisément ce qui m’avait séduit dans le précédent roman de Stuart Turton, Les Sept Morts D’Evelyn Hardcastle. J’ai été rassuré de retrouver cette audace et cette originalité dans ce second roman.

Mais ce sont bien les seuls points communs entre les deux bouquins, si le premier jouait d’entrée de jeu la carte du fantastique, L’Étrange Traversée Du Saardam entretient le doute quasiment de la première à la dernière page. Le Saardam est-il frappé d’une étrange malédiction ? Ou serait-il plutôt le terrain de jeu de certains malfaisants qui jouent avec les peurs et les superstitions des uns et des autres ?

Alors, fantastique ou polar ? Plutôt que de vouloir impérativement faire entrer ce bouquin dans une case formatée, pourquoi ne pas simplement le prendre comme il vient et se laisser guider par l’intrigue ? Et pourquoi pas trouver la clé de l’énigme avant nos héros ?

Sur ce dernier point je vous souhaite bien du courage… Stuart Turton sait y faire pour brouiller allégrement les pistes tout en restant parfaitement maître de son intrigue. Et je dois reconnaître que la recette est d’une redoutable efficacité, j’ai bien pressenti certains éléments (plus par intuition que par déduction) mais j’étais encore très loin de la vérité.

Faisons machine arrière jusqu’en l’an 1634 et embarquons pour une traversée à bord d’un bateau de la Compagnie des Indes qui doit mener son équipage et ses passagers de Batavia (actuellement Jakarta) à Amsterdam. Comme vous pouvez vous en doutez la croisière ne va pas s’amuser tous les jours et le voyage (même dans des conditions optimales) n’est pas franchement un long fleuve tranquille. Entre les caprices de la météo, les attaques de pirates et les huit mois de traversée, le voyage promet d’être éprouvant.

Et si pour pimenter le tout vous ajoutiez une malédiction lancée par un lépreux alors que le Saardman est en plein chargement. À peine la grande voile hissée, un étrange symbole ésotérique s’étale à la vue de tous avant de disparaître. Mais il en faut plus que ça pour empêcher le départ du bateau, de grosses sommes sont en jeu et des réputations peuvent se faire ou se défaire à l’arrivée à Amsterdam.

C’est parti pour un huis clos maritime émaillé d’incidents tous plus mystérieux les uns que les autres. Avec dans les cales une cargaison qui semble aussi précieuse que mystérieuse. Et une floppée de personnages, dont certains cachent de sombres secrets. Au fil de la croisière et des incidents la tension monte. La logique et l’esprit rationnel des uns sont mis à rude épreuve pas les peurs et les superstitions des autres.

Les personnages sont nombreux mais à aucun moment le lecteur ne s’y perd, l’auteur cadre aussi bien sa galerie de portraits que son intrigue. D’emblée certains vous apparaîtront attachants alors que vous en détesterez d’autres dans le même élan. Certains évolueront vers un ressenti plus positif au fur et à mesure qu’ils se révéleront. Puis il y a ceux qui vous laisseront dans l’expectative… sont-ils bons ou mauvais ? Et bien entendu vous aurez aussi le droit à des changements de bords totalement inattendus.

Dans l’ensemble cette étrange traversée ne fera pas ressortir ce que l’humain a de meilleur en lui, l’appât du gain et la soif de pouvoir ne sont pas vraiment les meilleurs conseillers. Heureusement certains tireront leur épingle du jeu et, en conjuguant leurs talents, découvriront la clé du mystère. Mais toute vérité est-elle bonne à dire ?

Avec ce second roman Stuart Turton confirme que l’audace peut encore payer de nos jours, il suffit d’oser s’écarter des sentiers battus… et le fait avec un incroyable talent.

MON VERDICT

[BRD] Barbaque

À L’AFFICHE DU JOUR


Titre : Barbaque
Réalisation : Fabrice Eboué
Production : TF1 Studio
Distribution : Apollo Films
Origine : France
Durée : 1h27

Casting

Fabrice Eboué : Vincent
Marina Foïs : Sophie
Nicolas Lumbreras : Joshua
Victor Meutelet : Lucas
Lisa Do Couto Texeira : Chloé

Le pitch

Vincent et Sophie sont bouchers. Leur commerce, tout comme leur couple, est en crise. Mais leur vie va basculer le jour où Vincent tue accidentellement un végan militant qui a saccagé leur boutique… Pour se débarrasser du corps, il en fait un jambon que sa femme va vendre par mégarde. Jamais jambon n’avait connu un tel succès !

Ma chronique

Vous aimez l’humour noir ? Vous en avez marre du politiquement correct servi à toutes les sauces ? Vous bouffez de la viande et vous l’assumez ? Alors ce film est fait pour vous !

Je tiens d’entrée de jeu à préciser que je respecte les choix alimentaires des uns et des autres… du moment que les autres en question respectent mes propres choix et ne viennent pas me faire chier avec leurs leçons de morale à deux balles.

Comme dans tous les domaines, je vomis toute forme d’intégrisme. S’agissant de bouffe ce sont les antispécistes qui saccagent les boucheries que j’ai dans le collimateur. Et pourtant je peux vous assurer que je suis très sensible à la cause animale, simplement je préfère militer pour un abattage dans la dignité et le respect plutôt que pour une interdiction pure et dure. Aller brouter ma pitance, très peu pour moi !

Barbaque joue à fond la carte de l’humour noir sans aucun militantisme. Les clichés sont nombreux et énormes mais viennent simplement souligner le propos et parfois l’absurde des situations.

Vous aurez le droit à une attaque en règle d’antispéciste contre la boucherie de Vincent et Sophie. Le petit copain de leur fille qui est végan par conviction mais ne force personne à le suivre – même si dans les faits il emmerde tout le monde. L’opposition entre la boucherie artisanale de Vincent et Sophie et la chaîne de boucherie industrielle du couple Blanchard…

Je vous passe le détail des délirantes scènes de chasse aux végans, déclinées à toute les sauces. Ou encore l’épouse qui s’endort devant les rediffusions de l’émission Faites entrer l’accusé présentée par Christophe Hondelatte. Sans oublier le policier qui raffole de ce fabuleux porc d’Iran (le nom commercial donné à la viande humaine par nos bouchers psychopathes).

Fabrice Eboué réussi à nous faire sourire là où il y aurait lieu de frémir, rien de tel pour arriver à ses fins que de pousser à l’excès son propos, le tout servi par des dialogues croustillants. Ça en devient si peu crédible et tellement absurde que l’on ne peut que se marrer.

C’est noir, amoral et totalement décalé ; un délice à déguster au second (et plus) degré. La fin peut paraître un peu abrupte mais franchement il n’y avait aucune autre issue possible ; et d’une certaine façon, la boucle est bouclée.

♥♥♥♥

La vache ça m’a ouvert l’appétit tout ça.
J’me ferai bien une bonne côte de bœuf, sauce poivre, avec des frites… et des haricots verts.

[BOUQUINS] Andy Weir – Projet Dernière Chance

AU MENU DU JOUR


Titre : Projet Dernière Chance
Auteur : Andy Weir
Éditeur : Bragelonne
Parution : 2021
Origine : États-Unis
480 pages

De quoi ça cause ?

Ryland Grace se réveille dans une pièce inconnue. Pas moyen de se souvenir de qui il est, où il se trouve et pourquoi. Seule certitude, ses deux compagnons de dortoirs sont morts depuis déjà un certain temps.

Peu à peu les souvenirs refluent. Il est à bord d’un vaisseau spatial, à des années-lumière de la Terre. Sa mission : sauver l’humanité. Mais il n’a aucune idée de la façon dont il doit s’y prendre…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Andy Weir et qu’il m’avait bluffé avec ses deux précédent romans, Seuls Sur Mars et Artémis. Bien que totalement réfractaire aux enseignements scientifiques (j’y peux rien, c’est viscéral), j’ai presque tout compris aux explications de l’auteur (on va dire suffisamment pour apprécier pleinement ses intrigues).

Ma Chronique

Parmi les nombreux sous-genres qui composent le vaste monde de la science-fiction, la hard science¹ n’est surement pas le plus abordable qui soit. Surtout pour les lecteurs qui, comme moi, ne captent rien – et ne veulent rien capter… au-delà du minimum vital pour ne pas passer pour un crétin congénital – à tout ce qui touche près ou de loin aux domaines scientifiques.

Andy Weir fait partie de ces auteurs qui ne lésinent sur les explications scientifiques afin de consolider leurs intrigues, et pourtant à chaque fois ça passe comme une lettre à la poste. Loin de moi l’idée d’affirmer que je comprends tout mais il suffisamment convaincant pour qu’on ait envie de le croire sur parole (et ce n’est certainement pas moi qui irais perdre du temps à vérifier chacune de ses démonstrations), et donc de croire à son intrigue.

Dans Projet Dernière Chance l’auteur repousse les limites du voyage spatial qu’il s’était imposé dans ses précédents romans. Cette fois son héros, Ryland Grace, est propulsé à des années-lumière de notre système solaire… et c’est justement pour sauver notre soleil, et par extension l’humanité (pas besoin d’avoir fait Normale Sup’ pour comprendre le lien), qu’il se retrouve à proximité de Tau Ceti.

Andy Weir va encore plus loin puisque Ryland Grace va rencontrer – et se lier d’amitié avec – une entité extra-terrestre (en provenance directe du système d’Eridani). Rocky, ainsi qu’il surnommera son nouvel ami, est dans la même situation que lui. Il doit sauver son monde, mais n’a aucune idée quant à la façon de procéder.

Voilà pour ce qui est des bases – très simplifiées – du roman de Andy Weir. Les deux héros vont devoir apprendre à communiquer et à coopérer pour sauver leurs mondes respectifs… et accessoirement leurs miches. Une coopération qui va mettre à contribution leurs compétences respectives, mais aussi faire appel à beaucoup de système D de part et d’autre.

Le récit est à la première personne, on vit l’intrigue via le personnage de Ryland Grace. Le roman alterne entre l’intrigue présente et les flashbacks (au fur et à mesure que la mémoire lui revient). Cette construction alternée insuffle une réelle dynamique à l’intrigue.

Une intrigue menée tambour battant malgré les nombreuses explications scientifiques (parfois parcourues en diagonale, j’avoue), une intrigue portée par deux personnages qui n’ont rien du héros invincible et sûr de lui – loin de là – et c’est sans doute ce qui attire et attise notre empathie à leur égard.

Au niveau des personnages secondaires, nul doute que Eva Stratt, la chef du projet Dernière Chance, ne laissera personne indifférent. Avec son cynisme à toute épreuve et une froideur implacable, vous l’adorerez et la détesterez tour à tour.

Une fois de plus Andy Weir signe un roman totalement maîtrisé, à la fois intelligent, addictif et divertissant (merci aux petites notes d’humour semées çà et là… même quand la situation semble totalement désespérée).

Si vous trouvez que le titre fait un trop racoleur, je peux vous assurer que c’est toujours mieux qu’une traduction littérale de Project Hail Mary, qui aurait alors pu devenir Projet Ave Maria ou pire encore Projet Je Vous Salue Marie… Avouez qu’on l’a échappé belle !

Comme Seul Sur Mars, ce Projet Dernière Chance semble avoir tapé dans l’œil de Hollywood. Une adaptation réalisée par Phil Lord et Christopher Miller serait dans les tuyaux, avec Ryan Gosling dans le rôle de Ryland Grace. Pour l’anecdote les deux réalisateurs auraient aussi l’intention de porter Artémis sur grand écran.

¹ Définition Wikipédia de la hard science : La hard science-fiction (dite aussi hard science, hard SF, SF dure) est un genre de science-fiction dans lequel les technologies, les sociétés et leurs évolutions, telles qu’elles sont décrites dans le roman, peuvent être considérées comme vraisemblables au regard de l’état des connaissances scientifiques au moment où l’auteur écrit son œuvre.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Chip Mosher & Peter Krause – Blacking Out

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Titre : Blacking Out
Scénario : Chip Mosher
Dessin : Peter Krause
Couleurs : Giulia Brusco
Éditeur : Delcourt
Parution : 2022
Origine : France
72 pages

De quoi ça cause ?

Conrad, ex-flic viré à cause de son alcoolisme, voit une chance de racheter ses erreurs passées quand un avocat lui demande de trouver des preuves qui innocentent son client, accusé du meurtre de sa fille.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Delcourt et Net Galley pour l’envoi de cette BD.

La quatrième de couv’ nous promet un « thriller rapide, violent et poisseux », il n’en fallait pas davantage pour m’appâter… en espérant que le résultat soit à la hauteur de mes attentes.

Le contexte tient une place de premier choix dans le déroulé de l’intrigue, la Californie est en proie à des incendies qui ravagent tout sur leur passage… un décor malheureusement très réaliste ces derniers étés.

Conrad (qui a un petit air de Keanu Reeves) est un ex-flic qui s’est fait lourder à cause de son alcoolisme (y’a pas des masses de patrons qui acceptent que leurs salariés boivent au bureau), depuis il vivote en tant que privé. Quand un avocat lui offre de trouver des preuves qui innocenteraient son client, accusé d’avoir tué sa fille, il y voit une opportunité de se racheter et de faire oublier son passé. Il est déterminé à trouver ces fameuses prouves mais aussi à découvrir le vrai coupable de ce meurtre.

Pas facile de faire tenir une enquête sur une soixantaine de pages, cela implique d’aller à l’essentiel sans détour. Une tâche dont s’acquittent fort bien les auteurs de cette bande dessinée. Certes on aurait aimé un peu plus de complexité mais le format choisi ne s’y prête pas. Malgré tout l’intrigue reste plutôt bien ficelée, et nul doute que le twist final – une tuerie – vous laissera sur le cul.

Les auteurs ont quand même réussi à placer une histoire de cœur au milieu de leur enquête… un peu de douceur dans ce monde de brutes et surtout un peu de lumière dans un décor très noir. Mais là encore, rien n’est simple dans la vie d’un héros.

Le découpage irrégulier des pages contribue au rythme de l’intrigue, le trait est fin et précis, la mise en couleurs apporte un véritable bonus esthétique à l’ensemble.

La BD est complétée d’une galerie d’illustrations qui permet de mesurer la justesse du dessin de Peter Krause qui peut étoffer davantage ses décors et ses personnages.

Promesse tenue donc. Une BD qui devrait ravir les amateurs de polars qui fleurent bon le noir.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Hervé Commère – Les Intrépides

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Titre : Les Intrépides
Auteur : Hervé Commère
Éditeur : Fleuve Éditions
Parution : 2022
Origine : France
333 pages

De quoi ça cause ?

La vie des locataires d’un modeste immeuble de quatre appartements est chamboulée quand ils apprennent que l’immeuble est mis en vente et qu’ils vont devoir déménager.

Ils vont tout mettre en œuvre pour empêcher cette vente, mais pour espère arriver à leurs fins ils vont devoir apprendre à se connaître et à faire front commun… et accessoirement compter sur un coup de pouce du hasard.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Hervé Commère et qu’il a eu l’audace de s’écarter diamétralement de son genre de prédilection : le roman noir.

Ma Chronique

Je remercie Fleuve Éditions et Net Galley pour leur confiance renouvelée.

C’est le cinquième roman de Hervé Commère que je lis et le moins que l’on puisse c’est qu’avec ses intrépides l’auteur sort de sa zone de confort. Exit le roman noir – qu’il a décliné sous diverses formes avec brio – avec un virage à 180° puisque le présent roman pourrait aisément s’apparenter à une littérature feel good.

On va donc faire la connaissance des locataires d’un modeste immeuble de quatre appartements. Des gens qui se croisent sans vraiment se connaître, chacun vaquant à ses propres occupations.

Dans l’ordre d’apparition nous croiserons Raoul, chauffeur de taxi – qui fera aussi de temps en temps office de narrateur –, et son épouse Valérie ; un couple qui vit ensemble mais ne partage plus grand chose. Bastien, un jeune commercial ambitieux obnubilé par sa carrière et sa réussite sociale, il partage son appartement avec sa discrète compagne. Suzanne une pétillante veuve qui passe beaucoup de temps avec une étudiante des Beaux-Arts, Melody. Enfin il y a le très discret – pour ne pas dire secret – Dave Missouri.

C’est la menace de la vente de « leur » immeuble qui va les rapprocher, vente qui sera logiquement suivie de la résiliation des baux locatifs et de la probable destruction de l’immeuble pour faire place à quelque chose de plus moderne (donc plus impersonnel et plus rentable).

Si tous ont la même envie de préserver leur logement actuel, les motivations des uns et des autres ne sont pas les mêmes. Pas facile dans ces conditions de faire front commun pour tenter d’enrayer l’impitoyable mécanique qui s’est mise en branle.

Ajoutez au tableau une richissime épouse acariâtre et deux frères milliardaires aux personnalités diamétralement opposées. Secouez le tout et vous obtiendrez un cocktail aussi (d)étonnant que divertissant.

Si les péripéties qui attendent nos chers voisins ne sont pas forcément des plus crédibles, elles permettent néanmoins de passer un bon moment sans trop se creuser les neurones tout en se musclant les zygomatiques.

Si Hervé Commère renonce (pour un temps ? pour toujours ?) au noir, il concentre toujours son intrigue sur l’humain et les relations humaines. Présentement c’est une façon ludique de prouver que l’on est plus fort à plusieurs que tout seul, de placer le collectif au-dessus de l’individualisme.

Le fond n’est pas forcément le plus original qui soit mais sur la forme c’est une totale réussite, le verbe et le style de l’auteur font mouche. Il nous fait découvrir progressivement les personnalités de ses personnages, eux-mêmes vont sans doute se découvrir des qualités insoupçonnées et / ou se remettre en question au cours de cette expérience partagée.

Un pari audacieux relevé haut la main, une belle aventure humaine garantie sans mièvrerie, ni guimauve. Vous pouvez y aller gaiement et consommer sans modération, aucun risque d’indigestion !

Je ne sais pas ce qu’il en est de vous mais pour ma part j’entretiens des relations de voisinages cordiales sans plus. On se salue, on échange quelques banalités à l’occasion et puis basta, chacun reprend le fil de son quotidien. Je n’ai rien contre mes voisins, au contraire, ils sont plutôt sympathiques, c’est juste moi qui demeure viscéralement asocial.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Sara Greem – Gloria Dei – 1 – Fidem Invictam

AU MENU DU JOUR


Titre : Fidem Invictam
Série : Gloria Dei – Livre 1
Auteur : Sara Greem
Éditeur : Éditions du 38
Parution : 2022
Origine : France
318 pages

De quoi ça cause ?

VIIIe siècle. Charlemagne poursuit impitoyablement sa campagne de christianisation de l’Europe. Les Saxons, menés par le duc Widukind résistent tant bien que mal afin de préserver leur culture et leurs croyances.

Plus au nord, à Uppsalir, le jeune Ragnarr Sigurdsson, épaulé et entraîné par son mentor, Enoal, se prépare à entrer dans l’âge adulte et à monter sur le trône afin de succéder à son défunt père.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Impossible de refuser la proposition de Sara qui m’a gentiment invité à découvrir son nouvel opus. Une incursion à plusieurs voix dans la tumultueuse Europe médiévale.

Ma Chronique

Sara Greem est une touche-à-tout au niveau littéraire, après des débuts réussis dans la littérature érotique (Publicité Pour Adultes), elle s’est essayé, avec le même succès, à la fantasy, d’abord sur fond de mythologie celte (Épopées Avaloniennes), puis de mythologie nordique (La Malédiction De L’Anneau Des Niflungar) et la science-fiction (Hémisphère, co-écrit avec Bernard Afflatet). C’est au roman historique qu’elle se frotte avec ce premier opus d’une trilogie annoncée.

Comme vous le savez peut-être on ne peut pas vraiment dire que le roman historique soit mon genre de prédilection, et la période du Moyen-Âge n’est certainement celle qui m’inspire le plus… Je n’étais pas forcément la cible idéale pour ce roman, mais je me suis pourtant lancé sans la moindre hésitation.

Certes il faut un certain temps d’adaptation afin de bien cadrer le contexte, les personnages et les lieux ; mais une fois que tout est en place, le bouquin se lit avec une grande fluidité (malgré les nombreux appels de note, une fonctionnalité pas simple à gérer sur liseuse… difficulté contournée en imprimant le fichier contenant l’ensemble des notes). Même sans être un féru d’Histoire médiévale, on se laisse facilement porter par l’intrigue.

L’une des grandes forces du bouquin est de nous proposer plusieurs points de vue sur le déroulé de l’intrigue. On est bien loin de la version de l’éducation nationale qui veut que le gentil Charlemagne ait contribué à évangéliser les hordes barbares et païennes, ou encore qu’il ait généralisé l’école pour tous…

Les fameux « barbares païens » (ici ce sont les Saxons qui endossent ce rôle) ne demandaient rien à personne, ils vivaient peinards avec leurs traditions et leurs croyances. Et v’là t’y pas que le roi des Francs déboule avec son Dieu unique, pour convertir les plus réticents il n’hésite pas à affamer les populations, à les assommer de taxes et accessoirement à les massacrer purement et simplement.

Il en va de l’école comme de l’aumône, elle est exclusivement réservée aux enfants chrétiens. Les autres peuvent bien crever la gueule ouverte à ses portes, il ne lèvera pas le petit doigt pour leur venir en aide le « gentil Charlemagne ».

Si le fond est incontestablement historique avec le conflit qui oppose les Francs de Charlemagne et les Saxons de Widukind, les intrigues franque et saxonne se construisent autour de personnages nés de l’imagination de l’auteure. D’un côté il y a Dhariba, une esclave musulmane offerte à Charlemagne qui, par son érudition, deviendra la préceptrice officieuse de l’aîné des enfants du roi (Carloman, dont les sautes d’humeur effraient les servantes et exaspèrent les moines chargés de son éducation). Chez les Saxons on suivra le parcours d’Agmundr, un talentueux forgeron engagé auprès de Widukind mais aussi soucieux d’assurer l’avenir de son jeune fils.

Enfin il y a les chapitres consacrés à Ragnarr, le roman s’ouvre sur les funérailles de son père alors qu’il n’était qu’un enfant. C’est Enoal, un maître de guerre fidèle au défunt roi, qui prendra l’enfant sous son aile et le préparera à prendre la succession de son père. Le personnage de Ragnarr Lodbrok étant une figure de la légende viking, ça laisse une grande marge à Sara Greem pour réécrire son histoire…

Tout ça pour dire que j’ai totalement accroché à ce roman, il me tarde de découvrir la suite… en espérant que Sara ne souffre pas du syndrome de GRRM, syndrome dont les principales victimes sont les lecteurs, condamné à une attente qui n’en finit pas de mettre leur patience et leurs nerfs à rude épreuve.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Marc Levy – Noa

AU MENU DU JOUR


Titre : Noa
Série : Groupe 9 – Tome 3
Auteur : Marc Levy
Éditeur : Robert Laffont
Parution : 2022
Origine : France
367 pages

De quoi ça cause ?

9 hackers combattent un dictateur.
Des vies sont en danger.
Une reporter d’investigation va s’infiltrer en terrain ennemi.
Le temps est compté.
Le Groupe 9, plus uni que jamais, repart en mission.
L’avenir de tout un peuple est en jeu.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Marc Levy, une raison qui se suffirait à elle-même, mais en plus c’est la suite de sa série sur le Groupe 9… impossible de résister !

Ma Chronique

Avant d’entrer dans le vif du sujet sachez que Noa est le troisième et dernier tome de la série consacrée au Groupe 9. Et le moins que l’on puisse dire c’est que Marc Levy s’offre un final en apothéose.

Forts d’une première victoire contre les Fauves, les 9 vont passer la vitesse supérieure et organiser leur plus grosse opération. Leur cible : la Biélorussie, et tout particulièrement le pouvoir de Loukachenko – oups mes doigts ont fourché – Loutchine, le dernier (ça se discute… pas vrai Vlad ?) dictateur encore au pouvoir en Europe.

Une fois de plus Marc Levy combine réalité et fiction pour donner corps à son intrigue. Le peuple biélorusse est en effet en proie à l’oppression d’un tyran qui ne recule devant rien pour affirmer son pouvoir : détention arbitraire, torture, empoisonnement et même détournement d’un avion civil… la réalité dépasse la fiction avec un tel cinglé au pouvoir. Mais inutile de se voiler la face, tout ça ne serait pas possible sans le soutien et l’appui du grand frère Russe.

Les 9 vont donc mettre au point une vaste opération de déstabilisation afin de faire tomber le tyran et faire souffler un vent de liberté sur la Biélorussie. Pour se faire, ils vont devoir attaquer sur tous les fronts, et même payer de leur personne afin que leur grand projet aboutisse.

C’est Janice qui sera en première ligne dans cette opération à haut risque, elle devra mener une bataille à la fois sur le terrain et sur le plan juridique. En effet, les Fauves ne lâcheront pas le morceau sans lutter… leur arme favorite restant la manipulation de l’information. Heureusement la jeune hackeuse pourra compter sur ses amis du Groupe 9, mais pas que (qu’eux)…

Comme son titre le laisse fortement supposer, cet ultime opus verra le retour d’un personnage que l’on pensait mort (même si cela n’a jamais été clairement énoncé). Et notre revenante sera amenée à jouer un rôle décisif dans le déroulé de l’intrigue.

Marc Levy nous propose une intrigue menée tambour battant qui nous impose un rythme d’enfer, parsemée de quelques touches d’humour bienvenues pour faire un peu baisser la pression.

Si l’intrigue est bien ficelée et totalement addictive, elle manque toutefois de crédibilité. Malgré les nombreux obstacles que le groupe de hackers devra contourner ou affronter, ça reste globalement plutôt simpliste.

Admettons qu’une telle attaque soit envisagée contre le pouvoir du président L., je doute fort que Vlad le Rouge abandonne son jouet sans riposter. De fait sa présence dans la partie ne manquera pas de redistribuer les cartes, et je doute fort que son intervention se limite à une contre-attaque informatique (un terrain que ses sbires maîtrisent à la perfection).

Pour ma part j’ai fait abstraction de ce petit bémol pour me laisser porter par l’intrigue, quitte à passer pour un Bisounours (pour une fois), j’ai eu envie d’y croire et j’assume. Un bouquet final qui clôt à merveille l’aventure du Groupe 9. Pari réussi haut la main pour l’auteur.

Je terminerai cette chronique par deux dessins signés Pauline Lévêque-Levy (l’épouse de Marc Levy), deux images choisies parmi celles qui illustrent la trilogie, pour le message d’espoir qu’elles portent.

MON VERDICT