[BOUQUINS] Christophe Royer – Néréides

AU MENU DU JOUR


Titre : Néréides
Série : Nathalie Lesage – livre 3
Auteur : Christophe Royer
Éditeur : Taurnada
Parution : 2023
Origine : France
278 pages

De quoi ça cause ?

Quand Samir, un ami (et accessoirement ex-amant), appelle Nathalie Lesage à la rescousse, elle n’hésite pas à poser quelques jours de congés afin de le rejoindre à Albi.

Samir apprend à Nathalie que sa jeune sœur, étudiante à Albi, a disparu depuis quelques jours. Devant le manque de réactivité de la police locale, Nathalie décide de mener sa propre enquête en sous-marin…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Taurnada et Christophe Royer. L’occasion de suivre la troisième enquête de Nathalie Lesage dans un nouveau décor et autour d’une nouvelle thématique.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Taurnada, et tout particulièrement Joël, pour leur confiance renouvelée.

Après Paris et Lyon, c’est à Albi que Nathalie Lesage va poser ses bagages le temps d’une nouvelle enquête… mais cette fois ladite enquête n’a aucun caractère officiel, Nathalie répond à l’appel à l’aide d’un ami.

Ledit ami n’est pas un total inconnu pour ceux et celles qui suivent Nathalie Lesage depuis ses débuts. On le croise en effet dans Lésions Intimes, le premier roman de la série. Nathalie et lui seront amants avant qu’elle ne plaque tout pour se ressourcer en Irlande.

Il est vrai qu’en arrivant à Albi Nathalie Lesage comptait s’en remettre à ses collègues locaux… mais devant leur immobilisme et une mauvaise volonté évidente, elle va prendre les choses en main avec Samir.

Une fois de plus Christophe Royer confronte ses personnages aux perversions les plus sombres de l’âme humaine. J’avoue sans la moindre gêne que toute la thématique autour de la Magia Sexualis m’est complètement passé au-dessus de la tête (je pense pourtant être un esprit plutôt ouvert, mais il y a tout de même des limites à ne pas franchir). Heureusement cela ne m’a nullement empêché de profiter pleinement de l’intrigue.

Au chapitre des retrouvailles j’ai aussi apprécié de voir que Cyrille, le jeune collègue de Nathalie à Lyon allait lui aussi être de la partie. Une enquête au cours de laquelle il paiera de sa personne entre les griffes du sadique Monsieur Etienne.

Autre belle rencontre avec Lucie Dubrac, une sympathique grand-mère qui n’a jamais vraiment perdu espoir de retrouver sa petite-fille disparue après avoir été contactée par cette mystérieuse école de magie albigeoise.

L’intrigue est bien menée et bien documentée, même si elle ne nous réserve pas vraiment de grosses surprises (hormis la motivation de ceux qui se cachent derrière les enlèvements). On prend plaisir à suivre Nathalie et Samir, leurs réactions parfois impulsives et irraisonnées peuvent se justifier par l’absence de cadre légal à leur action et leur implication personnelle.

Les chapitres sont courts, le style ne s’embarrasse de fioritures, tout est fait – et bien fait – pour que le lecteur soit en totale immersion au cœur de l’action.

Un roman dévoré d’une traite (comme souvent quand j’ai un titre des éditions Taurnada entre les mains). Sans surprise je serai au rendez-vous pour la prochaine enquête (annoncée dans les remerciements) de Nathalie Lesage.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Mo Malo – Bienvenue Chez Les Corrigan !

AU MENU DU JOUR


Titre : Bienvenue Chez Les Corrigan !
Série : La Breizh Brigade – Livre 1
Auteur : Mo Malo
Éditeur : Les Escales
Parution : 2023
Origine : France
352 pages

De quoi ça cause ?

Le Manoir des Corrigan est une maison d’hôtes de Saint Malo tenue par trois générations de femmes au caractère bien trempée. Sur le papier c’est Maggie, la pétillante doyenne, qui gère le domaine, mais elle peut heureusement compter sur l’aide de sa fille et de sa petite-fille, Louise et Enora.

Quand le corps sans vie d’un joueur de cornemuse est retrouvé dans la maison d’hôte voisine (et concurrente), les Corrigan vont reformer la Breizh Brigade afin de mener leur propre enquête sur ce meurtre.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Mo Malo qui prend les rênes de cette nouvelle invitation au voyage. Bye bye le Groenland et bienvenue en Bretagne, à Saint Malo plus précisément.

C’est aussi pour moi une façon comme une autre de faire honneur mes lointaines origines bretonnes.

Ma Chronique

J’avoue avoir été quelque peu surpris que ce soit sous le pseudo de Mo Malo que l’auteur se lançai dans l’aventure bretonne avec sa Breizh Brigade. D’un autre côté, le choix du pseudo étant un hommage à ses origines bretonnes, ceci explique sans doute cela.

Une aventure qui l’entraîne bien loin du Groenland où il nous avait habitué à suivre les tumultueuses enquêtes de Qaanaaq Adriensen et son équipe.

Les côtes bretonnes offrent un paysage plus apaisé, de fait l’auteur abandonne les côtes escarpées du thriller pur et dur pour les chemins champêtres du cosy crime (ou cosy mystery). Des enquêtes plus légères qui laissent une belle place à l’humour et généralement portées par des personnages haut en couleurs.

Nul doute que le trio féminin intergénérationnel constitué par les Corrigan entre parfaitement dans le cadre. La doyenne, Maggie, à l’aube de ses 70 ans, n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Son âge ne l’empêche nullement de consommer sans modération les amants et les verres de whiskey irlandais. Louise, la fille, institutrice de profession, est certes plus effacée mais rien n’échappe à son œil de lynx. Enora, la petite fille, suit des études vétérinaires, la rousse flamboyante déborde d’énergie et vit dans l’ombre sa propre histoire secrète.

Quand un macchabée est retrouvé dans une position pour le moins inattendue dans une chambre de la maison d’hôtes voisines, les Corrigan décident de reformer la Breizh Brigade pour mener leur propre enquête. N’allez surtout pas croire que les Corrigan veulent protéger la réputation de leur voisin et néanmoins rival… une vieille et tenace animosité sépare les deux familles. En fait les Corrigan espèrent surtout protéger leurs arrières en s’octroyant un droit de regard sur l’enquête officielle.

Pour cette première immersion dans le cosy crime, Mo Malo tire parfaitement son épingle du jeu, grandement aidé par son trio d’enquêtrices qui ne devrait laisser personne indifférent, mais aussi à grand renforts de personnages secondaires mitonnés aux petits oignons.

Si l’intrigue à proprement parler ne devrait pas provoquer de brusques poussées d’adrénaline, elle n’en reste pas moins bien menée. Pas de grosse surprise, ni de brusque revirement de situation au menu des festivités, mais cela ne devrait pas empêcher le lecteur de suivre l’affaire avec un intérêt amusé.

Comme beaucoup si on me demandait de citer une auteure d’outre-Manche considérée comme une « Reine du Crime », c’est le nom d’Agatha Christie qui me viendrait à l’esprit. Chez les Corrigan toutefois on ne jure que par L.T. Meade, une prolifique auteure irlandaise qui put prétendre à la couronne bien avant sa cadette britannique.

Un second opus devrait être publié dans les prochaines semaines, je serai bien entendu fidèle au poste pour découvrir la suite des aventures de la Breizh Brigade. Et après ? Seul Mo Malo est en mesure de répondre à cette question. Pour ma part je ne désespère pas de le voir chausser à nouveau les raquettes pour un retour au Groenland, en attendant laissons Qaanaaq profiter d’un repos bien mérité.

Ce n’est sans doute pas totalement un hasard si le nom de famille Corrigan est proche des Korrigan, terme qui, dans la culture traditionnelle bretonne (et celte), désigne des lutins capables du meilleur comme du pire.

MON VERDICT

[BRD] Bullet Train

À L’AFFICHE DU JOUR


Titre : Bullet Train
Réalisation : David Leitch
Production : Columbia Pictures
Distribution : Sony Pictures
Origine : Etats-Unis / Japon
Durée : 2h07

Casting

Brad Pitt : Coccinelle
Aaron-Taylor-Johnson : Mandarine
Brian Tyree Henry : Citron
Joey King : Le Prince
Andrew Koji : Le Père
Hiroyuki Sanada : L’Ancien
Michael Shannon : La Mort Blanche

Le pitch

Coccinelle est un assassin malchanceux mais particulièrement déterminé à accomplir sa nouvelle mission paisiblement. Une mission en apparence on ne peut plus simple puisqu’il s’agit de dérober une valise dans le Shinkansen qui assure la liaison entre Tokyo et Kyoto.

Mais le destin en a décidé autrement et l’embarque dans le train le plus rapide au monde aux côtés d’adversaires redoutables qui ont tous un point commun, mais dont les intérêts divergent radicalement…

Ma chronique

Le film est l’adaptation d’un roman japonais écrit par Kotaro Isaka, c’est d’ailleurs le roman que j’ai découvert en premier (sans avoir encore pris le temps de le lire). C’est la sortie du film qui permettra au public français de découvrir le roman jusqu’alors inédit dans la langue de Molière.

D’entrée de jeu le personnage de Coccinelle, interprété par Brad Pitt, a de quoi surprendre. Voleur professionnel (et plus si affinités) un tantinet poissard, le gars est en plein questionnement sur sa vie et son avenir, il essaye désormais de suivre les conseils prodigués par son coach en développement personnel. On est bien loin du héros viril qui joue des poings et des flingues pour s’imposer.

C’est presque à contrecœur qu’il accepte la mission qui lui confie sa boss. Une mission on ne peut plus simple en apparence : embarquer dans le Shinkansen Tokyo-Kyoto, repérer et voler une valise puis quitter le train au prochain arrêt. Mais la mallette en question contient l’argent d’un redoutable chef criminel et elle est actuellement sous la responsabilité d’un duo de tueurs (Citron et Mandarine) qui doivent aussi assurer la protection du fils de ce même criminel. Ajoutez à cela que dans ce même train un père en quête de vengeance embarque. Et quelques autres passagers tout aussi dangereux et imprévisibles… Ah oui j’oubliais, il y a aussi un serpent venimeux – dont le venin cause une mort aussi douloureuse que sanglante – qui se balade dans les travées.

Le contexte aurait parfaitement pu se prêter à un huis clos meurtrier et oppressant, mais l’intrigue va plutôt jouer la carte de l’action survoltée (quitte à flirter parfois avec les limites de la crédibilité) et de l’humour (souvent noir). Ça cogne, ça saigne, ça meurt mais l’ensemble est orchestré avec beaucoup de légèreté, à la limite du détachement même. Du coup on suit tout ça d’un œil amusé sans vraiment se poser de question sur la moralité de tout ce joyeux bordel.

Au fil du trajet entre Tokyo et Kyoto, les imprévus s’enchaînent. Les plans et les alliances se font et se défont. On se doute bien que la confrontation finale sera haute en couleurs… et elle tient toutes ses promesses !

Les acteurs sont juste parfaits dans cette chorégraphie déjantée, même si certains n’ont le droit qu’à un rôle éphémère, tous apportent leur pierre à l’édifice et à la compréhension de ce qui se trame dans ce train.

Une comédie d’action totalement assumée qui remplit son rôle à la perfection, on s’éclate sans prise de tête. Que demander de plus ?

♥♥♥♥

[BOUQUINS] Michaël Mention – Les Gentils

AU MENU DU JOUR


Titre : Les Gentils
Auteur : Michaël Mention
Éditeur : Belfond
Parution : 2023
Origine : France
352 pages

De quoi ça cause ?

Franck Lombard avait tout pour être heureux, un métier qui est aussi une passion, une femme qu’il adore et une petite fille dont il est raide dingue.

Tout bascule un jour de juin 1977. Un braquage minable qui tourne mal, la gamine est mortellement blessée alors que le braqueur prend la fuite. Face au drame, le couple se délite.

Un an plus tard, l’enquête de police est au point mort. Les policiers ont une description sommaire du braqueur, seul réel signe distinctif : le A d’anarchie tatoué sur une épaule.

Franck décide alors de mener sa propre enquête pour trouver et éliminer l’assassin de sa fille…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que c’est Michaël Mention. Je reconnais volontiers ne pas avoir tout lu de l’auteur (loin de là), parfois par choix, parfois – souvent – par manque de temps, mais les titres que j’ai lus ne m’ont jamais laissé indifférent, certains m’ont même fait forte impression.

Ma Chronique

Je remercie chaleureusement les éditions Belfond et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

Perdre son enfant est sans aucun doute l’épreuve la plus terrible qui puisse arriver à un couple, plus encore quand la mort de l’enfant est provoquée par un tiers. Et encore plus encore (pas très français tout ça), quand le tiers en question n’est pas identifié par la police.

Deuil impossible, soif de vengeance, jusqu’à l’obsession… jusqu’à la folie. Ainsi pourrait se résumer la quête de Franck, mais ce serait trop réducteur pour le roman de Michaël Mention.

L’auteur situe son intrigue en 1978, un choix qui ne doit rien au hasard pour que la fiction rejoigne l’Histoire dans les derniers chapitres du bouquin. C’est aussi l’occasion pour Michaël Mention de crier haut et fort son amour de la musique, et plus particulièrement du rock, tout comme son héros tourmenté. Au fil des chapitres, Franck se laissera porter par le son de The Doors, Lynyrd Skynyrd, The Who ou encore AC/DC (période Bon Scott), mais aussi par les mélodies de Serge Gainsbourg, Barbara ou Brassens.

La traque obsessionnelle de Franck le mènera de Paris à Marseille, avant de décoller pour la Guyane et enfin rejoindre le Guyana. L’association Guyana et 1978 a immédiatement fait passer tous mes signaux au rouge et m’a orienté vers un final quasi inévitable (la suite me donnera raison).

Si au cours de son périple Franck fera quelques belles rencontres, force est de constater qu’il est un véritable aimant à emmerdes et attire à lui bien des individus peu recommandables. Plus d’une fois il risquera sa vie, mais jamais il ne renoncera. Pour se motiver, il s’accroche à des échanges imaginaires avec sa fille.

Sans forcément adhérer à la traque de Franck (d’autant que l’on a aucune certitude qu’il en a après la bonne personne), son parcours nous vrille les tripes. Et même quand l’intrigue flirte avec l’improbable, on a envie d’y croire. À croire que l’obsession de Franck est contagieuse…

Pour construire son roman, Michaël Mention opte pour des chapitres courts, taillés à la machette, tout comme le phrasé qu’il emploie. On prend les mots comme autant de baffes dans la tronche. Le talent narratif de l’auteur nous fait rapidement oublier d’éventuels bémols.

Avec ce roman, le quatorzième depuis 2008, Michaël Mention confirme qu’il a une plume unique en son genre, capable de transformer en or tout ce qu’il touche (avec Jeudi Noir il a même réussi à me faire lire un bouquin dont l’intrigue tourne autour du foot).

MON VERDICT

Coup de poing

[BOUQUINS] Jean-Laurent Del Socorro – Je Suis Fille De Rage

AU MENU DU JOUR


Titre : Je Suis Fille De Rage
Auteur : Jean-Laurent Del Socorro
Éditeur : ActuSF
Parution : 2019
Origine : France
350 pages

De quoi ça cause ?

1861. La guerre civile déchire les Etats-Unis à la suite de la Sécession de certains états du sud. Les deux camps se préparent à ce conflit inédit, chacun étant persuadé de sortir en grand vainqueur de cette guerre.

Tout au long du conflit, Lincoln s’entretiendra en tête à tête avec La Mort dans le bureau présidentiel de la Maison Blanche.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que ça fait un moment que ce bouquin me fait de l’œil depuis les tréfonds de mon Stock à Lire Numérique. Un Book Club sur le thème de la fantasy désignera ce roman comme heureux élu, c’est l’occasion rêvée pour succomber à la tentation.

Ma Chronique

D’entrée je tiens à préciser que le côté fantasy est quasiment inexistant, un président qui cause avec La mort lorgne plus vers le registre fantastique si vous voulez mon avis. Mais ce bouquin est avant tout un roman choral historique pour lequel Jean-Laurent Del Socorro a produit un énorme travail de documentation (comme l’atteste la bibliographie sélective en fin d’ouvrage) afin de rester aussi fidèle que possible à l’Histoire de la Guerre de Sécession.

J’avoue très humblement que ma connaissance de la guerre civile américaine se limite à ce que j’ai pu voir au cinéma et à la télévision… et la lecture de la série BD Les Tuniques Bleues. Autant dire que je suis franchement profane sur le sujet.

Dans le roman de Jean-Laurent Del Socorro les personnages historiques (Lincoln en tête, mais aussi les généraux Grant – Nord – et Lee – Sud – et d’autres encore plus ou moins connus) côtoient les personnages inventés par l’auteur qui prendront une part plus ou moins active au conflit.

Dans le même ordre d’idée, le lecteur va alterner entre les documents historiques (extrait de presse, échanges officiels ou personnels des acteurs du conflit) et le récit à proprement parler.

L’auteur aide le lecteur profane à y voir plus clair grâce à un guide de lecture et une carte qui s’avéreront de précieux alliés.

Le roman est divisé en cinq parties (une par année de guerre, de 1861 à 1865), elles-mêmes découpées en chapitre donnant voix à un point de vue (c’est le principe du roman choral, que les anglo-saxons appellent tout simplement point of view – PoV pour les intimes). On passe ainsi du point de vue Nordiste à celui Sudiste sans que l’auteur ne cherche à faire pencher la balance dans un sens ou un autre.

La construction s’avère d’une redoutable efficacité, l’immersion est totale, en quelques heures vous vivez les cinq années de guerre civile qui ont déchiré les Etats-Unis. On découvre ainsi que l’esclavage n’a pas immédiatement une motivation pour Lincoln qui visait avant tout à réunifier le pays, ce n’est qu’en 1863 qu’il fera de l’esclavage un de ses chevaux de bataille (par conviction ou par stratégie ? à chacun de se faire sa propre opinion sur le sujet).

L’image que l’on peut se faire de certain héros de la guerre de Sécession tels que Grant ou Sherman prend du plomb dans l’aile quand on songe au nombre de vies qu’ils ont sacrifié… était-ce vraiment le prix à payer pour remporter la victoire ?

Dans le camps Sudiste le général Lee apparaît comme un fin stratège qui doit gérer des ressources moindres que ses adversaires du Nord mais donnera bien du fil à retordre à ses ennemis avant de se rendre… bien conscient que prolonger le combat reviendrait à sacrifier inutilement des soldats déjà lourdement éprouvés.

À l’opposé Nathan Forrest est un illuminé mystique qui trouve dans la Bible la justification de sa haine contre le Nord et de son racisme. J’avoue que je connaissais pas du tout ce personnage, mais, comme vous pourrez le constater, chez certains la haine fait partie intégrante de leur personne. Ce n’est pas une fin de conflit ou une défaite qui les changera.

Certains personnages apportent heureusement un peu de légèreté au milieu de la boue, des larmes et du sang. Je pense notamment à ces amoureux qui ridiculisent gentiment le couple mythique d’Autant En Emporte Le Vent.

J’ai particulièrement aimé suivre les parcours de Caroline (la Fille qui n’a plus de père), Kate (l’Affranchie qui n’est pas libérée), Jenny (la Capitaine qui force le destin) ou encore Minuit et son Bleu. D’autres ne feront que des passages éclairs dans le conflit (tels que Sue, Soldate confédérée et Nolan, Soldat de l’Union).

Ce roman fut une belle surprise et une belle découverte, captivant de bout en bout.

MON VERDICT

[BOUQUINS] R.J. Ellory – Une Saison Pour Les Ombres

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Titre : Une Saison pour Les Ombres
Auteur : R.J. Ellory
Éditeur : Sonatine
Parution : 2023
Origine : Angleterre (2022)
408 pages

De quoi ça cause ?

Jack Devereaux, installé à Montréal depuis des années, espérait avoir définitivement tiré un trait sur son passé et Jasperville, la ville où il a grandi. Un trou paumé au fin fond du grand nord québécois qui ne lui rappelle pas que des bons souvenirs.

Son frère cadet, qu’il n’a pas revu depuis vingt-six ans, est emprisonné une violente agression. Sa victime est entre la vie et la mort. L’officier en poste à Jasperville aimerait que Jack l’aide à comprendre ce qui a pu se passer. Impossible de refuser, Jack va devoir retourner à Jasperville… et affronter son passé.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que le duo Sonatine et R.J. Ellory est l’assurance de passer un bon – voire un très bon – moment de lecture.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Sonatine et la plateforme Net Galley pour leur confiance renouvelée.

C’est pour relever un challenge lancé par ses éditeurs anglais (Orion Books) et français (Sonatine) que R.J. Ellory situe l’intrigue de son nouveau roman au Canada, et plus exactement dans la belle province de Québec.

Oubliez les décors de cartes postales, Jasperville est une ville minière située dans le Grand Nord québécois. Accessible uniquement en train (quand les rails ne sont pas gelés), l’hiver dure huit mois, huit mois de températures glaciales que les rares et timides rayons de soleil ne parviennent à réchauffer. Oubliez aussi vos smartphones et l’idée de vous connecter à Internet, seul le téléphone filaire fonctionne… parfois. Le genre de bled où à peine arrivé tu as déjà envie de prendre les jambes à ton cou et de filer… en revanche évitez la forêt, vous pourriez y croiser une meute de loups ou un ours.

Outre le cadre particulièrement inhospitalier, voire franchement hostile, l’auteur va aussi devoir se confronter à la spécificité biculturelle (francophone et anglophone) du Québec.

En 1969, Jacques Devereaux va y suivre ses parents alors qu’il était âgé de 3 ans, il y restera jusqu’à ses 19 ans. Il quittera la ville, laissant derrière lui la fille qu’il aime et son frère cadet et des promesses qu’il ne tiendra pas.

C’est à Montréal qu’il posera ses valises, deviendra Jack Devereaux et se construira une vie sans attaches ni engagements. Bien décidé à oublier définitivement Jasperville, et tant pis pour la culpabilité qui vient parfois – souvent – se rappeler à son bon souvenir.

Et pourtant quand le Sergent Nadeaux, en poste à Jasperville, le contacte pour l’informer que son frère est en prison pour avoir violemment agressé un homme, le laissant quasiment pour mort, Jack ne va pas hésiter une seconde et retourner dans la ville qui l’a vu grandir.

Au fil des chapitres – et du voyage de Jack – on va découvrir le parcours de la famille Devereaux, et tout particulièrement les jeunes années de Jacques, l’aîné des trois enfants. Une jeunesse pas franchement épanouie mais pas non plus des plus malheureuses, exception faite des nombreux drames qui jalonneront ces années. Notamment le décès de trois adolescentes dans des circonstances particulièrement brutales mais jamais clairement définies (comme le dit fort justement le proverbe : « Il n’est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. »).

Pour essayer de comprendre pourquoi son frère a manqué de tuer un homme, Jack va devoir essayer de penser comme lui et démêler un faisceau d’indices et de soupçons autour de ces trois victimes et d’autres morts violentes d’adolescentes survenues à Jasperville ou dans ses environs.

Avec ce roman R.J. Ellory confirme – si quelqu’un en doutait encore – qu’il est une grande plume du roman noir. Un talent qu’il met au service d’une intrigue qui s’articule autour de l’histoire de la famille Devereaux. Une intrigue qui va confronter Jack à une double quête, d’abord celle de la vérité autour de cette série de meurtres, mais aussi et surtout celle de la rédemption personnelle et du pardon pour ceux qu’il a fait souffrir en fuyant Jasperville.

Une intrigue dans laquelle l’obsession de Calvis, le frère de Jack, pour cette série de crimes jamais élucidés et l’amalgame autour d’une vieille légende indienne va inexorablement faire dériver son esprit vers la folie… jusqu’à commettre l’irréparable.

Comme souvent avec l’auteur, le capital humain tient une place de premier choix dans ce roman. À commencer bien sûr par le personnage de Jack / Jacques, archétype de l’anti-héros qui cache, tant bien que mal, ses faiblesses derrière une façade d’indifférence. Un solitaire qui fuit les sentiments parce que c’est plus facile que de courir le risque de souffrir.

Les personnages secondaires ne sont pas uniquement des faire-valoir, chacun apporte sa pierre à l’édifice. Mention spéciale bien entendu à Carine, le premier – et sans doute le seul – véritable amour de Jacques.

Petit clin d’œil à un enquêteur de Labrador City nommé Yvan Fauth, un nom qui n’est pas inconnu à la blogosphère bouquinesque puisqu’il s’agit de l’ami Gruz du blog EmOtionS.

Le côté strictement policier de l’intrigue (l’enquête de Jack) passerait presque au second plan mais R.J. Ellory accorde aussi un traitement en profondeur de cet aspect du roman. Je reconnais humblement que je ne m’attendais pas du tout à cet ultime revirement.

Incontestablement cette année 2023 a tout d’un grand cru pour R.J. Ellory, pour notre plus grand plaisir.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Collectif – 22 V’là Les Flics !

AU MENU DU JOUR


Titre :  22 V’là Les Flics !
Auteur : Collectif
Éditeur : Lajouanie
Parution : 2022
Origine : France
444 pages

De quoi ça cause ?

21 auteurs qui ont été ou sont encore flics se livrent à l’exercice de la nouvelle pour mettre en avant leur métier. Mais pas que… le fil rouge de ces nouvelles est l’enfance.

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Comment résister à un recueil de nouvelles policières écrites par ceux qui peuvent en parler le mieux ?

Pour la beauté du geste : pour chaque exemplaire acheté, 1.50 € seront reversés aux orphelins de la police.

Ma Chronique

Ils sont venus ils sont tous là… Non Charles, ils ne sont pas tous là mais ils sont quand même 21. Si l’on ajoute la brillante et touchante préface signée Oliver Marchal, ce sont 22 auteurs, flics ou ex-flics, qui ont répondu à l’invitation des éditions Lajouanie.

En faisant cohabiter enfance et police deux schémas se dessinent, soit l’enfant est victime, soit notre chère petite tête blonde n’est pas si innocente que ça. Un raccourci un peu rapide je le reconnais volontiers, ce serait sans compter sur le talent et l’imagination des auteurs pour nous surprendre. Après tout la collection polar des éditions Lajouanie s’appelle bien Romans policiers mais pas que

Parmi les auteurs qui ont participé à ce recueil il y en a que je connais pour avoir lu un ou plusieurs de leurs romans (Sacha Erbel, Didier Fossey et Christophe Guillaumot), d’autres que je connais uniquement de nom (Christophe Gavat, Jean-François Pasque, Pierre Pouchairet, Jean-Marc Souvira, Danielle Thiéry et Ivan Zinberg), et les derniers que j’aurai le plaisir de découvrir.

Des nouvelles qui flirtent allégrement avec le noir, survolant les multiples abjections dont l’être (in)humain peut être capable. Selon les auteurs l’aspect strictement policier sera plus ou moins (voire pas du tout) présent, mais le thème de l’enfance demeurera le fil rouge. De nombreuses thématiques d’actualité seront abordées de façon plus ou moins approfondies mais toujours parfaitement intégrées au récit.

Des nouvelles qui sont aussi l’occasion d’aborder les nombreuses problématiques avec lesquelles les policiers doivent composer tant bien que mal : lourdeurs des procédures administratives, budgets toujours revus à la baisse qui engendrent à la fois sous-effectif et surcharge de travail… avec les conséquences, parfois dramatiques, qui peuvent en découler.

Je ne m’étendrai pas sur chacune des nouvelles composant le présent recueil, en lieu et place je vais les lister en leur attribuant une note (basée sur un ressenti purement personnel) sur 5.

  • Jean-Marc Bloch – La Mouette : 3
  • Olivier Damien – Ruben : 5
  • Eric Dupuis – Une Si Belle Journée : 3.5
  • Sacha Erbel – La Petite : 4
  • Didier Fossey – Zippo : 5
  • Christophe Gavat – Entre Deux Tours : 5
  • Christophe Guillaumot – En Lettres Dorées : 3.5
  • Frank Klarczyk – V.I.F. : 5
  • François Lange – Sur Un Air De Guitare : 3
  • Rémy Lasource – L’Obscurité Dans Nos Cœurs : 3
  • Paul Merault – Nous Pensons, Donc Nous Sommes : 5
  • Patrick Nieto – Si J’Avais Su : 5
  • Eric Oliva – Briser Les Verrous De Ma Mémoire : 5
  • Lionel Olivier – La Nuit Porte Conseil : 5
  • Jean-François Pasques – Qu’Est-Ce Que Je Vais Bien Pouvoir Dire Aux Enfants ? : 4
  • Pierre Pouchairet – Devenir Une Tueuse : 3
  • Jean-Marc Souvira – Men-Tensel : 2.5
  • Danielle Thiéry – Le Poids Des Mots : 3.5
  • Emmanuel Varle – Engrenage : 3
  • Luc Watteau – Cosette Au Coin Du Feu : 4
  • Ivan Zinberg – Quand Je Serai Grand : 5

Comme vous pouvez le constater les nouvelles sont classées par tri alphabétique sur le nom de leur auteur. Un ressenti inégal – comme souvent dans ce genre de recueil – qui, je le répète, n’engage que moi. Il n’en reste pas moins que le recueil s’en tire avec la très honorable moyenne de 4. Que j’augmente avec plaisir d’un demi-point pour saluer l’initiative de ce recueil et le reversement de 1,5 € aux orphelins de la police.

Je terminerai cette chronique avec un extrait de la préface d’Olivier Marchal, tout simplement parce que j’aurai été bien incapable de trouver des mots plus justes pour dire merci à ces flics… ceux qui ont contribué à ce recueil bien sûr, mais aussi à tous les autres, qui ont servi ou servent encore au sein des forces de police :

« Pour rendre hommage à tous ces flics tombés dans la rue pour « servir et protéger ». Tous ces flics oubliés, morts dans l’indifférence générale.
Un discours vite envoyé.
Une cérémonie bidon.
Les larmes sincères des collègues.
Et des enfants qui restent sans papa ou maman.
Les héros ne meurent que sur les champs de bataille. Les héros, ce sont eux. Des flics anonymes morts en faisant leur devoir.
Avec des enfants qui restent en retenant leur colère et leurs larmes…
Merci à tous ces flics qui font ce métier difficile et incompris. »

MON VERDICT