[BOUQUINS] Stephen King – Holly

Dans une jolie maison victorienne d’une petite ville du Midwest, Emily et Rodney Harris, anciens professeurs d’université, mènent une vie de retraités actifs. Malgré leur grand âge, les années semblent n’avoir pas avoir de prise sur eux.

À quelques pas de leur demeure, on a retrouvé le vélo de Bonnie Dahl, récemment disparue. Elle n’est pas la première à se volatiliser dans ce périmètre. Chose étrange : à chaque fois, il s’agit de jeunes gens.

Sur l’insistance de la mère de Bonnie, Holly Gibney accepte de reprendre du service. Elle est loin d’imaginer ce qui l’attend : une plongée dans la folie humaine, là où l’épouvante n’a pas de limite.

Stephen King, what else ?

Les inconditionnels de Stephen King savent pertinemment que leur auteur fétiche peut mettre leurs nerfs à rude épreuve sans avoir recours au fantastique. Souvenez-vous de la solitude et de l’angoisse de Jessie, menottée à son lit dans un chalet paumé au milieu de nulle part, le cadavre de son mari gisant au pied du lit (Jessie, 1993). Osez affirmer que Annie Wilkes ne vous a pas donné quelques sueurs froides emportée par sa folie (Misery, 1989). Ou encore plus récemment avec le très bon Billy Summers (2022), un thriller pur jus maîtrisé de bout en bout.

Le personnage d’Holly Gibney a fait son apparition dans la trilogie Bill Hodges (Mr Mercedes, Carnets Noirs et Fin De Ronde). Stephen King la sortira ensuite de ses tiroirs pour lui confier un second rôle dans son roman L’Outsider puis dans la nouvelle Si Ça Saigne inspirée du même univers. Avec ce roman Holly gagne ses lettres de noblesse et occupe enfin le haut de l’affiche.

L’intrigue se situe en 2021, un choix qui ne doit rien au hasard, comme le reste du monde, les États-Unis font face, tant bien que mal, à l’épidémie de Covid-19. Au-delà de la crise sanitaire à proprement parler, le contexte offre un terrain de jeu de premier choix pour les complotistes de tout poil. Le monde se divise en deux clans, les vaccinés et les antivax.

Pour les États-Unis l’année 2021 est doublement emblématique, le pays émerge de quatre années sous la présidence de Donald Trump. Là encore il y a les pro MAGA (Make America Great Again, le slogan de campagne de Trump) et les anti… Le pire c’est que rien ne garantit que le gugusse ne revienne pas à la Maison Blanche en 2028, surtout si les démocrates relancent Papy JB aka Le Sénile dans la course !

Mais revenons à nos moutons et au roman Holly.

Au fil de ses aventures nous avons vu s’étoffer la personnalité d’Holly Gibney, la frêle et timide que Bill Hodges a découvert sait désormais s’affirmer et à plus ou moins se faire confiance. Et elle en aura bien besoin pour affronter cette nouvelle affaire.

Pour elle l’affaire commence comme une « simple » disparition d’une jeune femme. Au fil de ses investigations elle va rapidement s’apercevoir que d’autres disparitions potentiellement suspectes ont eu lieu dans un périmètre relativement restreint… même si rien ne semble relier les victimes entre elles.

Le lecteur est quant à lui parfaitement conscient, dès les premières pages du roman, que ces disparitions n’ont rien d’ordinaires. Elles sont l’œuvre d’un couple de retraités qui, sous les dehors d’une respectabilité sans faille, ont imaginé un plan repoussant les limites de l’horreur pour se maintenir au top de la forme.

Pour la première fois Holly va donc se retrouver confrontée à une affaire ne faisant appel à aucun élément fantastique ou surnaturel. Elle aura pourtant à faire aux individus encore plus monstrueux et abjects que ceux qu’elle a déjà affronter. Comme le dira fort justement Izzy Jaynes à la fin de l’affaire :

L’autre nouveauté pour Holly est qu’elle sera quasiment seule sur une grande partie de son enquête. Son associé, Pete Huntley, est en effet cloué au lit par le Covid. Quant à Jerome et Barbara Robinson, qui lui ont prêté main forte plus d’une fois, ils seront fort occupés de leur côté par des projets personnels qui se concrétisent.

Au-delà de son enquête, Holly va aussi devoir composer avec une situation personnelle un peu compliquée. En effet au début du roman elle assiste aux funérailles de sa mère, terrassée par le Covid (un brin ironique pour quelqu’un qui rejetait l’existence de cette maladie). Si vous avez lu la trilogie Bill Hodges vous savez déjà que le personnage de Charlotte Gibney n’est pas franchement des plus avenants, toujours prompte à rabaisser Holly. Vous découvrirez que la daronne avait encore quelques coups foireux en réserve… heureusement, finalement les choses tourneront plutôt à l’avantage de notre brave Holly.

Si Stephen King impose à son intrigue un rythme de croisière plutôt pépère (les choses vont véritablement s’emballer vers la toute fin du roman), on ne s’ennuie pas une minute pour autant, on prend plaisir à suivre chacun des personnages dans leur parcours personnel. La plume de l’auteur fait mouche, comme toujours, notamment quand il faut pointer les travers de la société américaine. Mais il est tout aussi efficace quand il s’agit de rendre hommage à la littérature, et tout particulièrement à la poésie.

Indéniablement cette cuvée 2024 du King a tous les atouts d’un grand cru. L’absence d’élément fantastique ne m’a posé aucun problème, au contraire c’est même l’une des grandes forces du roman.