[BOUQUINS] Joshua Hale Fialkov & Noel Tuazon – Caboche

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Titre : Caboche
Scénario : Joshua Hale Fialkov
Dessin : Noel Tuazon
Éditeur : Sonatine
Parution : 2022
Origine : États-Unis (2009)
246 pages

De quoi ça cause ?

Frank Armstrong, un détective privé désabusé, vient d’être diagnostiqué d’une tumeur cérébrale en phase terminale. Il va malgré tout décider d’enquête sur la disparition de la fille d’un caïd de la pègre…

Ma Chronique

L’aventure Caboche commence en 2009 sur Kindle, les auteurs décident de publier leur histoire sous forme de roman feuilleton en huit épisodes. L’édition papier, préfacée par Duane Swierczynski et augmentée de quelques bonus fournis par Joshua Hale Fialkov, suivra l’année suivante. C’est cette édition que Sonatine nous propose de découvrir en version française.

Après l’excellent Accident De Chasse de David L. Carlson et Landis Blair, c’est la seconde incursion des éditions Sonatine dans l’univers graphique. Fidèle à sa réputation, l’éditeur vise juste avec un roman graphique qui sublime les règles du noir et va vous en mettre plein les mirettes.

De prime abord l’intrigue peut paraître relativement classique : un détective privé de seconde zone embauché par un caïd de la pègre pour retrouver sa fille… pas besoin de sortir de la cuisse de Jupiter pour soupçonner que c’est n’est pas une histoire d’amour paternel qui motive la requête du mafieux.

Mais une saloperie de tumeur va complétement rebattre les cartes. Frank Armstrong est en effet condamné à court terme par une tumeur au cerveau en phase terminale. Tumeur qui provoque des absences qui renvoient à Frank des images de son passé. Si passé et présent vont parfois s’embrouiller dans l’esprit de Frank, ça va aussi être un déclencheur : pas question qu’il fasse deux fois la même erreur !

Une intrigue noire à souhait menée tambour battant, véritable course contre la montre et contre la mort dans les rues de Los Angeles.

Une narration à la première personne portée par Frank Armstrong. Si au départ ça peut sembler un peu chaotique, on s’aperçoit rapidement qu’il y a certaine logique dans cet embrouillamini. Le passé va venir se mettre au service du présent… et peut-être permettre à Frank de trouver une forme de rédemption avant que ne sonne le glas.

Dans le même ordre d’idée le trait de Noel Tuazon peut sembler minimaliste, mais cet aspect brut de décoffrage, presque grossier, colle parfaitement à la narration. L’application d’un lavis pour distinguer les flashbacks de l’intrigue présente est un excellent choix qui vient renforcer le côté embrumé de l’esprit de Frank ; surtout quand les deux techniques se superposent dans une même case.

Le roman est agrémenté de quelques bonus qui viendront prolonger l’expérience Caboche : un extrait du pitch original, un carnet de croquis, un entretien et divers textes de Joshua Hale Fialkov, dont une nouvelle qui reprend un épisode abordé dans le roman.

Si vous êtes amateur de roman noir, je vous invite à vous ruer sur ce roman graphique, c’est la garantie d’une expérience narrative et visuelle qui ne vous laissera pas indifférent.

MON VERDICT

[BOUQUINS] Umberto Eco – Le Nom De La Rose (édition augmentée)

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Titre : Le Nom de La Rose (édition augmentée)
Auteur : Umberto Eco
Éditeur : Grasset
Parution : 1982
Réédition : 2022 – Edition augmentée 40ème anniversaire
Origine : Italie
640 pages

De quoi ça cause ?

Italie, 1327. Guillaume de Baskerville et son apprenti Adso de Melk arrivent dans une abbaye où doit se dérouler une importante rencontre entre les émissaires du pape et ceux de l’empereur.

L’abbé Abbon, le maître des lieux, informe Guillaume de Baskerville qu’un moine a été retrouvé mort la veille. Il lui demande d’enquêter sur ce crime afin de ne pas compromettre les négociations à venir et la réputation de l’abbaye.

Toutes les pistes semblent converger vers la bibliothèque de l’abbaye, un lieu chargé de mystères et de savoirs. Mais l’accès à la bibliothèque est exclusivement réservé au bibliothécaire et à son second…

Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?

Parce que ça fait des années que j’essaye de me convaincre de lire Le Nom De La Rose. Ayant vu et revu le film de Jean-Jacques Annaud, je voulais découvrir sa source… mais la chose n’est pas facile d’accès et demande un réel investissement personnel.

Ma Chronique

Je remercie les éditions Grasset et la plateforme Net Galley pour l’envoi de ce roman dans une version augmentée spéciale quarantième anniversaire.

Ça doit être la troisième fois que je m’attaque à ce bouquin, les deux essais précédents ayant lamentablement échoués, le roman me tombait littéralement des mains. Comme je n’ai pas envie de fracasser ma liseuse je décide de lui donner une nouvelle chance avec cette édition augmentée.

Le texte à proprement parler est celui de l’édition 2012 du roman. Edition dans laquelle Umberto Eco corrige quelques erreurs de traductions de ses sources médiévales. Mais surtout l’écriture est réagencée afin d’éviter les innombrables notes de bas de page (notamment au niveau des citations latines).

La vraie fausse préface de l’Abbé Vallet (le traducteur du manuscrit d’Adso de Melk, qui est le corps du roman) est d’un intérêt très limité et flirte avec l’imbuvable tant ces quelques pages sont chiantes à lire. Lors de ma première tentative de lecture j’ai renoncé avant même de terminer cette préface. Pour ma seconde tentative je l’ai purement et simplement zappée. Pour cette troisième fois – qui fut la bonne comme le prouve la présente chronique – j’ai opté pour un juste milieu en la survolant en diagonale.

Soit dit en passant j’ai aussi opté pour la diagonalisation de certains passages du récit ou de certaines descriptions. Le droit de sauter des pages (lire en diagonale en l’occurrence) faisant partie, selon Daniel Pennac, des droits imprescriptibles du lecteur (cités dans son essai Comme Un Roman), il eut été dommage de s’en priver.

Le texte est donc rédigé à la première personne, c’est la traduction d’un manuscrit écrit par Adso, bien des années plus tard, dans lequel il relate ces quelques jours éprouvants passés à l’abbaye.

Malgré quelques longues digressions l’intrigue est captivante de bout en bout, surtout le cheminement intellectuel de Guillaume de Baskerville pour découvrir la vérité et décrypter les nombreux mystères qui entourent cette bibliothèque et cette série de crimes.

Bien que l’intrigue se déroule au cours d’années troubles pour la chrétienté, j’avoue que le contexte historico-religieux m’a laissé de marbre. J’ai saisi les grandes lignes et diagonalisé le reste. Il n’en reste pas moins évident que l’auteur a dû se livrer à un sacré travail de recherche et de documentation pour définir le cadre de son roman.

Le roman brille par la qualité de son écriture, mais c’est une qualité qui se mérite et qui demande un réel investissement personnel pour être pleinement appréciée. N’imaginez pas prendre le roman un soir d’insomnie dans l’idée de le dévorer d’une traite. Ça se déguste avec parcimonie, sans gloutonnerie.

Le roman est complété d’un Apostille (déjà présent dans la réédition de 2012) dans lequel Umberto Eco nous ouvre les coulisses de son roman. On s’en doutait un peu, le roman n’est pas l’aboutissement de quelques jours de travail…

Enfin un carnet de de notes et de dessins de l’auteur clôt la présente édition. Outre le fait d’avoir dû reprendre la mise en page pour améliorer la lisibilité du truc, ils m’auront été forts utiles pour mieux appréhender le fonctionnement du labyrinthe que constitue la bibliothèque.

Franchement le roman mérite que l’on passe l’écueil des 100 premières pages, écueil volontairement instauré par Umberto Eco comme il le reconnaît dans son apostille ; le but avoué étant clairement de filtrer les lecteurs. Lu comme ça on pourrait penser que le gars a un ego surdimensionné, mais son explication tient la route.

Incontestablement le roman d’Umberto Eco est bien plus dense et complexe que le film de Jean-Jacques Annaud, certains passages-clés du roman sont purement et simplement impossible à transposer à l’écran. Le réalisateur lui-même ne parle pas d’une adaptation du roman d’Umberto Eco, il qualifie son film de « palimpseste du roman de Umberto Eco » (cf. le générique du film). Le roman est aussi beaucoup plus sombre et pessimiste que le film.

Inévitablement le fait de connaître l’identité de celui qui se cache derrière cette séries de morts mystérieuses gâche une partie du plaisir, mais cela ne m’aura pas empêché d’apprécier l’infinie richesse de ce bouquin (malgré mes quelques diagonalisations)

MON VERDICT